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Questions d'environnement
Questions d'environnement
Author: RFI
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© France Médias Monde
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La Terre est en surchauffe, l’ensemble du vivant chaque jour plus menacé et la science très claire : les activités humaines sont responsables de cette situation. Le temps compte pour agir afin de préserver nos conditions de vie sur la planète. Quels sont les bouleversements en cours ? Comment les décrypter ? Et quelles sont les solutions pour enrayer cette dégradation, pour adapter nos modes de vie et nos infrastructures au changement du climat, pour bâtir un avenir plus durable pour tous ? À tour de rôle, les spécialistes environnement de la rédaction de RFI ouvrent la fenêtre sur notre monde en pleine mutation.
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Les arbres sont des puits de carbone indispensables face à la crise climatique. Mais certaines forêts captent moins de CO2 qu'avant, et en rejettent même plus qu'elles n'en absorbent. Elle est la star de la COP30. Mais la star est capricieuse et pourrait bien nous laisser en plan. L'immense forêt amazonienne, immense puits de carbone pour lutter contre la crise climatique, est au cœur du sommet mondial pour le climat, qui se tient à Belém, au Brésil, aux portes de l’Amazonie. Entre espoirs et craintes. En dix ans, l’Amazonie a stocké 30 % de carbone en moins. On le sait grâce aux tours à flux installées en forêts (qui mesurent les échanges gazeux entre l’atmosphère et la végétation) et les observations satellitaires. On le sait aussi en mesurant tout simplement le diamètre des troncs – plus un arbre est gros, plus il absorbe du CO2. Mais avec le réchauffement climatique, les arbres grandissent moins. « Pendant la sécheresse, il y a un arrêt de la croissance. Aujourd’hui, on observe des saisons sèches beaucoup plus longues et beaucoup plus intenses, et le temps d’arrêt de la croissance des arbres est beaucoup plus long. Ce qui peut parfois mener à une augmentation du taux de mortalité de certaines espèces », explique Ariane Mirabel, chercheuse en écologie forestière tropicale au Centre international de recherche pour l’agronomie et le développement (Cirad), actuellement basée en Guyane française, à la station de recherche tropicale de Paracou. À cela s’ajoutent les incendies, qui libèrent le CO2 stocké par les arbres. Résultat, certaines zones de l’Amazonie peuvent émettre aujourd’hui plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. C’est le cas aussi, par exemple, de la forêt tropicale australienne, comme vient de le révéler une étude scientifique. Points de bascule Moins de pluie, c’est moins de forêts, et moins de forêts, c’est aussi moins de pluie. « La forêt amazonienne régule tout le fonctionnement hydrique de l’Amérique du Sud, précise Géraldine Derroire, écologue forestière au Cirad et à l'université de Brasilia. Donc sans forêt, on a aussi une dérégulation du climat local. Ce qui peut conduire à des points de bascule dont on a peur. En Amazonie, si la déforestation continue, conjuguée aux effets des changements climatiques, on pourrait voir la forêt remplacée par un écosystème de savane. » Encore moins de forêts, c’est encore moins de carbone stocké. Un cercle parfaitement vicieux. Mais toutes les forêts tropicales ne réagissent pas de la même manière face au réchauffement climatique. Le Bassin du Congo, l’autre grande forêt tropicale de la planète, en Afrique centrale, résiste. Elle continue de stocker du CO2 comme avant, presque insensible aux sécheresses. « Les espèces du Bassin du Congo ont évolué pour s’adapter à des conditions climatiques plus sèches. Elles vont donc réagir moins fortement à l’augmentation des épisodes secs – c’est l’une des hypothèses. Et puis il y a aussi moins de déforestation sur la partie la plus proche de l’océan. Ces forêts continuent donc de jouer leur rôle dans la régulation du climat local et du régime des pluies », rapporte Géraldine Derroire. Ravageurs En milieu tempéré, les forêts sont à la peine. Selon une dernière étude, les forêts européennes ont absorbé 27 % de CO2 en moins en 12 ans. La forêt française est emblématique : la surface forestière s’est considérablement étendue ces dernières décennies, mais elle est en mauvais état, victime de la sécheresse, des incendies et des maladies. Un arbre affaibli par la sécheresse aura moins de résistance face aux parasites. En revanche, dans les forêts tropicales, l’immense diversité des arbres et des plantes les protège des ravageurs. « Une forêt tropicale, ce sont 200 espèces à l’hectare, souligne Ariane Mirabel. C’est donc un écosystème qui reste encore aujourd’hui assez résistant à ces ravageurs, pas encore problématiques pour la santé des forêts. » C'est une petite note d’espoir face à ce paradoxe : les forêts, nos alliées du climat, sont aussi victimes de la crise climatique. À lire aussiCOP30: le fonds TFFF du président Lula est-il taillé pour sauver les forêts tropicales?
