DiscoverSanté publique (2021-2022) - Rémy Slama
Santé publique (2021-2022) - Rémy Slama
Claim Ownership

Santé publique (2021-2022) - Rémy Slama

Author: Collège de France

Subscribed: 10Played: 85
Share

Description

Rémy Slama est épidémiologiste environnemental, directeur de recherche à l'Inserm où il dirige l'Institut thématique de santé publique et l'équipe d'épidémiologie environnementale de l'Institut pour l'avancée des biosciences (Inserm, CNRS, université Grenoble-Alpes). Il est docteur en épidémiologie de l'université Paris-Sud (2002), polytechnicien et ingénieur agronome.

Ses travaux visent à caractériser l'influence des contaminants environnementaux (polluants atmosphériques, perturbateurs endocriniens, exposome), en particulier dans le contexte des expositions précoces, sur la santé humaine (concept des origines développementales de la santé et des maladies, ou DOHaD). Ses travaux sur l'exposome s'appuient notamment sur le projet européen Helix, qu'il a développé avec M. Vrijheid (ISGlobal Barcelone) et la cohorte couple-enfant de nouvelle génération SEPAGES soutenue par l'ERC.

9 Episodes
Reverse
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneLe changement climatique est probablement le défi planétaire le plus complexe parmi ceux mis en évidence par les sciences de l'environnement depuis leurs débuts. Il a ou pourra avoir des impacts majeurs sur la santé, via différents mécanismes plus ou moins finement caractérisés : augmentation de la fréquence des températures et événements climatiques extrêmes, montée du niveau des océans, acidification des océans, modification de la répartition de l'aire de vie des vecteurs de maladies infectieuses et de la biodiversité… Étant donné que les principaux secteurs émetteurs des gaz à effet de serre à l'origine du changement climatique (transport, agriculture, production d'énergie) sont aussi liés à des facteurs de risque majeurs pour la santé (activité physique, alimentation, exposition aux polluants atmosphériques…), les mesures d'adaptation et de lutte contre le changement climatique pourraient a priori tout autant être une menace pour la santé publique qu'une occasion de l'améliorer. Plus généralement, du fait de l'engagement des États à inventer des sociétés neutres du point de vue des émissions de gaz à effet de serre d'ici trente ans, et de la place actuelle des combustibles fossiles dans tous les secteurs d'activité, le changement climatique est susceptible d'entraîner une réinvention de l'ensemble de ces secteurs dans un délai bref. L'accompagnement de cette réinvention en y introduisant une perspective de santé publique constitue un formidable défi pour les sciences du risque. Ceci illustrera l'aptitude de la recherche en santé environnementale à identifier des conditions contribuant au bien-être des populations, qui est le versant qui prescrit, complémentaire de l'autre versant, qui proscrit et cherche à limiter l'effet des polluants les plus préoccupants, présenté plus haut.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneSi, pour les pathologies multifactorielles, on ne peut généralement pas imputer au niveau individuel la survenue d'un cas de pathologie à une exposition spécifique, il est possible, en changeant d'échelle, de quantifier le nombre de cas attribuables à ce facteur dans une population. La généralisation de cette approche des études quantitatives de risque sanitaire permet de fournir une estimation de l'impact simultané de plusieurs facteurs, de chercher à les hiérarchiser, et de réaliser des études coût-bénéfice pour nourrir l'aide à la décision. Nous discuterons les estimations du fardeau de maladie liés aux facteurs physico-chimiques disponibles, celles attribuables aux facteurs dits du style de vie, et certains enjeux méthodologiques (en lien notamment avec l'évaluation du niveau de preuve et la prise en compte de l'incertitude) de ces études. Ceci mettra en perspective l'essentiel des facteurs abordés dans le cours et apportera un éclairage sur ce qui pourrait devenir un outil central de l'aide à la décision en santé publique.