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Élément Terre

Author: FRANCE 24

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Ouvrons les yeux sur le monde qui nous entoure ! Aidés par une équipe de graphistes, nous dépoussiérons et décortiquons les grands thèmes qui font l'environnement aujourd'hui. Le samedi à 19 h 15.

50 Episodes
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La Catalogne vit la pire sécheresse continue de son histoire. En 2023, les restrictions d’eau dans la région étaient de 50 % pour tous les agriculteurs, premières victimes de la région. Cette année, elles grimpent à 80 %. Intenable pour la plupart d'entre eux. Ils dénoncent un gouvernement pro industrie du tourisme, qui a manqué d'anticipation.  À voir aussiBarcelone : le tabou du manque d'eau
En Espagne, la Catalogne est toujours en état d'urgence, confrontée à la pire sécheresse depuis 110 ans. Dans certaines zones, il n'a pas plu depuis plus depuis trois ans. Les restrictions d'eau ont été étendues à six millions d’habitants, soit 92 % de la population. Les entreprises et les agriculteurs ont également reçu l'ordre de réduire drastiquement leur consommation d’eau. L'industrie du tourisme est sous le feu des critiques, accusée de ne pas faire sa part pour limiter la consommation d'eau. À voir aussiCatalogne : des paysans ne peuvent plus semer 
Enfouir nos émissions industrielles dans les profondeurs des sous-sols marins serait la solution miracle pour freiner le réchauffement climatique. En tous cas, c'est ce que la Norvège, qui finalise la construction de la première installation transfrontalière de stockage de carbone au monde, garantit. Suffisant pour réduire les émissions mondiales, ou simple opération d'écoblanchiment pour prolonger encore plus l’utilisation de nos énergies fossiles ? Piéger le CO2 dans les cheminées des cimenteriesÀ l'échelle mondiale, la fabrication de ciment représente 7 % des émissions de gaz à effets de serre, soit trois fois plus que l'ensemble des vols commerciaux de la planète – qui représentent quelque 2,5 % de l'émission mondiale de CO2. C'est pourquoi l'usine Heidelberg de Brevik, en Norvège, prévoit de faire appel au projet Northern Lights pour capturer 50 % du CO2 émis par ses cheminées et le stocker. Le gaz sera isolé du reste des émissions, puis refroidi et liquéfié avant d'être expédié par navires spéciaux à l’ouest de la Norvège.La séparation du CO2 des autres gaz résiduels est coûteuse et énergivore, mais le dispositif de capture recyclera également la chaleur de la cimenterie de Brevik. La production de ciment est notoirement difficile à décarboner, et l'installation ne peut actuellement réduire ses émissions que d'un tiers via d'autres moyens. Pour réduire de moitié son bilan carbone, la capture et le stockage du carbone (CSC) sont les seuls moyens à disposition du cimentier.La dernière demeure du CO2Les bateaux débarqueront sur la jetée de la plateforme créée par Northern Lights à Øygarden, où un ensemble de pompes déchargera le CO2 liquéfié dans les cuves du terminal. De là, un gazoduc l'acheminera à 100 kilomètres des côtes, où il sera injecté à 2 600 mètres de fond, dans les profondeurs de la croûte terrestre.L'aquifère sous-marin stockera ainsi jusqu'à 1,5 million de tonnes par an dans sa première phase, l'objectif étant de passer à 5 millions de tonnes par an à horizon 2030. Les clients ne manquent pas : outre le cimentier Heidelberg Materials, le géant néerlandais des engrais Yara et l’une des principales entreprises du secteur énergétique ont déjà signé des contrats pour enfouir 1,23 million de tonnes de CO2 par an.Børre Jacobsen, directeur général de Northern Lights, estime que si la demande augmente suffisamment dans les années à venir, des pipelines pourraient voir le jour dans toute l'Europe pour transporter le carbone des complexes industriels directement vers des installations comme celle-ci. En France, Dunkerque et Fos-sur-Mer, deux zones portuaires représentant près de la moitié des émissions industrielles de CO2, vont d’ailleurs bénéficier d’une dotation de 17 millions d’euros dans le cadre du plan d’investissement France 2030. L’objectif est de concevoir de nouveaux modes de production et de captation du CO2.Une vache à lait pour les géants du pétrole et du gazLe gouvernement a financé ce projet à hauteur de 80 %, mais ce sont Total, Shell et Equinor qui le mettent en œuvre. Forage de puits, transport de gaz liquéfié, construction de gazoducs... Il s'agit de la même technologie que pour l'extraction du pétrole et du gaz, car les compagnies pétrolières injectent du CO2 dans les puits depuis les années 1950 pour extraire davantage de pétrole des gisements vieillissants.Est-il judicieux de placer l'industrie fossile au cœur de la solution climatique ?La Norvège : État pétrolier aujourd’hui, géant du stockage demainLes ambitions norvégiennes dans le domaine de la capture et stockage de carbone sont encore balbutiantes. Le ministre du commerce et de l'industrie, Jan Christian Vestre, a dores et déjà annoncé à France 24 une capacité nationale de stockage du carbone de 40 millions de tonnes par an d'ici à 2030.Il ajoute que la Norvège sera le leader de l'UE en termes de stockage de CO2, vantant les décennies d'expérience de son pays dans l’extraction fossile .Un exercice d’écoblanchiment ?Mais n’est-ce pas une manière de contourner l’urgence climatique ? Est-ce que les grands pollueurs ne donnent pas d'une main ce qu'ils reprennent de l'autre ? Capter et stocker le CO2 tout en intensifiant les pratiques à fortes émissions qui sont à l’origine de la crise actuelle ?Silje Lundberg, de l'ONG Oil Change International, condamne le projet comme un acte de Greenwashing : "Le fait que Total, Equinor et Shell soient ceux qui financent ce projet montre qu'ils l'utilisent comme un moyen de prolonger l'industrie au lieu de chercher de vraies solutions."
Construit pour l’exposition universelle de 1900, le métro parisien est l'un des symboles de la capitale française. Chaque jour, plus de quatre millions de passagers s’y engouffrent, et pourtant peu savent que c’est l’endroit où l’on respire l’air le plus toxique de Paris. De minuscules éléments en suspension dans l’air, les particules fines, en sont les principales responsables. Invisibles à l’œil nu, elles mesurent moins de 10 micromètres – elles sont donc plus minuscules encore qu’un grain de sable, plus fines que le diamètre d’un cheveu.Une partie du problème vient du fait que l’air pollué de la surface pénètre dans le réseau souterrain. S’y ajoutent d'infimes particules métalliques issues de l’usure du matériel ferroviaire : les freins, mais aussi les frottements entre les roues et les rails. Tout cela dans un espace confiné et peu ventilé. D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire, les niveaux de particules toxiques dans le métro parisien sont au moins trois fois plus élevés qu’à l'extérieur.Faute d'études sanitaires sur le sujet, il n’existe aucune norme européenne ou internationale concernant la qualité de l’air dans les enceintes ferroviaires. En revanche, il a été démontré que les particules fines présentes dans l'air peuvent pénétrer profondément dans les voies respiratoires et être associées à de multiples problèmes de santé, tels que l'asthme et les maladies cardiovasculaires.
Là où plus aucune vie ne semble possible, certaines plantes font preuve d’une résilience étonnante. Sur des sols industriels contaminés par des substances toxiques, ces plantes sont capables de les absorber et de les stocker dans leurs tiges et leurs feuilles. L’équipe d'"Élément Terre" est allée à la rencontre des scientifiques qui commencent à percer leurs secrets.  Les plantes ont une capacité étonnante à renaître sur des sols pollués. Elles peuvent même aller plus loin en les décontaminant. Certaines d'entre elles ont en effet des propriétés anti-pollution efficaces sur les métaux toxiques, le pétrole, les pesticides, et même les éléments radioactifs.Comment ça marche ?Chaque espèce de plantes a sa propre stratégie pour dépolluer les sols. Certaines plantes absorbent les polluants du sol et les accumulent dans les tiges et dans les feuilles. Elles seront ensuite fauchées et détruites.D’autres plantes les séquestrent dans les racines pour les empêcher de remonter à la surface. Sans contact avec l’air ou l’eau, les nappes phréatiques et la chaîne alimentaire sont ainsi préservées. Certaines autres plantes les dégradent en composants moins toxiques.Laisser les plantes faire “le sale boulot” intéresse de plus en plus de municipalités dans le monde. En France, près de 90 % des villes de plus 50 000 habitants ont des sols dont la pollution dépasse les niveaux de sécurité.À voir aussiÀ Lisbonne, les plantes autochtones au secours du "poumon vert" de la villeUtiliser la flore pour dépolluer peut être jusqu’à cent fois moins cher qu’excaver la terre contaminée et la stocker. Et contrairement aux traitements chimiques, c’est adapté aux grandes surfaces de plusieurs dizaines d’hectares.Si les plantes ont le pouvoir de soigner les sols pollués, il s'agit d'un processus lent. Les scientifiques veulent aller plus loin et développer tout le potentiel du végétal dépollueur.Remerciements au GIFSI (Groupement d'intérêt scientifique sur les friches industrielles) – Université de Lorraine
Un an après des incendies historiques en Gironde, la forêt de la Teste-de-Buch fait face à une nouvelle hécatombe. Le scolyte, petit coléoptère qui se nourrit de la sève des arbres, s’attaque aux survivants, affaiblis par la catastrophe. C’est la double peine pour les propriétaires forestiers, alors qu’une course contre la montre est enclenchée pour sauver ce qui reste. Notre équipe s’est rendue au cœur de l’épidémie de scolyte, là où les flammes ont ravagé plus de 3 500 hectares, dans la forêt usagère de la Teste-de-Buch. Des abatteuses débitent sans relâche des arbres avec un double objectif : valoriser le bois brûlé et limiter l’attaque de cet insecte volant, capable de coloniser des arbres dans un rayon de 10 à 20 kilomètres. Et il y a urgence, les services de l'État faisant face à un risque de propagation vers des forêts voisines, dans le bassin d’Arcachon. Des coupes sanitaires ciblées ont déjà débuté dans des foyers naissants, mais pour certains scientifiques, le mal est déjà fait. Le scolyte, grand bénéficiaire du réchauffement climatique, est actuellement au début de sa quatrième génération successive. Pour l'instant, les grandes étendues de monoculture de pins, moteur économique de la région, ne sont pas encore touchées. Mais l’industrie sylvicole se prépare dès à présent à faire face au petit insecte. 
