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Le grand invité Afrique

Le grand invité Afrique
Author: RFI
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© France Médias Monde
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Du lundi au samedi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'État ou rebelle, footballeur ou avocate... Le grand invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
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Philippe Le Gars, grand reporter au quotidien sportif français l’Équipe, spécialiste de cyclisme, en particulier en Afrique depuis près de 15 ans, est à Kigali où il suit jusqu’à dimanche les premiers championnats du monde sur route organisés sur le continent. Il dresse un état des lieux sans concession du cyclisme africain. Philippe Le Gars répond aux questions d’Olivier Pron. À lire aussiMondiaux de cyclisme: au Rwanda, de jeunes Africains et des réfugiés roulent en équipe À lire aussiMondiaux de cyclisme au Rwanda: un nouveau départ pour le développement du vélo en Afrique?
« Le président-candidat Paul Biya est en pleine forme de ses moyens et il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meetings avant la présidentielle », affirme le ministre camerounais du Travail Grégoire Owona, qui est aussi le secrétaire-général adjoint du parti au pouvoir RDPC. En vue de la présidentielle du 12 octobre, le candidat Paul Biya ne risque-t-il pas de perdre des voix après la démission de deux de ses ministres ? Et fera-t-il des réformes s'il est réélu ? En ligne de Yaoundé, l'un des hommes forts de sa majorité répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Grégoire Owona, quelles seront les deux premières priorités du président Paul Biya s'il est réélu ? Grégoire Owona : Mais le président Paul Biya, certainement, va mieux préciser ses priorités dans sa profession de foi qui va bientôt sortir. Mais je crois que si on devait parler des deux premières priorités en tant que RDPC qui soutient sa candidature, je prendrais la consolidation de la paix, de l'unité nationale et la sécurité en premier, et ensuite la promotion des jeunes et le renforcement du rôle de la femme. La grande inquiétude de l'opposition, c'est la fraude électorale. Même Bello Bouba Maigari affirme que les élections sont truquées au Cameroun et que c'est encore arrivé à la présidentielle de 2018. Qu'est-ce que vous lui répondez ? Je crois que tous ceux qui disent ça font un peu de la diversion. On ne peut pas appeler par exemple au boycott d'une élection locale, sachant qu’on déclare en plus pertinemment quelles sont les conséquences, à savoir l'exclusion à l'élection présidentielle, pour dire après que le système électoral n'est pas bon ou qu'il est mauvais. Donc, je crois qu'il faut faire très attention. Le dépouillement est public. Chacun des candidats ou des représentants des candidats rentrant avec un procès-verbal signé par tous. Quelle autre transparence peut-on vouloir dans un système électoral ? Et si le candidat Paul Biya est battu, est-ce qu'il reconnaîtra sa défaite ? Nous allons à une compétition dans un esprit démocratique. Nous sommes bien préparés, nous espérons gagner. Et si cela arrivait, on se comporterait comme des républicains. C'est-à-dire que le RDPC reconnaîtrait à ce moment-là, la défaite de son champion ? Mais absolument. Mais sur la base des résultats des urnes, pas sur la base des procès d'intention, des interprétations malsaines des lois. Ce 12 octobre, le président Paul Biya va être candidat pour un huitième mandat. Mais beaucoup estiment qu'à 92 ans, c'est une charge trop lourde pour lui. Qu'est-ce que vous en pensez ? J'ai entendu sur votre radio que quand on parle d'âge, c'est qu'on a plus d'arguments. J'ai entendu quelqu'un dire ça. C'est en effet ce qu'a dit Issa Tchiroma. Nous, on a des arguments. Notre candidat est en pleine forme de ses moyens, il conduit le pays, il est à même de poursuivre ce qu'il a commencé. Donc, je ne vois pas le problème que vous êtes en train de soulever sur cet aspect. Actuellement, le chef de l'Etat séjourne en Europe. Est-ce que vous savez quand est-ce qu'il va rentrer ? Mais c'est un court séjour privé. Quand il devra rentrer, on sera bien informé. Et quand il va rentrer, est ce qu'il va tenir un ou plusieurs meetings ? Il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meeting. Je vous ai dit au début qu'il rendra publique sa profession de foi. Il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meeting. Et je peux même vous dire que s'il faut faire des réformes, il se permettra de faire des réformes. Le départ du gouvernement de deux poids lourds du nord du pays Bello Bouba et Issa Tchiroma. Est-ce que cela ne va pas vous faire perdre des voix ? Les démissions de Bouba Bello et d’Issa Tchiroma, je peux vous dire qu’elles ne vont pas spécialement nous faire perdre des voix. Pourquoi ? Pour deux choses. Parce que d'abord, ces deux candidats se sont discrédités par leur façon de faire et par leur façon d'être. La deuxième raison, c'est que dans les zones où ils ont leur base, il y a de nouveaux alliés qui nous ont rejoints, que ce soit en termes de partis politiques ou en termes d'associations. Mais est-ce que nécessairement, et notamment à cause de ces deux ministres démissionnaires, vous n'allez pas faire un score inférieur à celui de 2018 ? Wait and see. Moi, je n'en suis pas du tout convaincu, parce que plusieurs candidats se sont discrédités par leur façon d'être, par leur façon de faire. Ils ont dit des choses et leur contraire en même temps. Ils ont eu des agissements qui font qu'on ne croit plus en eux. Et nous, nous sommes restés dans la même ligne politique et nous sommes crédibles. Notre candidat est crédible. Voulez-vous dire que Bello Bouba et Tchiroma ne sont pas crédibles parce qu'ils étaient encore avec vous il y a quatre mois et que ce ne sont pas de vrais opposants ? Ce n'est pas ça que j'ai dit, mais ils ont fait pire que démissionner. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ce n'est ni le lieu ni le moment de vouloir parler négativement des autres candidats. Nous, on est fair-play. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne À lire aussiÉlections au Cameroun: pour battre Paul Biya, «il faudra un raz-de-marée» de l'opposition, martèle Issa Tchiroma Bakary
Pourquoi Vital Kamerhé a-t-il démissionné lundi 22 septembre de son poste de président de l'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (RDC) ? Est-ce le signe que le président Tshisekedi et lui ne s'entendent plus et qu'après huit ans d'alliance entre les deux hommes, Vital Kamerhé va passer dans l'opposition ? Car sa chute a été en partie entraînée par une pétition, signée par une majorité de députés du parti au pouvoir UDPS. Trésor Kibangula est analyste à Ebuteli, l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Trésor Kibangula, à l'origine de la chute de Vital Kamerhe, il y a une pétition signée par 262 députés, en majorité membres du parti au pouvoir UDPS. Pourquoi cette pétition ? Trésor Kibangula : Je pense que Vital Kamerhe a cumulé plusieurs fragilités. Vital Kamerhe a incarné un style trop personnel pour certains, presque solitaire, ce qui a fini par provoquer ou précipiter son départ. Et si la vraie raison est politique comme vous le dites, est-ce parce que le parti au pouvoir UDPS veut reprendre le contrôle de l'Assemblée nationale ? Ici, le timing, je pense, est révélateur parce qu’au début de la session, on a vu l'UDPS dire que le parti n'est pas le seul à être à l'initiative parce que les pétitionnaires se comptaient autour de 260. Donc, il y avait d'autres membres de l'Union sacrée qui voulaient aussi le départ de Vital Kamerhe. Donc l'UDPS essaye de se cacher derrière. Kamerhe l'a compris, il a demandé même pardon. Donc, c'était quand même le signe qu'il savait que son mandat vacillait. Et à ce moment-là, je pense qu'il aurait suffi d'un mot d'ordre du chef de l'Etat pour le maintenir. Or, ce signal n'est jamais venu. Donc, je pense que le silence présidentiel a beaucoup pesé, plus lourd que toutes les pétitions. Donc Félix Tshisekedi, qui est aussi chef de l'UDPS, n'a pas directement poussé Kamerhe dehors, mais il a choisi de ne pas le retenir. Alors, il y a quelques jours, lors de son déplacement à New York, le président Tshisekedi a dit qu'il n'était pour rien dans les problèmes de Vital Kamerhe et que c'était de la cuisine interne à l'Assemblée nationale. Vous pensez au contraire qu'il a laissé faire, voire même qu'il a initié cette démarche contre Vital Kamerhe ? Je pense effectivement que beaucoup de choses peuvent expliquer cette chute. On a vu l'échec ou la suspension du projet de la réforme constitutionnelle. En fin de l'année dernière, on parlait d'une possible révision de la Constitution pour permettre au chef de l'Etat de se représenter pour une troisième fois. Beaucoup ont reproché à ce moment-là à Vital Kamerhe de ne pas s'aligner sur le président Tshisekedi. Vital Kamerhe, par son profil indépendant et ses ambiguïtés stratégiques, devenait à mon sens un luxe que Félix Tshisekedi ne pouvait plus se permettre. Voulez-vous dire que, pour modifier ou changer la Constitution, il faut un feu vert du président de l'Assemblée et que Félix Tshisekedi n'était pas du tout certain qu'il aurait ce feu vert de la part de Vital Kamerhe ? Je pense que le président de la République et son camp se sont rendu compte que Vital Kamerhe ne se mouillait pas lorsqu'il y avait ces débats autour de la réforme constitutionnelle. Et il y a eu le fait qu’il n'a pas été suffisamment aligné avec le président de la République, notamment lorsque le président a tracé la ligne rouge de ne pas discuter avec les rebelles M23. Vital Kamerhe fait partie des premiers, un des rares hommes politiques à l'époque, au sein de la majorité, qui a dit que peut-être il fallait commencer à regarder la possibilité de discuter. Il a prôné le dialogue au moment où personne ne voulait entendre parler du dialogue. C'était la ligne rouge. Et aussi, une autre fragilité, c'est le fait de ne pas prendre des positions claires lorsqu'il fallait s'aligner sur la réforme de la Constitution. Ce n'est pas le premier revers pour Vital Kamerhe, il est déjà tombé du perchoir en 2009, du temps de Joseph Kabila. En 2020, il a fait un an de prison. En 2024, il a failli être assassiné à son domicile. Qu'est-ce qu'il peut faire à présent ? C'est très difficile. Je pense qu'il avait deux options immédiates. La première, c'était de dire « OK, je suis tombé, mais je reste dans la majorité ». Ou de se dire « OK avec mes députés, je m'en vais, je vais faire de l'opposition républicaine parce que j'exclus à ce stade un éventuel ralliement aux groupes rebelles ». S'il voulait le faire, je pense qu'il avait plusieurs occasions avec ses sorties répétées à l'extérieur du pays. Même avant l'ouverture de la session de septembre, il était à l'extérieur du pays et il n'a pas rejoint Goma. Donc, s'il est revenu à Kinshasa, sachant qu'il y avait cette épée de Damoclès sur sa tête, c’est parce qu'il veut jouer un rôle à Kinshasa. Ce sera quel rôle ? Pour l'instant, il a dit qu'il restait au sein de la majorité présidentielle parce que aussi, je pense qu'il y a un risque à prendre en décidant d'aller dans l'opposition, alors que vous avez des députés qui sont au sein de la coalition présidentielle. Il y a très peu de députés qui allaient le suivre. Donc il n'a pas voulu prendre ce risque. Aujourd'hui, on est en 2025, mais je pense qu'entre le président Tshisekedi et Vital Kamerhe, ce sont deux stratèges politiques, ils se regardent, ils savent qu'ils sont aujourd'hui alliés d'apparence, mais que demain, ils seront très probablement des adversaires politiques. En vue de la présidentielle de 2028 ? En vue de la présidentielle de 2028, effectivement. 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Au Cameroun, le ministre d'État Bello Bouba Maïgari a fait sensation le 28 juin 2025, quand il a démissionné du gouvernement et annoncé sa candidature contre Paul Biya à la présidentielle du 12 octobre. En effet, son parti, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), est un poids lourd dans le pays. Mais quelles sont ses chances de gagner si l'opposition reste divisée ? Aujourd'hui, le candidat Bello Bouba annonce qu'il « peut arriver à une entente » avec le candidat Tchiroma Bakary. En ligne de Yaoundé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? Bello Bouba Maïgari : Mes priorités, si je suis élu, ce sera d'abord pour la formation d'un gouvernement de large union. Parce qu’il faudra que nous nous attaquions aux problèmes essentiels de notre pays, à savoir la protection de l'unité nationale, son renforcement notamment dans les régions anglophones, mais également les problèmes de sécurité dans d'autres régions du Cameroun, notamment l'Extrême Nord. Alors, vous parlez de la très grave crise anglophone au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Beaucoup de Camerounais, y compris des candidats, prônent le retour au fédéralisme. Qu'en pensez-vous ? Aucun sujet ne sera tabou. D'abord, pour qu'il y ait une vraie inclusivité au Dialogue national inclusif que nous allons convoquer dans les six premiers mois de notre mandat, nous parlerons même aux leaders politiques des régions aujourd'hui troublées par cette crise anglophone, et nous envisageons de libérer ceux d'entre eux qui veulent travailler avec nous pour aboutir à un large consensus. Votre fief, c'est le nord du pays, mais comme vous le savez, il ne suffit pas de gagner au nord. Est-ce que vous avez la stature nationale pour être élu président ? Qui peut dénier à l’UNDP une implantation nationale ? Quel autre parti au Cameroun peut nous dénier cette bonne implantation que nous avons à travers l'ensemble des dix régions ? Oui, mais tout de même, Monsieur le Premier Ministre, votre parti UNDP est pour l'instant très loin derrière le parti au pouvoir RDPC. Qu'est-ce que vous comptez faire d'ici au 12 octobre pour combler ce retard ? D'abord, ce que vous appelez « très loin derrière le parti » au pouvoir, nous pensons que c'est parce que les conditions de transparence, de liberté et d'organisation des élections dans notre pays ne sont pas remplies. Nous travaillons pour cela et, d'ici à la fin du premier trimestre de 2026, vous verrez un renforcement de la représentation de l’UNDP dans toutes les assemblées de notre pays. Mais pourquoi la fraude s'arrêterait-elle au Cameroun ? Parce que d'abord, nous pensons, dans nos contacts avec les candidats et les anciens candidats, renforcer la collaboration entre nous pour assurer la vérité des urnes par une présence massive et digne des partis de l'opposition dans tous les bureaux de vote, dans toutes les commissions départementales où se passera le décompte des voix. Tout récemment, il y a quelques jours, l'opposant Maurice Kamto, qui n'a pas le droit de se présenter et qui n'a pas encore donné de consigne de vote, vous a invité, Issa Tchiroma et vous-même qui êtes tous deux originaires du nord du pays, à vous entendre pour fusionner vos deux candidatures, qu'est-ce que vous en pensez ? C'est pour cela que, après avoir écouté non seulement l'appel du professeur Kamto, mais aussi d'autres responsables de partis, nous avons relancé cette demande de rencontre entre nous pour que nous puissions nous entendre. Une rencontre entre Tchiroma et vous ? Une rencontre entre, oui, Monsieur Tchiroma, mais également avec d'autres candidats aussi. Les choses sont en train d'être explorées et nous n'avons pas perdu l'espoir qu'elles aboutiront à un consensus acceptable, non pas entre nous seuls, mais également à qui répondra à l'attente de beaucoup de Camerounais. Et vous pourriez arriver à fusionner vos deux candidatures ? Nous pourrons arriver, je l'espère, à trouver la solution que beaucoup attendent. C'est-à-dire une entente entre nous. C'est ma détermination pour laquelle je veux travailler. Et que répondez-vous à ceux qui disent, comme le candidat Cabral Libii, qu'il faut renouveler la classe politique camerounaise et que les nonagénaires, comme Paul Biya, et les septuagénaires, comme Issa Tchiroma et vous-même, devraient peut-être laisser la place aux jeunes ? C'est son opinion, mais la loi permet encore qu’un candidat de cet âge-là puisse se présenter. Je n'ai aucun commentaire à ce sujet.