Dix ans après l'Accord de Paris, l'un des objectifs de hausse de la température mondiale semble désormais impossible à atteindre. Le sommet mondial sur le climat à Belém pourrait au moins permettre de limiter la casse climatique. Ils ne sont pas sortis d’un chapeau, pour faire joli ou pour faire peur. Non, ces deux chiffres clé dont on parle depuis dix ans dès qu’il s’agit du climat, 1.5°C et 2°C, ces limites de hausse de température fixée par l’accord de Paris, relèvent de la science et de l’avenir de l’humanité, de notre civilisation. Il faut d’abord rappeler à quoi correspond cette augmentation de température : par rapport à la température du globe au 19e siècle, avant la révolution industrielle, quand l’humanité commence à émettre, en masse, du CO2, le principal gaz responsable du réchauffement climatique. Et ce sont des limites à ne pas dépasser à la fin de ce siècle. Chaque dixième de degré compte Au-delà de 2°C, il deviendra difficile de s’adapter, de continuer à vivre comme avant, selon le diagnostic du Giec, les experts du climat. « L’idée de l’accord de Paris, c’est de prendre des mesures pour que les jeunes d’aujourd’hui puissent s’adapter au changement climatique dans la seconde partie de ce siècle et au-delà », résume le climatologue Jean Jouzel, vice-président du Giec au moment de l’accord de Paris. Cette limite de 2°C faisait consensus à la COP21. La limite de 1,5°C, elle, a été imposée par les États insulaires, en première ligne face au réchauffement climatique. « Ils ont fait le forcing pour avoir une limite à 1.5°C, et ils ont argumenté sur le fait qu’ils étaient particulièrement exposés avec la montée du niveau des mers», rappelle Françoise Vimeux, climatologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Dans cette histoire, celle de l’avenir de l’humanité et au-delà de l'ensemble du vivant, chaque degré compte, et même chaque dixième de degré. Chaque dixième en moins peut sauver des vies. « Dans un monde à +2°C, tous les récifs coralliens auront disparu ; à +1.5°C, “seulement” 70 %, explique par exemple Françoise Vimeux. En termes d’élévation du niveau des mers, dans un monde à +1.5°C, c’est 10 cm d’élévation en moins, et ce sont environ 10 millions de personnes en moins exposées au risque de cette montée des eaux comme l’érosion côtière, la disparition de territoires et les submersions marines. » À lire aussiÀ Belèm, la COP30 s'ouvre pour deux semaines avec plusieurs points de tension en toile de fond Illusoire, impossible Mais aujourd’hui, dix ans après l’accord de Paris, le réchauffement s’est tellement accéléré que la plupart des climatologues ont déjà fait une croix sur la limite de 1.5°C. « C’est illusoire, dit ainsi François Vimeux, de l’IRD. Si on veut rester sur une trajectoire qui nous ramènerait vers 1.5°C, on n’a plus que trois ans d’émissions de gaz carbonique au rythme actuel. On voit bien que c’est impossible, confirme Jean Jouzel. C’est une vingtaine d’années si on voulait revenir vers 2°C ; ça reste possible. Il faut maintenir l’objectif, même si on sait qu’il ne pourra pas être respecté pour 1.5°C. J’espère qu’il est encore possible qu’il soit respecté pour arriver autour de 2°C. » Selon la trajectoire actuelle des émissions de gaz effet de serre, on s’approcherait, à la fin du siècle, de +3°C. Un monde pratiquement impossible. « À 3°C, des régions deviendront pratiquement invivables. Pendant une partie de l’année, les conditions de température et d’humidité seront telles qu’il sera impossible de vivre normalement en extérieur, d’aller travailler, de faire du sport, etc. Le message est très clair sur la capacité d’adaptation et la vulnérabilité des populations, en particulier dans les régions tropicales et équatoriales », souligne Jean Jouzel. C’est l’un des objectifs de la COP30, de ces deux semaines qui viennent à Belém, au Brésil : limiter la crise climatique à 2.4 ou 2.5°C. Sans les COP, on serait, à la fin du siècle, à +4°C. À lire aussiÀ l’ouverture de la COP30, la société civile pousse à l'action
Le trentième sommet mondial sur le climat s'ouvre officiellement aujourd'hui à Belém, dans un pays qui n'entend pas renoncer à l'exploitation du pétrole, où la déforestation continue de faire des ravages, et où l'agriculture n'a pas des pratiques vertueuses. Après le sommet des chefs d’État, jeudi et vendredi, la COP30 commence officiellement aujourd’hui dans un pays qui met en avant l’une de ses principales richesses : la forêt d’Amazonie. Un beau symbole dans la lutte contre le réchauffement climatique, après les deux précédents sommets organisés dans des pays pétroliers et gaziers. Après l'Azerbaïdjan l'an dernier et les Émirats arabes unis en 2023, on pouvait difficilement faire pire ! En choisissant d’accueillir la COP30 à Belém, aux portes de l’Amazonie, le président brésilien Lula tentait peut-être aussi de prendre le contrepied de Jair Bolsonaro, son prédécesseur climato-négationniste. « Symboliquement oui, forcément, en disant oui à une COP alors que l’autre ne voulait même pas entendre parler de climat. En même temps, les deux sont d’accord sur le fait qu’il faut développer le pétrole », relativise François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS et directeur du laboratoire Monde en transition à l'Université de São Paulo. Le pétrole, «une question de bon sens» Si Lula vient de déclarer au sommet des chefs d’État à Belém que « la Terre ne peut plus supporter le modèle de développement basé sur l'utilisation intensive