En août, un éboulement massif a coupé la circulation entre la France et l’Italie, dans la vallée de la Maurienne. Au total, 16 000 mètres cube de roches ont atteint trois infrastructures : la voie ferroviaire, la route départementale et l'autoroute. Les images, spectaculaires, deviennent presque habituelles. Dans les Alpes, les canicules et le dérèglement climatique changent le visage de la montagne. Dangereuse, fragilisée, elle devient imprévisible.   Notre équipe s'est rendue au plus près de l'éboulement avec Anne Lescurier, responsable du service risques naturels du département de Savoie. “Il faut imaginer une avalanche de cailloux, pas une pluie, mais une avalanche de cailloux de toutes les tailles et qui vont générer énormément de poussière”, décrit-elle, casque sur la tête et gilet de protection sur les épaules.Aujourd’hui, la falaise est toujours sous surveillance. Environ 5 000 mètres cube de roches doivent encore tomber. Des géologues, encordés, descendent en rappel pour prendre des mesures et apprécier les risques de départ. Ils doivent notamment déterminer sous quel angle la falaise peut être minée. Ce site est le plus impressionnant, mais il est loin d’être le seul. “On peut le lier au changement climatique. D’autres vous diront que non, que c'est la falaise ou la montagne qui vieillissent. Mais clairement, nous notons une recrudescence d'événements majeurs depuis 2015”, explique la géologue.À lire aussiLes forêts françaises à bout de souffle ?Dans le même temps, un autre phénomène inquiète tout autant : la fonte du pergélisol ou permafrost. À d’autres altitudes, au-delà de 2 400 mètres, cette couche gelée en permanence agit comme un ciment et maintient les roches entre elles. Mais lorsqu’il fait très chaud, le pergélisol fond et des pans entiers de roche se détachent. Le phénomène s'accélère. En 2022, on a compté 250 éboulements dans le seul massif du Mont-Blanc. Depuis les années 70, leur nombre a été multiplié par dix.Les scientifiques auscultent donc la montagne pour tenter de prévoir ces événements dans des secteurs pourtant tellement vastes, qu’il est difficile de tout surveiller.
Les arbres sont des alliés cruciaux pour le climat. En poussant, ils absorbent du CO2 que nous émettons. Mais pour combien de temps encore ? Les conditions climatiques extrêmes accélèrent leur déclin et les forêts perdent leur capacité à agir comme des puits de carbone. En France, certaines sont même devenues des sources de carbone. Dans cette édition d’Élement Terre, rencontre avec des scientifiques qui scrutent et évaluent les facteurs de ce déclin. Les forêts traversent une "crise sylvosanitaire", explique Nathalie Breda, de l'Institut national de la recherche agronomique. "Les épisodes climatiques que nous venons de traverser provoquent un dysfonctionnement qui va durer plusieurs années", prévient la chercheuse.Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 31 millions de tonnes d'équivalent CO2 ont été captées par les forêts françaises en 2021. C’était 60 millions il y a dix ans. Le premier puit de carbone du pays a perdu la moitié de sa capacité de stockage en une décennie. Même si l'exploitation forestière a légèrement augmenté, diminuant ainsi la quantité d'arbres disponibles, le rôle joué par le changement climatique est indéniable, affirment les scientifiques. Les arbres meurent à un rythme alarmant à cause des sécheresses, des incendies et des maladies. La mortalité a augmenté de 54 %, selon des données récentes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).Et cela pose un problème de fond : la France ne peut plus compter seulement sur les forêts pour freiner ou annuler ses émissions de gaz à effet de serre. "Les puits de carbone forestiers sont menacés", prévient Benjamin Piton, directeur adjoint de l'IGN. "Ça signifie qu’il faut être prudents sur nos espoirs pour que la forêt compense nos émissions. Croire qu’elle stocke assez de CO2 pour qu'on puisse continuer à en émettre plus, ce ne serait pas la bonne solution."Dans ces conditions, comment atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 sans un plan drastique pour sauver les forêts ?
L'urbanisation s'accélère, entraînant la destruction d'espaces naturels. Ces derniers sont pourtant indispensables à notre bien-être et à notre survie. Comment réconcilier nature et ville ? “Élément Terre” s’intéresse aux nouveaux modèles d'aménagement du territoire, plus respectueux de l'environnement.  À 25 kilomètres au sud-ouest de Paris, l'urbanisation se développe à un rythme effréné. Gares, logements, universités et grandes écoles s'installent dans la région, modifiant le paysage. Cette urbanisation inquiète certains habitants, qui se mobilisent contre la construction d'un métro, qui passera bientôt à travers champs. Selon Isabelle Goldringer, chercheuse à l'INRAE et membre du Collectif contre la ligne 18, ces terres sont d'une grande qualité. "Ce sont des terres profondes et fertiles qui permettent aux agriculteurs d'obtenir des rendements parmi les meilleurs de France et d'Europe du Nord", explique-t-elle. Les militants avaient installé une ZAD, zone à défendre, pour protester contre le projet. Elle a été démontée depuis. "C'est le cheval de Troie de l'urbanisation", estime Isabelle Goldringer. "Cette ligne rentre dans les champs. Elle les coupe en deux et va amener avec elle une urbanisation grandissante." ZAN, zéro artificialisation nette Ce cas est un exemple parmi d’autres de l’accélération de l'urbanisation au détriment de la nature, notamment en Europe. En France, par exemple, 20 000 hectares de terres ont été artificialisées en 10 ans (2006-2017). À ce rythme, l'étalement urbain pourrait grignoter l'équivalent de 30 fois la surface de Paris d'ici 2030, soit 280 000 hectares. Ces terres sont pourtant essentielles à la biodiversité, protègent contre l'érosion et sont de vrais puits de carbone. Selon les scientifiques, l'artificialisation est l’un des principaux facteurs du changement climatique et de la perte de biodiversité.  Pour limiter l'artificialisation, la France a adopté l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d'ici 2050. Cela signifie que pour chaque hectare de terre artificialisé, un hectare doit être restauré. Les villes doivent donc trouver un équilibre entre croissance économique et protection de l'environnement.  Le secteur du BTP impacté À Heudebouville, près de Rouen, en Normandie, le chantier d'un nouveau quartier est en cours de finition. Les ouvriers s'affairent à poser les dernières pierres des maisons, pendant que d’autres tondent la pelouse autour des futurs arbres fruitiers. "Ici, c'est l'exemple type d'une urbanisation vertueuse", promet François Rieussec, président de l'Union Nationale des Aménageurs. "On a artificialisé d’un côté, certes, parce qu’on a effectivement mis du goudron et un sol bâti, mais par ailleurs, on a un sol naturel qui est conservé et amélioré. La canopée sera de plus de 50 %, soit une température de moins 6 °C à moins 8 °C l’été. Il y aura également de l’agriculture urbaine à travers un verger. Et donc, on a un bilan avant après qui est meilleur." Cependant, François Rieussec regrette que la loi ZAN ne tienne pas compte de la performance environnementale des projets. D’autant que la France a besoin de 400 000 logements neufs par an, souligne-t-il, ce qui va mécaniquement faire monter les prix du foncier. Une mauvaise affaire pour le secteur du BTP, dont le développement est freiné par cette loi de protection de la nature et de la biodiversité. Le sol, un allié à préserver Pendant longtemps, les villes ont considéré les sols comme un simple support pour la construction. Mais aujourd'hui, elles commencent à s'intéresser à leurs qualités. Le Cerema, un organisme public, accompagne les territoires et les acteurs du bâtiment pour penser et mettre en œuvre la construction neuve et le bâti existant, en lien avec les objectifs de transition écologique.  Sur le terrain pilote de Trappes, dans les Yvelines Philippe Branchu, chercheur eau et sols au Cerema, ausculte la terre, au fond d’un trou de deux mètres de profondeur. "Nous, on milite pour que le sol soit de plus en plus considéré", explique-t-il. "L’objectif est de faire comprendre et de faire prendre conscience aux citoyens, mais aussi aux élus, que les sols ont une qualité et qu’il faut qu’ils soient préservés et gérés." Sur la zone test, deux fosses ont été creusées : l'une dans un environnement naturel, l'autre goudronnée. Le résultat est clair : "Quand on a un sol imperméabilisé par la création, par exemple, d’un trottoir ou d’une route, on a enlevé toute une partie du sol pour ramener des matériaux qui n’ont rien à faire dans un sol, c’est-à-dire de grosses pierres, du sable, de l’enrobé et qui vont arriver à sceller le sol, qui ne peut plus respirer. La vie ne peut donc plus s’y développer", constate le chercheur. L’idée derrière tout cela est de montrer qu’il n’y a pas un sol, mais des sols. Certains sont déjà dégradés, on peut donc construire dessus. En revanche, d’autres, en bonne santé, sont à préserver. Bétonner moins, construire mieux Stéphane Raffalli, maire de Ris-Orangis, une ville de 30 000 habitants en région parisienne, veut montrer qu'il est possible de construire sans bétonner inconsidérément. La ville a décidé de se servir des sols pour construire de nouveaux logements, tout en préservant les sols. Un exemple concret de cette politique est l'éco-quartier construit sur une ancienne friche militaire. La terre était déjà artificialisée, le quartier a donc été simplement transformé. Aujourd’hui, les 2 500 habitants ont investi les lieux, d’anciens bâtiments en brique, industriels. Les terres agricoles de la commune sont donc préservées, notamment les jardins familiaux : 250 parcelles sur sept hectares pour faire revenir la nature en ville. Une politique innovante, même si Stéphane Raffalli est partagé sur la loi ZAN. "Beaucoup d’élus ont le vertige depuis la loi climat résilience pour une raison assez simple : le ZAN n’est pas financé", relate-t-il. "Si nous avions soit des subventions, soit une fiscalité dédiée au ZAN, alors il est probable que les élus respecteraient sans difficulté cette trajectoire écologique".