Duel à l'Unesco. Dans deux mois au plus tard, à la mi-novembre 2025, on connaîtra le nom du successeur de la Française Audrey Azoulay au poste de directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Il n'y a que deux candidats en lice et ils sont tous deux africains : le Congolais de Brazzaville Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany. Qui va gagner ? Le grand enquêteur et essayiste Abdou Latif Coulibaly a été ministre sénégalais de la Culture de 2017 à 2019, sous la présidence de Macky Sall. En ligne de Dakar, il livre son pronostic. RFI : Quel bilan faites-vous des huit ans d'Audrey Azoulay à la Direction générale de l'Unesco ? Abdou Latif Coulibaly : Oui, je pense qu'elle a fait ce qu'elle pouvait faire par un certain nombre de réalisations qu'elle a faites. Dans le cas d’Audrey Azoulay, je vais citer par exemple les importants travaux de restauration et de reconstruction dans des villes comme Mossoul, dévastées par la guerre. Au nord de l'Irak… Au nord de L'Irak. Mais également, je citerai le cas au Liban. Et en Afrique également, il y a aujourd'hui beaucoup de sites qui ont été promus patrimoine mondial de l'humanité. Elle a également, de ce point de vue, fait beaucoup de choses dans le domaine de l'éducation avec l'Alliance mondiale d'éducation qui est au cœur de la mission de l’Unesco. En tant que ministre sénégalais de la Culture de 2017 à 2019, quel souvenir vous gardez de l'action de l'Unesco ? Vous savez, c'est en 2018, précisément, que le Musée des Civilisations noires a été installé et inauguré définitivement au Sénégal. Et tous les documents qui ont été faits à ce sujet et la démarche qui a été opérée, c'est moi-même, ministre de la Culture, qui a demandé à madame Audrey Azoulay de les transférer à l'Etat du Sénégal à l'occasion de l'inauguration du 6 décembre 2018. Et elle l'a fait avec beaucoup d'enthousiasme. Et également, elle a beaucoup conseillé, à l'époque, le gouvernement sénégalais dans le processus de mise en œuvre et de finalisation de ce musée-là. Et c'est ça qui m'a mis en rapport avec madame Azoulay, qui a beaucoup travaillé de ce point de vue-là à permettre aux Etats africains, et en particulier au Sénégal, de sauvegarder les sites qui sont déjà classés. Ce n’est pas évident quand vous prenez une ville comme Gorée, une ville comme Saint-Louis qui est patrimoine mondial de l'humanité, nous avons beaucoup de difficultés au plan national à trouver les moyens et l'ensemble des outils nécessaires pour que ce caractère de patrimoine universel soit préservé. En cette période très conflictuelle dans le monde, Audrey Azoulay affirme que l’Unesco est un des derniers lieux de consensus pour un multilatéralisme d'action. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ? Oui, je suis d'accord. Ce qui se réalise à l’Unesco aujourd'hui en termes de promotion de l'éducation, de la culture, je pense que s'il n’y avait pas une organisation de cette nature, cela n'aurait pu jamais se produire, ça j'en suis certain. Bon, aujourd'hui, nous les Africains, nous avons deux candidats qui se présentent. Il y a le Congolais Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany, qui sont actuellement en compétition. Quel que soit le candidat qui sera élu, je pense que l'intérêt pour l'Afrique, c'est que le travail qui est aujourd'hui engagé, qui l'avait été d'ailleurs bien avant elle, mais qu'elle a su consolider et qu'elle a su élargir en intégrant davantage beaucoup de pays dans le processus de prise de décision, mais également dans les activités qui sont menées… Je pense que c'est cela qui est le plus important. Et je pense que pour ce qui concerne les candidats africains, leurs déclarations rassurent de ce point de vue-là. Est-ce qu'ils auront tous les moyens pour le faire ? Je ne suis pas sûr, mais le maximum qu'ils feront, ce sera au bénéfice de l'Afrique et des pays en voie de développement. Alors justement, entre les deux candidats, le Congolais de Brazzaville Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany, quel est, à votre avis, celui qui est le plus apte à tenir la barre de l'Unesco dans les prochaines années ? Je pense que tous les deux sont aptes pour le faire. Ce sont des techniciens de très haut niveau. Le Congolais, qui a un très long séjour à l’Unesco, il dit « moi, je suis l'Unesco », pour dire sa compétence et pour dire également l'efficacité qu'il pourrait apporter à l'organisation. Mais il y a également l'Égyptien qui bénéficie déjà du soutien de l'Union africaine, je pense qu'il est assez bien placé, probablement, peut-être, je dis bien peut-être, pour gagner. Qui est le mieux placé ? Je pense que tous les deux ont les compétences pour ça. Je ne peux pas dire qui est le mieux placé, mais enfin, le pedigree des deux rassure par rapport à leurs capacités à diriger l’Unesco. Vous avez une petite préférence quand même, non ? Préférence comme telle… Je n'ai pas de préférence, parce que je considère pour ma part que tous les deux pourraient être bien à cette place-là. Même si je constate que l'Egyptien bénéficie de beaucoup de soutien diplomatique à travers le monde, il faut l'accepter. En Asie, dans les pays arabes. Mais malheureusement, ça va conduire à un affrontement bloc africain contre bloc africain, c'est clair. Mais même si l'Union africaine aujourd'hui soutient officiellement la candidature de l'Égyptien, il me semble que ce combat ne manquera pas de se poser.
L'Assemblée générale des Nations unies (qui célèbre ses 80 ans cette année) s’ouvre cette semaine à New York. Il y a un an, lors de ce rendez-vous, Joe Biden, alors président des États-Unis, s’engageait en faveur de deux sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU. Un an plus tard, cet espoir s’est-il envolé ? Directeur régional de l'Institut d'études de sécurité pour l'Afrique de l'Est, Paul-Simon Handy répond aux questions de Florence Morice. RFI : La France va pousser à New York cette semaine pour une réforme du Conseil de sécurité. Est-ce que l'Afrique a une chance de décrocher enfin un ou plusieurs sièges de membres permanents de ce Conseil ? Paul-Simon Handy : Je ne pense pas que ça se décide cette année. Il y a un consensus grandissant parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur le fait que le Conseil, tel qu'il est, ne peut plus résoudre les problèmes mondiaux et qu'il faille l'élargir, mais surtout aussi qu'il faille que l'Afrique soit représentée. Mais une fois qu’on a exprimé cela, on n'a pas résolu le problème qui est que si tout le monde s'accorde sur l'élargissement, personne n'est d'accord sur les modalités pour y arriver. Comment expliquez-vous que, sur le principe au moins, chacun s'accorde désormais sur cette nécessité d'un élargissement du Conseil de sécurité au continent africain ? Pour l'Afrique, ce qui a été important, c'était la réalisation aussi du fait que l'Afrique est probablement la dernière frontière, comme on dit, le nouvel espace du développement. La croissance mondiale, ne fois qu'elle va s'estomper en Asie, elle va se passer en Afrique. Et je pense que pour tous ceux qui veulent faire des affaires en Afrique, il faudrait pouvoir donner quelque chose en échange à l’Afrique. Je pense donc que c'est politiquement que l'Afrique a grandi en importance. Et ceci se reflète maintenant dans le fait qu'on envisage de plus en plus qu'elle ait un siège au Conseil. Ce qui coince notamment, c'est la question du droit de veto. Les membres actuels ne veulent pas le partager avec de nouveaux entrants. Est-ce qu'il y a eu des avancées ou des évolutions à ce sujet cette année ? Il y a très peu de mouvement sur la question de veto. Il y a beaucoup d'options qui sont sur la table. L'une des options, c'est qu’on élargisse le veto à tout le monde, y compris les nouveaux, ou alors qu'on l'abolisse pour tout le monde. Mais si on fait perdre ce droit à ses détenteurs aujourd'hui, il faudrait leur donner quelque chose en échange. Et c'est justement sur cet aspect que les discussions ne sont pas encore achevées. Un autre problème, c'est que, en cas d'élargissement, il n'y a pas de consensus entre les pays africains sur la manière de choisir les deux pays qui occuperaient ces deux sièges permanents, où on est-on sur ce sujet ? A cette question, les pays africains généralement ont une parade. Ils disent « mettons nous d'accord sur le principe et nous vous présenterons les deux représentants de l'Afrique », ce qui permet de gagner du temps à vrai dire. On sait très bien qu'il sera difficile de trouver deux représentants parce que les prétendants sont nombreux et les critères pour la représentation sont assez précis. Il n'y a pas beaucoup de pays africains industrialisés qui auraient les moyens, une fois membre du Conseil de sécurité, de contribuer financièrement, matériellement aux décisions, à la mise en œuvre des décisions prises par le Conseil de sécurité. Mais donc où en est-on sur le mode de désignation, toujours d'un côté l'Union africaine qui a créé le C10, un groupe de pays chargés de négocier, mais de l'autre côté, des pays tels que l'Égypte et l'Afrique du Sud qui négocient de leur côté ? Le C10 est au moins l'instance officielle. Il est le lieu où les propositions officielles sont discutées. Mais il y a, à côté du C10, énormément de forums informels. Je pense que l'Afrique du Sud et l'Égypte mènent une campagne active, discrète - parce que, d'un autre côté, ils ne veulent pas non plus apparaître comme faisant cavalier seul - discrète, mais très efficace. Ils ont élargi leurs négociations parce qu'ils sentent qu'il y a une vraie opportunité ces temps-ci. Mais ils ont des concurrents, des pays comme le Nigeria et certains autres pays du Maghreb, qui ont tout à fait le potentiel pour représenter l'Afrique et même un pays de plus en plus comme l'Éthiopie, qui, de plus en plus, veut avoir voix au chapitre de la géopolitique africaine et mondiale. Ce ne sera pas facile pour les candidats individuels. Il sera beaucoup question de Gaza à New York. Qu’en sera-t-il du Soudan ? Selon les Nations Unies, c'est la plus grande crise humanitaire au monde avec un risque de génocide jugé « très élevé ». Est-ce que c'est à l’agenda ? Le Soudan est une vraie urgence, mais une urgence qui malheureusement se mêle à d'autres urgences internationales qui la relèguent un peu au dernier plan. Mais c'est un vrai danger. Le monde regarde ailleurs et risque après de devoir investir encore beaucoup d'argent pour payer les conséquences de la négligence actuelle.
