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Afrique économie

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Author: RFI
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Chaque jour sur RFI, vivez la mutation de l'économie africaine. Chefs d'entreprises, décideurs, africains de tous bords et de toute condition témoignent dans Afrique Économie, votre rendez-vous de l'Économie africaine sur RFI.
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Avec une croissance du PIB de 6,5% en 2024 et de 6,4% attendue cette année, la performance ivoirienne est saluée par les économistes. Mais ils soulignent aussi les fragilités structurelles de l’économie. La Côte d'Ivoire contribue à 40% au PIB de l'Union monétaire ouest-africaine (UEMOA). Depuis la crise post-électorale de 2010-2011, son économie a su rebondir. En témoigne l'essor des infrastructures. « On a un investissement dans les infrastructures qu'on estime à 3,2% du PIB, largement supérieur à la moyenne africaine, qui est à 1,8% du PIB du continent », salue Arthur Minsat, chef de l’unité Afrique au centre de développement de l’OCDE. Infrastructures Ces investissements mériteraient cependant à être mieux répartis dans le pays, Abidjan concentrant déjà 65% du PIB ivoirien. « Ce serait bien que ces constructions massives d'infrastructures soient décentralisées, parce que tout est concentré dans la capitale, observe Stanislas Zézé, le PDG de l'agence de notation Bloomfield. Ça crée non seulement un problème d'exode rural, économique, mais qui défavorise les autres régions du pays. » À écouter aussiAfrique : une croissance forte qui ne crée pas assez d'emploi Retombées limitées du cacao et du pétrole Avec l'essor du commerce, des services financiers, des télécommunications et la naissance d'une industrie, le secteur primaire, agricole et extractif, ne pèse plus que 15 % du PIB. Mais sa croissance, elle, repose encore beaucoup sur l'exportation des matières brutes. « Le moteur principal de croissance est évidemment lié au cours du cacao, qui a donc entraîné un regain du dynamisme économique, ainsi qu'à l'exploitation de champs d'hydrocarbures, notamment le champ Baleine, reconnaît Arthur Minsat. Ce qui est évidemment bénéfique puisque ça a permis d'accélérer la croissance, mais qui, par contre, a un revers : des retombées sur l'Ivoirien et l'Ivoirienne moyens qui sont limitées. » Risque sociopolitique tous les cinq ans Dynamique à court terme, l'économie ivoirienne reste fragile à long terme, car la richesse est à 80% créée par les multinationales étrangères. « C'est une économie qui performe très bien, mais qui est fragile à long terme, estime Stanislas Zézé. Chaque cinq ans, il y a un ralentissement à cause de la situation sociopolitique. En cas de choc, généralement, les multinationales s'en vont et vous vous retrouvez avec une économie qui pourrait subir de graves conséquences. C'est pourquoi il faut, avec cette performance, renforcer la capacité des entreprises locales de sorte qu'elles puissent avoir une plus grande part dans la création de la richesse pour que le pays soit de plus en plus résilient et développe sa capacité à absorber des chocs. » L'OCDE suggère d'encourager la transformation locale, en particulier des produits agricoles dont la Côte d'Ivoire regorge, pour la consommation régionale. À écouter aussiNialé Kaba (ministre de l'Économie): «L'économie ivoirienne solide grâce à la stabilité et la paix»
La Tanzanie connaît un boom démographique : 70% des 60 millions d’habitants ont moins de 30 ans et ils doivent se faire une place sur le marché du travail. En l'absence de véritable plateforme nationale pour la recherche d'emploi, une start-up a créé la sienne, pour faire le lien entre les jeunes et les entreprises. Comment bien préparer son CV ou trouver un stage, c’est sous la forme de vidéos courtes sur les réseaux sociaux que la plateforme Niajiri, littéralement « Embauche-moi » en swahili, s’adresse aux jeunes en recherche d’emplois. C’est d’ailleurs en parcourant Instagram, réseau social très populaire en Tanzanie, que Stella Mwamasage, 24 ans, a entendu parler de la start-up. « J’utilise Niajiri pour faire des CV, pour trouver un emploi, j’ai aussi pris des cours pour me préparer aux entretiens », confie-t-elle. Aide au CV, stages et offres d’emploi La jeune femme a obtenu cette année sa licence en banque et finances à l’université de Dar es Salaam. Malgré sa motivation, trouver un emploi s’est révélé plus difficile que prévu. Mais un jour, en se rendant à un atelier de Niajiri, Stella a entendu parler d’offres d’emploi à la banque tanzanienne NBC. Elle vient de commencer sa première semaine. « Je suis motivée parce que si je travaille bien, je crois que je pourrai évoluer », espère-t-elle. Stella n’a pas de salaire fixe. Elle est payée à peine l’équivalent de 90 centimes d’euro pour chaque ouverture de compte. Comme elle, ils sont plus d’un million chaque année à entrer sur le marché du travail en Tanzanie pour à peine 60 000 emplois dans le secteur formel. Un jeune sur quatre sans emploi Certains jeunes sortent de l’université, mais beaucoup d’autres viennent juste de terminer l’école primaire. « Les jeunes demandeurs d’emplois sont très nombreux sur le marché du travail. Mais trouver des jeunes avec les bonnes compétences, c’est autre chose », constate Lillian Madeje, la créatrice de la plateforme Niajiri. La Tanzanie n’a pas de plateforme nationale pour la recherche d’emploi dans le secteur privé, c’est donc vers des start-up comme Niajiri que les jeunes peuvent se tourner. Mais là encore, le boom démographique se heurte à la réalité du marché du travail. « Pour 30 postes à pourvoir, nous avons reçu 4 200 candidatures », souligne la cheffe d’entreprise, qui souhaite rester optimiste. Le gouvernement fait du sujet de l’emploi des jeunes l’un de ses piliers de sa vision 2050, une feuille de route pour l’avenir du pays. Selon un sondage de l’ONG Afrobarometer, cette année, un jeune sur quatre serait sans emploi en Tanzanie. À lire aussiAfrique: une croissance forte qui ne crée pas assez d'emploi
Écrasé par des cours mondiaux trop bas, et une concurrence acharnée imposée par le coton brésilien, le coton africain a du mal à se vendre, et s'accumule dans les entrepôts portuaires, à Cotonou, Lomé, Dakar ou encore Abidjan. Une situation qui pénalise tous les maillons de la filière. Il y aurait, a minima 200 000 tonnes de coton africain invendues, selon Kassoum Koné, le président de l'Association cotonnière africaine, mais peut-être 250 000, voire 300 000 tonnes, à en croire des négociants rencontrés le 30 septembre lors du rendez-vous annuel de l'Association française cotonnière (Afcot) à Deauville, dans le nord de la France. Selon leurs estimations, il resterait notamment 100 000 tonnes de coton malien invendues. Quels que soient les chiffres, les volumes dépassent, de loin, ce qui reste à commercialiser d'habitude à cette époque. En cause, le coût de revient élevé du coton ouest-africain qui le rend peu compétitif. « La concurrence est rude, car il y a aussi du coton brésilien et américain sur le marché », explique Boubacar Salia Daou. Ce négociant, président de Millenium Mali, confirme que fin septembre, il n'y a en général plus de stock. La baisse des cours mondiaux a un impact sur ses marges, précise-t-il, mais aussi sur les finances de la CMDT, la société d'État malienne qui gère le secteur. Le secteur logistique au ralenti Ces invendus pèsent sur la plupart des sociétés cotonnières qui ne peuvent pas rembourser leurs crédits, mais vont devoir bientôt négocier de nouveaux prêts pour la prochaine campagne. Elles sont touchées à double titre, car elles doivent aussi supporter le coût d'un stockage plus long dans les entrepôts portuaires, des entrepôts où l'activité a ralenti. « Les entrepôts sont vidés fin juin d'habitude, mais cette année tous nos magasins à Lomé sont pleins », explique Blaise Agbozo, représentant du groupe R-Logistic au Togo. L'expert en logistique a vu ses prévisions