Souvent confondues avec les algues, les herbiers de posidonie sont des plantes cruciales pour notre planète, à la fois capables de produire de l'oxygène et d'absorber du carbone. Elles sont menacées, notamment en mer Méditerranée où les scientifiques estiment que 14 % des herbiers ont disparu au cours des 100 dernières années. L’urbanisation, le tourisme, les ancres de bateaux et la pollution sont à l'origine du déclin rapide de cette plante que certaines communes ont commencé à protéger. Les ancres des bateaux sont dans le viseur des biologistes. Par une journée d'été radieuse, une nuée de bateaux mouillent entre les îles de Lérins, au large de Cannes. Pour Samuel Jeglot, biologiste marin, c'est l'exemple même du tourisme de masse poussé à son paroxysme. Un "bateau pizza" s'arrête pour distribuer des menus - la cuisine est installée sur un catamaran à quelques mètres de là. Un bateau "cocktail" prépare des boissons à bord. Plusieurs centaines de bateaux peuvent s'y retrouver à la fois, explique Samuel Jeglot, cofondateur de NaturDive, une ONG de protection des océans. Le problème, c'est qu'il y a juste en dessous un dense herbier de posidonie. "Les bateaux jettent l'ancre ici", explique M. Jeglot. Et chaque fois qu'ils la remontent, les herbiers sont potentiellement cassés, arrachés et détruits.Des plantes arrachées par les ancresLes herbiers marins constituent un des écosystèmes les plus répandus sur Terre, présents dans 159 pays. La mer Méditerranée abrite toutefois la plus ancienne espèce de ce type, Posidonia Oceanica ou herbe de Neptune. Les prairies sous-marines ont longtemps été éclipsées par d'autres formes de vie marine plus colorées. Mais leur rôle est tout aussi vital, si ce n'est plus.Surnommées "les poumons de la Méditerranée", car leurs longues feuilles produisent de grandes quantités d'oxygène, elles absorbent le dioxyde de carbone de l'atmosphère. Un hectare de posidonie peut stocker 15 fois plus de carbone qu'un hectare de forêt amazonienne.Leur rôle de puits de carbone est également menacé, avertit la biologiste marine Heike Molenaar, qui étudie la posidonie depuis plus de 30 ans. "Une ancre qui va tomber dans un herbier de Posidonie va arracher la plante. Ce qui va relarguer le carbone dans le milieu pendant qu’elle va se décomposer au fond de la mer", explique-t-elle.Un écosystème vital méconnuCette plante agit également comme un rempart contre l'érosion. Pendant l'hiver, les posidonies perdent une partie de leurs feuilles, dont certaines s'échouent sur la plage, formant d'épaisses couches brunes, des "banquettes" de posidonie. Elles constituent un écosystème à part entière, abri pour les crustacés et les insectes. En cas de tempête, ces banquettes forment une digue naturelle.Au cœur de l'été, on les voit, semblables à des confettis, éparpillées sur la plage. Et cette présence ne plaît pas à tout le monde. "La posidonie est encore aujourd’hui considérée comme un déchet", explique Clélia Moussay, qui travaille pour la mairie du Lavandou, une commune prisée des touristes pour ses eaux cristallines et ses petites criques.Contrairement à d'autres villes qui enlèvent la posidonie des plages avant l'été, le Lavandou a fait le choix de les laisser en l'état. Mais il n'est pas toujours facile de rester sur ce chemin vertueux, explique Clélia Moussay. La municipalité a reçu des plaintes de plagistes et de touristes exigeant que les herbes soient enlevées.Inverser le déclin Officiellement, la posidonie bénéficie d'un statut d'espèce protégée en France et dans une grande partie de la Méditerranée. Si peu de mesures sont prises pour le faire respecter, quelques initiatives voient le jour pour inverser le déclin rapide des herbiers. Depuis 2020, la France interdit le mouillage des bateaux de plaisance de plus de 24 mètres dans certaines zones de la Côte d'Azur et de la Corse. Cette mesure interdit automatiquement aux yachts, qui possèdent les plus grosses ancres, de stationner au-dessus d'un habitat protégé. Jusqu'à présent, cette mesure s'est avérée efficace, malgré des débuts difficiles, explique Samuel Jeglot. "Maintenant, on va pouvoir s'attaquer à la petite plaisance", ajoute-t-il. "l'impact individuel de ces bateaux est plus petit mais il est important au global".Replanter des graines de posidonie en mer À l'est de Marseille, une mission de sauvetage est en cours. L’équipe du GIS Posidonie, une association rattachée à l'Université Aix-Marseille, a lancé REPOSEED, un projet expérimental de restauration. Deux sites ont été sélectionnés, au large de Marseille et de la Corse, où plus de 9 000 graines de posidonies ont été plantées, comme un reboisement, mais sous l'eau. Les graines ont germé et les feuilles ont poussé, selon Bruno Belloni, biologiste marin qui supervise le projet. Il insiste sur le fait qu'il s'agit d'un "petit coup de pouce", mais que les efforts de plantation ne peuvent constituer la solution ultime. "Les solutions basées sur la nature peuvent être la vraie solution, et non pas forcément l’interventionnisme direct", conclut-il.
Des rivières à sec, des villages assoiffés, des nappes phréatiques très basses... Alors que l'approvisionnement en eau est de plus en plus incertain, la France affronte un nouvel été de sécheresse. Pour survivre, le pays a son plan de bataille : partager, réutiliser et économiser une ressource qui se raréfie. C'est une situation de crise devenue quasi permanente. La sécheresse frappe la France de plein fouet et la ressource en eau renouvelable diminue. À Saint-Marcel-de-Careiret, dans le Gard, le va-et-vient des camions-citernes qui approvisionnent en eau la petite commune en est le symptôme.Pour économiser une ressource qui se fait de plus en plus précieuse, le gouvernement a lancé son "plan eau", une feuille de route accompagnée d'investissements massifs pour atteindre des objectifs précis. Par exemple, 10 % de réutilisation des eaux usées – contre moins de 1 % aujourd'hui, et résorber "en urgence" les fuites d'eau dans les 170 points les plus sensibles de l'hexagone. Sur le terrain, des actions se mettent doucement en route. Les eaux traitées de la station d'épuration de Saint-Drézéry, dans l'Hérault, sont utilisées pour arroser les haies et les saules avoisinants. D'autres usages tels que le nettoyage de voirie, la défense contre les incendies et l’arrosage de cultures maraîchères pourraient suivre dans un futur proche. À Montpellier, la régie des eaux se sert d'appareils acoustiques pour traquer les fuites sur un réseau d'eau potable vieillissant. La réparation de fuites a d'ores et déjà permis de sauver deux millions de mètres cubes d'eau, pour un taux de perte de 13 %, contre 20 % en moyenne nationale. En été, 80 % de l’eau en France est consommée par l’agriculture. Le secteur va donc devoir largement contribuer à l’effort de sobriété en changeant ses pratiques. Certaines variétés de culture devront être remplacées par d’autres moins gourmandes en eau. Encore faut-il bien les choisir. C'est tout le défi de l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE) Occitanie-Montpellier. En plein champ, les scientifiques testent 10 variétés de blé pour connaître leur tolérance au déficit hydrique et au changement climatique. >> À lire aussi : Face à la sécheresse, le monde agricole réfléchit à une meilleure gestion de "l'or bleu"  
Depuis des décennies, les Parisiens attendent de pouvoir se baigner dans la Seine. Cette activité pourrait devenir réalité grâce aux Jeux olympiques de 2024 qui forcent les autorités à passer à la vitesse supérieure. Une course de fond pour nettoyer le fleuve et le rendre aux habitants et aux athlètes.  Un pari ambitieuxSe baigner dans la Seine est interdit depuis 1923. Un siècle plus tard, la mairie de Paris a promis de rendre à nouveau le fleuve baignable. Mais les premiers à en profiter seront les athlètes des Jeux olympiques 2024 avec les épreuves de natation : 10 km nage en eau libre, triathlon et para triathlon partiront du pont Alexandre III. "Ce n'est pas une folie, c'est une ambition", soutient Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris en charge du sport, des Jeux olympiques et paralympiques et de la Seine. En 2022, sur les 15 jours correspondant à la période des Jeux olympiques, la qualité de l'eau était satisfaisante ou excellente 92 % du temps, ce qui aurait permis l'accueil des épreuves."L'exigence de la fédération internationale sera remplie et la qualité de l'eau sera bonne", déclare Pierre Rabadan, confiant.  Cette ambition a un prix : 1,4 milliards d'euros sur huit à dix ans. Mais, "les Jeux ont permis d'accélérer les investissements", affirme l'adjoint, qui souligne que l'amélioration de la qualité de l'eau profitera aussi au grand public. "La baignade pour les Parisiens démarrera à l'été 2025", dévoile-t-il, en invitant toutes et tous à se mettre "en maillot de bain pour profiter et découvrir la Seine d'une autre vision que celle qui est la nôtre aujourd'hui".Le défi des eaux usées Le plus gros obstacle à la baignade vient des eaux usées. Pour analyser la qualité des eaux fluviales, Jean-Marie Mouchel, hydrologue et chercheur à la Sorbonne, prélève un échantillon non loin du pont de Sully pour les analyser dans son laboratoire. Cette opération permet de vérifier la quantité de bactéries fécales présentes dans cette eau. "Si il y a pollution fécale, il y a un risque que des virus par exemple transmis par les fèces des hommes soient présents aussi", explique le scientifique. De retour au laboratoire de Jussieu, Jean-Marie Mouchel mesure la présence dans l'eau de deux espèces de bactéries d'origine humaine : l'escherichia coli et les entérocoques intestinaux. Leur présence dans l'eau indique que des agents pathogènes fécaux peuvent être présents, ce qui peut poser un risque pour la santé des baigneurs. L'hydrologue précise que ces "bactéries proviennent pour l'essentiel des rejets des réseaux d'eaux usées" ainsi que des déjections des "animaux à sang chaud" présents dans la ville, tels que les oiseaux ou les chiens. Au début du mois de mai, le niveau de pollution de la Seine était compris dans une fourchette entre 100 et 1000 Escherichia coli pour 100 ml d'eau. Pour que la Seine soit déclarée baignable, il faut être en dessous de 900 Escherichia coli pour 100 ml, et ce 90 % du temps. "Les bactéries fécales seront toujours présentes en Seine. Mais ce n'est pas parce qu'on a quelques bactéries fécales présentes en Seine qu'on ne peut pas se baigner. Tout est une question de norme", conclut le chercheur. Un bassin de stockage géant à AusterlitzPour réduire le risque de contamination, la capitale met les bouchées doubles. La plus grosse opération du réseau d'assainissement parisien se déroule près du pont d'Austerlitz, où les pelleteuses sont en train de creuser un énorme bassin de stockage d'eaux pluviales. Quand il pleut, le volume d'eau dans les réseaux d'égouts augmente de manière très importante. Pour éviter des débordements dans les rues, la Seine est utilisée comme déversoir, une sorte de soupape de sécurité. "La vocation de ce bassin est de donner au réseau d'assainissement une capacité de stockage lors des épisodes pluvieux", pour que la Seine cesse d'être la "poubelle de l'assainissement de manière trop régulière", détaille Samuel Colin-Canivez, responsable du chantier. Avec ses 50 mètres de diamètre et ses 30 mètres de profondeur, l'ouvrage pourra accueillir l'équivalent de 20 piscines olympiques d'eau pluviale. L'eau stockée sera ensuite pompée en direction des égouts, où elle s'écoulera jusqu'en station d'épuration pour être traitée avant d'être restituée au milieu naturel. Mais ce chantier titanesque ne résoudra pas un problème de taille: la météo. De gros orages, comme c'est souvent le cas en été à Paris, peuvent encore mettre sous pression un système fragile. La modernisation des stations d'épuration reste la clef de la stratégie parisienne.Bronzette pour les eaux d'épurationChaque jour, neuf millions de Franciliens génèrent environ deux millions de mètres cubes d'eau, soit deux milliards de litres à traiter. Pour nettoyer toute cette eau usée plus efficacement, le Service public d'assainissement francilien (SIAAP) a tablé sur une piste prometteuse : équiper deux usines d'un traitement supplémentaire aux lampes ultraviolets. Des rames de lampes ultraviolettes sont en train d'être installées en bout de chaîne à l'usine Marne Aval, située stratégiquement à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), à l'entrée de Paris. Une fois débarrassée de la matière organique, de l'azote et du phosphore, l'eau de rejet va être traitée par la lumière, ce qui devrait éliminer la plupart des bactéries encore présentes. "En ajoutant cette étape de traitement, on va diviser par 1 000 les concentrations de germes dans l'eau qu'on va rendre à la rivière", annonce Vincent Rocher, directeur innovation du SIAAP. Il est confiant en la capacité du service d'assainissement à faire le nécessaire d'ici les JO. "Depuis 50 ans, des efforts ont été faits pour améliorer la robustesse et la performance de nos usines de traitement. On peut être tout à fait optimiste sur notre capacité à atteindre cet objectif."