Notre invité ce matin est le triple sauteur burkinabè Hugues Fabrice Zango. Il a disputé hier à Tokyo aux Championnats du monde d'athlétisme le dernier concours de sa carrière. Il n'a pris que la septième place de la finale, loin du niveau qui l'avait porté au titre mondial il y a deux ans à Budapest lors des derniers Mondiaux. Mais l'essentiel est ailleurs, à 32 ans, Hugues Fabrice Zango qui est aussi docteur en ingéniérie électrique se retire des sautoirs l'esprit serein, déjà tourné vers l'avenir avec la volonté de faire profiter la jeunesse burkinabè de son expérience de champion Il répond aux questions de Frédéric Suteau.
Au Cameroun, l'opposant Joshua Osih annonce que, s'il se présente à la présidentielle du 12 octobre, ce n'est pas seulement pour mettre fin au long règne de Paul Biya, c'est aussi pour « en finir avec le régime hypercentralisé » dans son pays. Le président du Social Democratic Front (SDF), n'épargne pas non plus certains de ses partenaires de l'opposition, notamment le candidat Bello Bouba Maïgari. Pour lui, Paul Biya et Bello Bouba, « c'est blanc bonnet et bonnet blanc ». En ligne de Yaoundé, l'héritier de John Fru Ndi répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Joshua Osih, pourquoi êtes-vous hostile au principe d'un candidat consensuel de l'opposition ? Joshua Osih : Je ne suis pas hostile à un candidat consensuel. Je pense que les alliances devraient se faire avant le dépôt de candidature et pas après. Et donc, une fois que quelqu'un se porte candidat, il devrait aller jusqu'au bout. Je suis de ceux qui pensent que la démocratie est très importante et qu'il faut donner le choix aux Camerounaises et aux Camerounais de librement choisir leur candidat et de ne pas se faire imposer un candidat. Mais face au président sortant, Paul Biya, vous êtes onze candidats de l'opposition et il n'y a qu'un seul tour. Est-ce que mathématiquement, les voix de l'opposition ne vont pas se disperser ? Il n'y a pas d'opposition en tant que tel. Ce n'est pas un parti politique qui se présente, ni une famille politique. Il y a des gens qui votent à droite, d'autres qui votent à gauche, d'autres qui votent leur tribu, d'autres qui votent objectivement pour le meilleur projet politique. Et donc il faudrait respecter ces choix-là et laisser les gens faire le choix qui est le leur. Beaucoup disent que Paul Biya est trop âgé pour briguer un nouveau mandat de sept ans. Mais est-ce que de fait, il ne continue pas à gouverner, à signer des décrets, à recevoir des personnalités ? Je pense que vous avez vu, comme moi, que l'ensemble de l'oligarchie camerounaise est allé le voir pour le pousser à se présenter. Il n'a reçu personne. Il a fallu que l'ambassadeur de France arrive à la présidence pour qu'il sorte de sa chambre. Donc, si c'est comme ça qu'on gouverne un pays, je pense que ce n'est pas mon idée. Il est évident que, après 43 ans au pouvoir et surtout 65 ans aux affaires, il y a un burn-out qui existe. C'est inévitable, c'est biologique. Et donc, moi, je suis de ceux qui disent sans honte aucune qu'il n'a plus les capacités nécessaires à gouverner ce pays. Mais je ne suis pas dans cette course pour remplacer Monsieur Biya. Je suis dans cette course pour changer de système, parce que je pense que le problème fondamental du Cameroun, c'est celui d'un système hyper présidentialiste, hyper centralisé, qui tue toute opportunité au développement. Et donc il faudrait absolument revenir à ce que nous proposons depuis 1990, et c'est pour cela que je suis contre ce débat d'ailleurs, sur l'opportunité de mettre ensemble des candidatures, parce que je suis le seul qui porte le projet fédéral dans notre pays, c'est-à-dire un fédéralisme d'exécution où on remettrait le pouvoir au peuple et où le pouvoir irait du bas vers le haut et donc l'âge du président, son origine et les autres considérations des autres candidats ne m'intéressent que très peu, parce que je suis le seul candidat qui a cette offre sur la table. Alors, contre votre stratégie de rester candidat quoiqu'il arrive, jusqu'au 12 octobre, 27 cadres de votre parti SDF se sont regroupés et ont décidé de rallier le candidat UNDP Bello Bouba Maigari qui leur promet notamment s'il est élu, d'amnistier, tous les prisonniers de la crise anglophone. Est-ce que cela ne vous fragilise pas ? Alors j'aimerais bien qu'on me dise quand est-ce que ces cadres sont partis, parce que je me souviens que ce sont des gens qui n'ont pas pu gagner des élections locales et qui n’exercent aucune influence politique que ce soit. Et ça fait des années qu'ils ne sont plus dans le SDF. Et au moment où le Social Democratic Front, en mars 2023, présentait son programme politique et proposait l'amnistie dès le premier jour de tous les prisonniers liés à la crise anglophone qui n'ont pas du sang sur les mains, Monsieur Bello Bouba était encore un ministre d'État de Monsieur Biya. Et donc, c'est bien si avant même de devenir président, il essaie déjà de copier notre programme, c'est une très bonne chose. On ne veut pas avoir l'exclusivité de nos propositions. Si toute la classe politique peut s'inspirer de ce que je propose, je pense que j'aurai déjà réussi un des paris de cette élection. Donc, Monsieur Bello Bouba et Monsieur Biya, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Monsieur Bello Bouba, nous savons très bien pourquoi il se présente à cette élection. Il veut faire passer son ami d'enfance, il veut absolument continuer comme ministre d'État. Nous avons dit que nous mettons fin à ce système politique là le 12 octobre, et nous sommes certains que nous allons vers une victoire le 12 octobre. Et quand vous dites que Bello Bouba est là pour faire gagner son ami d'enfance, vous voulez parler de Paul Biya, c'est ça ? C'est ce qu'il a fait en 1992. Et donc, en 2025, nous parlons d'un tout autre Cameroun qui a une maturité politique bien plus puissante que celle qu'on avait en 1992. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: «Je suis candidat pour gagner l'élection nationale», annonce Cabral Libii À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne
À 45 ans, Cabral Libii est l'un des candidats les plus jeunes à la présidentielle du 12 octobre au Cameroun. Mais ce n'est pas un néophyte. Il y a sept ans, à la précédente élection, il était arrivé troisième. Et aujourd'hui, pour lutter contre la fraude électorale, il appelle tous les électeurs à surveiller leur bureau de vote le jour du scrutin, comme au Sénégal il y a 18 mois. Que pense-t-il de l'initiative en faveur d'Issa Tchiroma, désigné par certains comme le « candidat consensuel de l'opposition » ? De passage à Paris, le chef du Parti Camerounais pour la Réconciliation nationale (PCRN), répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? Cabral Libii : Celle sans doute par laquelle je commencerai, c'est le recouvrement des 11,7 milliards que Glencore, qui a spolié le pétrole camerounais pendant dix ans, a accepté de payer. Le recouvrement est bloqué maintenant par la corruption de quelques agents publics qui empêchent le recouvrement de cet argent dont le peuple a besoin justement pour résoudre les urgences. Et ces urgences, elles sont de quatre ordres. Nous avons déjà annoncé qu'une fois élus, nous donnerions deux milliards de francs CFA à chaque commune du Cameroun pour régler les urgences, les infrastructures notamment routières, en permettant aux communes d'acquérir des engins pour le faire, les urgences hospitalières pour relever le plateau technique des hôpitaux dans les communes, les urgences numériques et scolaires, puis les urgences alimentaires. Face au président sortant Paul Biya et à la machine électorale de son parti RDPC, est-ce que vous ne partez pas battu ? Absolument pas. Cette fameuse machine n'est pas redoutable par son projet, son efficacité et ses résultats. Elle est redoutable par la fraude électorale qui s'est sophistiquée d'année en année. Il y a quelques jours, nous avons rendu publique et c'est encore visible sur notre site internet www.cabral2025.com, nous avons démontré qu'il y a une réserve de deux millions de voix qui a été fabriquée par des manipulations algorithmiques. Des voix fictives ? Des voix fictives par des manipulations numériques. Et pour contrecarrer cela, il y a une seule solution : engager la responsabilité individuelle des électeurs. Ce que le Sénégal nous a donné comme enseignement, c'est que c'est la responsabilité individuelle de l'électeur qui fait tomber de vieux régimes. Il faut que chacun fasse sa part. Faire sa part, c'est être dans le bureau de vote le jour de l'élection, voter et surtout que les uns et les autres se rendent disponibles bénévolement pour surveiller le vote. Parce que si on n'est pas dans les bureaux de vote, ils vont travestir le résultat des urnes. Samedi dernier, l'ancien ministre Issa Tchiroma Bakary a été désigné « candidat consensuel de l'opposition » par un regroupement de partis dénommé Union pour le changement. Qu'est-ce que vous pensez de cette démarche ? Rien du tout. Pour nous, c'est un non-événement. Le mot consensus est un mot français qui signifie accord de volonté. Donc, vous et moi, dans ce studio, on peut faire consensus sur ce que nous voulons, mais encore faut-il que cela ait un impact réel. Ce que moi je sais, c'est que le projet que je porte fait consensus. Voilà le type de consensus que nous avons appelé « la vague orange », que nous avons soulevé au grand meeting de Kribi et qui a déferlé. Vous savez, nous sommes douze candidats. Je fais partie des cadets et l'une des choses que nous entendons constamment, c'est que : « Oui, vous les cadets, vous devez vous aligner derrière les aînés ». Nous leur disons d'accord, que les trois septuagénaires qui viennent juste après le nonagénaire s'entendent déjà, se coalisent déjà entre eux et puis nous aviserons. Ce d'autant que deux de ces septuagénaires sont issus pratiquement du même village, tout au moins du même département, celui de la Bénoué. À écouter aussi[Vos réactions] Présidentielle au Cameroun : quelle image vous renvoie l'opposition ? Vous pensez à Tchiroma et à Bello ? Absolument. Alors justement... Ils n'ont pas que ça en partage. Alors justement, cet appel que vous avez lancé aux trois septuagénaires, c'est-à-dire à Akere Mouna, Bello Bouba et Issa Tchiroma, ça n'a pas du tout plu à Issa Tchiroma, qui y a vu une façon de votre part de vouloir le mettre à la retraite. Il vous appelle à plus de respect, à plus d’humilité... Peut-on faire montre de plus d'humilité que de solliciter des aînés ? Qu'ils s'entendent déjà. C'est du respect. Tout ce que nous leur demandons, c'est que vous avez beaucoup de choses en partage. Certains d'entre eux ont servi le régime pendant 30 ans, d'autres durant 25 ans, puis ils décident à deux mois de l'élection présidentielle de se lancer. Ce n'est pas tout le temps que l'on voit des gens qui ont aussi servilement servi un régime se décider de le faire tomber deux mois avant une élection présidentielle. Et nous leur disons qu'il n'y a pas de soucis. Le peuple vous regarde parfois avec un regard suspicieux parce que ce n'est pas la première fois que vous allez de gauche à droite et que vous justifiez à chaque fois vos allées et venues. L'électeur camerounais, nous lui faisons confiance, est très lucide sur ce point. Mais vous le savez bien que Bello et Tchiroma, leur fief, c'est le nord et que le nord, ça compte un tiers des voix. Vous allez perdre des voix nécessairement, non, par rapport à 2018 où Bello et Tchiroma n'étaient pas candidats ? Écoutez, je sors de ce nord-là. Vous avez vu les milliers et les centaines de milliers de personnes qui sont venues à ma rencontre. Ces personnes-là ne suivent pas un nordiste. Ces gens-là m'ont dit : « Monsieur Libii, vous avez toujours été à nos côtés et à nos yeux, ce n'est pas parce que vous êtes né plus loin au sud que nous ne croyons pas en vous et pour nous, vous incarnez notre espérance et notre espoir ». Moi, je ne suis pas un ancien ministre avec de l'argent gardé ici ou là. Moi, je ne suis pas du vieux système où ils achètent des consciences et des voix, où ils payent des gens pour les réunir. Je suis donc conscient qu'il y a des gens qui sont candidats pour gagner le nord, mais moi, je suis candidat pour gagner l'élection nationale. À lire aussiÉlections au Cameroun: pour battre Paul Biya, «il faudra un raz-de-marée» de l'opposition, martèle Issa Tchiroma Bakary