tomber à l'eau : « Plus vous rentrez du coton, plus vous en sortez, plus le tonnage augmente, et plus vous générez de la marge, mais si les entrepôts sont pleins et qu'il n'y a plus d'expéditions, nous y perdons forcément ». Risque de décote En bout de chaîne, ceux qui vérifient le poids et la qualité du coton avant qu'il soit embarqué n'ont qu'une hâte, que l'activité reprenne. « Nous avons certifié 65 % des volumes que nous traitons d'habitude à cette époque, nous attendons maintenant que les 35% qui restent soient embarqués d'ici décembre », témoigne Abderamane Adoum Hassan, directeur régional de Wakefield Inspection, basé à Abidjan, qui assure que le ralentissement de l'activité cotonnière n'épargne aucune société du secteur. Le risque, c'est qu'une fois la nouvelle récolte disponible, courant novembre, l'ancienne se vende avec une décote. Ce n'est pas tant le stock qui effraie le président de l'Association cotonnière africaine, que le manque de visibilité pour l'exporter. « Tout va vite dans le coton, s'il y a un appel d'air, tout ce qu'on qualifie de grand stock pourra être vendu rapidement, mais notre souci, c'est qu'on ne sait pas à quel moment on va sortir la tête de l'eau » résume le président de l'ACA qui espère que cette période difficile sera « la plus courte possible ». À lire aussiL'association des producteurs de coton africains élaborent leur feuille de route à Garoua
Au mois de novembre se tiendra la COP de Belém, dix ans après l’accord de Paris. Dans un contexte porté par le climato-scepticisme, des acteurs importants de la finance se sont retirés des grandes alliances Net Zero, engagées dans la lutte contre le changement climatique. Difficile dans ces conditions de tenir les ambitions : lever 100 milliards de dollars chaque année pour faire face aux défis du changement climatique. Dans cette équation, le secteur privé a son rôle à jouer. Devant un parterre de banquiers, le Kényan, James Mwangi n’hésite pas à décrire les impacts du changement climatique dans son village. Des abeilles et des animaux qui ont disparu ou encore des cours d’eau à sec. « Le secteur privé doit mener cette guerre contre le changement climatique. En tant que banque, nous nous efforçons de donner au secteur privé les moyens de prendre les commandes », assure-t-il. Les entrepreneurs pointent régulièrement les lenteurs des mécanismes et le manque de souplesse. James Mwangi le directeur d’Equity Bank, l’un des grands groupes bancaires d’Afrique de l’Est, l’assure : il aspire à faire bouger les choses. « Ce que nous avons fait, c'est développer des solutions innovantes qui permettent en particulier aux micro-entreprises et les aux agriculteurs à s'adapter au changement climatique et d'en atténuer les effets », plaide-t-il. « L'année dernière, nous avons été désignés par la SFI comme la banque ayant accordé le plus grand nombre de prêts d'atténuation et d'adaptation dans le monde », met en avant le banquier. Pour développer l’investissement privé dans le domaine, Marissa Drew, responsable du développement durable de la Standard Chartered, estime que les États doivent être moteurs : « Si vous définissez une ambition pour un pays, les acteurs en dessous suivront. Par exemple, nous avons travaillé avec la Côte d'Ivoire. Nous les avons aidés à élaborer leur cadre de développement durable. Ensuite, nous les avons aidés à lever l’équivalent de plus de 400 millions de dollars d'instruments financiers liés à ces questions. Il s'agissait d'objectifs très spécifiques qu'ils s'étaient eux-mêmes fixés. » Dérisquer et créer des dynamiques vertueuses Afin de créer des synergies dans ce domaine, Proparco filiale de l'Agence française de développement, spécialisée dans le financement du secteur privé– a récemment rassemblé une centaine d’établissements bancaires ou gestionnaires de fonds. Parmi les stratégies engagées : dérisquer les investissements, et créer une dynamique vertueuse. « On peut le faire soit en dédiant des lignes de crédit ou de financements dédiés avec une composante climat. On peut le faire aussi avec un objectif, on va dire plus transformationnels », explique Françoise Lombard, la directrice générale de Proparco. C’est ce qu’a fait l’institution en 2023 en créant une coalition d'acteurs financiers pour 200 millions de dollars, le Sustainability Link Loan d’Ecobank. Un acteur panafricain qui est présent dans plus d'une trentaine de pays africains. « Ça marche de manière assez simple, précise Françoise Lombard. Si Ecobank sur sa feuille de route climat atteint les objectifs que, conjointement, nous avons convenus, les conditions du prêt seront plus intéressantes. Et ça, c'est extrêmement intéressant comme outil parce que ça veut dire qu'on va appuyer Ecobank dans sa démarche pour intégrer le climat non pas comme un objet de financement, mais comme une problématique qui irrigue toute l'organisation, la gouvernance, les décisions de crédit. Et on va aussi faire en sorte que Ecobank soit prêt à s'engager sur des réductions d'émissions du portefeuille de la banque et rendre publiques ces cibles. Donc, c'est extrêmement incitatif. » Lors de la dernière COP à Bakou, les besoins de financements ont encore été revus à la hausse. Objectif : mobiliser 1 300 milliards de dollars de financement public et privé d'ici à 2035.
Samedi 4 octobre, le président Andry Rajoelina a entamé des consultations avec les forces vives de Madagascar : haut fonctionnaires, groupements d’entreprises et organisations de la société civile. En parallèle, des mobilisations pro et anti-gouvernement ont eu lieu le même jour dans le centre-ville de la capitale d'Antananarivo. Mais un imposant dispositif de sécurité a empêché les jeunes manifestants du collectif Gen Z de se retrouver place d’Ambohijatovo. Si les revendications de la Gen Z se sont diversifiées au cours de la semaine, le fond reste bien le même. Un sentiment d’injustice et d’inégalités qui prend racine dans le contexte économique de l’île. Premiers motifs de colère au début des manifestations : les coupures d’eau et d’électricité. Pour Ketakandriana Rafitoson, la vice-présidente de Transparency International à Madagascar, la Jirama dans le collimateur de la Gen Z est devenu un symbole des problématiques de mauvaise gestion sur l’île. « Cette entreprise publique, censée garantir l'accès à l'eau et à l'électricité, est aujourd'hui synonyme de gaspillage, d'opacité, de collusion politique », affirme-t-elle. « Pendant des années, des contrats faramineux ont été attribués sans appel d'offres transparent, souvent des sociétés proches du pouvoir des marchés de carburant surfacturés par exemple, des projets de réhabilitation d'infrastructures détournées de leur objectif initial et des milliards engloutis sans aucun résultat tangible. Tout cela pendant que les citoyens subissent des coupures quotidiennes, que des familles vivent dans le noir », poursuit la chercheuse. « Donc, la Jirama, pour moi, c'est plus qu'un scandale financier, c'est l'incarnation même d'un système où l'argent public sert à enrichir quelques-uns au lieu d'améliorer la vie de millions de Malgaches. Et les Malgaches, justement, ne sont pas dupes. Ils ont bien compris que c'était la corruption qui était au centre de ce problème, d'où les revendications aujourd'hui exprimées par la majorité », estime-t-elle. À lire aussiContestations à Madagascar: le délabrement d’un campus à Antananarivo, symbole des misères des jeunes Taux de croissance en berne et peu d'opportunités d'emplois Des questions de gouvernances qui ressortent dans le classement de Transparency International. Madagascar y occupe la 26e position sur 100. Une position qui stagne depuis plus de dix ans pour des raisons très précises, détaille Ketakandriana Rafitoson : « Les grandes affaires sont étouffées. Les institutions de contrôle sont fragiles et l'accès à l'information reste un combat au quotidien. Et cette impunité nourrit en fait l'injustice, creuse les inégalités, entretient la pauvreté, l'extrême pauvreté dans laquelle vivent 80 % de nos compatriotes. » Une perception de la corruption élevée tandis que le niveau de vie des populations ne s’améliore pas, souligne l’économiste Aimé Ramiarison, enseignant-chercheur à l’université d’Antananarivo. « Le taux de croissance économique moyen est très faible. C'est-à-dire que depuis 2009, jusqu'en 2024, c'était de 2,3 % par an en moyenne. Donc, c'est très faible. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire une faible création de richesse », pointe le chercheur. « Deuxième signification, ça veut dire que le taux de croissance du PIB est revenu à paraître, négatif depuis 2009 jusqu'à maintenant. Et puis une faible croissance signifie également une très faible création d'emplois », poursuit Aimé Ramiarison. « Et si nous regardons les statistiques sur le marché du travail, on constate que seulement 11 % des emplois totaux sont des emplois formels, que l'on peut donc qualifier d'emplois décents ou productifs. Et de l'autre côté, 85 % des emplois sont des emplois qualifiés, des emplois précaires. Ça veut dire qu'une grande majorité de la population exerce des emplois précaires, c'est-à-dire des emplois mal payés, sans aucune protection sociale », détaille-t-il. Le professeur souligne le peu de perspectives offertes aux jeunes. Des jeunes qui doivent également faire face à l’incertitude créée par la politique américaine qui pourrait compromettre notamment plusieurs milliers d'emplois dans le secteur textile sur l'île. À lire aussiMadagascar: le mouvement Gen Z se dote de huit porte-parole
Au Sénégal, le Train express régional de Dakar, lancé en janvier 2022 pour désengorger la capitale, est tellement fréquenté que les autorités envisagent de multiplier les rames et d'étendre le réseau ferroviaire dans le pays. Le partenariat entre la Société nationale de gestion du TER (Senter) et les fournisseurs de matériel ferroviaire est donc appelé à se consolider, d'autant que les dettes sont en train d'être réglées. C'est une infrastructure victime de son succès au Sénégal : 90 000 voyageurs empruntent quotidiennement le TER de Dakar. Mais malgré sa ponctualité, les passagers doivent être patients pour monter à bord. Multiplier les rames et étendre le réseau ferroviaire dans Dakar et au-delà s'impose, estime Cheikh Ibrahima Ndiaye, le directeur général du gestionnaire, la Senter. D'autant que la capitale va bientôt accueillir un événement sportif d'ampleur mondiale : « Nous envisageons de densifier cette desserte dans l'optique d'abord des Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) que nous allons accueillir dans un an et qui va permettre de désengorger Dakar, souligne-t-il. Et nous sommes également dans la perspective de l'extension du TER vers l'intérieur du pays, avec une première phase qui est d'aller à Thiès, la première ville en sortant de Dakar. » Usine de construction ferroviaire ? Ces projets sont inscrits dans le plan de développement du Sénégal, Vision 2050. Une vision à long terme indispensable dans l'industrie ferroviaire, souligne Alain Picard, directeur général de CAF France, dont l'usine alsacienne rachetée à Alstom a fourni les 80 premiers trains du TER dakarois et qui pourrait installer un atelier au Sénégal : « Si nous savons, ensemble – Senter, les autorités sénégalaises et CAF –, tisser cette relation de long terme, alors oui, on peut envisager toute une série de déploiements industriels. Mais il faut bien comprendre qu'on ne s'implante pas dans un pays pour y rester trois ans parce qu'on a fabriqué dix rames, ça n'existe pas. C'est un investissement industriel qui a pour objectif une vision long terme et qui, par ailleurs, dans le cas du Sénégal, pourrait avoir une vision régionale, c'est-à-dire de considérer le Sénégal comme étant une base d'exportation. » À écouter aussiLe rail, une solution pour désengorger les mégapoles africaines Créances en voie d'être débloquées En attendant, le Sénégal est en train de régler les problèmes de créances qui s'étaient accumulés depuis le changement de régime, lorsque les nouvelles autorités de Dakar avaient décidé d'auditer tous les marchés d'infrastructures, y compris ferroviaires. « Aujourd'hui, pour le secteur ferroviaire, notamment dans le cadre du projet d'extension du TER vers l'aéroport, ces sujets-là ont été adressés par les deux parties. Et nous sommes en train de trouver toutes les solutions pour y apporter des réponses claires, assure le DG de la Senter, Cheikh Ibrahima Ndiaye. Aujourd'hui, je peux annoncer que pour ce qui concerne CAF, il n'y a pas de sujet. Il reste encore quelques paiements, mais qui sont en voie d'être débloqués. » Pour les autres sociétés qui ont participé aux travaux ferroviaires, affirme-t-il, le Sénégal a fait voter les budgets dans la loi de finance 2026 pour rembourser ces créances. À lire aussiSénégal : le long-métrage «Liti Liti» part sur les traces du TER Dakar-Diamniadio
Chaque année, les Comores reçoivent l'équivalent de 30% du PIB via la diaspora, selon les chiffres de la Banque centrale. Une manne vitale pour les ménages, mais encore trop peu investie dans des projets productifs dans l'archipel. Permettre à la diaspora comorienne d'accéder à toute l'information sur les services aux entreprises, c'est le but d'une nouvelle plateforme en ligne dédiée aux Comores. « La diaspora ne connaît pas toujours le territoire comorien, souligne la directrice de l'Agence nationale pour la promotion des investissements, Nadjati Soidiki. Ils ont besoin d'accompagnement technique, donc c'est très important qu'ils puissent avoir une réponse à ce besoin-là qu'on leur offre à travers l'incubation et la co-incubation, qu'on a déjà mises en place et dont un certain nombre d'entreprises ont bénéficié. Et puis, bien sûr, le nerf de la guerre : l'accompagnement financier. Il faut qu'ils puissent bénéficier de véhicules qui leur permettent de réaliser des investissements structurants. C'est une chose à laquelle on s'intéresse avec la mise en place très prochainement de produits qui leur sont dédiés, comme des prêts d'honneur. » À écouter aussiComores : les efforts se multiplient pour soutenir les jeunes entrepreneurs Montrer que c'est possible Certains membres de la diaspora franchissent déjà le pas, comme la famille à l'origine du Naya Lodge, un hôtel à Mitsamiouli. « On est Comoriens, donc c'est chez nous. Et on a eu aussi la chance de pouvoir voyager, de voir autre chose, et on s'est dit : "On a des paysages magnifiques, on a tellement de richesses aux Comores, pourquoi est-ce qu'on ne développerait pas quelque chose ici chez nous ?" », explique Imane Soilihi, venue de France et responsable marketing de l'hôtel. Et c'est comme ça qu'on a décidé de rentrer. On entend beaucoup de projets qui doivent se lancer, mais qui finalement ne voient pas le jour pour différentes raisons. Et nous, on veut leur montrer qu'on est en finition, mais l'objectif, c'est de pouvoir bientôt les accueillir chez nous, à Naya Lodge ! » Du tourisme aux plateformes de services Créée par des Comoriens de France, Sahilkom propose plusieurs prestations de services du quotidien, tel que le transport en VTC, un covoiturage ou la livraison à domicile. Elle s'est fait connaître au dernier salon de l'entreprise. « Nous sommes déterminés à apporter une valeur ajoutée à notre communauté, insiste Hamdi Abdillahi Rahilie, responsable de la croissance et des opérations. Donc, on continue les efforts et on relève le défi. Ce salon offre une plateforme idéale pour présenter notre start-up à un large public, y compris des investisseurs potentiels, des partenaires commerciaux ou simplement les utilisateurs cibles. C'est aussi une grande opportunité de rencontrer des représentants de la diaspora comorienne, des entrepreneurs locaux, avec qui on pourrait avoir des collaborations fructueuses ou pour échanger simplement des conseils précieux et des opportunités en affaires. » Tourisme, agriculture et services, en particulier le numérique, sont les secteurs qui attirent le plus d'investissements de la diaspora aux Comores.