Pas un territoire n’échappe à la contamination. Des microplastiques ont infiltré les sols agricoles et donc potentiellement ce que nous mangeons. Depuis peu, aux Pays-Bas, des chercheurs étudient l’ampleur du phénomène. Et pour l’instant, ils ont plus de questions que de réponses. Guusta Noordam est productrice d’asperges, à Woubrugge aux Pays-Bas. Penchée sur les petits monticules de terre qui renferment ces plantes vivaces, prisées des Néérlandais, elle récolte. Chaque année, sa ferme produit 21 tonnes. Pour cela, il y a un élément indispensable : les bâches en plastique qui recouvrent ses champs et gardent les asperges à l'obscurité. "C'est nécessaire pour que les asperges soient bien blanches. Dès qu’une asperge est au soleil, elle devient un peu violette, rose et ensuite verte. C’est la chlorophylle qui la rend verte", explique Guusta. Les bâches réversibles lui permettent de refroidir les buttes côté blanc, de les réchauffer côté noir. "On aurait du mal à faire notre métier sans film plastique. On devrait récolter les asperges deux fois par jour. Il nous faudrait plus d’employésé, reconnaît l’agricultrice. "À ma connaissance, il n'existe pas d’alternative aux films plastique aujourd'hui, mais s'il existait une bonne alternative, avec les mêmes résultats, on serait heureux de l'utiliser".D'où vient tout ce microplastique ?Le plastique s'est infiltré dans tous les aspects de nos vies, y compris dans nos champs. Il est utilisé à grande échelle dans l'agriculture pour concevoir des serres, des films ou des bâches au sol. Il enrobe aussi certains engrais, pesticides ou semences. Le plastique permet donc d’améliorer les rendements agricoles. Mais en se décomposant en fragments microscopiques, il contamine les sols, leur vie et leur santé. Et ce n'est pas tout. Ajoutez les boues d’épandage, un sous-produit qui ressort des stations d’épuration, utilisées dans les champs comme engrais. Elles contiennent aussi des milliards de microplastiques, qui se retrouvent dans les champs. À l'échelle mondiale, le stock de microplastiques dans les sols agricoles pourrait représenter de 1,5 à 6,6 millions de tonnes. Les champs européens pourraient constituer le plus grand réservoir mondial de microplastiques, davantage qu’à la surface des océans. Plus de questions que de réponsesEn Europe, le projet Minagris a pour ambition de quantifier la contamination des sols agricoles par les microplastiques. "Quand on commence une étude sur la contamination plastique, on ne se demande pas si on va trouver du plastique, mais combien on va en trouver", reconnaît Nicolas Bériot, chercheur à l’université de Wageningen. Ces plastiques contiennent des additifs, qui sont tous des contaminants potentiels des sols et de l'eau, où ils s’infiltrent. "Le problème du plastique dans le sol, c'est qu’il n’y reste pas forcément. Il fuit dans l’eau, dans les systèmes aquatiques”, explique Nicolas Bériot. Et le chercheur de reconnaître : "Analyser ce que contient le plastique, c’est une chose. Comprendre les effets de ce plastique, c’en est une autre".À l’Université de Wageningen, les scientifiques cherchent à répondre à une question : quel est l’effet de ce plastique sur le sol, les plantes mais aussi les organismes vivants ? Avec sa collègue, Nicolas Bériot observe les vers de terre exposés aux microplastiques dans des aquariums. Les recherches débutent seulement, avec une certitude : avec de fortes concentrations en microplastiques, il y aura bien des effets négatifs. Mais avec la concentration que l’on retrouve aujourd'hui dans les champs, "nous ne savons pas. Il y a tant de questions en suspens, auxquelles nous essayons de répondre, pour comprendre ce qui se passe", avoue Nicolas Bériot.Des plastiques dans les racines des saladesQuid de la nourriture produite dans les champs contaminés par les microplastiques ? Qu’est-ce qui reste dans le sol ? Qu’est-ce qui finit dans les aliments? C’est le domaine de recherche de Willie Peijnenburg, à l’université de Leiden, avec un légume de choix, largement consommé : la salade. "La racine d’une salade forme des racines latérales plus petites. Et quand cela se produit, un petit espace se crée. C'est par là que les microplastiques pénètrent dans la plante. Ils sont ensuite absorbés et transportés vers la partie supérieure de la laitue", explique le chercheur, "c'est comme ça qu'on les retrouve dans la laitue que vous mangez tous les jours".En guise de cobaye, le laboratoire utilise des escargots, nourris avec cette salade. Les chercheurs en tirent une conclusion plutôt rassurante : seulement 0,1% du microplastique se retrouve dans les feuilles de la plante. "Le plastique s'accumule bien dans les escargots, mais sans avoir d'effet sur les escargots", se réjouit Willie. Et sur la plante elle-même ? Les fragments de plastique perturbent-ils sa croissance ? Blé et salade ne réagissent pas de la même façon. "Dans un cas, (le blé, NDLR), nous voyons une baisse de la terminaison de la plante de 5 à 20%, en fonction de la concentration en microplastique utilisée. Dans l'autre cas, sur la salade, la plante n'est pas endommagée par la présence de microplastiques". La question cruciale, à savoir l’impact sur l’être humain, reste, elle,entière. "Nous ne savons pas. Nous savons qu'ils s'accumulent dans nos corps, mais il n'existe aucune recherche sur la toxicité des microplastiques que l'homme ingère", déplore le chercheur. Un champ de recherche en plein développement.Remplacer le plastique par des alternatives végétalesRemplacer les bâches plastiques ne sera pas chose facile. C’est une matière bon marché et les agriculteurs craignent que les rendements baissent. En France, en Bourgogne, on teste  actuellement une alternative naturelle à base de plantes, avec des résultats encourageants : la toile de chanvre. Comme les bâches plastique, elle limite les mauvaises herbes et protège du soleil. Mais ses atouts sont ailleurs : un effet buvard qui conserve l’eau et surtout une dégradation naturelle sans microfragments dans le sol. "L’usage des toiles végétales permet de se rendre compte qu’on a des vraies solutions pour remplacer les plastiques", explique Frédéric Roure, le président de Géochanvre, un fabricant de toiles de chanvre à partir de fibres sourcées localement. Le développement en masse de ces toiles idéales pour le maraîchage est pour l’instant limité par la loi des marchés. Elles sont bien plus chères que les toiles en plastique. "Ce qui est évident, c'est que quand un agriculteur comprendra qu’il empoisonne ses petits-enfants à faire des légumes contaminés, la question se posera plus rapidement", milite Frédéric Roure. Lin, oléagineux ou ortie : les possibilités de faire du paillage agricole "comme les anciens" sont multiples. Une façon de retrouver une fertilité et une vie du sol avec les fibres naturelles, dans ce plastique que l'on ne peut pas éliminer. 