L'opposant camerounais Issa Tchiroma Bakary connait bien le président sortant Paul Biya, puisqu'il a été son ministre pendant 16 ans, avant de démissionner au mois de juin dernier. Le chef du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a le vent en poupe, car il vient d'être désigné « candidat consensuel de l'opposition » par l'Union pour le Changement à la présidentielle du 12 octobre prochain. Mais aucun autre candidat de l'opposition ne l'a félicité : est-ce un trompe-l'œil ? En ligne de Yaoundé, l'ex-ministre Tchiroma Bakary répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Samedi dernier, une assemblée générale Upéciste vous a désigné comme « candidat consensuel de l'opposition » pour le 12 octobre. Quelle est votre première réaction ? Issa Tchiroma Bakary : Ma première réaction, c'est celle de la gratitude et des remerciements à ces hommes et femmes de la société civile comme de la classe politique, qui m'ont fait l'honneur et le plaisir de me désigner pour être le porteur du drapeau qui nous conduira vers l'élection présidentielle et puis vers la victoire inévitable du peuple. Le fait qu'aucun de vos dix partenaires, candidats de l'opposition, n'ait approuvé cette démarche de l'Union pour le changement et qu'aucun de vos partenaires ne vous ait félicité, est-ce que cela ne vous préoccupe pas ? Écoutez, les portes sont ouvertes, nous sommes en discussion. Nous demeurons ouverts et ma foi, j'annonce notre disponibilité à travailler avec tous ceux qui sont prêts pour que l'attente du peuple soit réalisée, à savoir la construction de ce changement. À écouter aussiAkere Muna: «Le Cameroun est dans un gouffre financier, moral, difficile à digérer» Donc, vous tendez la main aux dix autres candidats de l'opposition ? Je pense que non seulement je leur tends la main, mais je voudrais d'abord attirer l'attention des uns et des autres vers une vérité cardinale. C'est l'administration territoriale qui a la responsabilité de l'organisation de ces élections. Même si les dix autres candidats s'allient à Tchiroma pour que ça fasse onze, même si tous nous étions réunis, il est pratiquement impossible de penser que ce corps qui a la responsabilité d'organiser ces élections annonce des résultats différents de ce que le parti au pouvoir et son leader attendent. Donc, il faudrait que cette victoire soit un raz de marée comparable à rien d'autre, parce que la victoire sera massive, une victoire inexorable. Le candidat président de la République sortant face à la détermination du peuple. Je suis persuadé que le président ne fera pas 15 à 20%. C'est impensable. Pour qu'il y ait ce raz de marée, il ne faut pas qu'il y ait plusieurs candidats de l'opposition. Il faut qu'il n'y en ait qu'un seul et ce sera vous. C'est ça ? Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ensemble, nous sommes en mesure d'avoir cette victoire écrasante. Elle est inexorable, elle est inévitable. Issa Tchiroma Bakary, vous avez été ministre de Paul Biya pendant seize ans. Vous avez été aussi notamment son porte-parole. Et puis au mois de juin dernier, vous avez démissionné. Pourquoi cette volte-face ? Ce n'est pas une volte-face. Le président de la République, aujourd'hui, à 93 ans. Après 43 ans de règne sans partage, à cet âge, le président de la République, qui aime sa nation, devrait comprendre que la fin est arrivée. Et comme on dit, il est préférable de quitter les choses avant qu'elles ne vous quittent. Vous avez des icebergs partout. Le commandant doit être à la barre et non gouverner par procuration. Et qui c'est qui gouverne alors ? Si ce n'est pas lui ? Mystère. Mais aujourd'hui, on peut dire que c'est une espèce d'oligarchie invisible, mais d'une puissance d'autant plus redoutable que vous ne savez pas qui fait quoi. Je profite de l'occasion pour dire, moi qui vous parle aujourd'hui, que j'ai fait l'objet d'une menace et d'emprisonnement et existentielle de la part des collaborateurs du président de la République qui sont venus me dire que c'est de sa part qu'il me parlait de cette manière. Et quand vous parlez de menace existentielle, c'est-à-dire qu’un collaborateur du chef de l'État vous a menacé dans votre propre vie, c'est ça ? C'est-à-dire qu’il m’a menacé d'emprisonnement. Et puisqu’il sait que je suis malade. Il suffit simplement que l'on m'emprisonne et que je reste deux mois sans médicaments et la suite sera connue. En vertu de quoi doit-on me menacer ? Vous dites qu'il faudra compter avec plusieurs autres candidats de l'opposition. Est-ce à dire qu'avec l'autre grand candidat nordiste, par exemple, l'ancien Premier ministre Bello Bouba Maigari, vous n'arriverez pas à vous mettre ensemble d'ici le 12 octobre ? Mettez ensemble tous les opposants, pas seulement Bello et autres. Il faut d'abord une victoire immense. Il faut absolument un raz de marée. À lire aussiCameroun: le ministre d'État Bello Bouba annonce sa candidature à la présidentielle Est-ce que vous vous parlez avec Bello ? Bien entendu. Bello n'est pas mon ennemi, mais moi je suis Tchiroma, il est Bello. J'incarne l'espoir de la jeunesse. Vous dites que vous incarnez l'espoir de la jeunesse, mais vous avez plus de 70 ans. Et le candidat Cabral Libii appelle les trois septuagénaires que vous êtes, Akéré Mouna, Bello Bouba et vous-même, à vous mettre ensemble et ensuite à créer une dynamique de l'unité. Il est libre de dire ce qu'il veut, mais qu'il fasse preuve d'humilité et de respect pour ce que nous sommes. Vous savez, j'ai plus de 70 ans, mais il y a des gens qui gouvernent les plus grandes puissances de ce monde qui ont 79 ans. Suivez mon regard. En politique, quand vous parlez de l'âge, c'est parce que vous êtes à court d'arguments. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne
Journée spéciale sur le commerce mondial de la drogue aujourd'hui sur RFI. Focus tout de suite sur l'Afrique avec Flore Berger, de L'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Elle est spécialiste du trafic de drogue en Afrique. Elle nous explique pourquoi les narcotrafiquants n'aiment pas les coups d'État. Et elle nous révèle quel rôle jouent ces trafiquants dans certaines libérations d'otages au Sahel. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pourquoi l'Afrique de l'Ouest est-elle devenue une plaque tournante pour la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe ? Flore Berger : Oui, alors géographiquement c'est intéressant pour lier les deux zones. Mais aussi il y a des vulnérabilités importantes qui font que c'est devenu un centre logistique. Donc il y a moins de surveillance dans les territoires, un manque de ressources dans les ports principaux d'Afrique de l'Ouest, évidemment, des niveaux de corruption élevés. Donc, tout ça explique le fait que l'Afrique de l'Ouest soit devenue un centre névralgique pour le trafic mondial. Est-ce que les réseaux jihadistes d'Afrique de l'Ouest et du Sahel sont impliqués dans ce trafic ou dans celui d'autres drogues ? Alors pas spécialement. Déjà, il faut dire que la plupart des flux de cocaïne arrivent en Afrique de l'Ouest par les voies maritimes et repartent vers l'Europe par les voies maritimes. Mais il y a une partie qui est déchargée et qui prend la route, qui traverse notamment le Mali et le Niger en particulier, la Libye aussi. Et donc c'est sur ces routes de trafic qu'on a aussi la présence de réseaux jihadistes. Donc ce ne sont pas les acteurs principaux du trafic, ce ne sont pas ceux qui organisent ou ce ne sont pas les logisticiens, les intermédiaires… Mais comme ils ont une forte présence dans ces zones de transit, le long des routes, on sait qu'ils taxent la marchandise et taxent les trafiquants pour que ceux-ci puissent utiliser les routes qu'ils contrôlent. Donc on sait que les groupes jihadistes font ça pour tout type de biens licites et illicites. Donc les commerçants de carburant, les compagnies de transport, les éleveurs avec leurs animaux. Donc tout le monde qui veut utiliser leur territoire doit les payer. Donc, ce n'est pas spécifique au trafic de drogue. À lire aussiEn Afrique de l’Ouest, le trafic de drogues s'accompagne désormais d'une consommation hors de contrôle Est-ce que le trafic de drogue en Afrique est plus important dans les pays instables et en guerre civile ? Pas forcément. Et on voit qu'il y a certains trafics, comme on vient de parler du vol de bétail, qui sont renforcés, qui augmentent lors de périodes d'intense violence ou d'instabilité. C'est aussi le cas du trafic d'armes ou de carburant, par exemple, qui sont des ressources clés pour les groupes armés. Mais pour la cocaïne, c'est différent dans le sens où ce trafic prospère plutôt dans des zones où il y a un équilibre assez délicat, c'est-à-dire que trop d'instabilité va compliquer les flux et désorganiser les réseaux. C'est quelque chose qu'on a vu après, par exemple, le coup d'État au Niger en juillet 2023. Il y avait des réseaux de protection établis entre les autorités et les trafiquants. Et donc ces réseaux ont été éclatés du jour au lendemain. Aussi avec les périodes de grands conflits comme on a vu au nord du Mali dans la deuxième partie de 2023. Toutes ces périodes d'instabilité ne sont pas très bonnes pour le business, parce que les réseaux doivent soit trouver de nouveaux itinéraires, soit de nouveaux intermédiaires, recréer des relations de protection, et donc trop d'instabilité n'est pas forcément bon pour ce trafic-là. C'est-à-dire que les trafiquants de drogue du Niger ont été déstabilisés par le putsch de juillet 2023 ? Oui, oui. Donc, on a vu une diminution du trafic au Niger après le coup d'État, notamment de certains intermédiaires clés qui étaient impliqués dans le trafic de drogue depuis longtemps. Donc, avec la protection des autorités, il y a même des trafiquants, par exemple un en particulier qui s'est reconverti, on va dire, dans l'orpaillage, le trafic de l'or, parce que voilà, les protections au niveau de l'État pour le trafic de cocaïne n'étaient plus en place. À lire aussiTrafic de drogues: le Kenya, de plateforme logistique à marché de consommation émergent Quelle est la répression la plus efficace ? Pour la répression, donc, on sait spécifiquement pour le trafic de cocaïne qu'il y a vraiment des intermédiaires clés qui souvent sont connus de tous, qui opèrent depuis des décennies, par exemple au Mali ou au Niger, et puis des réseaux étrangers qui viennent des Balkans, qui s'implantent en Afrique de l'Ouest. Et donc eux sont vraiment les acteurs clés de cet écosystème et ils sont difficiles à remplacer parce que ce sont eux qui ont les connexions, ce sont eux qui ont les relations haut placées, ce sont eux qui sont au cœur de la logistique et des opérations. Et donc si on focalise la répression sur eux, donc il y aura clairement un impact sur ce marché illicite, au moins dans le moyen terme, jusqu'à ce que d'autres prennent leur place. Vous parlez des chefs de réseau, notamment de ces réseaux balkaniques qui viennent de Bosnie, d'Albanie, du Monténégro. C'est ça ? Voilà. Et qui ont évidemment des interlocuteurs, par exemple au Mali, au Niger ou les pays côtiers. Et est-ce qu'il y a déjà eu des arrestations du côté de ces chefs de réseaux ou pas ? Alors c'est un peu ça le souci principal, c'est que ce sont souvent eux qui ont établi des liens de protection avec l'accord des autorités. Par exemple, au Mali, ce sont des personnalités qui sont bien connues des services de renseignement et qui sont même parfois utilisés par les autorités, par exemple, quand il y a des otages et qu'il faut se lier ou faire des négociations entre groupes armés et autorités. Donc ce sont ces mêmes personnes-là qui sont appelées, du fait de leurs capacités à parler et aux groupes armés sur le terrain et aux autorités. Et donc c'est assez rare que des poursuites à leur encontre voient le jour. À lire aussiDe la culture de la coca au dealer européen, qui contrôle le trafic de cocaïne?