de combustibles fossiles », le président brésilien, comme son prédécesseur, défend l’exploitation du pétrole pour assurer le développement économique du Brésil. « Les gens ne veulent pas polluer un mètre d'eau. Mais en même temps personne ne peut interdire aux gens de soutenir les pauvres s'il y a du pétrole. C'est juste une question de bon sens ! », lançait-il en février dernier, quelques mois avant que le Brésil n’accorde officiellement plusieurs permis d'exploration de pétrole en mer. C’était le mois dernier, juste avant la COP30, et le symbole n'aurait pas pu tomber plus mal. Des ONG de défense de l’environnement ont accusé Lula d'« hypocrisie ». Il n'y a pourtant rien de bien nouveau. Le Brésil est déjà le huitième plus gros producteur de pétrole. « Lula est parfaitement cohérent avec lui-même et avec la politique brésilienne depuis 50 ans qui consiste à considérer que l’auto-suffisance en pétrole est un intérêt stratégique, souligne François-Michel Le Tourneau. Pour le Brésil, l’industrie pétrolière est comparable au nucléaire pour la France : un symbole d’indépendance nationale qui a ses détracteurs mais qui créé un certain consensus dans la société ». À lire aussiJuste avant la COP30, Petrobras obtient le droit d'exploiter des hydrocarbures au large de l'Amazonie L'Amazonie, symbole facile Pour le reste, le Brésil vient d'afficher de bons résultats en matière climatique, avec des émissions de gaz à effet de serre en recul de plus de 15% sur un an. En recul aussi, la déforestation, avec le chiffre le plus bas depuis 11 ans. « En fait le gouvernement brésilien s’est tout simplement remis à appliquer la loi, et à partir de là cela produit tout de suite des résultats », précise François-Michel Le Tourneau. Déforestation et gaz à effet de serre sont d’ailleurs liés, parce qu'au Brésil, où 80% de l'électricité est produite par les barrages hydroélectriques, une énergie renouvelable, l'essentiel des émissions de CO2 provient de la déforestation. « Un effort est fait, poursuit François-Michel Le Tourneau, mais c’est un effort sur des choses très symboliques, en particulier l’Amazonie, présentée comme le symbole de la politique environnementale du gouvernement Lula, et qui cache parfois derrière d’autres mouvements qui ne vont pas tout à fait dans le même sens ». C’est le cas par exemple de l'agriculture, pas forcément très vertueuse. « Même si l’agriculture brésilienne arrête de faire de la déforestation et qu’elle intensifie ses productions sur les zones déjà déforestées par l’agriculture, le problème sera de voir comment elle le fait. Si c’est au prix d’empoisonner encore plus les sols, le bilan ne sera pas forcément positif », prévient François-Michel Le Tourneau. Derrière les symboles (Belém, l'Amazonie), il y a surtout la puissance économique du Brésil. À lire aussiCOP30 au Brésil: «Lula fait partie d’une génération qui a toujours associé le pétrole au progrès»
La COP21 organisée en France en 2015 a produit le texte le plus ambitieux pour lutter contre le réchauffement climatique. Et si les résultats se font attendre, si la crise climatique s'est aggravée, les acquis sont bien réels. Il y a de cela 10 COP (parce qu'au service environnement de RFI, on ne compte pas en années, on compte en COP), la COP21 organisée à Paris donnait naissance à l’Accord de Paris, le texte le plus ambitieux pour lutter contre le réchauffement climatique. Celui qui fait toujours référence, qui sert de feuille de route. Mais en 10 ans, la crise climatique s'est aggravée, avec son lot de catastrophes, d’incendies, d’inondations et de sécheresses, si bien qu’on pourrait presque croire que l’Accord de Paris n’a servi à rien. On n'a jamais émis autant de CO2, le principal gaz à effet de serre, et l'un des objectifs de l'Accord de Paris, limiter à 1,5°C le réchauffement de la planète à la fin du siècle, est déjà quasi dépassé. « La vérité, c'est que nous avons échoué à éviter un dépassement de 1,5 degré au cours des prochaines années », constatait le mois dernier le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, amer. Il est vrai qu’en dix ans la hausse de la température moyenne sur la planète a été spectaculaire. En 2015, on était à 1ºC d'anomalie de température et on s'approche donc de 1,5°C, l’objectif le plus ambitieux pour la fin du siècle bientôt dépassé en seulement dix ans. Mais on ne peut pas tout mettre sur le dos de l'Accord de Paris. « La température mondiale d’aujourd’hui n’est pas dépendante de ce qui s’est passé durant les dix dernières années mais de ce qui s’est passé durant les 150 dernières années. Donc qu’il y a ait eu ou pas l’Accord de Paris, on n’aurait pas fondamentalement modifié le stock de gaz à effet de serre en dix ans, parce que c’est trop court », assure l’économiste Christian de Perthuis, qui vient de publier un bilan de l’Accord de Paris dans The Conversation. À lire aussiPlus de 1,5°C en 2024: l'accord de Paris est-il caduc? Le boom du renouvelable L’Accord de Paris a pourtant déjà produit quelques effets. Certes, les émissions de CO2 augmentent encore, mais beaucoup moins vite : le rythme a été divisé par trois en dix ans, et c'est bien grâce à l'Accord de Paris, qui a permis de lancer la transition énergétique, le déploiement des énergies renouvelable, le solaire et l'éolien, à un rythme beaucoup plus rapide que prévu. Le prix des technologies solaires s’est effondré, et l’effet se fait sentir notamment en Asie, et en Chine en particulier. « Ce point est fondamental