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneL'exposome a été défini en 2005 comme englobant la totalité des expositions environnementales (au sens large incluant tout ce qui n'est pas génétique) subies depuis la conception, comme un pendant au génome. La caractérisation d'une fraction importante de l'exposome des humains est maintenant possible grâce à la sensibilité d'outils de la biochimie tels que spectrométrie de masse ou chromatographie appliqués aux banques d'échantillons biologiques des cohortes épidémiologiques. Cette quantification de l'exposome humain ouvre la voie à des études descriptives de l'exposome (illustrées dans le séminaire), de ses variations avec les catégories sociales (notion de justice environnementale) et à la quantification des liens entre exposome et santé. Ce concept, récent dans son application, jette un nouvel éclairage sur des problématiques à l'interface entre épidémiologie et science des données, telles que celles des comparaisons multiples, des compromis entre sensibilité, taux de faux positifs et stabilité des modèles statistiques. Le parallèle avec les développements de la recherche sur les causes génétiques des pathologies et les résultats des premiers grands projets sur l'exposome permettront de discuter les défis (dont celui de ne pas sombrer face à la « malédiction de la dimension ») et promesses de ce concept (dont celle d'une augmentation du débit de la génération des connaissances sur les liens entre environnement et santé humaine).
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneL'essentiel des composés chimiques aujourd'hui commercialisés sont peu persistants dans l'organisme. Cette labilité pose des défis méthodologiques importants pour caractériser leurs effets chez l'humain, même quand des biomarqueurs d'exposition analytiquement précis existent. Nous discuterons la problématique de l'erreur de mesure des expositions chez l'humain et présenterons des outils pour y remédier, en nous appuyant sur l'exemple de perturbateurs endocriniens de la famille des phénols tels que le bisphénol A. En confrontant les résultats de la toxicologie à l'échelle moléculaire, de la toxicologie in vivo et les résultats des cohortes humaines, nous discuterons la cohérence des données sur les effets de ces substances entre espèces et à différentes échelles allant du récepteur nucléaire à l'organisme entier. Le séminaire illustrera la problématique des effets additifs des expositions cumulées, le concept de synergie entre expositions et en discutera les conséquences pour la gestion du risque chimique.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneLe concept de perturbateur endocrinien désigne les composés ou mélanges exogènes capables d'induire des effets adverses sur un organisme ou sa descendance en altérant le fonctionnement du système hormonal. Nous l'illustrerons en présentant la recherche sur quelques substances spécifiques. Le Distilbène, médicament prescrit aux femmes enceintes dans les années 1950-1977, fournit l'exemple d'un œstrogène de synthèse, non persistant, qui s'est révélé capable d'augmenter le risque de cancer du sein chez les femmes enceintes exposées, de cancer gynécologique chez les femmes exposées in-utero et probablement la survenue de malformation congénitale chez les garçons de celles-ci. Le DDT, aux effets d'abord révélés par des travaux d'écotoxicologie sur la faune sauvage avant que des études de cohorte permettent d'aborder la question de ses effets chez l'humain, et notamment concernant le cancer du sein, illustre la problématique des polluants organiques persistants.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneNous aborderons ensuite deux prolongements plus récents de la recherche sur les effets sanitaires des particules fines : d'une part les nouvelles métriques pouvant être utilisées pour quantifier l'exposition humaine, et en particulier le potentiel oxydant, l'analyse de la composition chimique des particules, l'évaluation de la concentration des particules ultrafines ou le recours aux dosimètres individuels ; et d'autre part les effets sanitaires possibles au-delà des systèmes cardiovasculaire et respiratoire, notamment en lien avec l'exposition de la femme enceinte, incluant des effets suspectés sur la croissance du fœtus et son neurodéveloppement.