L'affaire Glencore met en cause des pots-de-vin estimés à 11 millions de dollars – environ 7 milliards de FCFA – versés à des responsables de la SNH et de la Sonara pour obtenir des cargaisons de pétrole brut à prix préférentiel entre 2011 et 2018. Alors que le procès s'ouvrira devant la justice britannique en juin 2027, les répercussions se font déjà sentir au Cameroun. Une perte d'attractivité économique et une production de pétrole en repli. L'affaire Glencore, emblématique dossier de corruption, a joué un rôle non négligeable, notamment pour l'image du pays. Selon l'économiste Serge Godong, professeur à l'université de Yaoundé 2, il a aggravé la situation et les problèmes de gouvernance. Il explique : « Il faut inscrire l'affaire Glencore dans la dynamique institutionnelle générale du pays, qui est en recul. C'est une perte de compétitivité, mais surtout une perte de réputation en matière de gouvernance. Le Cameroun apparaît aujourd'hui aux alentours du 28e rang africain des pays attractifs pour les investissements directs étrangers. Ce n'est pas honorable pour un pays qui prétend être la locomotive économique de l'Afrique centrale. » Une enquête camerounaise ? Sur le plan judiciaire, deux ans se sont écoulés depuis que le président Paul Biya a autorisé la SNH à déposer une plainte devant le Tribunal criminel spécial, afin qu'une enquête soit ouverte. Mais depuis, aucune information n'a été communiquée. L'avocat Henri Njoh Manga Bell, président de Transparency International Cameroon, s'interroge : « Des aveux de Glencore, il ressort que de hautes personnalités ont été corrompues. Il est donc possible que certaines d'entre elles soient encore en fonction et qu'elles freinent toute tentative de faire la lumière. On a l'impression que la justice camerounaise attend l'ouverture du procès en Angleterre pour se décider, puisqu'elle n'a en réalité jamais lancé d'enquête ici. » L'ampleur des pertes encore floue Selon les éléments déjà connus, Glencore aurait racheté le pétrole camerounais environ 30% en dessous du prix du marché en échange des pots-de-vin. Les pertes sont donc considérables, mais difficilement chiffrables. « Tant qu'aucune enquête n'a été ouverte à Yaoundé, il sera impossible d'évaluer précisément ce qui a été spolié, précise Alain Nkoyock, universitaire spécialiste de la gouvernance, tous les chiffres avancés aujourd'hui ne sont qu'approximatifs. » Le Cameroun pourrait récupérer cet argent, mais cela demande énormément de temps et de volonté politique, estime Alain Nkoyock : « Il faut un engagement politique fort, sans ambiguïté, pour poursuivre les responsables locaux impliqués. La deuxième chose, c'est une coopération internationale proactive, basée sur la transparence et la pression de la société civile. Le Nigeria a pu le faire justement parce qu'il y avait un autre gouvernement à l'époque qui était au pouvoir et qui l'avait mis vraiment tout son poids pour que cela soit fait. Et enfin, il faut inscrire le recouvrement des avoirs volés au Cameroun dans une stratégie nationale claire avec un bureau spécialisé. » À la fin du mois d'août, l'administration fiscale camerounaise a malgré tout notifié à Glencore une dette de près de 11 000 milliards de FCFA, soit un peu moins de 20 millions de dollars, correspondant à des droits et taxes détournés.
Sept maroquiniers éthiopiens étaient récemment à Paris pour présenter leur travail. Objectif : se faire connaître, convaincre des acheteurs et franchir les obstacles qui freinent leur entrée sur le marché européen. « Je fabrique des sacs, des carnets, des ceintures et d’autres accessoires. Comme vous pouvez le voir, je crée aussi bien des articles féminins que masculins, ainsi que des produits mixtes et unisexes », raconte Milki Aberra, cofondateur de la marque Tibeb Leather Works. Il a un atelier de maroquinerie et deux boutiques à Addis-Abeba. Et, tout sourire, le voilà à Paris dans un salon de mode pour tenter de trouver des débouchés à sa production et valoriser enfin le cuir éthiopien. « Il est un peu difficile de trouver une clientèle régulière. Nous avons bien un client à l’export sur le marché américain, mais pas encore en Europe. C’est un peu compliqué, car il y a trop de normes et de spécifications à respecter avant de pouvoir exporter vers l’Europe. Donc oui, c’est assez difficile de pénétrer le marché européen », reconnait Milki Aberra. Une « marque-pays » nommée Éthiopie Impossible pour l’instant de trouver ses créations en Europe : elles ne sont pas distribuées. Pour que cela devienne une réalité, Milki Aberra et six autres maroquiniers éthiopiens sont appuyés par le Centre de promotion des importations des Pays-Bas. Une organisation gouvernementale où travaille Jan Willem Richelmann : « On retravaille le dessin pour réaliser le goût européen. Les collections se sont améliorées chaque année. Et aussi, quand ils viennent à Paris, le marché les reconnaît. Donc chaque fois, vendre "la marque-pays", ça marche mieux. Et ça se traduit en business. » Mais encore faut-il pouvoir venir. Le visa court séjour permettant l'entrée dans l'espace Schengen regroupant 29 États européens est très difficile à obtenir. Un frein supplémentaire à l'exportation pour les entrepreneurs africains. Sans visa, très peu d'achats « Pour les affaires en particulier, c’est très difficile, témoigne Milki Aberra, par exemple, moi, on m’a refusé deux fois, en 2023 et en 2024, je n’ai pas pu venir à ce salon. C’est la première fois que je viens. C’est important pour nous d’avoir des échanges en face à face pour trouver plus de clients ». Résultat de ce séjour parisien pour Milki Aberra : quelques contacts pris, mais, à ce jour, aucun client n’a confirmé de commande ferme. Si le cuir éthiopien reste très prisé par les grandes marques occidentales et chinoises, l'artisanat et la création locale peinent à percer en Europe. Reste les États-Unis, et malgré de nouveaux droits de douane de 10 % supplémentaires, les experts estiment que l’Éthiopie s’en sort plutôt bien face à ses concurrents, comme le Bangladesh ou le Vietnam. À lire aussiMode : comment développer le potentiel du secteur du cuir sur le continent ?
Dans le grand centre du Caire comme dans les principales villes d'Égypte, près de trois quarts des commerces bénéficiaient encore d’un gel des loyers, une mesure héritée de l’ère Nasser et transmissible de génération en génération. Mais cette exception, instaurée il y a 70 ans, vit ses derniers jours. Depuis début août, une nouvelle loi prévoit de réévaluer progressivement les contrats sur cinq ans pour les locaux commerciaux et sept ans pour les logements. Une perspective qui inquiète de nombreux petits commerçants qui craignent de devoir mettre la clé sous la porte. Avec notre correspondant au Caire, Comme d’habitude, c’est l’effervescence dans la rue commerçante de Soliman Gohar, à deux pas du centre-ville du Caire. Mais Yasser, lui, rumine son inquiétude au fond de son atelier de menuiserie : « Aujourd’hui, je paye cinq livres par mois. Ils disent que dans cinq ans, si le propriétaire ne veut plus de nous, on va devoir partir. Alors que cet atelier est ouvert depuis plus de 50 ans. Ce souk n’a pas d’âge ! » Cinq livres, c’est moins de dix centimes d’euros. Une somme dérisoire dont profitent la plupart des commerçants du coin, comme William, vendeur d’ustensile de cuisine. « 80 % des commerces de cette rue bénéficient des anciens loyers. C’est-à-dire, une somme presque symbolique. Mais avec cette nouvelle loi, il pourrait être multiplié par cinq et tout le monde va mettre la clé sous la porte. Tout va disparaître », s’alarme-t-il. Pour certains experts comme Yahia Shawkat, chercheur en urbanisme, le paysage de certains quartiers va se diversifier avec le temps. « Certains magasins à faible valeur commerciale comme les petits tailleurs, les boutiques de jouets ou les librairies vont certainement être déplacés. Alors que d’autres, comme les restaurants, les cafés ou les pharmacies, qui rapportent plus, pourront eux s’adapter aux loyers du marché », estime-t-il. Mais ce que craint surtout le spécialiste, c’est l’agitation sociale que pourrait engendrer la nouvelle mesure. « L’application de cette loi va être compliquée. Il faut s’attendre à des confrontations publiques entre propriétaires et locataires, des confrontations physiques, qui se décideront à la loi du plus fort », pense Yahia Shawat. Un constat partagé par Mohamed, poissonnier, qui a repris l’échoppe fondée par son père dans les années 1970 : « Cette loi est injuste et contient de nombreuses violations. Presque tous ses articles vont à l’encontre de la Constitution. Dans sept ans, c’est toute l’Égypte qui va descendre dans la rue. » Le gouvernement a déjà promis des solutions de rechange aux commerçants touchés par la loi, sans donner pour le moment plus de détails. À lire aussiL'Égypte met fin au système de blocage des «anciens loyers» dérisoires mis en place sous Nasser