parce qu’aujourd’hui l’Asie représente les deux tiers des émissions mondiales, souligne Christian de Perthuis, qui a créé la chaire Economie du climat à l'université Paris Dauphine-PSL. Or, tous les signaux sont là pour penser que la Chine est en train de franchir son pic démission, cette année ou l’année prochaine ». L'essor des énergies renouvelables est d’ailleurs planétaire. Presque la moitié de l’énergie produite par les pays de l’Union européenne est désormais décarbonée. Et on en est aussi convaincu, le développement des pays les moins avancés passe aussi par les énergies renouvelables. « Lorsqu’on se projetait dans le futur en 2015, on était encore sur l’ancien logiciel et on disait : “Si on veut que l’Afrique au sud du Sahara ou l’Asie du sud se développe, il faut passer par la case des fossiles”. C’est probablement le point le plus important de ce qui s’est passé depuis ces dix dernières années », estime Christian de Perthuis. Bataille au long cours Autre grand acquis de l'Accord de Paris, l'argent, le nerf de la guerre climatique. Même si les financements mobilisés sont encore insuffisants, ils existent. Sans l'Accord de Paris, il n'y aurait rien eu du tout pour aider les pays les plus pauvres à affronter les causes et les conséquences du réchauffement climatique. L'Accord de Paris nous ramène aussi à un âge d'or des négociations climatiques, sans le négationnisme climatique trumpien. On peut être impatient, mais il ne faut pas baisser les bras. « On ne gagne pas la bataille du climat comme ça en deux ou trois ans. C’est une bataille au long cours et il y a toujours un décalage entre le moment où on agit et le moment où on va bénéficier des retours », rappelle Christian de Perthuis. Sans l'Accord de Paris, l'état de la planète aujourd'hui serait pire encore. À lire aussiDix ans après l'Accord de Paris, la transition vers les énergies renouvelables plus importante que prévue
Elle remplace la bouteille d'eau en plastique jetable. Devenue tendance, la gourde est-elle pour autant exemplaire pour l'environnement ? Elle fait peut-être partie de vos souvenirs d'enfance et vous accompagnait dans vos sorties, en camping ou en colonie de vacances : une gourde en plastique qui coulait dans le sac et qui donnait à l'eau ce goût inoubliable de plastique et de renfermé. Mais l'histoire de la gourde n'a pas commencé avec votre enfance. Elle est presque aussi vieille que l'humanité, parce que l'eau est vitale, et qu'il fallait bien la transporter : très tôt les Hommes ont fabriqué des gourdes en peau d'animal, en calebasse, en céramique pour les plus chics. Et puis est arrivée l'invention du plastique. Pire encore, du plastique jetable. Il y a dix ans, le nombre de bouteilles en plastique vendue dans le monde, en une année, frôlait les 500 milliards (1 million chaque minute), sans compter l'eau qu'on vend en sachet plastique. Mais seulement 15% du plastique est recyclé à l'échelle planétaire. Le reste part en fumée, ou pire encore, dans les mers et les océans où il y a aura bientôt sans doute plus de plastiques que de poissons. Gourdes de luxe La pollution plastique est alors devenue un sujet de préoccupation, et peu à peu la gourde s'est imposée comme un objet écologique : l'écologie du quotidien, des petits gestes. Un Français sur deux l'aurait adoptée. Les salariés de RFI ont eu droit à leurs petites gourdes en plastique recyclé. La gourde est devenue à la mode, est même devenue un accessoire de mode, de toutes les couleurs, toutes les matières, personnalisable. La gourde est aussi devenue un marqueur social. Même les plus grandes marques de luxe se sont mises à vendre des gourdes à leur effigie, évidemment hors de prix. Alerte spoiler : l'eau y a le même goût. Une gourde est écologique à condition de ne pas en acheter une tous les six mois, ou de ne pas la stocker dans son placard. Un symbole de sobriété peut vite devenir un symbole de consommation. Boire dans sa gourde plutôt qu'en bouteille jetable permet d'éviter 3 à 5 kilos de déchets par an, et quelques kilos de CO2. À lire aussiLa pollution plastique, un danger grave, croissant et méconnu, selon un rapport de The Lancet Rentable après plusieurs années Une gourde, il faut la rentabiliser d'un point de vue écologique, et c'est là que les choses peuvent se gâter. Parce que quand elle arrive en magasin, la gourde a déjà son empreinte carbone (transport, fabrication), plus ou moins élevée selon le matériau choisi. Les meilleures gourdes sont en inox, un matériau sans danger, qui ne se désagrège pas avec le temps, qui est solide. Mais pour l'amortir, il faut l'utiliser exclusivement pendant au moins 3 ans, et même 6 ans si vous avez craqué pour la version isotherme. Sauf qu'en moyenne, en France, on compte deux gourdes par personne, et qu'on en change tous les deux ans. Le problème de la gourde, c'est aussi qu'il faut la remplir (et la porter...). Et quand il n'y a pas d'eau potable ou quand il n'y a pas d'eau du tout, ce qui est le cas pour 10% des habitants de la planète, la gourde perd un peu de son intérêt. À Paris, n'espérez pas remplir votre gourde facilement. Les fontaines publiques, sacrifiées au XXe siècle sur l'autel de la modernité, reviennent peu à peu mais il faut bien les chercher. Dans les cafés, on pourra vous facturer le plein d'eau. Et si vous visez un McDo, déjà il faut trouver le code des toilettes, et l'eau qui coule du robinet est chaude – parce qu'il faut bien vendre du coca dans des gobelets en plastique...