Légende de la musique en Afrique et bien au-delà, Cheikh Lô fête ce week-end ses 50 ans de carrière et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, puisque son nouveau disque Maame sera publié le 26 septembre. Mais avant cette sortie, le chanteur, batteur et guitariste sénégalais a accepté de revenir sur des anecdotes de sa vie artistique. RFI : Vous célébrez 50 ans de carrière, 50 ans d'exploration musicale. Vous êtes un éternel optimiste. Quel est votre secret pour garder cette fraîcheur ? Cheikh Lô : Je vais fêter mes 70 ans ! Mais actuellement, j'ai 26 ans. Je me suis rendu compte que la musique nourrit l'âme. Ça te tient. Tu ne vieillis pas. C'est un environnement. Je ne sais pas comment l'expliquer. Va par exemple aux îles des Caraïbes ou Cuba, tu trouveras des vieux chanteurs qui jouent jusqu'à présent, parce que leur musique est positive, immortelle. Vous êtes né à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, de parents sénégalais en 1955. Comment est-ce que la musique vous a attrapé ? Au moment où je suis né, ce n'était pas le Burkina Faso, c'était la Haute-Volta. Je suis né là-bas. J'ai grandi là-bas. J'avais la chance, car à l'époque mon grand frère avait un tourne-disque. Il avait pratiquement toutes les musiques d'Afrique de l'Ouest avec les bagages et les ressources du Congo. Et en même temps, il y avait la radio à la maison. Donc, on écoutait beaucoup de Volta Jazz, l'orchestre de renommée à Bobo-Dioulasso qui était le plus grand orchestre de l'époque. Vous y avez commencé votre carrière en tant que batteur... À l'âge de 20 ans, j'avais des amis dans le même quartier qui avaient des guitares. On passait des heures là-bas. Un jour, à ma grande surprise, le bassiste même du Volta Jazz est venu. Il grattait vraiment bien. Il a commencé à jouer et j'ai commencé à chanter. Dans la foulée, vous allez passer une audition et intégrer le groupe... Pour une soirée. Mais avant que la salle soit pleine, j'avais un peu le stress. Mes pieds tremblaient un peu. J'avais chanté un morceau de Laba Sosseh qui s'appelle « Seyni ». Après avoir fini de chanter, le chef d'orchestre et saxophoniste Mustapha Maïga me dit : « Petit, tu es intégré dans le groupe à partir d'aujourd'hui. » Vous aimez tellement cette chanson que vous l'avez enregistrée des années plus tard. Votre carrière est immense. Vous avez joué dans des clubs, dans des hôtels. Vous avez été batteur dans des studios d'enregistrement en France. Mais arrêtons-nous sur un moment important, la sortie de l'album Né La Thiass. Ce n'est qu'après, en 1995, que j'ai réalisé l'album Né La Thiass en collaboration avec Youssou N'Dour. Né La Thiass, c'est la destinée. Youssou N'Dour était amoureux de ce morceau. Tout de suite, j'ai fait une tournée pour la promotion de cet album avec le groupe Né La Thiass, parce que je n'avais pas encore fondé mon propre groupe. Avec le Super Étoile de Youssou N'Dour, on a fait les répétitions à Dakar et puis une tournée européenne un mois plus tard. Quand les nouvelles générations viennent vous voir, que leur répondez-vous ? Qu'il ne faut jamais rien lâcher dans la vie ? Si ce sont des jeunes qui viennent, je leur dis : « Allez faire une formation ». Dans tout métier, pour savoir où tu poses les pieds. Tout est possible. Impossible n'est pas français, mais tout est possible aujourd'hui. Il faut y croire pour y arriver. Dernière question : dans un monde en tension, à quoi sert la musique ? À quoi sert votre musique ? La musique rapproche et même les montagnes. C'est un médicament. Cela adoucit les mœurs. La musique, elle est sacrée pour moi. On pourrait même dire que c'est une religion aussi. Il n'y a pas de mensonge en musique. À l'au-delà, nul ne peut mentir. Tu ne peux pas tricher avec la musique parce qu'il y a des conventions. C'est divin. Cheikh Lô Maame (World Circuit Limited) 2025 Facebook / Instagram / YouTube
Au Cameroun, c'est dans un mois, le 12 octobre, que les douze candidats s'affronteront dans les urnes pour briguer la présidence de la République. Onze candidats de l'opposition vont donc défier le président sortant Paul Biya, mais il n'y aura qu'un seul tour. Du coup, le candidat Akere Muna propose à ses partenaires de l'opposition de créer un collectif pour trouver un candidat consensuel. Et il s'adresse plus particulièrement à Maurice Kamto, l'opposant dont la candidature a été rejetée. Pourquoi ce choix ? En ligne de Yaoundé, maître Muna répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a trois semaines, vous avez défrayé la chronique en demandant au Conseil constitutionnel de déclarer Paul Biya inéligible à cause de sa supposée dépendance physique et cognitive. Mais vous avez été débouté. Est-ce que vous n'êtes pas déçu par cet échec ? Akere Muna : Non, pas du tout parce que tous ceux qui pensent qu'à 92 ans et après 42 ans d'exercice, on est, n'est-ce pas, aussi frais que quelqu'un de 49 ans, mais tant pis, je pense qu’on a pu démontrer au monde entier la situation qui prévaut au Cameroun. Tout le monde l'a vu, le président, dans ses sorties. Nous avons fourni des vidéos qui montrent le président à Washington. Il ne sait pas où il est, il ne sait pas ce qu'il doit faire. On doit tout lui dire. Et puis on l'a montré complètement embrouillé devant Mo Ibrahim. Et puis on l'a montré, il y a beaucoup d'incidents. Sa femme qui lui demande de lever la main pour saluer, on lui rappelle ce qu'il faut faire. On a même montré un rapport fait par des experts américains sur ce que l'on doit attendre d'un monsieur de 92 ans. C'est un rapport de douze pages quand même. On est devant le destin de 30 millions de Camerounais. Le Cameroun est dans un gouffre financier et moral, difficile à digérer. Vous êtes originaire du nord-ouest du Cameroun. Vous avez été bâtonnier des avocats du Cameroun. Vous êtes l'une des grandes figures de l'ONG Transparency International. Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? La lutte contre la corruption et la crise du nord-ouest et du sud-ouest. Parlant de la lutte contre la corruption, je vous dis que moi président de la République, dans les cinq jours, je ferai sortir des caisses de Glencore [une société minière, NLDR] 800 milliards. Je ferai payer par Glencore à l'État du Cameroun 800 milliards de francs CFA. C’est le résultant de ventes de pétrole à un prix décoté, le résultant de trafics de toutes sortes, de la corruption reconnue par Glencore lui-même. Et dites-vous bien, personne n'est poursuivi. Donc ça, ce serait votre première priorité ? Oui, la première. La seconde, c'est la crise du nord-ouest et du sud-ouest car je connais les racines de ce problème. Moi, originaire du nord-ouest, je connais le problème. Vous êtes onze candidats face à Paul Biya. Mais il n'y a qu'un seul tour. À un mois du scrutin, est-ce que vous croyez encore à la possibilité d'un candidat consensuel de l’opposition ? Je crois que les onze candidats savent qu'il faut donner l'espoir aux Camerounais. Et sur cette base-là, je pense qu'il y a toujours une solution. Moi, j'y travaille et je pense qu’un candidat consensuel, ça peut être deux ou trois ou quatre, mais je pense qu'au final, il faudra attendre que la campagne officielle commence, donc le 27 septembre, pour voir ce qu'il va se passer. Je pense que l’on peut être optimiste du fait que l'on va trouver des candidats qui pourront… Parce qu'en fait, ces élections, c'est un référendum sur pour Biya ou contre Biya. C'est aussi simple que ça. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne En 2018, le principal challenger de Paul Biya était Maurice Kamto, mais aujourd'hui, il est déclaré inéligible. Quel rôle peut-il jouer dans la recherche d'un candidat consensuel de l'opposition ? Je pense qu’il peut être vraiment la personne qui demande à tous les candidats : « Mettons-nous ensemble et sortons un candidat qui va mener le lot », pour la simple raison que lui, il sera quelqu'un de désintéressé puisqu'il n'est pas candidat. Donc ce rôle-là, il peut le jouer. Il peut proposer une réunion à vous tous, les onze candidats, pour que vous vous mettiez d'accord, c'est ça qu'il pourrait faire ? Oui mais voilà, comme je dis souvent, le problème de ce côté du monde, c'est ce qu'il y a beaucoup de chefs, mais pas assez d'Indiens. Donc peut-être que lors d'une séance comme ça, il faudrait quand même faire un gouvernement, je n'en sais rien, mais je pense qu'il a… Lors d'une séance comme ça, il faudrait quoi dites-vous ? Il faudrait peut-être penser à déjà faire un « shadow government ». Un gouvernement fantôme… Oui. À écouter aussiCameroun: «Après l’échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir» Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prêt à renoncer à votre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Mais cette question trouve sa réponse en 2018. Je l'ai déjà fait. Pour Maurice Kamto… Ça c'est vrai, je l'ai déjà fait. Avec une seule différence que maintenant, je fais dans le cadre d'un collectif. On est tous ensemble, voilà la direction qu'on va prendre. Et dans ce cadre-là, je pense que c'est plus facile de le faire. Et pour quel candidat vous pourriez vous désister ? Mais je vous dis que ça sortirait d'un collectif, donc je ne peux pas maintenant commencer à dire tel ou tel autre. Mais pour l'instant, ce collectif, on ne le voit pas… Peut-être qu’on ne le voit pas. Mais le fait que vous n'entendez pas la radio ne veut pas dire qu'elle n’émet pas. Il y a des signes annonciateurs d'un tel collectif ou pas ? Moi j'en vois. Et le secret pour l'efficacité de cette stratégie, c'est la discrétion. Vous conviendrez avec moi. Donc pour l'instant, vous ne pouvez pas en parler sur l'antenne ? Voilà. À lire aussiCameroun: l'opposition partagée sur la désignation d'un candidat consensuel à la présidentielle
Au Cameroun, Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya est la seule femme parmi les douze candidats à la présidentielle du 12 octobre. Mais les Camerounais connaissent bien cette opposante politique, qui a repris les rênes de l'UDC, l'Union démocratique du Cameroun, après le décès en 2020 de son mari, Adamou Ndam Njoya. Longtemps députée nationale, Madame Tomaïno Ndam Njoya est aujourd'hui la maire de Foumban, la grande cité de l'ouest du Cameroun. Quelle est son ambition pour son pays ? RFI : Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, si vous êtes élue, quelles seront vos deux priorités ? Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya : C'est la crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui est la toute première des premières. Parce que le Cameroun aujourd'hui est en guerre contre les Camerounais. Et évidemment, la grande deuxième priorité serait les réformes institutionnelles. Parce que depuis 2021, nous avons demandé que le code électoral soit modifié. Nous avons fait un travail de fond. Malheureusement, le pouvoir en place, comme il sait que c'est à travers des fraudes électorales qu'il s'en sort, c'est un problème d'arbitraire. Cette réforme du code électoral, vous l'avez demandée en direct au président Paul Biya lors de ses vœux du Nouvel An. C'était il y a quelques mois. Qu'est-ce qu’il vous a répondu ? Le président a dit qu'il n'était pas au courant que nous avions fait ce travail, et je lui ai répondu que nous allons mettre ce travail à sa disposition, ce que nous avons fait. Et jusqu'aujourd'hui, nous n'avons pas eu un retour. Vous êtes la seule femme candidate à ce scrutin. Si vous êtes élue, qu'est-ce qui changera pour les femmes camerounaises ? Les femmes camerounaises disent : aujourd'hui, 65 ans, ça suffit. Parce que c'est depuis les indépendances au Cameroun que les femmes sont discriminées. Nous n'avons pas de lois qui protègent les femmes, la famille, les enfants. Les femmes sont celles qu'il faut au Cameroun pour apporter la paix. Parce que le Cameroun est divisé. Aujourd'hui, il y a un manque de confiance entre Camerounais, entre les Camerounais et les institutions. Et donc après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir et elles sont prêtes. Voilà 43 ans que Paul Biya gouverne et il est candidat pour un huitième mandat. Face au système Biya, est-ce que vous ne partez pas battue d'avance ? Pas du tout. Le système Biya est là parce qu’il a les moyens de l'État, il a le confort. Mais dans la grande majorité, les Camerounais veulent des élections justes et transparentes. Donc quand on voit le bilan des 43 années de Monsieur Paul Biya, on comprend très vite pourquoi les Camerounais aspirent au changement. La guerre du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, c'est inadmissible. Quelle est la fonction d'un président de la République ? D'abord, incarner l'unité nationale, ce qu’il ne fait pas. Il doit arbitrer le fonctionnement des institutions républicaines, ce qui n'est pas le cas. Tout le monde voit que le régime n'apporte plus rien. Nous sortons d'une grande tournée au niveau national et nous ramenons que les Camerounais veulent le changement, mais par la paix. Qu'est-ce qui vous rend optimiste ? Est-ce que c'est le fait qu'il y ait des fissures au sein du parti au pouvoir et du gouvernement ? Est-ce que c'est l'âge du capitaine ? Normalement, c'est autant de signes qui montrent que si on était vraiment dans une République, l'âge n'aurait pas été un problème parce que nécessairement on aurait compris qu’il faut un mandat renouvelable une seule fois. Donc ça fera partie de nos résolutions urgentes de limiter le mandat présidentiel. Et maintenant, le fait qu'il y ait des problèmes dans la maison, c'est tout à fait normal aussi. C'est-à-dire que, dans le fond, c'est un régime qui a trop duré et les Camerounais souhaitent pouvoir prendre les rênes pour que le Cameroun redevienne cette Afrique en miniature, ce pays respecté dans la sous-région et dans le monde. Et c'est pour ça que nous parlons d'une nouvelle ère. Nous, on est là pour la rupture, c'est-à-dire un nouveau Cameroun, l'ère de la liberté, l'ère de la responsabilité… Parce qu’il y a tribalisme, détournement de fonds publics, corruption, qui laissent de côté la valorisation du travail, l'effort, la méritocratie. Ce sont des valeurs que nous devons retrouver au Cameroun. Les Camerounais sont prêts pour cette rupture. Alors face à Paul Biya, il y a onze candidats de l'opposition et un seul tour. Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prête à renoncer à votre propre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Bien sûr, c'est le principe. Parce que, quand on dit consensus, c'est une personne, mais qui est là dans le cadre d'une équipe, par rapport à un plan d'action commun consensuel. Et parmi les dix autres candidats de l'opposition, vous avez déjà en tête l'une ou l'autre de ces personnes pour qui vous pourriez vous rallier ? Celui qui va recueillir le plus de consensus, suivant des critères objectifs qui sont défendables devant le peuple, aura la confiance de l'Union démocratique du Cameroun.