De vieux bateaux hors d’usage abandonnés sur le littoral. L'image pourrait sembler poétique mais ces épaves, souvent constituées de matériaux peu recyclables, s'accumulent le long des côtes françaises et posent de sérieux problèmes de pollution. Plusieurs entreprises développent des techniques de recyclage innovantes mais incomplètes. Certaines s’attaquent à la fabrication de matériaux plus facilement recyclables à l’avenir. Cimetières de bateaux En France, les bateaux hors service s'accumulent le long des côtes ou coulés au large. À l’entrée du village de Gâvres, en Bretagne, le voyageur attentif peut observer à marée basse des coques retournées, abandonnées à leur sort, remplies d’eau et envahies par de la mousse. Certains navires, en bois, ont l'air tout droit sortis d’un film de pirates. D’autres, plus modernes, faits de plastique et de composite sont bien plus récents. Tous ont été jetés là par des propriétaires qui n’en n’avaient plus l’usage et qui n’ont pas réussi à les vendre ou à les donner. À Gâvres, une opération de nettoyage est en cours, menée par Vassilis Spyratos de la Direction départementale des territoires et de la mer du Morbihan. "C’est un peu si vous aviez un déchet ou votre vieille voiture abandonnée, dont vous n’avez plus besoin et que vous alliez l’abandonner en forêt", constate-t-il. Ces déchets ne sont pas sans conséquence sur la dégradation du milieu, la biodiversité, et la pollution plastique. D'autant que Gâvres n’est pas une exception. "Il y a beaucoup d’autres sites comme ça sur le littoral français. Rien que dans le département du Morbihan on enlève une quarantaine d'épaves par an", déplore Vassilis Spyratos. Les propriétaires sont souvent retrouvés grâce à l’immatriculation du bateau, sommés de les enlever ou mis à l’amende.Un déchet potentiellement toxiqueCette pollution est visuelle, mais pas seulement. Un bateau en fin de vie constitue une calamité environnementale. Difficile de savoir combien ils sont à terre, hors d’usage, dans les ports, dans les jardins ou en décharge. Mais il y en aurait près de 5 000, échoués au large des côtes françaises, le plus souvent près du littoral. En se décomposant, un bateau dégage des substances : du plastique, des matériaux composites qui ne se dégradent pas, mais aussi des peintures, de l’huile, du carburant ou encore des liquides de batterie. Autant de déchets à traiter avec soin. Sans compter que le nautisme a explosé en Europe depuis les années soixante, en particulier en France. Or les bateaux ayant une durée de vie de trente à quarante ans, le nombre de ces navires hors d’usage va exploser dans les prochaines années.  Déconstruire les vieux bateauxLe centre de tri Guyot Environnement de Kervignac, en Bretagne, propose de déconstruire ces bateaux pour séparer les différents matériaux qui les constituent. La filière est unique en Europe. "Dans chaque bateau qui est vendu en France depuis 2019, il y a une petite somme d’argent qui est collectée par le producteur", explique Lucas Debièvre de l’APER, Association pour la plaisance éco-responsable. "Cette somme est reversée ensuite à l'éco-organisme, l’APER, pour financer la fin de vie des bateaux. C’est comme un système de retraite, où la vente des bateaux neufs finance la fin de vie des vieux bateaux". Depuis 2019, l’APER a ainsi déconstruit 7 500 bateaux. Première étape : dépolluer l’embarcation, pomper l’huile, le carburant, les différents liquides qui pourraient fuir. Deuxième étape : récupérer ce qui peut l’être comme le bois, l’acier, les boulons, les éléments électroniques pour être recyclés. Seul hic, le recyclage des coques en composite, qui représentent une partie importante des bateaux, n'est toujours pas solutionné. Pour l’instant, "elle [la coque] va être mélangée avec d’autres déchets pour ensuite être incinérée et créer de l’énergie". C'est le gros défi à venir de ces prochaines années. Concevoir autrementRecycler la coque, cela voudrait dire séparer les fibres de verre de la résine polyester qui les agglomère. Une association qui rend les bateaux solides, comme les pales des éoliennes. En Suisse dans la banlieue de Lausanne, une entreprise affine une technique qui permet de séparer ces deux éléments clefs, pour ensuite récupérer la fibre et pourquoi pas, la commercialiser à nouveau. "Ici on développe une technologie qui permet de recycler les matériaux composites et particulièrement les matériaux à base de fibre de verre", résume Guillaume Perben le PDG et cofondateur de la société. La technique de Composite Recycling, la pyrolyse, consiste à chauffer le composite à très haute température, mais sans oxygène. La résine ne brûle pas, elle est transformée en vapeur, séparée de la fibre de verre et devient ensuite de l’huile, potentiellement commercialisable elle aussi. Sauf qu'il existe peu d’acheteurs pour cette huile. Quant à la fibre, elle ressort colorée par un dépôt de carbone, qu’il faut nettoyer. Bien entendu, la qualité de la fibre obtenue n’égale pas celle de la fibre vierge. "On a toujours une marge de progression, on est aujourd’hui à 93-95 % des propriétés mécaniques de la fibre vierge", explique Guillaume Perben, qui assure par ailleurs que son procédé émet 5 % du CO2 qui serait diffusé en incinération. "Il n’y aura sans doute jamais 100 % de contenu recyclé dans un bateau. On a vraiment besoin des propriétés des fibres vierges qui sont exceptionnelles mais un hybride, un mélange entre les fibres vierges et des fibres recyclées, ça c’est vraiment l’avenir", conclut-il, réaliste.Des bateaux éco-conçus ?En quelques années, l'industrie du nautisme a donc progressé en matière de recyclage. La prochaine étape sera de concevoir des bateaux à base de nouveaux matériaux plus faciles à recycler et plus vertueux. C’est la piste suivie par l’entreprise Beneteau, numéro un mondial des bateaux à voile et numéro deux dans les bateaux à moteur. La résine habituelle a été remplacée. "Pour faire des bateaux, aujourd’hui, on utilise des matériaux qui peuvent se rapprocher du comportement de l’œuf. La matière est liquide, on la met en température pour la mettre en forme, ensuite on la refroidit et c’est solide. La matière qui est utilisée sur ce bateau est différente, elle se rapproche plus du comportement du chocolat", explique Erwan Faoucher, directeur Recherche et Innovation chez Beneteau. La matière peut être fondue puis à nouveau durcie, puis refondue, ce qui permet de dissocier la fibre de la résine et donc à terme, d’imaginer un réemploi de ces fibres. Sachant qu’un bateau a une durée de vie de 30 à 40 ans, l’idée serait donc de réutiliser ces fibres dans les bateaux de la prochaine génération. 
La contamination aux PFAS – ou polluants dits "éternels" – est un phénomène dont on ne connaît pas encore l’ampleur. Ces substances chimiques toxiques sont pratiquement indestructibles. Comment faire pour s’en débarrasser ? Peut-on nettoyer les sols contaminés ? La tâche s’annonce immense. 3M, un scandale environnemental sans précédent en BelgiqueDirection Zwijndrecht, juste à côté d’Anvers, en Belgique. Pendant 50 ans, les terres de ce village ont été hautement contaminées par le géant américain 3M. Des PFAS ont été découverts lors de travaux gigantesques pour relier les deux rives du fleuve et boucler le "ring", sorte de périphérique de la ville. Un scandale d’ampleur dans le pays, dont Thomas Goorden, consultant en environnement, est l'un des lanceurs d’alerte. "C’est un peu comme une marée noire, mais qui s’étend sur 50 ans", ironise-t-il, ajoutant que "le gouvernement était tout à fait conscient de la pollution aux PFAS. Mais ça n’est devenu un véritable problème pour eux que lorsqu'ils ont réalisé qu’ils devaient creuser un tunnel en plein milieu de la zone". Le lanceur d'alerte nous emmène à la rencontre d’Eduard, retraité, qui travaille dans son potager ce jour-là. Lui et son épouse font partie de ceux dont le sang a été prélevé pour tester la présence de PFAS. "Les taux retrouvés dans notre sang sont extrêmement élevés et nous ne savons pas quelles conséquences cela aura plus tard. Mes enfants ne veulent plus manger de légumes, plus d'œufs et je ne cuisine plus", se désole le retraité. Lui ne croit pas à une quelconque dépollution. "Ils ont beau dire qu’ils réparent les dégâts, ils ont beau nettoyer le sol, ils ne nous écoutent pas", conclut-il la mâchoire serrée. L'entreprise chimique s’est engagée à verser 571 millions d'euros en juillet 2022 pour l’assainissement du site.Une enquête européenneL’Agence européenne des produits chimiques recense au moins 10 000 "polluants éternels". Leur particularité tient à la chaîne d’atomes de carbone et de fluor que les PFAS contiennent, une liaison chimique quasi indestructible. Pour l’industrie, ce sont des substances idéales, résistantes à l’eau et à la chaleur. Elles sont donc omniprésentes dans nos quotidiens : poêles anti-adhésives, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, imperméables et même papier toilette. C’est pourtant cette résistance qui rend les PFAS si dangereuses pour la santé et l'environnement. Une fois les produits chimiques libérés dans la nature, par les usines qui les produisent ou les utilisent, ils s’infiltrent dans les sols, l’eau et ne se décomposent pas naturellement. Les grands producteurs de PFAS, comme Chemours, 3M ou Solvay, assurent tout faire pour limiter les rejets dans l’environnement. Si rien n’est fait, près de 4,5 millions de tonnes de PFAS finiront dans l'environnement dans les 30 prochaines années. Où et en quelles quantités ? Un collectif de journalistes de 17 médias dans 13 pays ont voulu le savoir. Grâce à leur travail titanesque, le "Forever Pollution Project", une carte inédite de la contamination, avérée et présumée, a été mise au point. Stéphane Horel est journaliste d’investigation au journal Le Monde, très active dans le collectif. "Le résultat est assez spectaculaire, dans le sens où il y a très peu d’endroits (sur la carte, NDLR) qui sont épargnés par cette pollution", explique la journaliste, encore sous le choc des découvertes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 17 000 sites de contamination détectés, 21 000 autres présumés. "On sait parfaitement que c’est largement sous-estimé", développe-t-elle, tout en pointant les "hotspots", les endroits où les taux dépassent 100 ng par litre ou par kilo. On y retrouve bien sûr le site de 3M en Belgique. "Dans ces zones, il devrait y avoir une intervention des pouvoirs publics assez urgente", s’insurge la journaliste, qui rappelle qu’aucune réglementation ne limite cette pollution. >> À lire aussi : Haro sur les PFAS, ces "polluants éternels" et omniprésentsPFAS, ces perturbateurs endocriniensQuel effet ces substances peuvent-elles avoir sur la santé ? Francesca Mancini, épidémiologiste à l’INSERM, y consacre ses recherches. Elle a recruté 100 000 femmes entre 40 et 65 ans en 1990 et continue à les suivre. On le sait, les PFAS sont dangereux pour la santé, 80 à 90% de l’exposition d’une personne se faisant par l’alimentation mais aussi par  l’eau. "Les PFAS sont considérés comme des perturbateurs endocriniens ce qui veut dire qu’ils impactent et perturbent l’activité des hormones au niveau de l’organisme", précise la chercheuse. "Les preuves les plus solides que l’on a actuellement sont la relation entre l’exposition aux PFAS et la réponse immunitaire, notamment celle des enfants vis-à-vis des vaccins." Plus un enfant est exposé aux PFAS, moins la protection liée à un vaccin sera efficace. D’autres études montrent également une relation potentielle entre l’exposition aux PFAS et certains cancers, notamment hormonodépendants – le cancer du testicule et le cancer du sein. Au fil des années, les chercheurs européens, qui courent après l’industrie, ont réussi à faire interdire plusieurs types de PFAS comme les PFOS ou les PFOA. "Le but final de notre recherche est de contribuer à générer des preuves scientifiques suffisamment solides pour convaincre les décideurs publics de prendre des mesures et pour arriver à étendre l’interdiction à plusieurs molécules qui font partie de la même famille", conclut Francesca Mancini.Comment décontaminer l’eau ?En Belgique, près d’Anvers, un banal chantier de voirie est directement impacté par la pollution créée par 3M en un demi-siècle. Pour les travaux, l’entreprise de BTP doit pomper dans la nappe phréatique. Habituellement, cette eau serait ensuite relarguée dans le réseau classique. Mais ici, elle doit impérativement être traitée au préalable. L’entreprise Colas Environnement gère ce chantier d’un nouveau genre. L’eau est envoyée dans de grandes cuves, puis elle passe dans des filtres à charbon actif, matériau identifié comme étant capables de retenir les PFAS. Ces filtres vont capter les polluants organiques, et notamment les PFAS. Le charbon usé et les polluants qu’il contient sont envoyés en destruction, en incinération. Ce n'est pourtant pas une solution pérenne sur le long terme. "Le charbon actif va capter les polluants, mais il ne va pas les détruire", explique Arnault Perrault, directeur de Colas Environnement. L'eau qui continuera à s'infiltrer à nouveau dans la nappe sera à son tour contaminée par le sol qui regorge de PFAS. "Si on voulait faire un chantier de dépollution, il faudrait pouvoir traiter les polluants directement à la source, directement dans le sous-sol ", nuance Arnault Perrault. "Malheureusement, les techniques disponibles actuellement ne fonctionnent pas sur les PFAS puisqu’ils portent bien leur nom de polluants éternels". L’immense travail de remédiation de la terrePour trouver des solutions pérennes, Colas Environnement a formé un partenariat avec les chercheurs du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) basé à Orléans. Objectif : trouver des produits suffisamment agressif pour détruire les PFAS. Afin de développer cette innovation, les chercheurs font des tests dans une cuve remplie de terre, où des polluants sont injectés, en l'occurrence des mousses anti-incendie qui contiennent des PFAS. "On va d'abord chercher à extraire les PFAS avec une sorte de gel", explique Julie Lions, cheffe de projet. "Ensuite, on fait un traitement chimique directement dans le sous-sol capable de détruire les PFAS qui resteraient après le premier traitement."Le gel permet d’extraire à 95 % les PFAS qui sont présents dans la matrice. D’autres méthodes, thermiques, impliquent de chauffer le sol à plus de 1000°C pour détruire les polluants ou des méthodes physiques, où l’on va chercher à casser les PFAS par différents effets physiques. Le prix de la dépollution sera la clef. "Vers la fin de l’enquête, je me suis dit qu’il fallait essayer de mettre un chiffre sur le coût de cette contamination en Europe", se souvient Stéphane Horel, la journaliste du Monde. "Et puis, j’ai arrêté de compter quand j’ai atteint plusieurs centaines de milliards d’euros parce que j’ai compris que c’était inestimable. Personne n’est capable aujourd’hui de dire combien cela coûterait de libérer l’environnement de cette substance". Les entreprises directement responsables se préparent à débourser des milliards d’euros pour tenter de réparer l’irréparable.  