Alors que le prix Goncourt est décerné aujourd'hui à Paris, retour sur un lauréat marquant et son personnage, Morel, qui lutte pour la survie des éléphants d'Afrique dans les dernières années de la colonisation française. « On a bien voulu écrire, depuis la parution de ce livre il y a 24 ans, qu’il était le premier roman “écologique”, le premier appel au secours de notre biosphère menacée. » C’est ainsi que Romain Gary commence en 1982 la préface de la nouvelle édition des Racines du ciel, récompensé en 1956 par le plus prestigieux prix littéraire français, le Goncourt. Le roman met en scène un personnage qui a déjà compris l'importance de la nature. Il s'appelle Morel, un Français qui détonne en pleine Afrique équatoriale française, à une époque, l’époque coloniale, où Ndjamena, la capitale du Tchad, s'appelle Fort-Lamy. Sur tout le continent africain, plus 30 000 éléphants sont tués chaque année. Morel veut les sauver. À lire aussiLittérature: le Prix Goncourt 2025 attribué à Laurent Mauvignier pour «La maison vide» « En conflit avec l'espace » Le personnage de Morel a été inspiré par un épisode de la vie de Romain Gary, en Afrique, pendant la Seconde Guerre mondiale. Son avion s’écrase sur un troupeau d’éléphants. « Je n’étais pas tout à fait tué, raconte Romain Gary dans une interview au journaliste Pierre Dumayet sur l’unique chaine de télé française, en noir et blanc. J’ai vu venir vers moi un Blanc avec un fusil à la main. Je pensais qu’il venait nous aider. Il est venu vers moi et m’a donné un coup de poing dans la figure. Il m’a dit : “Ce n’est pas une façon de traiter les éléphants”. » Ainsi se dessine le personnage avant-gardiste dont Gary fera son héros ; dans la France des années 1950, personne ne parle de biodiversité ni d’écologie. Or, la lecture des Racines du ciel offre quelques passages prémonitoires : « L’espèce humaine était entrée en conflit avec l'espace, la terre, l’air même qu’il lui faut pour vivre. Les terrains de culture gagneront peu à peu sur les forêts et les routes mordront de plus en plus dans la quiétude des grands troupeaux. Il y aura de moins en moins de place pour les splendeurs de la nature. Dommage. » « La tragédie de la viande » Presque 70 ans après sa publication, Les Racines du ciel soulève des questions très actuelles. La défense de la nature ne peut se faire au détriment des populations ; il faut au contraire les associer pour défendre l’environnement. Morel fait ainsi la distinction entre les chasseurs d'éléphants, qui ramènent des trophées et de l’ivoire, et les Africains qui les tuent pour se nourrir. « C'était la tragédie de la viande, du besoin de protéines et d’alimentation carnée : voilà pourquoi la chose la plus urgente à faire (…) était d'élever le niveau de vie des populations africaines. Cela faisait partie de son combat, de sa lutte pour la protection des éléphants. C'était la première chose à faire, si on voulait sauver les géants menacés. » Mais jusqu'au faut-il aller pour sauver les éléphants et défendre l'environnement ? La question agite aujourd'hui les militants écologistes. Morel, lui a tranché. Il faut être radical – mais pas trop. Dans la même interview télé, juste après la sortie de son roman, Romain Gary évoque « la protection de la nature que Morel entreprend les armes à la main, puisqu’il chasse les chasseurs et qu’il les blesse. Il ne les tue pas parce qu’il dit qu’on n’apprend rien à quelqu’un en le tuant, au contraire, on lui fait tout oublier. » Seulement blesser les chasseurs, pour qu'ils se souviennent pourquoi on leur a tiré dessus. « Géants anachroniques » Évidemment, la manière de faire de Morel ne plait pas à tout le monde et les autorités coloniales partent à ses trousses, dans la brousse (non, on ne vous dira pas si Morel se fait arrêter) alors même qu’il est devenu très populaire dans le monde entier. Sur place, à Fort-Lamy, on l'appelle « l'homme qui voulait changer d'espèce », on le dépeint comme un misanthrope. C'est vrai, Morel n'est jamais aussi heureux qu'au milieu des éléphants, mais quand il se bat pour eux, il se bat aussi pour l'humanité, pour les humains et leur liberté. « Ces géants malhabiles, maladroits, anachroniques, venus d’une autre époque, me rappelaient assez certains droits de la personne humaine que l’on considère malheureusement parfois aussi anachroniques, aussi maladroits et aussi gênants, dit-on, pour la marche du progrès que les éléphants », expliquait encore Romain Gary en 1956. Les Racines du ciel est un chant d’amour à la vie et aux éléphants. Alors, comme le conseille Morel, « quand vous n'en pouvez plus, faites comme moi, pensez à des troupeaux d'éléphants en liberté en train de courir à travers l'Afrique, des centaines et des centaines de bêtes magnifiques auxquelles rien ne résiste, (…) suivez-les du regard, accrochez-vous à eux, dans leur course, vous verrez, ça ira tout de suite mieux. » Pensez aux éléphants, et lisez Les Racines du ciel. Lisez, vous verrez, ça ira tout de suite mieux. À lire aussiGabon: vive polémique autour de la chasse à l'éléphant