En République démocratique du Congo, une augmentation des salaires des agents de l'État est à l'étude dans le budget 2026. C'est ce qu'annonce aujourd'hui sur RFI le vice-Premier ministre congolais en charge du Budget Adolphe Muzito. L'opposant modéré, qui est arrivé quatrième à la présidentielle de 2023 avec son parti Nouvel Elan, est entré au gouvernement il y a un mois. En ligne de Kinshasa, l'ancien inspecteur des finances Adolphe Muzito répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Après presque sept ans dans l'opposition, vous avez accepté il y a un mois d'entrer dans un gouvernement sous la présidence Tshisekedi. Pourquoi ce changement de cap ? Adolphe Muzito : Face à l'agression de notre pays et au vu de l'élan pris par le pays, je ne pouvais pas ne pas répondre à l'appel solennel du président Félix Tshisekedi afin de lui prêter main forte et mettre mon expérience à sa disposition pour faire avancer la République. Alors, à la suite de ce que vous appelez l'agression dans l'Est de votre pays, d'autres figures de l'opposition ont accepté le principe d'entrer au gouvernement. C'est le cas de Martin Fayulu. Mais celui-ci précise qu'il faut d'abord que le pouvoir organise un dialogue politique national, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Alors, est-ce qu'en entrant dans ce gouvernement, sans dialogue préalable, vous ne mettez pas la charrue avant les bœufs ? Bon, de mon point de vue, le dialogue ne peut se faire qu'autour de Monsieur Tshisekedi. Ce n’est pas le dialogue qui va donner la légitimité. Monsieur Tshisekedi est déjà légitime, c'est lui qui incarne la légalité nationale. S’il recourt à l'opposition, c'est parce qu'il veut associer tous les Congolais pour que nous parlions d'une même voix et qu'il puisse matérialiser la cohésion nationale de manière à faire face à l'ennemi, tout simplement. Donc, moi, je n'avais pas besoin d'attendre, tout en sachant que Monsieur Tshisekedi représente la légalité nationale. Nous sommes agressés. C'est lui qui est à la tête du pays. Il veut l’apport de tout le monde pour que tous les Congolais parlent d'une même voix, pour que psychologiquement, on puisse affaiblir nos agresseurs, notamment le Rwanda et ses sous-fifres. Donc, je n'avais pas besoin d'une légitimité autre que celle dont il est porteur, parce que c'est lui, finalement, qui a été élu par le peuple. Adolphe Muzito, de 2008 à 2012, pendant près de quatre ans, donc, vous avez été le Premier ministre du chef de l'État de l'époque, Joseph Kabila. Or, aujourd'hui, celui-ci est en exil et il est poursuivi par la justice militaire congolaise pour complicité avec les rebelles du M23. Le 25 août, le ministère public a même requis contre lui la peine de mort pour crimes de guerre et trahison. Qu'est-ce que vous en pensez ? Oh, ce que j'en pense, c'est que d'abord, un, il faut respecter la justice. C'est elle qui va se prononcer. Quant au président Kabila, le moment venu, il devra éventuellement faire appel. Je crois que nous sommes un pays démocratique. La justice va toujours examiner son appel. Je trouve Monsieur Tshisekedi d'autant plus généreux que je ne le vois pas en train d'appliquer une telle peine de mort. Mais à ce stade, il faut respecter la justice et attendre son verdict. Mais vous qui connaissez bien Joseph Kabila, puisque vous avez travaillé à ses côtés pendant près de quatre ans, qu'est-ce que vous pensez de son attitude politique actuelle ? Moi, je n'ai pas beaucoup apprécié qu'il soit passé par le Rwanda parce qu'il avait fait la guerre en son temps, il avait repoussé les rebelles. Je ne vois pas comment il peut se hasarder à organiser une rébellion contre le pays ou à soutenir les sous-fifres que sont ces rebelles. Je n'ai pas compris cette attitude. Ce n'est pas une attitude responsable de sa part. Adolphe Muzito, vous êtes le vice-Premier ministre en charge du Budget et vous préparez donc le budget 2026. L’an dernier, le Congo avait prévu un budget de plus de 17 milliards de dollars pour 2025. Mais en juin dernier, le Congo a dû réviser ce budget à la baisse à cause de la guerre et d'un manque à gagner de quelque 700 millions de dollars. Quel budget prévoyez-vous pour l'année prochaine ? Pour 2026, je prévois un budget qui sera autour de 12 milliards en ressources propres. Ça va correspondre, par rapport au budget dont a hérité Monsieur Tshisekedi, ça sera un doublement. Et nous pourrons, je pense, Monsieur Tshisekedi et sa Première ministre pourront, à ce moment-là, dégager les ressources nécessaires pour financer les infrastructures et équiper l'armée et peut-être améliorer les salaires du personnel, des agents de l'État, en dégageant d'autres économies grâce au contrôle que nous pourrions faire, sous le contrôle de la Première ministre, pour extirper des effectifs de l'administration publique tous les agents fictifs introduits par les différents responsables. Donc, il y aura une tendance à l'amélioration des salaires des agents dans une certaine proportion. Donc, nous sommes dans le bon avec ce budget qui pourrait être autour de 12 milliards en ressources propres, avec des ressources extérieures autour des cinq, 6 milliards de dollars. Alors, vous parlez d'un budget en ressources propres de 12 milliards de dollars qui représenterait un doublement par rapport à quel budget, de quelle année ? Par rapport au budget de la fin du quinquennat précédent de Monsieur Tshisekedi, qui était de 8,5 milliards, ça va être un doublement. Oui, parce que, à ces 12 milliards, vous pourriez ajouter 4 milliards de ressources extérieures. C'est ça ? Oui, plus ou moins 5 milliards de dollars grâce au financement de la communauté internationale. À lire aussiRDC: Félix Tshisekedi réclame «la reconnaissance des génocides perpétrés sur le territoire congolais»
Avec près de 2 kilomètres de longueur et 150 mètres de hauteur, le Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne va dompter les eaux du Nil Bleu et va devenir aujourd'hui, jour de son inauguration par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, la plus grande installation hydroélectrique du continent africain. Mais l'Égypte affirme que cet ouvrage est, pour elle, une « menace existentielle ». Les explications de Sonia Le Gouriellec, qui est maîtresse de conférence en science politique à l'Université catholique de Lille, en France. RFI : Qu'est ce qui va changer avec ce barrage dans la vie quotidienne des Éthiopiens ? Sonia Le Gouriellec : Je pense qu'il y a un gain énergétique important pour les Éthiopiens parce qu’ils pourront ainsi à la fois avoir de l'électricité dans leur pays et en exporter dans le reste de la région. D'autant que je crois que près de la moitié des Éthiopiens n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui. Tout à fait. Et puis on est dans un pays avec une démographie très forte, 130 millions d'habitants. Donc, il y a un véritable enjeu, effectivement, de fournir de l'électricité et puis aussi d'atteindre les ambitions économiques du pays, puisqu'il y a de nombreuses zones économiques spéciales qui ont été ouvertes et dont le but est de pouvoir fournir de l'électricité à tout le monde. Alors, l'Égypte est très hostile à ce barrage. Elle affirme qu'il représente une menace existentielle. Est-ce que ces craintes sont fondées ? Alors effectivement, depuis le début, l'Egypte est opposée à la construction de ce barrage. A tel point qu'on a parlé à une époque de bombardements du barrage. Et la crainte aujourd'hui, je dirais, c'est plutôt politiquement une déstabilisation de la région par l'Egypte. L'existence du barrage, ce n'est pas ça qui est véritablement contesté, puisque le barrage, il va être inauguré ce mardi. Donc il est construit, il est fait. C'est une grande réalisation. Ce qui est aujourd'hui véritablement en débat, c'est l'absence de règles claires et contraignantes de sa gestion en période de stress hydrique. L’Egypte a toujours eu une position très constante sur cette question. Toutes les exploitations possibles en amont devraient avoir un accord écrit juridiquement contraignant, avec des règles claires d'opérations, de comment on va gérer au fur et à mesure ces eaux, notamment en période de sécheresse. Et ça, pour l'instant, c'est absent. Donc, bien que Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, ait invité le Soudan et l'Egypte à venir à l'inauguration, pour eux, ça, c'est de la diplomatie, c'est des accords à l'oral, mais il n'y a rien de véritablement fixé. Et ça, ça les ennuie beaucoup. Et ce qu'on craint, c'est que le conflit puisse s'exporter sur d'autres terrains, par exemple en Somalie. Donc, la grande crainte de l'Égypte et du Soudan, c'est qu'en cas de sécheresse, les Éthiopiens ne libèrent pas le volume d'eau nécessaire qui est stocké par ce barrage pour lutter contre cette sécheresse. C'est ça ? Exactement. Et qu'on ne s'en tienne qu'à des paroles alors qu'il faudrait quelque chose d'écrit. Or, pour l'instant, vous n'avez aucun document. Il y a une absence de règles claires, contraignantes sur la gestion des eaux du Nil. En juin 2013, le président égyptien de l'époque, l'islamiste Mohamed Morsi, a déclaré publiquement que, contre ce barrage, aucune option n'était exclue. Est-ce que son successeur, son tombeur, le maréchal al-Sissi, pourrait ordonner le bombardement du barrage ? Alors je ne sais pas ce qui relève effectivement du discours politique d'annonce pour effrayer et de ce qui est techniquement possible. Il me semble que, déjà à l'époque de Morsi, ce n'était pas techniquement possible d'imaginer un bombardement. En revanche, ce qui est tout à fait possible et ce qui est en train d'être fait, c'est une façon de déstabiliser un peu plus l'Éthiopie. Et c'est quelque chose qu'on voit par exemple en Somalie en ce moment. L’Egypte a renforcé sa coopération militaire avec la Somalie, en proposant d'ailleurs de remplacer les troupes éthiopiennes par des troupes égyptiennes. Le conflit s'exporte sur ce territoire, comme ça a souvent été le cas. Et l'envoi de 3000 soldats égyptiens à la frontière du Somaliland qui s'est rapproché de l'Éthiopie, c'est peut-être une pression militaire de l'Égypte sur l'Éthiopie, c'est ça ? Tout à fait. Pression militaire sur l'Éthiopie, pression militaire aussi avec l'Érythrée puisqu'on voit qu'il y a un soutien assez explicite de l'Érythrée. Vous avez eu beaucoup de visites d'Egyptiens en Érythrée, vous l'avez eu également à Djibouti. Donc les Éthiopiens ont souvent vu la politique égyptienne dans la Corne de l'Afrique comme une volonté d'encercler l'Éthiopie. Alors autant ça pouvait parfois paraître étonnant, autant là c'est vrai qu'on peut créditer effectivement ce discours. Et ce bras de fer avec le maréchal al-Sissi, est-ce que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed peut en tirer un avantage politique dans son pays ? Oui bien sûr, parce qu’au niveau interne en Éthiopie actuellement, la situation est instable. Et donc ce projet de barrage sur le Nil est véritablement un totem national. Et c'est ce qu'il essaye de montrer en interne en Ethiopie. Donc effectivement, plus les pays comme l'Egypte vont vouloir contrer ou faire plier l'Ethiopie, plus ça peut être un drapeau nationaliste pour les Éthiopiens. Néanmoins, il y a beaucoup de crises actuellement en Éthiopie parce qu'il y a eu la guerre au Tigré entre 2020 et 2022, et vous avez encore des affrontements aujourd'hui en région Amhara et en région de l'Oromia. Alors il y a les médias pro Abiy Ahmed qui glorifient le moment, ça très clairement, mais on voit un petit peu moins ce barrage dans les médias du Tigré, en pays Amhara, etc, puisqu'ils sont véritablement concentrés sur les défis internes et les conflits qui ont lieu actuellement. À lire aussiGrand barrage de la Renaissance: des revenus d'un milliard de dollars par an pour l’Éthiopie?