Le stade Olembé, le plus grand du pays, infrastructure phare bâtie pour la CAN qui s’est jouée en 2022, est l’un des dossiers qui aura marqué le dernier mandat du président Paul Biya. Si le stade de 60 000 places a été livré pour la CAN, retards et contentieux avec les entreprises ont émaillé sa construction. À terme, c’est un complexe comprenant une piscine olympique, des terrains pour le tennis, le basket, le volley ou encore un parcours de VTT, qui doit sortir de terre. Ce projet, initialement évalué à 163 milliards de francs CFA (environ 250 millions d’euros), n’a pas encore vu sa phase 1 être achevée. Il reste à finaliser le grand hôtel et le centre commercial, dont seul le gros œuvre a été achevé. François Félix Ewane est l’administrateur de l’Office national des infrastructures et équipements sportifs du Cameroun (Onies). C’est l’organisme en charge et qui a été créé en août 2022, après la CAN. « Fort de la pression de la CAN, les entreprises ont voulu faire du chantage, profiter de ce qu'il y avait une urgence pour siphonner les ressources et essayer de sortir des enveloppes prévues. Tout cela a créé une période de turbulence qui a amené l'État à recentrer ses travaux sur ce qui était une nécessité pour faire la CAN », détaille François Félix Ewane. « Parce qu’il y avait des demandes déraisonnables en paiements complémentaires, nous avons été obligés de résilier les contrats », précise-t-il. Le chantier a d’abord été confié à l’entreprise italienne Piccini Group, puis à la Canadienne Magil. Toutes les deux ont initié des procédures de contentieux à l’encontre des autorités camerounaises. Une gestion du projet par les autorités qui fait l’objet de nombreuses critiques. « Il est tout à fait emblématique de ce qui se passe au Cameroun dès qu’il y a de très grands chantiers », estime Stéphane Akoa. Le chercheur à la fondation Paul Ango Ela poursuit : « Cela renvoie à l'ensemble des projets, à la somme des intentions au Cameroun qui n'ont jamais abouti à un objet réalisé dans les temps et dans la forme souhaitée. Et puis par ailleurs, il y a toutes ces sommes dépensées, soit parce qu'à chaque phase de travaux, l’État a dû accepter des avenants au contrat qui ont augmenté le coût initial des travaux. Et puis, dans ces différents contentieux, le devoir de payer encore plus. » À lire aussiCameroun: un groupe canadien exige 16 milliards de FCFA pour le chantier à l'arrêt du complexe sportif d'Olembé « Nous ne sommes plus dans une logique d'urgence » Des surcoûts liés aux contentieux qui pourraient atteindre plusieurs centaines de milliards de francs CFA selon la presse camerounaise. L’Onies, lui, s’en tient aux sommes décaissées pour le projet – soit environ 60 % de l’enveloppe initiale, affirme-t-il. Les travaux sont actuellement à l’arrêt et tout est fait pour une reprise dans les meilleures conditions assure François Félix Ewane : « Nous avons un consultant qui est en train de faire un état des lieux et qui va se boucler sur un audit technique de ce qui reste à faire et cet audit va tirer les leçons des contrats antérieurs et va définir le scope des nouveaux travaux. » Pour l’administrateur, la CAN étant passée, « nous ne sommes plus dans une logique d'urgence. Maintenant, nous nous organisons posément à faire les choses de façon rationnelle et structurée. » Autre défi pour l’Onies : « faire tourner la boutique ». Malgré un planning d’évènements déjà bien rempli, assure l’administrateur, la rentabilité économique ne peut cependant être le seul critère pris en compte. La satisfaction des publics accueillis est également selon lui primordiale. À lire aussiOpération «mains propres» au Cameroun: vers une reprise de l'opération Epervier ?
Sur les 150 millions de Chinois à voyager cette année, 140 000 auront visité le Maroc, selon les statistiques du royaume chérifien. C'est quasiment la fréquentation d'avant le Covid. Depuis dix ans, les autorités de Rabat facilitent l'entrée des touristes chinois sur le territoire marocain et elles envisagent de nouvelles dessertes aériennes. Mais les retombées pour les opérateurs locaux du tourisme ne sont pas toujours au rendez-vous. De notre correspondant de retour de Chefchaouen, Une petite médina, nichée dans les montagnes du nord du Maroc. Ici, tout est peint en bleu azur. Bienvenue à Chefchaouen, le décor qui plaît tant aux touristes chinois. Cette petite ville a particulièrement la cote auprès de ces nouveaux touristes qui ont vraiment commencé à venir dans le royaume à partir de 2016, lorsque Rabat les a exemptés de visa. « Le tourisme chinois a été un moment donné une aubaine, je pense pour Chefchaouen, parce qu’il y a eu des arrivées en masse de clients chinois qui consommaient localement aussi bien dans les hôtels, les restaurants ou les cafés », explique Jaber Lahbabi, un opérateur touristique local. Un tourisme peu rentable Les flux ont rapidement augmenté à la veille de la crise du Covid. en 2019, 180 000 Chinois ont visité le royaume. Mais Chefchaouen a commencé à changer. Des restaurants chinois ont fait leur apparition par exemple. « Très vite, ils ont commencé à utiliser leurs réseaux, c’est-à-dire leurs réseaux de transports, leurs réseaux d’agences, leurs réseaux de guides », témoigne Jaber Lahbabi. « Ils ont des besoins bien spécifiques, certes, mais si le touriste vient à Chefchaouen, c’est pour connaître Chefchaouen, pour goûter aux produits du terroir. Si le restaurateur est chinois, si l’hôtelier est chinois, que nous apporte ce tourisme ? », se questionne l’opérateur marocain. Plus de navettes entre Shanghai et Casablanca Cette année marque le retour des touristes chinois dans le royaume. Ils devraient être 140 000 à visiter le pays, d’après l’Office national marocain du tourisme. Pour en attirer davantage, il faut plus de dessertes. À partir d’octobre, un avion reliera directement Shanghai et Casablanca, trois fois par semaine. Shin est venu d’Espagne, où il est étudiant : « Ce voyage, c’est pour célébrer l’obtention de mon diplôme. Chefchaouen est une jolie petite ville. Ici, les maisons sont bleues, j’adore le bleu, j’aime beaucoup cet endroit. » Ce Chinois de 22 ans a choisi de dormir dans une maison d’hôtes marocaine, mais vient de manger dans un restaurant chinois. « C’est vraiment surprenant pour moi, je n’imaginais pas trouver ça ici. Les Chinois, on est vraiment partout ! Le goût, c'est vraiment le même qu’en Chine », s’étonne ce touriste. L’Égypte fait figure de principal concurrent du Maroc sur ce segment. Pour améliorer sa compétitivité, le royaume vise le label « China Ready », un sésame officiel qui certifie les destinations répondant aux exigences et besoins spécifiques de cette clientèle. À lire aussiLa Tunisie et le Maroc connaissent une année touristique 2025 en demi-teinte
Au Ghana, premier pays producteur d'or africain, le régulateur du secteur aurifère artisanal créé en mai dernier, le GoldBod a annoncé travailler sur un plan d'un milliard de dollars pour développer 300 petites mines dites « responsables », alors que le pays souffre de l'orpaillage illégal. En 2024, les exportations d’or ont rapporté 163 milliards de cedis, soit plus de 13 milliards de dollars au taux de change actuel, au produit intérieur brut ghanéen. Une manne économique vitale pour le pays, mais dont ne bénéficient pas assez les communautés vivant aux alentours des grands sites miniers. C’est en tout cas ce que soutient l’ingénieur ghanéen Shelter Lotsu, président de la société TSL Sustainability : « Nous avons beaucoup d’entreprises multinationales exploitant nos minerais. Ce qu’ils font, c’est de la philanthropie. Ce n’est pas de la gouvernance sociale et environnementale. Si on n’implique pas les communautés, cela ne créera aucun bénéfices sociaux ou environnementaux. » À lire aussiGhana : l'État accentue sa mainmise sur l'exploitation de l'or dans le pays Une meilleure traçabilité des mines artisanales Selon l’ingénieur, une voie existe pour rendre le secteur plus durable : une mise à contribution accrue des grands groupes miniers étrangers. « Il est grand temps que le gouvernement s’assure que les engagements sociaux et environnementaux des groupes miniers se concrétisent dans des projets identifiés par les autorités. » En 2024, le précédent ministre des Finances ghanéen a listé des projets agricoles ou d’énergie verte vers lesquels tous les opérateurs, y compris miniers, sont incités à investir. Autre sujet majeur du sommet : les mines d’or dites artisanales et de petites tailles. Ce sont elles qui sont au cœur de la nouvelle stratégie du président ghanéen, John Dramani Mahama, visant à accroitre les ressources aurifères du pays. Encore faut-il s’assurer