Ce sont quelques millimètres, que l’on foule pieds nus sur les plages, ou le long des rivières, sans même les voir. De la taille d’une lentille, ces microbilles ou “pellets” sont pourtant en plastique. Elles servent de matière première à l’industrie pour fabriquer n’importe quel objet en plastique de notre quotidien.  Sur la plage de Tarragone, à une heure au sud de Barcelone, Jordi Oliva sort de l’eau, sa planche de surf sous le bras. Il revient de cette dernière session avec en bouche, "un goût amer". Certes, cette plage au bord de la Méditerranée est son royaume, là où il a grandi. Mais aujourd’hui, il ne voit plus qu’une chose : ces petites billes de plastique qui la recouvrent par millions. Surfer dans une soupe de plastique Co-fondateur de l’ONG Good Karma Projects, Jordi a fabriqué avec un groupe d’amis des tamis artisanaux. "Chaque année au mois d'octobre, un ramassage géant est organisé simultanément dans le monde entier" explique le trentenaire. "Ici, sur cette plage, nous avons récolté jusqu'à 1.8 millions de granulés en une heure et demie." Son idée n’est pas de nettoyer les plages, mais de médiatiser cette pollution peu visible. "Lorsque nous avons commencé à faire connaître ce polluant, beaucoup de gens nous disaient qu’ils collectionnaient ces petites billes dans leur enfance, beaucoup de gens ne savent pas qu'il s'agit en fait de plastique", conclut Jordi. Polyéthylène, polypropylène, polystyrène : à la base de tout objet plastiqueN’importe quel élément en plastique commence en effet sa vie avec ces petites billes, qui sont fondues puis moulées pour former des bouteilles ou des tableaux de bord de voiture, en passant par des chaussures, des gourdes ou du mobilier.  Une tonne de plastique brut est composée de 50 millions de ces "pellets", leur autre nom. Elles mesurent moins de 5 mm de diamètre, une taille comparable à une lentille et sont très légères, donc extrêmement volatiles. C’est comme cela qu’elles se dispersent par milliards dans la nature. La pollution est double. Quotidienne d’abord: les granulés s'échappent insidieusement des usines lors de la production, le transport, le stockage ou même le recyclage. Elle est aussi accidentelle, quand le naufrage d’un cargo entraine des marées blanches. Au printemps 2021, un porte conteneurs a pris feu au large des côtes du Sri Lanka. Trois containers entiers de pellets sont tombés à l’eau et se sont échoués le long des plages. Ce scénario s’est répété en France, plus récemment, sur la côte Atlantique. Chaque année, 230 000 tonnes de micro billes se retrouvent dans nos océans. Elles se répandent si rapidement qu’on les retrouve dans tous les continents, sauf, étonnement, en Antarctique.  A lire sur France 24 >>> La pollution plastique des océans atteint un "niveaux sans précédent" depuis 15 ansLa micro bombeJoaquim Rovira est biochimiste à l’Université Rovira I Virgili (URV) de Tarragone et étudie de près les micro plastiques. Les granulés que Jordi retrouve sur la plage en font partie, ils sont les plus gros qui existent dans cette catégorie. La dangerosité des micro plastiques n’est plus à démontrer : ils sont assimilés par des organismes (poissons ou bivalves par exemple) et remontent la chaîne alimentaire. Mais les pellets sont particuliers, explique le chercheur, "ce sont des cocktails de polluants, une petite bombe de pollution (...) Les granulés renferment de nombreux produits chimiques, de nombreux additifs. Cela va des pigments, aux retardateurs de flamme. Certains ont même été répertoriés comme perturbateurs endocriniens voire molécules cancérogènes". Un phénomène qui a des conséquences dramatiques à court, moyen et long terme pour la flore et la faune sous-marine, mais aussi pour la santé humaine.Remonter la piste des microbillesMarta Sugrañes est chercheuse à l’Université de Barcelone. Elle fait également partie du Good Karma Project, en tant que coordinatrice scientifique. "Nous cherchons à savoir d’où viennent ces granulés de plastique. L'idée c’est de suivre leur trace, de mener l’enquête, comme un détective", explique la jeune femme. Régulièrement, elle prélève en une journée des échantillons sur la trace du jet de rive, la ligne la plus haute atteinte par les vagues sur la plage de Tarragone. Ces prélèvements sont ensuite envoyés au laboratoire de l’université où les pellets sont triés, analysés, décortiqués. Elle obtient la densité par mètre carré et leur composition physique et chimique. "Nous avons la preuve que ces granulés proviennent de la rivière près de la zone industrielle ici à Tarragone" conclut Marta, "Il y un lien clair entre les pluies et le fait que les granulés descendent par les rivières et arrivent sur la plage". Les granulés font donc le voyage de la terre, où se trouvent les usines de production, vers la mer, en passant par les rivières puis la plage. L’industrie se défend"Nous sommes conscients qu'il y a des granulés plastiques" répond Maria Mas, directrice de l’Association des Entreprises Chimiques de Tarragone (AEQT). "Nous travaillons dur depuis un certain temps pour réduire les pertes de granulés de nos usines dans la nature". Au niveau mondial, l’industrie a en effet mis en place au début des années 1990 un programme basé sur le volontariat, Operation Clean Sweep (OCS), pour aider les entreprises à améliorer leurs pratiques de manutention et prévenir la perte de granulés. Pas d'audits indépendants pour vérifier que les promesses sont mises en œuvre dans les entreprises, pas vraiment de transparence non plus, OCS est très critiqué par les ONG. Maria Mas se défend : "On a amélioré nos installations. Des bacs de collecte ont été mis en place pour les "pellets", des aspirateurs aussi pour récupérer les granulés qui tombent par terre. C'est essentiellement là que tous les efforts sont concentrés". Selon elle, les pertes de granulés dans la nature sont de moins en moins fréquentes. "Évidemment, pour atteindre l’objectif zéro, il faudrait que toute la chaîne de valeur adhère à ce programme et s'y engage. Pas seulement adhérer mais aussi s'engager. C'est la clef".Classer les microbilles plastique comme produit dangereuxEt si, comme le pétrole par exemple, les granulés plastiques étaient classifiés comme "produits dangereux" au niveau mondial ? C’est l’idée de l’ONG Seas At Risk, qui milite à Bruxelles pour que les pellets ne soient plus seulement considérés comme une matière première quelconque, mais commeun produit à risque. Frédérique Mongodin, responsable "plaidoyer déchets marins" au sein de l’association, est sceptique sur les promesses de l’industrie: "Cela fait 30 ans que nous entendons parler d’initiatives de l’industrie pour prévenir ces fuites. On aurait déjà dû régler ce problème hier". Le prix du plastique explique ces pertes : les pellets ne valent pas grand chose, moins d’un euro le kilo. Il faut donc selon elle passer à la vitesse supérieure et légiférer. Cela permettrait de mettre en place des obligations : utiliser des packaging solides et hermétiques, qui limiteraient toute fuite à l’extérieur, interdire les containers de pellets sur le pont des cargos et imposer aux transporteurs de les stocker dans la cale. Ces précautions sont appliquées aux produits dangereux comme les carburants, qui font l’objet d’un suivi tout au long de la chaîne pour prévenir les fuites dans l’environnement. "On est arrivé au stade, où il faut légiférer au niveau européen rapidement" tranche Frédérique Mongodin, "aujourd’hui l’urgence c’est vraiment de rendre les producteurs responsables de leur pollution". 