Le deuxième Sommet africain sur le climat s’ouvre lundi 8 septembre à Addis-Abeba, où 45 chefs d’État et 25 000 délégués sont attendus pour cet évènement porté par les Nations Unies, l’Union africaine et l’Éthiopie. Celle-ci vient d’ailleurs de présenter sa candidature pour organiser le COP en 2027. L’un des objectifs du sommet de deux jours est de présenter les solutions concrètes en faveur du climat pour le continent africain, d’unifier aussi la voix des États en vue de la COP qui se tiendra en novembre au Brésil. La sénégalaise Aïssatou Diouf Notre invitée est une militante et une référence en Afrique pour les questions environnementales et responsable des politiques internationales et du plaidoyer au sein de l’ONG ENDA Énergie. Elle répond à Guillaume Thibault. RFI : Aïssatou Diouf, pourquoi ce 2ᵉ sommet africain est capital ? L'enjeu pour le continent, c'est à la fois de prendre le train en marche, mais surtout de parler d'une seule voix ? La Semaine africaine du climat est une plateforme stratégique pour l'Afrique, car elle permet aux pays, à la société civile et même au secteur privé de parler d'une seule voix, de défendre nos priorités face aux négociations mondiales. C'est donc le moment de démontrer que le climat peut être un levier de développement et d'emploi pour le continent. Donc, ce sommet va aligner les efforts des pays africains et surtout catalyser des actions concrètes, notamment sur les enjeux que j'ai cités précédemment. Quel message vous tirez du premier sommet qui s'est tenu il y a deux ans au Kenya, à Nairobi ? Les financements promis lors de ce sommet tardent à arriver et surtout, la mise en œuvre sur le terrain est encore très insuffisante. C'est pourquoi, à mon avis, cette édition doit aller beaucoup plus loin pour que les populations africaines voient réellement les bénéfices et les intérêts de ces sommets. Vous attendez beaucoup des discussions sur les questions de transition énergétique. Pour quelle raison est-ce essentiel ? Vous savez, la transition énergétique est un enjeu vital. Nous avons encore plus de 600 millions de personnes sans accès à l'électricité. Donc le défi, il est double. Premièrement, c'est répondre à cette urgence sociale tout en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles. Mais également, on sait tous que l'Afrique doit l'aborder aussi comme une opportunité de développement en misant sur ses immenses ressources en solaire, en éolien, en hydraulique. Rappeler également que cette transition doit être juste. Le mot juste a tout son intérêt. Ça doit guider ce processus, cette transition-là. Donc, elle ne peut pas reposer uniquement sur nos budgets nationaux qui sont déjà très contraints. Donc, cela appelle à une solidarité internationale entre les pays du Nord et les pays du Sud. L'argent reste le nerf de la guerre. Dans un récent rapport, les Nations unies indiquent que 2 000 milliards de dollars ont été investis juste l'année dernière, en 2024, dans les énergies propres, mais que le continent africain n'a quasiment rien touché. Pourquoi l'Afrique reste à la marge. Donc, ce qu'il faut aujourd'hui, c'est à l'échelle internationale, réfléchir sur les mécanismes qui sont adaptés aux réalités du continent, amener aujourd'hui les banques de développement à avoir des mécanismes appropriés pour financer cette transition énergétique, le développement des énergies renouvelables et qu'enfin les pays développés respectent leurs engagements financiers. À lire aussiSommet africain sur le climat: le continent se veut source d'innovation et de solution Est-ce que vous imaginez parfois un système de sanctions pour tous ces pays qui promettent des financements, mais qui au final ne les versent jamais ? Maintenant, on sait comment le système onusien est organisé et structuré. Il est très difficile aujourd'hui de sanctionner ces États-là. Par contre, aujourd'hui, on sait que les citoyens constituent une force incontournable qui demande de la redevabilité à leurs Etats. Je pense qu'on peut s'appuyer sur ces citoyens là pour demander aux Etats de rendre compte, mais surtout aux Etats, de respecter leurs engagements. Est-ce qu'aujourd'hui, on pourrait imaginer ou c'est une utopie ? Les Etats Unis d'Afrique du climat ? Pourquoi est-ce que les Etats ont tant de difficultés à s'accorder, à avoir un vrai impact sur des discussions ou sur des négociations, notamment lors des COP ? Je pense qu'on va tendre vers cela. On n'a pas le choix. Si aujourd'hui l'Afrique veut impacter au niveau des discussions à l'échelle internationale, on doit parler d'une seule et même voix. On doit avoir des positions coordonnées portées par nos leaders politiques. Pourquoi est-il difficile d'avoir ce travail de coordination ? On n'a pas tous le même niveau de développement. Ce sont des aspects également géopolitiques où chaque Etat essaie de se positionner. Un pays, par exemple, qui découvre le pétrole et le gaz, va vouloir forcément l'exploiter, alors que les impacts du réchauffement climatique sont là. Il faudrait qu'à l'échelle de l'Union africaine, que nous arrivions à avoir des politiques au niveau continental très coordonnées, qui puissent impacter durablement nos communautés, mais également qu'au niveau international, dans les débats et dans les discussions, que nous puissions peser. Est-ce que la COP 30 qui va se tenir au mois de novembre au Brésil, Je pense qu'il y a beaucoup de pays africains qui sont sortis très déçus de la COP de l'année dernière à Bakou. Cette COP qui se tient en terre brésilienne, plus précisément en terre amazonienne, c'est une symbolique fort pour les pays en développement, notamment la question des forêts, la question de la taxe carbone et j'espère que les conclusions qui seront issues de la Semaine africaine du climat vont être portées par nos décideurs politiques pour pouvoir impacter les conclusions de la COP de Belem. À lire aussi Aïssatou Diouf, militante tout terrain de la cause climatique
« Un goût du thé amer », le second roman de l'écrivain Mohammed Alnaas, récemment traduit en français et édité chez « Le bruit du monde », revient à l'époque du slogan : « le pouvoir aux mains du peuple » et décrit une situation ubuesque et des querelles permanentes entre les habitants d’un village, Géhenne, dans la Libye des années 1990, du temps de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste de Mouammar Kadhafi. Quant au narrateur, dans cette fable moderne et audacieuse, il s'adresse à son lecteur tout en prenant un plaisir à se jouer de lui. Mohammed Alnaas joint par Houda Ibrahim. Vos romans s’attaquent à des sujets qui décrivent les spécificités de la société libyenne, une société restée longtemps fermée aux autres. L’écriture est-elle pour vous est un acte d’auscultation de cette société afin de la raconter, de l’exposer ? La société libyenne est restée méconnue des étrangers pendant un certain temps, et peut-être même est-elle restée méconnue d'elle-même. En dehors du sujet politique, il existe un manque de connaissances sur la Libye et le peuple libyen lui-même, que ce soit sous le régime de Mouammar Kadhafi ou même pendant la guerre civile qui a suivi la révolution de février 2011. L'enjeu ici, est que moi, en tant qu’individu, je me comprends mieux que je ne comprends la société libyenne, mais mon histoire personnelle est aussi l'histoire de la société, et en comprenant la société, je me comprends moi-même. Il est vrai que la société libyenne a ses spécificités, comme toutes les sociétés, mais l'idée est de toujours chercher, ce que cette spécificité a de commun avec les sociétés arabes, voire des sociétés de plus grande ampleur. Afin d'écrire sur l'être humain et son histoire, tout en écrivant sur le Libyen et en essayant de le comprendre. Dans votre second roman, Un goût de thé amer, à travers l’histoire d’un village, Géhenne, symbolisez-vous la guerre sans fin qui se déroule en Libye ainsi que le déchirement social ? Personnellement, je n'aime pas que le texte lui-même soit le reflet de la réalité. Le lecteur a certes le droit de percevoir ces intersections entre la réalité et le roman. Or, elles sont nombreuses. L'auteur pose les règles du jeu dès le début, indiquant que l'histoire n'est pas symbolique, mais vraie. Ce qui incite le lecteur à y croire. Il existe bel et bien des intersections entre les combats qui se déroulent dans le village de Géhenne et la guerre civile libyenne. Il semble que le point commun entre l'imaginaire et le réel réside dans une certaine absurdité de la scène elle-même. À lire aussiLa Libye lance le premier appel d'offres pétrolier depuis 17 ans La satire est-elle pour vous le meilleur moyen de raconter cette société ? J'ai débuté dans l'écriture par la satire. Il y a toujours une touche d'humour noir dans mes écrits, que ce soit dans mon précédant roman « Du pain sur la table de l'oncle Milad », ou dans ce roman même. Et auparavant aussi dans le recueil de nouvelles que j’avais écrit sur la guerre civile, la plupart de ces nouvelles avaient un ton dramatique ou sombre. Concernant ce projet, parfois, il n’y a pas de meilleure façon de décrire ce qui se passe, que la satire. Vous dédiez votre roman au fameux écrivain et penseur libyen Sadek alyhoum, quelle valeur représente-t-il pour vous ? Le roman est bien sûr dédié à El-Sadek, je le dédie également à d'autres auteurs et artistes satiriques qui m'ont personnellement influencé, comme Mohammed Al-Zawawi, le plus grand illustrateur de caricature libyen. Le roman lui-même a été initialement écrit dans le style de Mohammed Al-Zawawi, ainsi que celui de Mohammed Tamliya, l'écrivain satirique jordanien, et d'Ibrahim Hmaydan, l'écrivain satirique libyen. Tous ont influencé ma compréhension du rôle de la satire, de la comédie. Contrairement à beaucoup de Libyens qui admiraient les idées et les écrits critiques d'El-Sadek Al-Nayhoum, j'admirais moi sa satire, en particulier son recueil Histoires pour enfants. Il m'a profondément influencé par son style satirique et par sa façon de dessiner certains personnages libyens considérés comme stéréotypés. Ce stéréotype est déjà présent dans les dessins de Mohammed Al-Zawawi. Dans mon roman, un personnage comme Hajja Mabrouka, ressemble à ceux de Mohammed Al-Zawawi, d'El-Sadek Al-Nayhoum et même d'Ibrahim Hmaydan. Ces personnages ne sont pas nés de nulle part ; ils sont une sorte d'accumulation résultant de mes lectures et de mes observations sur la manière dont les Libyens qui m'ont précédé ont abordé la comédie. À lire aussiAu pays des hommes, un chef-d’œuvre de la littérature contemporaine Dans Un goût de thé amer, vous dénoncez également, un système économique installé par le régime Kadhafi et qui réduit en quelque sorte l’être humain à un être dépendant, sans aucune initiative, vous dénoncez cette volonté du pouvoir d’écraser l’être libyen ? Les politiques du régime Kadhafi ont transformé la Libye depuis la proclamation de l'Autorité populaire. Car le colonel souhaitait créer une nouvelle société. L'ironie est que l'objectif de cette nouvelle société était de susciter un esprit d'initiative en toutes choses. Dans toutes ses idées, par exemple, il affirme dans le Livre vert : « L'école est servie par ses élèves », ce qui signifie que l'école n'a pas besoin de personnel d'entretien ni d'employés, mais que ce sont les élèves qui s'en chargent… D'où le concept « des partenaires, et non pas d'employés ». Le régime repose fondamentalement sur l'initiative populaire pour prendre le pouvoir. Soit le peuple ne voulait pas prendre le pouvoir, soit Kadhafi n'a utilisé ces idées que pour accroître son emprise sur le peuple. L'ironie est que le peuple libyen a refusé de prendre l'initiative ou n'a pas trouvé le moyen de le faire. Le régime a véritablement influencé la formation de l'homme libyen. Toutes les politiques adoptées par le colonel Kadhafi et les fonctionnaires travaillant sous ses ordres ont conduit à la création d’une société déformée qui ne se connaît pas elle-même et qui est incapable de trouver des solutions aux problèmes auxquels elle est confrontée. La liberté d’expression en Libye est toujours entravée, même au niveau de la littérature, comment relevez-vous ce défi ? Aujourd'hui, les restrictions imposées aux écrivains libyens se multiplient. Elles sont sociales, religieuses, politiques et sécuritaires. Les restrictions se multiplient et sont pour la plupart inconnues. L'écrivain se retrouve à nager dans un puits dont il ignore le fond. Ceux qui aiment nager explorent eux-mêmes à ce moment-là les dangers, et je suis de ceux qui aiment nager. Nous explorons des idées en cours de route et je relis toujours la scène, mais c'est surtout pour des raisons de sécurité personnelle. Lorsque j'écris, je ne reconnais pas ces restrictions et je les ignore également lorsque je publie. Je ne les regarde pas.