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocènePartant des situations quasi expérimentales (ou « expériences naturelles ») de l'épisode de smog de Londres de 1952 et de l'interdiction subite de la vente de charbon à Dublin en 1990, qui ont permis de mettre en évidence les effets à court terme de la pollution atmosphérique sur la mortalité cardiovasculaire et respiratoire, nous illustrerons l'ensemble des approches utilisées par les épidémiologistes travaillant sur les particules fines atmosphériques : séries temporelles pour les effets à court terme, études de cohorte pour les effets à plus long terme, et études d'impact sanitaire, permettant une traduction des effets en termes de nombres de cas attribuables à l'exposition aux particules fines (plusieurs dizaines de milliers de décès par an en France) et d'évaluer l'efficacité de mesures de gestion envisagées. Les résultats d'études interventionnelles chez l'humain, d'épidémiologie moléculaire et ceux de la toxicologie animale complètent ces résultats et font des effets sur les maladies cardiovasculaires et respiratoires des particules fines, malgré la nature complexe de mélange hétérogène de celles-ci, un des effets sanitaires de l'environnement pour lequel le niveau de preuve est le plus élevé.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Relations entre santé humaine et environnement dans l'AnthropocèneLe plomb, par sa malléabilité, son faible point de fusion, sa disponibilité dans l'écorce terrestre et certaines propriétés de ses dérivés (pouvoir couvrant du blanc de céruse, qualité antidétonante du plomb tétraéthyle par exemple), a été utilisé par les humains depuis la préhistoire, dans les objets du quotidien tels que cosmétiques, canalisations, peintures, munitions, batteries, comme additif dans l'essence… À la multiplicité des usages du plomb par les sociétés fait écho une pluralité des cibles dans l'organisme : le système nerveux au premier plan, mais aussi le système cardiovasculaire, les reins… La trajectoire de génération des connaissances et de gestion de ce danger qui accompagne nos sociétés depuis des millénaires permet d'illustrer l'émergence, à partir du concept historique de poison (entendu comme une substance nocive à « forte dose », immédiatement et de façon systématique), de la vision moderne des causes en santé environnementale, ayant des effets stochastiques (non systématiques) à « faible dose » et de façon pouvant être retardée dans le temps, sur des pathologies aux causes multiples.
Rémy SlamaCollège de FranceSanté publique (chaire annuelle 2021-2022)Leçon inaugurale : Causes et conditions extérieures des maladies et de la santéLa leçon inaugurale brossera un tableau chronologique des risques ayant pesé ou pesant encore sur la santé humaine, de la trilogie épidémies-guerres-famines, qui s'est progressivement et partiellement estompée pour faire place aux facteurs dits de style de vie (tabac, alcool, déséquilibres alimentaires, sédentarité) et aux agents physico-chimiques. Notre mouvement, centrifuge par rapport au patient et au déclenchement de la maladie, consistera à passer de l'énumération des causes de décès à l'identification des causes des causes. Les pathologies infectieuses, dont le développement a pu être favorisé entre autres par l'invention de l'agriculture, qui a rapproché humains et animaux domestiques, favorisant les zoonoses, ont été jusqu'au début du XXe siècle la cause majeure de mortalité en Europe. Avec leur contrôle progressif dans les pays du nord a eu lieu une transition épidémiologique, consistant en une diminution de la mortalité, qui a permis un allongement spectaculaire de l'espérance de vie, multipliée par trois en trois siècles (d'environ 25 ans avant la Révolution à 82 ans aujourd'hui en France), expliquée par la diminution de la mortalité par maladies infectieuses, survenant souvent tôt, progressivement remplacée par les maladies chroniques, survenant généralement à un âge plus avancé. Nous rappellerons la contribution des polymorphismes génétiques, des facteurs de style de vie à la survenue des maladies chroniques. Puis nous évoquerons les modifications de notre environnement au cours de l'Anthropocène, les éléments généraux en faveur d'un effet de l'environnement physico-chimique sur la survenue de ces maladies chroniques, et les arguments plus spécifiques allant dans le même sens, s'appuyant sur les développements méthodologiques récents, à la fois dans le champ de la toxicologie et, chez l'humain, des biomarqueurs d'exposition et de l'inférence causale (Judea Pearl), qui fournit un cadre rigoureux pour l'identification des causes des maladies dans une approche non expérimentale.
Comments