C'est un déchet insoupçonné. Non identifiés et souvent invisibles, des filets fantômes, souvent perdus par les pêcheurs, errent dans les océans. On les pense en corde, ils sont en réalité en plastique et empoisonnent la vie sous-marine. Chaque année, près de 80 000 kilomètres carrés de filets, l'équivalent de la superficie de l'Écosse, disparaissent dans les fonds marins ou flottent à la surface. Mission : récupérer un filet perduL'association Les Ressources Marines a fabriqué de toutes pièces un ROV, un petit robot qui permet d'aller chercher les filets perdus au fond de la mer. Ce jour-là, au large de l'île de Porquerolles, dans le sud de la France, l'équipe part à la recherche d'un équipement de pêche perdu qui leur a été signalé. Le robot, piloté à distance, est équipé d'une caméra et peut atteindre 300 mètres de profondeur. Une fois le filet grappiné, il peut être remonté à bord, soit par le robot seul, soit avec l'aide de plongeurs. "Les filets fantômes, en tant que plongeurs, amoureux du milieu, forcément ça ne nous plaît pas. On aimerait ne plus en voir", regrette Olivier Trubert, le vice-président de l'association. "Ça nous fait mal au cœur, mais ça fait mal au cœur aussi au pêcheur, qui perd son filet, un outil de travail. Ça a une valeur monétaire."  La pêche fantôme : le cercle vicieuxEffectivement, un filet coûte aux alentours de 10 000 euros. C'est donc dans l'écrasante majorité des cas un acte involontaire de la part du pêcheur qui n'a rien à gagner à la "pêche fantôme". Ils perdent leurs filets à cause du mauvais temps, quand ils s'emmêlent avec ceux d'autres pêcheurs ou encore lorsqu'ils sont accidentellement coupés par d'autres navires. Les courants les font voyager sur des milliers de kilomètres, il est difficile de suivre leur trace et de les récupérer. Au total, les engins de pêche fantôme représentent 10 % à 20 % du total des plastiques déversés dans les océans.Aujourd'hui, la communauté scientifique se mobilise pour étudier le phénomène. Sandrine Ruitton, à l'Institut méditerranéen d'océanologie, explique la dualité du problème. D'abord, les filets continuent à pêcher, sans jamais être relevés. Des poissons sont pris dans les mailles, en attirent d'autres, souvent plus gros, à leurs tours coincés et qui meurent d'asphyxie au bout de 24 à 48 heures.>> À voir aussi : France - des filets de pêche intelligents pour réduire les captures inutilesEt puis, les filets finissent par tomber au fond et recouvrir la vie sous-marine. "On constate que les roches qui sont recouvertes par ces filets sont complètement recouvertes de vase", explique la scientifique. "Ce sédiment reste sur la roche, il va complètement étouffer les habitats marins, si bien que ça va empêcher les algues de pousser, les éponges de se développer, etc." La chercheuse mène un projet sur la résilience de ces milieux, une fois que les filets ont été retirés. Elle a constaté qu'un an après le retrait, la vie revient, les organismes, les couleurs et les poissons. "On était assez surpris de la vitesse de cette recolonisation. Cela montre l'efficacité du retrait des filets pour améliorer l'état de l'environnement", conclut Sandrine Ruitton. Recyclage : monter une filière de zéroDe nos jours, les filets de pêche sont plus fragiles qu'autrefois. En nylon, ils s'usent plus vite. Ce sont donc autant de déchets à gérer. Malheureusement, aucune filière n'existe pour recycler les filets hors d'usage. Pour ne pas les laisser en mer ou dans des décharges, Sabine Meneut a créé une startup, Glokis. Seule, avec son énergie et sa petite camionnette blanche, elle ramasse les vieux filets que les pêcheurs lui ont laissé à quai, dans des bacs de collecte, à Port-de-Bouc près de Martigues, 80 à 100 kg de filets tous les trois mois. "Les filets de pêche qui sont perdus en mer ne se recyclent pas", explique Sabine. Chargés en matière organique, lourds, dégageant une mauvaise odeur, ce ne sont pas de bons clients pour le recyclage.Les filets usagers sont bien plus propres, mais "il va y avoir une grosse phase de tri", rectifie Sabine, "il faut retirer les plastiques, les déchets organiques comme les algues, les éponges ou les petits morceaux de rocher qu'on va trouver dedans." Une fois le filet débarrassé, puis roulé, il est ensuite envoyé à Brest, où une autre start-up, Fil & fab, les valorise, les transforme en pellets de plastique, la matière première pour le recyclage. Un vieux filet deviendra une monture de lunettes ou un aileron de surf, un retour à la mer.Des filets biodégradables à l'étudeIl est 3 heures du matin. Kévin Truchon, le patron, ainsi que deux marins pêcheurs partent en mer, au large de Fécamp en Normandie, sur leur petit bateau, le "Gauthier-Lucile". Quatorze heures de travail les attendent. En plus de pêcher la sole, l'équipage a une mission : tester des nouveaux filets biodégradables. Composés de plastique, mais aussi de bio-polyester, à base de maïs ou de canne à sucre, ils peuvent en théorie se désintégrer plus facilement dans l'eau s'ils sont perdus, sans diffusion de micro-plastiques.Concevoir et tester un filet de pêche à partir de matériaux biosourcés, valorisables par voie de recyclage ou de compostage et biodégradables sans diffusion de micro-plastiques persistants : c'est l’enjeu du projet TEFIBIO, porté par le Parc naturel marin en partenariat avec l’organisation de producteurs FROM Nord, financé par le Fond Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche et cofinancé par France Filière Pêche, en collaboration avec les entreprises Seabird, Nautique conseil et Take a Waste.Volontaire pour le programme pilote, Kévin Truchon les utilise en alternance avec des filets classiques depuis cinq mois. "Je trouve que c'est bien pour éviter de polluer et surtout pour arrêter de pêcher au fond pour rien", explique-t-il. Mais il n'est qu'à moitié convaincu : "La maille [des filets biodégradables] est un peu plus épaisse. Donc pour l'instant, c'est un peu trop rigide. Si elle était plus souple, le filet pêcherait mieux." Reste une inconnue de taille qui sera clef dans la décision pour Kévin d'adopter définitivement ces filets : leur coût. Avec l'augmentation des prix du carburant, son autre dépense principale, impossible pour lui de payer des filets plus chers. Et le marin pêcheur de conclure : "Si on a des filets biodégradables, je pense qu'on aura la conscience plus tranquille. Moins on polluera, mieux ça sera pour nous et pour notre avenir."
Le lithium est aujourd'hui une ressource cruciale, élément de base pour fabriquer notamment les batteries des voitures électriques. Mais l'Europe n’a aujourd’hui aucun site d’extraction, aucune raffinerie sur son sol. Peut-elle s'affranchir de sa dépendance et s'approvisionner localement ? L'année 2035 va complètement changer la donne. À cette date, plus aucune voiture neuve à essence ne sera mise sur le marché en Europe. Les voitures électriques deviendront la norme, alimentées par des batteries contenant en moyenne 10 kg de lithium chacune.La demande pour ce métal va donc s'envoler. Il va falloir multiplier la production par quarante dans le monde d’ici à 2040 pour suivre la cadence. Aujourd’hui, seuls quatre pays concentrent la quasi-totalité de la production. Il s'agit de l'Australie, du Chili, de la Chine et de l'Argentine. L’Europe a bien du lithium dans son sol, mais elle n’extrait quasiment rien pour l’instant. Le Portugal est potentiellement le pays le plus riche en lithium du continent, avec plus de 60 millions de tonnes.>> À voir aussi, notre Focus : "Au Portugal, bras de fer autour d'un projet de mine de lithium"Des mines de lithium en France ?La France, qui a aussi du potentiel, se lance dans la course. Elle planifie l’ouverture d’une mine à Échassières, dans l’Allier, en 2028. Le groupe Imerys va utiliser une mine de kaolin, qui renferme également du lithium. L’objectif affiché est de produire 34 000 tonnes de ce minerai, soit les besoins pour la production de 700 000 véhicules électriques.Le groupe avance des arguments écologiques. "Nous avons imaginé une mine entièrement souterraine", explique Alan Parte, vice-président projet lithium chez Imerys. "Tout ça pourquoi ? Pour limiter l’impact en surface, non seulement sur les milieux environnants pour limiter les nuisances sonores, pour limiter les poussières et pour limiter, bien sûr, l’impact sur la biodiversité."La difficile acceptabilité des minesL’acceptabilité des mines, rémanences d’une époque révolue dans l’esprit de beaucoup d’Européens, représente l’un des plus gros obstacles au développement du lithium en Europe. En Serbie, un projet colossal a notamment tourné court devant l’opposition des riverains.À Échassières, les habitants proches de la future mine de lithium française s’inquiètent. Xavier Thabarant fait partie du collectif Préservons la forêt des Colettes, dont le slogan est "Lithium non merci !". Il explique : "On va faire cette mine pour 20-25 ans, peut-être 30 ans. Tout ça pour récupérer du lithium pour faire quelques batteries. Dans 50 ans, il n’en restera plus rien. Mais nous, ici, dans notre forêt, tout aura été dévasté." La transition écologique, oui, mais pas au prix de la destruction de la nature, selon lui. "Je sais qu’aujourd’hui, on va avoir besoin de nouvelles énergies. Mais je pense qu’il y a d’autres solutions. Le tout-électrique est une erreur, une utopie à court terme", conclut-il.Un savoir-faire à acquérir, et vite !Pour gagner en autonomie, extraire du lithium ne suffira pas. Encore faudra-t-il fabriquer des batteries. Et pour l’instant, en Europe, le savoir-faire n’est pas là. Pour y remédier, l'entreprise française Automotive Cells Company (ACC) a été créée. Sorte d’Airbus de la batterie, elle est le fruit d’une alliance entre géants : Total, Stellantis (ex-groupe PSA) et Mercedes.Pour l’instant, le projet en est au stade de l’usine pilote, située dans la banlieue d’Angoulême. D’ici novembre 2023, le groupe doit ouvrir trois "gigafactories", des usines dédiées à la production de batteries en masse, notamment dans le Pas-de-Calais. "L’objectif d’ACC est de devenir un leader européen de la conception et de la fabrication de batteries pour véhicules électriques", souligne Matthieu Hubert, le secrétaire général. "Il s’agit maintenant de rattraper un retard [sur l’Asie, NDLR] assez conséquent mais nous pensons être armés pour le faire."Des batteries sans lithium ?Le lithium ne fait pas partie des métaux rares, mais les réserves mondiales ne sont pas infinies. Selon certaines estimations, le monde pourrait en manquer d'ici la fin du siècle. Certains chercheurs se penchent donc déjà sur ce qui pourrait devenir la batterie du futur, une batterie sans lithium. À Amiens, Mathieu Morcrette, directeur du Hub de l'énergie, travaille sur la batterie sodium-ion. Le sodium, très abondant, pourrait être envisagé comme le remplaçant parfait du lithium.En revanche, jamais une batterie sodium-ion n’atteindra les performances du lithium-ion en termes d’énergie. "On pourrait prendre la comparaison avec l’athlétisme", explique le chercheur. "Le lithium-ion, c’est le marathonien qui permet de franchir de grandes distances, alors que nos batteries sodium-ion, c’est plutôt le sprinter qui permet de franchir de petites distances, mais à très grande vitesse."Autrement dit, l’autonomie du sodium-ion n’arrivera jamais à égaler celle du lithium-ion à masse équivalente de batterie. Mais ces batteries se rechargeant très vite, elles seraient adaptées pour des courtes distances, le fameux "dernier kilomètre" des livraisons de colis. Mathieu Morcrette met les points sur les "i" : "Si les gens veulent absolument 500 km d’autonomie, on n’y arrivera jamais. La batterie sodium-ion, ça veut dire recharger plus souvent pour aller en vacances. Mais est-ce vraiment grave ?", conclut-il dans un sourire.