Un métal toxique pour récupérer un métal précieux. En utilisant du mercure, l'orpaillage illégal met en danger les populations et les écosystèmes. Une COP pour un poison : huit ans après l'adoption de la Convention de Minamata pour limiter l’utilisation du mercure, la ville suisse de Genève accueille à partir de lundi 3 novembre la COP6 sur le mercure, un métal particulièrement utilisé dans l’orpaillage artisanal – pour ne pas dire illégal. Ces mines d’or font vivre des milliers et des milliers de familles, notamment en Afrique, du Congo-Kinshasa au Mali, en passant par la Guinée-Conakry. « Ce travail est dangereux, très difficile. Mais c’est le dernier espoir de survivre », racontait un ancien chauffeur routier guinéen, devenu orpailleur faute de travail, à notre correspondant à Conakry, Mathias Raynal. L'orpaillage illégal est dangereux parce qu'on peut mourir sous la terre qui s'effondre, et parce que le mercure est un poison. Il est pourtant indispensable aux yeux des orpailleurs illégaux en raison de la simplicité du procédé pour récupérer l’or. Le mercure a la capacité d'amalgamer, d'absorber l'or qui se trouve en fines poussières dans la terre. La pâte ainsi produite est ensuite chauffée, le mercure s'évapore et il ne reste que l'or qu'on peut récupérer. À lire aussiUn gisement d’or «de classe mondiale» découvert dans l’est de la Côte d’Ivoire Organes contaminés Le métal, très volatile, s'évapore dans la nature, littéralement. Il est d'abord inhalé lors de cette opération de récupération de l'or. Et dans des villages traditionnels du Sénégal, près de la frontière avec le Mali, les femmes sont en première ligne. « Les hommes doivent aller chercher le minerai, parfois à 25 mètres de profondeur. À la maison, c’est la femme qui va faire la dernière partie du travail, l’amalgamation au mercure, raconte Birane Niane, enseignant-chercheur à l'université de Thiès. C’est apparemment le travail le moins difficile, mais malheureusement c’est le plus exposé parce qu’elles vont inhaler la fumée de mercure. On a observé des taux de mercure plus élevés chez les femmes que les hommes dans ces villages-là. » Le mercure s'immisce dans le système nerveux, dans les organes vitaux, il est aussi transmis de la mère à l'enfant pendant la grossesse. Le mercure pollue les humains et l'environnement parce qu’il est bioaccumulable – il s'accumule dans les organismes. « Il y a un danger ! s’alarme Birane Niane, qui a consacré sa thèse de doctorat aux effets du mercure sur la santé humaine dans ces mines d’or illégales. Mais au-delà de la santé de ces populations-là, tout le monde est concerné, parce que les écosystèmes sont contaminés, pollués. Le mercure revient dans les eaux, il s’accumule dans les tissus des organismes comme les poissons, et il va contaminer toute la chaîne alimentaire. » Tout en bas de la chaine alimentaire, le plancton absorbe du mercure, les petits poissons s'en nourrissent, les gros mangent les petits et tout au bout ce sont les grands prédateurs qui sont les plus contaminés. Si on mange ces poissons, on est aussi contaminé. Or empoisonné On n'en a jamais fini avec le mercure, parce qu’il est increvable – c’est aussi l’une de ses propriétés. « Si le mercure est emprisonné dans les couches de sol, quand on commence de nouveau à remuer la terre, quand de l’eau circule à l’intérieur, ce mercure peut être réactivé, continuer à polluer. C’est un polluant éternel », relève Robert Moritz, professeur émérite à l'Université de Genève. Malgré les dangers du mercure, les orpailleurs continuent d'utiliser « le produit », comme ils l’appellent, sans nommer explicitement cette substance toxique officiellement interdite et vendue clandestinement. Il existe pourtant des alternatives, mais les chercheurs d’or s'en méfient parce qu'elles viennent des autorités. Et puis les dangers du mercure, ses effets, on ne les voit pas immédiatement. « C’est le même problème que le réchauffement climatique ou la radioactivité : on ne s’en aperçoit pas sur le coup. On n’a aucune conséquence immédiate. Ce que veulent les populations, c’est survivre, gagner leur croûte, s’enrichir. Elles ne se préoccupent pas tellement de ce qui va se passer 20 ans plus tard », estime Robert Mortiz. La pauvreté et le sous-développement sont des polluants éternels de l'humanité. À lire aussiGhana: l'État accentue sa mainmise sur l'exploitation de l'or dans le pays