Ils se nomment le clan Kavac ou Skaljari : ces groupes mafieux d’Europe de l’Est aux ramifications mondiales, ont fait de l’Afrique de l’Ouest une nouvelle base pour gérer le trafic illégal de cocaïne à destination de l’Europe. Dans son dernier rapport, l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale pointe les méthodes de développement de ces organisations, notamment la corruption, le rôle des intermédiaires, et l’accroissement de la consommation de cocaïne dans la zone. L’espagnole Lucia Bird Ruiz est directrice de l’Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest, c’est elle qui a rédigé ce rapport. RFI : Pour la première fois, des enquêtes indiquent que l'Afrique de l'Ouest est devenue un pivot central du trafic de cocaïne pour des groupes mafieux qui sont basés en Europe de l'Est ? Lucia Bird Ruiz : Oui, et c'est au Cap-Vert que ces réseaux ont commencé à s'implanter. Puis, c'est depuis 2019 que ces groupes ont lancé des opérations dans les pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest, opérant principalement sur des routes maritimes. Ce sont des groupes parmi les acteurs les plus importants du commerce mondial de la cocaïne d'aujourd'hui. Ils utilisent la violence, la corruption et donc l'implantation en Afrique de l'Ouest, c'est très concernant pour la région. Est-ce qu'on peut citer quelques-uns de ces groupes, qui ont d'ailleurs des liens parfois avec la mafia italienne ? Par exemple, les clans Kavak et Skaljari, les deux organisations criminelles les plus puissantes du Monténégro, qui sont à l'origine de plusieurs assassinats, ont opéré à l'Afrique de l'Ouest. Et ces réseaux ont des liens avec les mafias italiennes, particulièrement la Ndrangheta. Pourquoi ces groupes ont besoin de l'Afrique de l'Ouest pour développer le trafic de cocaïne ? Le marché de consommation en Europe, ça devient chaque jour plus grand. Mais aussi la pression en Europe sur les routes directe en provenance d'Amérique latine s'est accrue et donc l'Afrique de l'Ouest est devenue de plus en plus importante pour ce trafic. Un tiers de la cocaïne européenne pourrait transiter actuellement par l'Afrique de l'Ouest. Et on prévoit que ce chiffre atteindra la moitié d'ici à 2030. Concrètement, comment est-ce que ces groupes mafieux travaillent en Afrique de l'Ouest ? Il y a deux points-clés à souligner. Le premier, c'est les intermédiaires. C’est vraiment un élément-clé de leur stratégie. Ce sont des nationaux des Balkans qui sont envoyés en Afrique de l'Ouest pendant des mois pour superviser les opérations, en travaillant avec les acteurs locaux, pour faciliter la logistique. Par exemple, un important réseau avait un intermédiaire basé à Freetown en Sierra Leone, qui supervisait l'importation, l'emballage dans des conteneurs, l’établissement d'une société en Sierra Leone et l'exportation vers la Belgique. Ils ont des moyens financiers quasi illimités, le trafic de cocaïne est tellement puissant qu'ils sont capables de s'implanter partout ? Certains de ces groupes ont corrompu les plus hauts niveaux de l'Etat. Par exemple, en Albanie, un ancien membre du Parlement a été arrêté pour son soutien à une organisation criminelle. Et en Afrique de l'Ouest, on s'attendrait à ce qu'ils utilisent des techniques similaires. Comment est-ce qu'ils font transiter la cocaïne d'Afrique de l'Ouest vers l'Europe ? Comme on l’a dit, ils utilisent la voie maritime dans les conteneurs où s’est très compliqué de faire de la surveillance. Mais aussi, ils utilisent des petits bateaux. Par exemple, on a un dirigeant bosniaque d'un groupe qui a parlé avec ses complices de trafic de plus de trois tonnes de cocaïne dans la Guinée-Bissau et les îles Canaries, dans un petit bateau. Vous indiquez dans votre rapport que ces intermédiaires sont parfois payés en cocaïne. Il y a une crainte que ce système entraîne une hausse de la consommation dans la sous-région ? Les produits de synthèse restent les plus largement consommés dans la plupart des pays, mais la consommation de cocaïne, en particulier du crack, augmente également dans de nombreux pays. Et donc, ils vendent la cocaïne dans le marché local et ça pousse la consommation dans la région. Ils s’adaptent aux moyens financiers des habitants de l'Afrique de l'Ouest ? Le prix dans la sous-région a baissé dans beaucoup de pays. Au Ghana, les prix réels, donc en tenant compte de l'inflation, ont chuté de 60 % entre 2019 et 2023. Ce n'est pas la même tendance dans tous les pays de la région, mais dans beaucoup de pays. Et ça inclut le Sénégal, la Guinée. La consommation est vraiment dans une phase d'augmentation. Comment est-ce que les Etats d'Afrique de l'Ouest, comment les autorités au Sénégal, en Sierra Leone ou en Guinée-Bissau peuvent lutter contre la puissance de ces réseaux mafieux ? Il faut vraiment renforcer les systèmes de renseignement pour bien comprendre les opérations de ces groupes, et aussi créer des partenariats stratégiques, des partenariats intercontinentaux entre forces de l'ordre en Afrique de l'Ouest. C'est un défi énorme pour la région parce que c'est une implication pour la santé publique, mais aussi pour la corruption et peut-être à l'avenir sur la violence parce que ces groupes sont tellement violents dans beaucoup de régions du monde. À lire aussiL’Afrique de l’Ouest, nouvelle plaque tournante du trafic de cocaïne vers l’Europe, selon un rapport
Avec notre Grand invité Afrique ce matin, nous allons parler de la coexistence éleveurs - agriculteurs au Tchad. Le gouvernement a lancé le projet d'un code pastoral, afin d'endiguer les conflits intercommunautaires pour l'accès aux ressources, de plus en plus meurtriers. La dernière mouture de 2014 n'a jamais été promulguée, car trop contestée. Et là, encore, il y a une levée de boucliers, en particulier de la part de l'Église catholique, qui accuse le gouvernement de ressortir ce texte, et de prendre le parti des éleveurs. Dans une lettre au vitriol, les évêques dénoncent un projet « scélérat » et « paysanicide », et ils ont refusé de participer à un atelier sur le sujet. Pourquoi cette opposition véhémente ? Comment améliorer la coexistence entre ces deux groupes ? Fulbert Ngodji, chercheur chez International Crisis Group (ICG), travaille notamment sur ces questions de pastoralisme et de transhumance. RFI : Les évêques du sud du Tchad dénoncent un texte « scélérat » qu'il faut « mettre à la poubelle ». Comment est-ce que vous expliquez cette sortie très virulente de la part des prélats ? Fulbert Ngodji : Pour comprendre la réaction des évêques des provinces du sud du Tchad, il faut déjà revenir sur un certain nombre d'éléments de contexte. En 2022, à l'issue du dialogue national inclusif et souverain, la question des conflits agropastoraux avait été identifiée comme une priorité nationale. Et donc, c'est dans ce cadre-là que le ministère de l'Élevage a engagé un processus de révision du code pastoral. L'idée était d'organiser des consultations régionales destinées à recueillir l'avis d'un certain nombre de parties prenantes, y compris celui des autorités ecclésiastiques. Donc, il faut rappeler que le texte avait déjà été adopté à l'Assemblée nationale en 2014, dans un climat de vives tensions, de controverses entre les députés du nord, région qui est historiquement associée à l'élevage, et ceux du sud, la partie du pays qui est aussi associée à l'agriculture. Et justement, à l'époque, le président Idriss Déby n'avait pas promulgué ce texte qui était pourtant adopté par l'Assemblée. Donc pourquoi est-ce que ce débat revient aujourd'hui ? Effectivement, à l'époque, le président Idriss Déby avait suspendu le texte en déclarant sa nullité. Mais aussi cela avait été suivi d'un avis d'inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel. Et donc la défiance des évêques repose sur la crainte, en fait, que cet atelier zonal ne soit qu'une formalité qui viserait à valider un texte perçu comme déséquilibré et favorable aux éleveurs. Quels sont les points qui sont particulièrement contestés ? C'est important de noter que l'élevage au Tchad constitue le deuxième pilier de l'économie nationale, juste après le pétrole, et que le projet du code pastoral, peut-être qu’il avait été pensé dans une logique de soutien à ce secteur stratégique. Mais en fait, cette rationalité économique entre véritablement en tension avec la réalité sociale du pays, dans laquelle l'agriculture reste le principal moyen de subsistance des populations rurales, en ce sens qu'elle assure leur sécurité alimentaire dans un contexte déjà marqué par la précarité. Et donc, effectivement, il y a un certain nombre de dispositions du projet et de ce code qui pose problème. Par exemple, l'article neuf confère un droit prioritaire aux ressources dans les zones d'attache et dans les zones d'accueil aux éleveurs. Et donc ces dispositions sont perçues comme injustes en ce sens qu'elles viennent fragiliser déjà les systèmes de partage coutumiers de ces ressources, en leur substituant un régime de priorisation juridique qui risque d'alimenter les tensions. À lire aussiTchad: les violences agropastorales ont atteint un niveau sans précédent depuis 2021 Ce que dit le gouvernement, c'est qu'il y a un besoin important d'encadrer la transhumance et les pratiques pastorales, parce qu'il y a des conflits qui sont de plus en plus nombreux ? Depuis plusieurs décennies déjà, les flux pastoraux du nord vers le sud se sont intensifiés sous l'effet non seulement du réchauffement climatique, mais aussi de la croissance démographique et de l'augmentation du cheptel, aujourd'hui estimé à plus de 5 millions de têtes. Et donc ce mouvement a modifié la nature même de la transhumance et les provinces du sud, qui étaient initialement des zones d'accueil temporaires, tendent à devenir des zones d'attaches permanentes, en ce sens qu'il y a de plus en plus un mouvement de sédentarisation qui s'observe. Et donc, dans ce nouveau contexte, la dichotomie entre agriculteurs et éleveurs ne suffit plus à décrire la réalité. Il existe aujourd'hui des éleveurs qui sont agriculteurs et des agriculteurs qui sont éleveurs avec des intérêts qui sont imbriqués. Donc justement, il y a un problème non seulement de cadre réglementaire, mais en fait, il devrait davantage penser la question des dynamiques émergentes que ce code-là ne semble pas encore intégrer. Et donc, par exemple, quand j'étais dans le sud du Tchad il y a juste deux ans, en fait, les acteurs ont dénoncé le fait que les éleveurs étaient de plus en plus armés et qu'ils gardaient du bétail appartenant à des hauts cadres de l'armée ou de l'administration centrale. Mais le problème, c'est celui de la faiblesse de l'État qui a tendance à accentuer les tensions. Donc les bergers sont de plus en plus fortement armés. Les communautés locales, elles aussi, s'érigent en autodéfense. C'est pour ça que les conflits se multiplient et sont particulièrement mortels ? Au-delà de cela, il convient de noter quand même que le projet de la révision de ce code-là, de ce code pastoral, intervient dans un contexte déjà tendu. Succès Masra qui est quand même une figure centrale de l'opposition tchadienne, qui est originaire du sud, avait été arrêté à la suite d'un conflit qui avait éclaté dans un village du sud du pays. Cela est venu renforcer la perception selon laquelle l'État est plutôt pro éleveurs. Donc le contexte est plutôt tendu et c'est ça qui pourrait aussi expliquer le caractère assez virulent des propos des évêques. À lire aussiTchad: l'avenir des activités agropastorales en débat