Le retour du loup en France est désormais bien établi. De nombreux éleveurs doivent faire face à des attaques sur leurs troupeaux de plus en plus fréquentes. Comment coexister avec ce superprédateur ? La science et la technologie mettent la main à la pâte. Depuis le début des années 1990, le loup a fait un retour inattendu en Europe continentale. Actuellement, 17 000 individus sont répartis sur le continent. Et il est revenu tout naturellement en France, sans réintroduction. L’animal a simplement traversé les Alpes depuis l’Italie. Depuis, il s’est établi dans de nombreuses régions françaises : les Pyrénées, le Massif Central, le Jura, jusqu'en Normandie et en Bretagne. Certains voient d’un bon œil cette renaissance, d'autres ne sont pas aussi enthousiastes. La cohabitation avec les éleveurs est au cœur du problème. Vaches, brebis, chevaux : en 2021, le loup a tué 12 000 têtes de bétail dans le pays, soit quatre fois plus qu’en 2008. Ni ange ni démonLe Parc Naturel Régional du Vercors est l'un des endroits en France où le retour du loup est observé. Roger Mathieu, de l’association France Nature Environnement, coordonne un groupe d’une vingtaine de naturalistes qui font des suivis de loup dans les Alpes françaises, avec pour objectif de contrôler leur population et son évolution. À ce jour, un millier de loups sont présents sur le territoire français. Selon Roger Mathieu, avec une évolution naturelle de la population, d'ici une cinquantaine d’années l'espèce sera implantée dans bien plus de régions. "Le loup n’est ni un ange ni un démon", estime Roger Mathieu. Et de préciser que le loup n’est pas une espèce dangereuse, les cas d’attaques sérieuses sur des êtres humains étant rarissimes. Cela ne veut pas dire, cependant, que ce prédateur ne pose pas de problèmes.Élisabeth Moreau, éleveuse de brebis et de chèvres dans le Vercors, en sait quelque chose. "Quand je me suis installée, le loup était déjà là", raconte-t-elle, "de quelques individus, on est passé à des meutes." Elle explique qu'avec l'augmentation de la population de loups et des attaques contre les animaux, il est devenu crucial pour elle de disposer de chiens de protection, les fameux patous : "si on n’a pas les chiens, c’est la fin de notre métier, on n’a plus de bêtes ; en une semaine, ils sont capables de tuer 2 000 animaux". Elisabeth n'est pas contre le loup : "il a le droit d'être là comme nous", affirme-t-elle. "Par contre, c’est la façon dont on considère les éleveurs" qui doit changer. Les indemnités données aux éleveurs pour compenser les pertes, mais aussi les investissements nécessaires ne suffisent pas.Les mesures élaborées pour garder le contrôle sur le loupConsidérant le coût élevé que les attaques des loups entraînent pour les éleveurs, l'État français a mis en place des mesures pour suivre l’état de la population du grand prédateur et même intervenir si nécessaire. Ce travail est effectué par l'Office Français de la Biodiversité, notamment par sa Police de l'environnement. Nicolas Jean explique que l’État français a mis en place tout un système de protection des troupeaux qui vont de l’aide au gardiennage, à l’utilisation de chiens de protection et de filets autour des troupeaux. Il explique aussi que, même si le loup est une espèce protégée, s’il continue à attaquer les troupeaux, il peut y avoir la mise en place de tirs dérogatoires, donc l’éleveur peut faire abattre l'animal. "Réapprendre à vivre avec le sauvage, c'est une question d'équilibre, de dialogue, avec des mesures parfois acceptées, parfois moins bien acceptées, mais toujours dans un esprit de cohabitation intelligente entre la nature et les activités humaines", conclut Nicolas Jean.Le chien de protection de troupeau, le patou, est d’une aide cruciale pour les éleveurs afin de mieux coexister avec le loup. Il est donc essentiel que les chiens soient bien entraînés pour limiter les attaques de loups, sans représenter non plus un danger pour les voisins ou les promeneurs, par exemple. "Il y a un intérêt à ce que les chiens sachent discerner correctement ce qui est une menace pour leur troupeau et ce qui n’en est pas forcément", explique Camille Fraissard, éthologue et spécialiste des chiens de protection.La technologie peut également améliorer l'efficacité des chiens de protection et aider les éleveurs à s’adapter à la présence des prédateurs. La start-up Keepio a développé un objet connecté pour la surveillance des troupeaux, un collier que portent les chiens de protection qui permet de savoir où le troupeau est situé et de voir s’il y a des comportements anormaux parmi les bêtes. "Le fait de voir ce qui se passe permet de matérialiser comment les attaques de loup se déroulent, et comment les chiens travaillent", explique Jonathan Bard, co-fondateur de Keepio. La preuve que technologie et science nous aident à mieux coexister avec la nature.
Propre et largement accessible, l'énergie éolienne est aujourd'hui l'une des sources d'énergie renouvelable les plus courantes. Il existe toutefois un coût caché : les éoliennes ont une durée de vie étonnamment courte et ne peuvent pas être entièrement recyclées. Comment éviter ce gaspillage ? Dans les années 1990, de nombreux parcs éoliens ont été construits en Europe, notamment au Danemark, en Allemagne et en Espagne. Plus de deux décennies plus tard, ces éoliennes arrivent à la fin de leur vie. Alors que 85% de la masse totale d'une éolienne peut être recyclée, les pales ne le peuvent pas et sont généralement enfouies ou incinérées. Sachant qu'environ 52 000 tonnes de pales seront démantelées chaque année d'ici à 2030, un problème de gaspillage risque de se poser – ironiquement dans une industrie qui est un symbole d'énergie propre et de durabilité. Heureusement, des scientifiques et des entreprises cherchent les moyens de recycler ou de valoriser ces pales.Le "repowering" des éoliennes au Danemark"Au Danemark, nous devons remplacer au moins 6 000 à 7 000 turbines dans les sept à huit prochaines années", explique Joachim Steenstrup, directeur des affaires publiques chez Eurowind Energy. Le Danemark a été l'un des premiers pays d'Europe à construire des parcs éoliens. Il dispose donc aujourd'hui d'un vaste stock de vieilles turbines obsolètes qui doivent être mises hors service. Par conséquent, de nombreux parcs éoliens danois sont en cours de renouvellement ou "repowering", un terme qui désigne le processus de remplacement des anciennes éoliennes inefficaces par de nouvelles éoliennes plus efficaces.Joachim Steenstrup nous montre un parc à Handest, dans le nord du Danemark, qui a été renouvelé : là où se trouvaient de vieilles turbines – construites à la fin des années 1980 – qui ne fonctionnaient plus correctement, on trouve maintenant des turbines modernes, plus efficaces. Les gains en termes de production d'énergie sont substantiels : "le renouvellement permet avec moins d’éoliennes d'avoir une production d'énergie 10 à 15 fois supérieure à celle des anciennes unités", déclare Joachim Steenstrup. Cependant, un volume important de déchets est produit.Le défi du recyclage des pales d'éoliennesJustine Beauson, ingénieure à l'Université technique du Danemark, a orienté ses recherches sur le recyclage des pales d'éoliennes. Elle explique que le défi du recyclage des pales est lié à la difficulté de séparer les matériaux dont elles sont constituées, à savoir les fibres de verre et les polymères plastiques. "Lorsque vous exposez ces matériaux à une température élevée pour séparer les fibres de verre du polymère, les parties en plastique se dégradent, et les fibres de verre sont alors endommagées", souligne-t-elle.Alors que les fibres de verre recyclées sont beaucoup moins résistantes et ne peuvent pas être utilisées pour construire de nouvelles pales, Justine Beauson cherche d'autres applications alternatives pour les fibres recyclées. Cependant, le processus de recyclage lui-même est très cher, représentant un défi supplémentaire, car il est encore plus difficile de trouver une utilisation économiquement intéressante des fibres de verre recyclées. Réutiliser les pales Une alternative au recyclage des pales d'éoliennes démantelées consiste à les upcycler, c'est-à-dire à réutiliser les pales pour créer un produit différent. C'est l'objectif de Jakob W. Nielsen, fondateur et directeur général de la start-up Miljøskærm, qui a eu l'idée de réutiliser les pales d'éoliennes pour créer des murs antibruit. Il a mis au point un procédé permettant de transformer les anciennes pales en un matériau poreux aux propriétés d'absorption acoustique, qui peut ensuite être utilisé pour construire des murs antibruit. Dans le quartier Vallensbæk de Copenhague, le mur antibruit installé par Miljøskærm a permis de réduire le bruit de 30 décibels. Une solution non seulement au problème des déchets du secteur éolien, mais aussi au problème de plus en plus pressant de la pollution sonore urbaine. Combattre le problème à la source : produire des pales d'éoliennes 100% recyclablesFinalement, la solution au problème des déchets d'éoliennes consiste à disposer de pales entièrement recyclables à la fin de leur vie. Le grand producteur d'énergie éolienne Siemens Gamesa a repensé la fabrication des pales, en mettant au point les premières pales entièrement recyclables au monde. "Le secret, c'est le matériau que l’on utilise", explique Jakob Mænnchen, spécialiste de la fabrication des pales chez Siemens Gamesa. "Nous avons introduit une nouvelle résine époxy, qui nous permet de dissoudre les pales en fin de vie".Il explique que, grâce à cette résine époxy, tous les matériaux de la pale peuvent être séparés à l'aide d'une simple solution acide à une température élevée. Alors que les matériaux obtenus par le processus de recyclage ne peuvent être réutilisés dans la fabrication de nouvelles pales d'éoliennes, ils ont plusieurs applications alternatives, des meubles aux planches de surf. Grâce à cette nouvelle technologie innovante, les éoliennes installées aujourd'hui ne seront plus un fardeau demain. 
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