À l'approche du week-end de la Toussaint et du Jour des morts, quelles sont les funérailles les plus respectueuses de l'environnement et du climat ? Il n’y a pas plus écologique que la mort. On n'a pas de meilleur bilan carbone que lorsque la vie s’arrête, puisqu’on ne mange plus, on ne consomme plus, on ne se déplace plus et on ne respire plus. Un être humain, vivant, aspire de l'oxygène et rejette du dioxyde de carbone, du CO2. Et selon un calcul très scientifique, chaque personne, chaque jour, émet près d'un kilo de CO2, si on considère une activité au repos. Résultat : la respiration humaine représente 4% des émissions totales de CO2, le principal gaz à effet de serre responsable de la crise climatique. C'est plus, par exemple, que le transport aérien. Quand on meurt, vient l’heure des funérailles. D’un point de vue écologique, vaut-il mieux un enterrement ou une crémation ? Vaut-il mieux fumer les pissenlits par la racine, ou que nos racines partent en fumée ? C'est évidemment un choix très intime. Selon une étude de la Chambre syndicale française de l'art funéraire, l’impact carbone d’une inhumation est à peu près équivalent à celui d'une crémation – un enterrement émet environ 620 kg de CO2, et une incinération près de 650 kg de CO2. Pour avoir un élément de comparaison, un Paris-Kinshasa en avion pèse à peu près autant qu'un voyage pour l'éternité… Funérailles vertes On pourrait penser qu'une crémation a un bilan carbone beaucoup plus important, puisqu'on utilise du gaz pour faire brûler le corps. Mais pour une inhumation, il y a souvent un caveau, en béton (et le béton ce n'est pas bon), une pierre tombale, souvent importée de Chine (à 80% aujourd’hui en France). Un cercueil enterré continue aussi de polluer – les fameux feux follets qu’on peut parfois voir la nuit dans les cimetières sont issus d’émanations de méthane, puissant gaz à effet de serre, qui durent parfois pendant des décennies. En fait, ce qui pèse le plus dans des funérailles, à 40%, ce sont la cérémonie et le transport de ceux qui viendront pleurer sur votre tombe. Si vous vous voulez que votre enterrement soit le plus écologique possible, n'invitez personne ! Mais il existe une solution encore plus écologique, qu’on appelle la terramation, ou l'enterrement végétal, sans cercueil, qui se pratique déjà dans quelques États des États-Unis, mais d'une manière très contrôlée et finalement pas très naturelle, dans des entrepôts. En France, la terramation n'est pas autorisée, pas encore, mais une expérience a lieu en ce moment dans un cimetière de la région parisienne. On a enterré des brebis, sans cercueil, et la moitié d'entre elles ont été recouvertes de feuilles et de copeaux de bois, pour accélérer la décomposition du corps, en quelques mois, selon l'hypothèse de travail. À lire aussiÀ New York, le compost de corps humain comme alternative aux enterrements De la mort à la vie « Les feuilles et copeaux vont permettre à l’oxygène de circuler, ce qui va favoriser l’activité des bactéries (des bactéries présentes partout, sur les feuilles, dans la terre, sur le corps). Ce sont ces bactéries qui sont responsables de la dégradation. On obtient de l’humus, une sorte de terre, assez riche, qui va permettre à des végétaux, à des plantes et à des arbres de pousser. Donc oui, on a quelque chose qui peut être vertueux, dans le sens où le corps va retourner assez rapidement dans le cycle de la nature et du vivant », explique Damien Charabidze, biologiste et professeur à l'université de Lille, qui conduit cette expérience. L’humus issu de cette décomposition rapide du corps va rester sur place, dans le cimetière. Il n’est évidemment pas question de fabriquer du compost, le mettre en sac pour aller fertiliser des terres agricoles. Cette expérience servira à alimenter le débat pour l’autorisation de la terramation que réclament des associations, pour une inhumation sans artifice et au plus proche de la nature. « On se rapproche de ce qui se passe dans la nature pour tous les êtres vivants qui meurent dans la nature, souligne Damien Charabidze. Il y a des procédés naturels qui permettent au corps de se dégrader, de repartir dans les écosystèmes. Finalement, quand une personne décède, ce n’est pas une fin, c’est simplement le début d’autre chose : redonner de la vie, parce que c’est ce que produit la décomposition ». On a donc la réponse à une question qui agite l'humanité depuis des millénaires : oui, il y a de la vie après la mort.