que cette augmentation souhaitée de la production se fasse dans des conditions respectueuses de l’environnement. Le représentant du ministre des Terres et des Ressources naturelles, Joseph Osiakwan, se veut rassurant : « Ce que le gouvernement met en place, c’est l’extraction responsable et durable. Il ne s’agit pas d’aller miner au hasard. Nous allons mener des enquêtes géologiques, et assurer la traçabilité de ce qui est miné. » Durcir la lutte contre l’orpaillage illégal À ces mesures s’ajoute la lutte du gouvernement contre l’orpaillage illégal, véritable fléau environnemental au Ghana. Problème : mettre fin à ce secteur informel priverait de ressources un million et demi de personnes, selon les estimations des autorités. Pour l’économiste Godfred Bokpin, il est donc impératif d’accompagner ce combat par la mise en place de réelles alternatives économiques. « Une sorte d’orientation nationale pour créer des emplois décents. L’orpaillage illégal est une réaction aux nombreux échecs des politiques visant à mettre en place une croissance économique inclusive. » Un chantier social qui doit être mené de pair avec la lutte contre la corruption, principal moteur, selon l’économiste, de l’orpaillage illégal. À lire aussi«Arrêtez le galamsey» : au Ghana, des manifestants dénoncent l’inaction du gouvernement face à l’orpaillage illégal
En Afrique, la population est de plus en plus jeune… et connectée. Pour les entrepreneurs agricoles, cela ouvre de nouveaux débouchés : ils peuvent vendre et faire connaître leurs produits sur TikTok, Instagram ou WhatsApp. Résultat : ils adaptent désormais leurs stratégies au numérique. Avec notre correspondante à Dakar, Adjaratou Kosse Faye s’est lancée dans la vente en ligne de produits agricoles dès 2020, en misant d’abord sur le bouche-à-oreille : « J'ai commencé sur les réseaux sociaux, WhatsApp, Facebook, Instagram, à un peu partager. Au début, j'étais dans le secteur de la fraise et du poulet avant d'avoir ma ferme. Du coup, c'était très pratique de partager sur ton statut et dire oui, il y aura des fraises qui seront disponibles. On recevait des centaines de commandes par jour qu'il fallait gérer. » Une stratégie digitale bien rodée Derrière sa marque Foroba, toute une stratégie : poster régulièrement, mettre en avant la provenance des produits… Grâce aux réseaux sociaux, elle a même pu décrocher un contrat avec une grande surface. Un simple message envoyé sur LinkedIn à Auchan a suffi. Mais elle n’abandonne pas la vente directe, qui reste un pilier de son activité : « La vente directe est beaucoup plus intéressante, parce que les marges sont beaucoup plus importantes. Si tu t'y prends bien, la livraison n'est pas à ta charge, c'est le client qui la paye. » À écouter aussiCameroun: l'essor des entrepreneurs créateurs de contenus sur les réseaux sociaux Une vitrine sur le continent Beaucoup d’entrepreneurs se sont engouffrés dans cette voie pendant la crise du Covid, période charnière pour la vente en ligne. C’est le cas d’Adja Boudy Kanté. Avec sa société Cereal House, elle écoule 70% de ses mélanges de céréales « made in Sénégal » en ligne. Une réussite rendue possible par le boom du mobile money. Mais vendre à l’international reste un défi, à cause des limites logistiques : « TikTok, Instagram, ce sont les réseaux qui marchent le plus pour mon business. Et sur TikTok, j'ai des demandes de clients qui ne sont pas du Sénégal. Tout est parti d'une publicité que j'ai eue sur le média Brut Afrique. Beaucoup de pays africains m'ont contacté pour avoir mes produits, mais je leur disais que malheureusement, je ne pouvais pas les envoyer. J'ai perdu beaucoup de marchés comme ça. » Pour gagner en visibilité, certains misent aussi sur les influenceurs, comme l’entrepreneur kényan Benson Wando : via sa plateforme Soko Kijiji, il mutualise les ventes de 300 maraîchères du pays : « On travaille aussi avec nos propres influenceurs en interne, ils font du packaging pour nos produits et interviennent pour faire connaitre à nos clients les meilleurs moyens de faire leurs achats et ensuite de préparer des recettes. » Le mouvement ne fait que commencer : selon la Banque africaine de développement, le marché du e-commerce agricole pourrait tripler d’ici 2030 sur le continent. Signe que pour les producteurs africains, le futur se jouera autant dans les champs que sur les réseaux sociaux.
Aux Comores, créer son entreprise reste une course d'obstacles, entre manque de financements, lourdeur administrative ou encore accès limité aux marchés publics et à l'information nécessaire. Pourtant, des efforts sont réalisés par les autorités et la jeunesse fourmille d'idées. Incubateurs, banques et bailleurs mettent en avant de nouveaux outils pour accompagner la génération montante. Premier incubateur des Comores, Innov’Lab accompagne déjà plus d’une centaine de jeunes, mais les difficultés sont toujours présentes. « Nous accompagnons ces jeunes à travers trois grands volets, le renforcement de capacité, la mobilisation de ressources et le coaching en entrepreneuriat, témoigne Najwa Saïd Mohamed Djalim, assistante de direction. Certains sont déjà en activité et d'autres en préparation de lancement. C'est avant tout la lourdeur administrative et ensuite le manque de financement qu'ils mettent souvent en avant. » Déverrouiller le crédit bancaire L'accès au crédit reste un verrou, mais les opérateurs financiers proposent de nouveaux produits. « Toute entreprise n'a pas la capacité d'offrir les garanties acceptées par les banques, reconnaît Amal Housseine, directeur commercial d'Exim Bank. Nous offrons d'autres possibilités à ces sociétés-là, notamment pour les crédits à court et moyen terme. Il y a d'abord le financement classique avec des avantages très compétitifs. Nous offrons également un nouveau produit qui est le collatéral management. Il permet aux petites et moyennes entreprises de pouvoir venir chez nous demander des prêts, sans pour autant utiliser les garanties classiques que sont les hypothèques. » 150 entreprises accompagnées et 1 000 jeunes formés Mais le défi dépasse la question de l’argent. L’appui international apporte aussi sa pierre à l’édifice en matière de formation. « L'employabilité de la jeunesse est une contrainte majeure pour l'économie », observe Laurent Chabrut, directeur pays d'Expertise France. L'agence publique de coopération technique, filiale de l'Agence française de développement (AFD), dit avoir accompagné 150 entreprises aux Comores, dont beaucoup portées par des jeunes, et formé plus de 1 000 jeunes. « Ça fait l'objet pour nous d'un projet à part entière, Comores initiatives. Nos objectifs sont simples : c'est mettre en valeur les personnes, les projets, les entreprises que nous accompagnons au quotidien dans le cadre de la mise en œuvre de nos projets de coopération internationale. Montrer que nos porteurs de projets font des choses concrètes et les exposer pour qu'ils puissent démontrer leur savoir-faire. » Malgré les obstacles, un tissu entrepreneurial émerge. Le défi reste donc de transformer l'énergie et les idées de la jeunesse en moteurs d'emplois stables et de croissance. À lire aussiComores : Moroni veut accélérer le développement de son secteur privé
Sur 28 millions d’habitants au Cameroun, plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit près de 40 % de la population. Le nombre de pauvres a même bondi de 66 % au Cameroun depuis le début des années 2000, selon la Banque mondiale. Les économistes camerounais s’accordent sur ce triste constat, même s'ils n'ont pas tout à fait les mêmes explications. Deux tiers des pauvres du Cameroun vivent en zone rurale, observe la Banque mondiale, particulièrement dans les régions du Nord, de l’Extrême Nord et du Nord-Ouest. Selon Dieudonné Essomba, ancien chargé d'études au ministère de l'Économie du Cameroun, ces régions pâtissent de l'extrême centralisation autour des deux métropoles du Sud. « Yaoundé et Douala, 30 % de la population concentrent plus de 90 % de la masse monétaire, souligne-t-il. Vous ne pouvez pas développer une région comme l'Extrême-Nord quand il n'y a pas la liquidité à l'extrême nord. C'est la liquidité qui alimente l'activité. Le budget doit être dépensé au Nord ! » À lire aussiLe Cameroun subit une forte poussée de l’inflation, un danger en sus de la hausse de la pauvreté Une route vers le Nord très dégradée L’absence d'infrastructures a maintenu le Nord dans la pauvreté, souligne de son côté Serge Godong, PDG fondateur de Seven news et ancien directeur général délégué de l’Institut pour la gouvernance en Afrique centrale (IGAC). « Entre le port de Douala et la ville de Kousseri, sur 5 800 km, vous avez minimalement 1 000 km qui sont dans un état extrêmement dégradé, dont à peu près 500 km qui sont quasiment impraticables, déplore-t-il. Donc, le coût du transfert de la marchandise participe en fait à aggraver la pauvreté. » Des migrations vers le Sud Une pauvreté qui pousse les populations rurales du Nord Cameroun à migrer massivement vers le Sud, ce qui aggrave désormais la pauvreté dans les villes. « C'est un phénomène qu'on voit très bien lorsqu'on est à Yaoundé et à Douala, observe-t-il. Des populations dans des zones de grande insalubrité, qui occupent des petits métiers extrêmement en pied de la pyramide. Il y a des quartiers entiers dans les grandes villes camerounaises qui sont toujours sans eau ! Donc il y a une pauvreté hydrique, y compris en milieu urbain, qui est assez forte. » Croissance de 7 à 10 % nécessaire Depuis plus de dix ans, l’économie camerounaise subit aussi des chocs à répétitions, souligne le professeur Henri Ngoa Tabi, directeur du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Économie du Développement de l’Université de Yaoundé. « On a d'abord eu le choc pétrolier entre 2012 et 2015, et tout de suite après, il y a eu Boko Haram et ça continue. Puis la crise anglophone, ensuite la crise mondiale – le choc Covid –, tout cela en cascade, énumère-t-il. Les chocs sécuritaires sont quand même extrêmement violents et perturbent énormément la relance économique et consomment même tout ce qu'on peut produire comme ressources. » Produire plus, en particulier de produits agricoles au Cameroun, c'est la priorité d'après cet économiste. La croissance de 4 % que connaît actuellement le pays est insuffisante, il faudrait qu’elle soit de 7 à 10 %, juge-t-il, pour sortir la population de la pauvreté.
Dans une récente étude, l’OCDE apporte de nouvelles perspectives sur le commerce alimentaire en Afrique de l’Ouest. Alors que les chiffres officiels l’estiment à 1,7 milliard de dollars par an, la compilation de plusieurs bases de données sur le commerce non enregistré - tels que les études nationales et le travail réalisé par le Comité inter-État de lutte contre la sécheresse au Sahel - montre qu'il s’élève au moins à 10 milliards. Un niveau qui vient bousculer les idées reçues sur les échanges de denrées dans la région. Le suivi des denrées et des prix, c’est le métier de Mouhamadou Ndiaye, le coordinateur du Réseau des systèmes d’information des marchés en Afrique de l’Ouest, dont l'un des défis au quotidien est d’apprécier les marchandises non enregistrées. « Nous qui sommes dans les marchés, nous savons qu'effectivement, il y a ces produits. Dans les marchés, vous pouvez juste connaître le niveau d'approvisionnement, connaître les prix, décrit cet expert. Mais savoir exactement les tonnages, c'est très difficile. Bien sûr, cela a un impact sur la sécurité alimentaire parce que très souvent, certains pays, y compris aujourd'hui, interdisent à certaines denrées de quitter leur territoire. » Ce travail de compilation inédit dresse un portrait différent de celui communément admis du commerce alimentaire dans la région. Il montre notamment une diversité de marchandises alimentaires plus importante et un commerce largement répandu entre l’ensemble des États de la zone, et pas seulement entre les États frontaliers, bilan qui change la donne lorsque vient le temps de faire des choix. « Les décideurs politiques, et même les acteurs privés, ont une relative méconnaissance d'où se situent les opportunités de marché régional, parce qu'on n'a pas de données comme on peut en avoir dans d'autres régions du monde sur la taille réelle des importations alimentaires et d'où elles proviennent, autrement dit combien rapporte le Nigeria ou le Bénin par produit. Donc c'est aussi ça l'enjeu : pouvoir avoir de meilleures informations pour guider les politiques de soutien de promotion des exportations, par exemple, que des pays mettent en œuvre », détaille Alban Mas Aparisi, économiste en charge du travail sur la transformation des systèmes au Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest de l’OCDE et auteur du rapport. Prenant l’exemple du Nigéria, il montre que celui-ci passe du rang de huitième à premier pays importateur régional, selon que l'on prend en compte les données officielles ou les données retravaillées par son étude. « Cela donne une idée decombien les données sont faussées », souligne-t-il. À lire aussiEurope-Nigeria, l'axe du blé se renforce mais jusqu'à quand? Le commerce intrarégional en Afrique de l'Ouest se révèle donc beaucoup plus important que ce qu'en disent les statistiques officielles - c’est par exemple le cas des tubercules ou des céréales locales, qui en sont quasi absentes - avec des conséquences sur l’appréciation de la résilience alimentaire dans la Cédéao. « La question des interdictions aux exportations qui continuent de se produire dans la région est extrêmement contre-productives parce que cela nuit à la fois à la production locale et à la sécurité alimentaire de la région, en coupant les producteurs des marchés régionaux », alerte l’économiste du Club du Sahel. « Parce que s'il y a des interdictions mutuelles, les produits circulent moins, il y a moins de diversité, moins de disponibilité et aussi des prix plus élevés », poursuit-il. Près des deux tiers de la production alimentaire régionale - en excluant le cacao et la noix de cajou, cultures de rente et majoritairement destinées à l’exportation - seraient ainsi en réalité déjà destinées aux pays de la Cédéao. Pour consulter le rapport : Le commerce alimentaire intrarégional en Afrique de l’Ouest : Nouvelles données, nouvelles perspectives. À lire aussiLe fonio en Guinée: une culture qui a la peau dure
L’Afrique exporte de plus en plus de produits agricoles : thé, céréales, épices, noix… Les entrepreneurs innovent et cherchent à conquérir de nouveaux marchés. Mais entre normes sanitaires, tarifs douaniers et barrières non tarifaires, le chemin de l’export reste semé d’embûches. Avec sa société Apa Tea, Anthea Ibembe commercialise du thé en Ouganda depuis près de 15 ans. Mais aujourd’hui, elle vise plus grand : le Kenya, les pays du Golfe, ou encore les États-Unis. Le marché est là, elle le sait. Mais un obstacle majeur l’arrête : les normes sanitaires. « On n’a pas encore démarré l’export, car il est très cher d’obtenir les certifications dont on a besoin. Pour la plupart des marchés, en plus de régulations nationales propres à chaque pays, vous avez besoin de la certification ISO. Et dans l’Union européenne, c’est encore plus compliqué car il y a encore plus de règles, par exemple sur le PH ou sur le taux d’humidité du thé », explique l'entrepreneuse. Des certifications coûteuses qui freinent l’exportation La certification « agriculture biologique » est, elle aussi, très demandée par ses clients, mais extrêmement difficile à décrocher. Alors, pour continuer à séduire les marchés étrangers, certains misent sur d’autres stratégies. Comme la Sénégalaise Latifa Diedhiou, qui développe une viande végétale à base de pomme de cajou : « On est obligé de passer sous fret aérien, avec uniquement un certificat phytosanitaire. Là, ça passe. Nos produits sont commercialisés en petites quantités. On ne peut pas diversifier, ni répondre à certaines demandes européennes ou de la sous-région. » Autre épreuve de taille : les tarifs douaniers. Ils font grimper les coûts pour les entrepreneurs africains qui veulent vendre en Europe ou aux États-Unis. Et même à l’intérieur du continent, au sein des zones de libre-échange régionales, les barrières persistent. « Dans la communauté d’Afrique de l’Est, nous avons une zone de libre-échange théorique. Mais les règles sont poreuses et la corruption existe, témoigne Anthea Ibembe. C'est à ce moment-là qu'on se rend compte que, même quand on nous dit que c’est gratuit, il y a quand même un prix à payer et des formalités. Ils vont trouver une manière de te prendre de l’argent. » À lire aussiDroits de douane américains: les pays et les producteurs d’Afrique craignent les conséquences La Zlecaf, promesse inachevée En Afrique de l’Ouest, Adja Boudy Kante fait face aux mêmes blocages. Elle aimerait écouler ses céréales « made in Sénégal » dans les pays voisins. Mais la libre circulation promise par la Zone de libre-échange continentale africaine, la Zlecaf, tarde à devenir réalité : « Mon distributeur en Côte d’Ivoire devait prendre en charge le prix du transport. Mais comme il le répercute sur les prix, son paquet de granola va prendre 1 000 francs supplémentaires. Comme il ne pourra plus faire de marge, il n’a donc pas trouvé ça intéressant », confie celle-ci. Résultat : malgré une croissance continue des exportations, l'Afrique occupe encore une place marginale dans les échanges mondiaux. Le continent ne pèse que 3% du commerce international... À lire aussiFace à Trump, faut-il accélérer la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine?
Au Cameroun, si l’industrie du bois a perdu en valeur, son exploitation informelle et illégale grignote aussi la forêt, ce qui a conduit l'Union européenne à rompre son Accord de partenariat volontaire (APV) avec Yaoundé à la fin de l'année dernière. Pour tenter d’inverser la tendance et encourager les compagnies forestières à de meilleures pratiques, les autorités ont instauré en début d'année une fiscalité différenciée, sorte de bonus-malus écologique dont la portée reste toutefois limitée. Depuis le mois de janvier dernier, le Cameroun impose aux compagnies forestières une taxe d’abattage de seulement 2,5% si la concession est certifiée durable, de 3% si elle est certifiée légale et de 5% si elle n'est pas du tout certifiée. Une certification implique plusieurs obligations pour la compagnie : « Élaborer et mettre en œuvre un plan d'aménagement qui définit les objectifs d'exploitation sur une période de 25 ou 30 ans, mais aussi faire en sorte de respecter l'ensemble des lois et règlements encadrant le secteur d'activité, respecter les droits des communautés locales et autochtones ainsi que les exigences en matière de protection de l'environnement », détaille Guy Sam Belouné, expert en gestion durable des forêts. Bonus-malus sans coût pour l’État Ce système de fiscalité différenciée n’a aucun coût pour l’État puisque le malus finance le bonus, explique de son côté l’expert en bois tropical Alain Karsenty. Ainsi au Gabon, où ce bonus-malus a été instauré il y a cinq ans, les entreprises les plus réticentes jouent le jeu. « Ce qui est en train de se passer au Gabon, c’est que l’on voit apparaître une dynamique de certification », se félicite le chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). « C'est même le cas d'une entreprise chinoise que j'ai rencontrée récemment et qui affirme que si, pour elle, la certification n'avait pas d'intérêt parce qu’elle vendait son bois en Chine, il en était tout autrement dès lors qu'elle permettait de payer beaucoup moins de taxes et que le gouvernement augmentait le malus année après année. » Fiscalité moins incitative qu’au Gabon Mais pour l’instant, au Cameroun, cette fiscalité forestière n’est pas très incitative, constate Alain Karsenty. Basé sur la valeur du bois abattu - et non sur la superficie, comme c'est le cas au Gabon -, le bonus-malus forestier fait l’objet de tiraillements au sein du gouvernement. « Il y a une opposition entre le ministère des Finances, qui y est assez favorable parce qu'il pense que cela améliorera l'image du pays, et le ministère des Forêts, qui est lui très opposé à cette mesure parce qu'il considère qu'elle va surtout profiter aux entreprises étrangères qui ont plus de moyens, la certification ayant un certain coût. » Vers un fonds pour les entreprises locales Soutenue par la Banque mondiale, l’idée de créer un fonds destiné à aider les entreprises forestières locales à payer leur audit est sur la table. Pour l’heure, seules deux entreprises sont certifiées durables dans le pays : Palisco et Alpicam. Au Cameroun, le secteur forestier s’est fragmenté avec d'un côté de nombreux petits opérateurs camerounais ou vietnamiens, de l'autre des commerçants de bois qui n’ont aucune superficie forestière, ce qui ne facilite pas la traçabilité du produit. En dix ans, les surfaces d'exploitation forestière certifiées durables y ont par ailleurs reculé à moins d'un million d'hectares contre près de trois millions au Congo-Brazzaville ou au Gabon, selon les données de l'Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT) pour l'année 2024. À lire aussiCameroun: comment l’exploitation forestière échappe au contrôle de l’Etat
L’Afrique du Sud n’a toujours pas obtenu d’accord avec Washington, et ses exportateurs subissent les 30% de droits de douane américains. Pour limiter l’impact, le gouvernement mise sur la diversification des marchés et propose d’assouplir les règles de concurrence afin de permettre aux entreprises de collaborer à l’export. Les 30 % de droits de douane américains poussent l’Afrique du Sud à diversifier ses exportations. Le département du commerce a mis en place un bureau d'assistance pour aider les entreprises à regarder vers de nouveaux marchés, en Asie ou au Moyen-Orient, explique Willem Van Der Spuy, directeur général des exportations. « Il y a un dicton qui dit : "Ne laissez jamais une bonne crise se perdre". Le gouvernement sud-africain travaille déjà depuis un certain temps à la diversification. Notre préoccupation aujourd’hui, c’est de l’accélérer. Cela veut dire se pencher sur des solutions qui, jusque-là, étaient en arrière-plan. Prendre des décisions que nous aurions peut-être dû prendre plus tôt… » À la conquête de nouveaux marchés Parmi ces décisions, le département du Commerce propose une exemption sur les exportations – un amendement qui permettrait aux entreprises sud-africaines de collaborer sans enfreindre les lois sur la concurrence. « Nous avons des règles très strictes en matière de coopération entre entreprises, détaille Willem Van Der Spuy. Nous avons donc décidé que, pour aider réellement les entreprises à pénétrer les marchés internationaux – en particulier si elles doivent pénétrer de nouveaux marchés, il serait plus facile de les laisser collaborer. Pour partager les informations, réfléchir à des infrastructures communes pour les exportations, expédier certains produits ensemble. Cela nous permettra d’être plus compétitifs. De réaliser des économies d'échelle aussi, parce qu’il pourrait y avoir une commande importante qui ne pourrait être honorée par une seule entreprise, mais plutôt par deux ou trois. » À lire aussiDroits de douane américains : les pays et les producteurs d’Afrique craignent les conséquences Pour comprendre l’impact de cette exemption, direction la fédération des entreprises de la sidérurgie. Un secteur qui emploie des centaines de milliers de personnes, moteur de l’économie sud-africaine, particulièrement touché par ces nouvelles taxes. « Sur les 1 300 entreprises que l’on représente, la moitié a répondu à notre enquête. Voici le résultat : 50 % de ces entreprises sont affectées par les droits de douanes, directement ou indirectement », explique Tafadzwa Chibanguza est le président de la fédération SEIFSA. Alléger les règles pour renforcer la compétitivité Ce projet d’exemption est une bonne initiative, selon elle, même si « ça aurait déjà dû être la norme – notre façon de faire du commerce. Le problème de l’Afrique du Sud, c'est que nous sommes toujours guidés par des événements, on réagit à des urgences. Et on voit que notre droit de la concurrence a tendance à trop privilégier la législation, plutôt que de s’intéresser vraiment à notre compétitivité. Je sais que la frontière est très floue. Parce que pour créer de la concurrence dans l'économie, oui, il faut sûrement empêcher les monopoles, avec des lois. Mais l'accent devrait être mis sur notre compétitivité réelle plus que sur une législation stricte. Donc oui, il faut laisser les concurrents collaborer ! » Mais le processus législatif risque d’être long. En attendant, le gouvernement travaille à un paquet d’aides économiques pour les petites entreprises. Et espère toujours conclure un accord avec Washington.