Climatisation, irrigation, digues... Des politiques d'adaptation mises en place pour répondre à la crise climatique produisent parfois des effets aggravants. En progrès, mais peut mieux faire : c’est ce qui ressort du dernier rapport des Nations unies sur les politiques d’adaptation au changement climatique, publié aujourd’hui, à deux semaines du prochain sommet mondial sur le climat, la COP30 à Belém au Brésil. Les solutions abondent, mais pèchent souvent par manque de financement. Et puis certaines solutions, qui peuvent être pires que le mal, relèvent de ce qu’on appelle la mal-adaptation. Prenons l’exemple des stations de ski, confrontées au manque de neige en montagne, à cause des températures plus élevées même en altitude, certaines stations ont définitivement fermé, mais d'autres s'accrochent et remplacent la neige naturelle, tombée du ciel, de plus en plus rare, par de la neige artificielle, en consommant de l'eau, au risque d'en priver les populations, et en utilisant beaucoup d'énergie, en aggravant donc les causes de la crise climatique. C'est cela la mal-adaptation, des fausses bonnes solutions dont on réalise souvent après coup les effets pervers. « Parfois, on promeut des solutions qui, soit aggravent le changement climatique futur, soit déplacent les vulnérabilités vers d’autres populations, d’autres territoires. La mal-adaptation vient après avoir mis en place des solutions qu’on pensait être bonnes pour l’adaptation », souligne Adèle Tanguy, spécialiste de l'adaptation à l'IDDRI, l'Institut du développement durable et des relations internationales. À lire aussiJO-2026: cette neige artificielle, si indispensable et décriée Agriculture dépendante Certaines solutions d'adaptation peuvent aussi créer une forme de dépendance. C'est le cas dans l'agriculture, avec l'irrigation. On va créer des méga-bassines, on va aussi forer de plus en plus profond pour trouver de l'eau, au risque d'épuiser les nappes phréatiques. L'irrigation, c'est une drogue à accoutumance. « Ces solutions empêchent de penser la transformation des modèles agricoles, estime Adèle Tanguy. En fait, il y a des solutions qui vont nous enfermer dans des modèles où on va maintenir une utilisation importante de la ressource en eau, ce qui va nous faire dépendre de ces ressources-là. Or, à long terme, si la ressource en eau continue de diminuer, ces solutions ne seront plus suffisantes ». Qu’en est-il maintenant de la climatisation, une « solution » qui parait évidente face au réchauffement climatique ? La clim provoque à chaque canicule en France des débats acharnés sur les chaines d'informations (qu'on n'est pas obligée de regarder...) : pour ou contre la clim ? Oui, elle rend la chaleur supportable à l'intérieur, mais elle rejette du chaud à l'extérieur. On a par exemple calculé que si tous les logements et bureaux de la région parisienne étaient climatisés, la température extérieure augmenterait de deux degrés. À lire aussiAllons-nous tous bientôt manquer d'eau? Noir ou blanc La climatisation accroit le réchauffement et émet aussi des gaz à effet de serre : c'est l'exemple typique d'une fausse solution qui aggrave la crise climatique. Faut-il pour autant la rejeter totalement ? Tout n'est pas noir ou blanc. « Si on se dit qu’on va vers un réchauffement à 4°C en moyenne en France, il est certain qu’on ne va pas réussir à tout maintenir sans climatisation, comme le fonctionnement des hôpitaux par exemple. La question porte en fait sur les usages pour lesquels cela deviendra essentiel de mettre de la climatisation, et comment fait-on pour éviter d’en faire une solution généralisée qui aurait tendance à créer d’autres problèmes », résume Adèle Tanguy, de l’IDDRI. Le même constat prévaut par exemple pour la désalinisation de l'eau. Les usines consomment énormément d'énergie. Elles rejettent aussi de la saumure en mer. Mais à certains endroits, on ne peut pas faire autrement, sauf à mourir de soif. Parmi tous les exemples de mal-adaptation, il y a aussi les digues, construites face à la montée de mer, aux effets pervers sur les littoraux, et qui procurent un faux sentiment de sécurité ; on continue comme avant, jusqu'à la catastrophe. Certaines solutions d'adaptation ressemblent en fait à de simples pansements, à court terme. Dans le mot « mal-adaptation », on entend le mot « malade ». À lire aussiClimatisation : quelles alternatives au quotidien, quelles recherches pour le futur ?
La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu, mardi 28 octobre, une décision sur la politique énergétique et climatique d'Oslo, critiqué pour son ambivalence. Paradis environnemental, le pays est aussi un puissant exportateur de gaz et de pétrole. La Norvège est un paradis écologique. Plus de 150 réserves naturelles, des paysages fabuleux, un pays recouvert aux deux tiers de forêts, de montagnes, de lacs et de tourbières. La Norvège, c'est aussi ce pays qui le premier dans le monde a interdit la déforestation, en 2016, et qui finance aussi la protection des forêts à l'étranger, comme au Gabon, qui reçoit de l'argent pour chaque tonne de carbone économisée, selon un accord signé en 2019. Oslo est aussi l'une des capitales les plus vertes au monde. Les espaces verts recouvrent plus de la moitié de sa superficie ; la forêt est dans la ville, et les lacs et le fjord tout autour. En termes de bonheur intérieur brut, la Norvège est un paradis. Électricité verte La Norvège est aussi en pointe sur la transition énergétique, avec la quasi-totalité de son électricité issue d'énergies renouvelables, et en premier lieu les barrages hydroélectriques qui représentent plus de 90% de la production d'électricité. En parallèle, l'éolien en mer monte en puissance. La Norvège est aussi le pays où circulent le plus de voitures électriques par habitant : 95% des véhicules vendus aujourd'hui sont des véhicules « propres ». La Norvège a aussi instauré très tôt une taxe carbone, sans que cela déclenche d'émeutes sur les ronds-points. Elle a aussi inauguré l'an dernier le plus gros complexe d'enfouissement du CO2, le principal gaz à effet de serre responsable de la crise climatique. Le CO2 capté dans les usines est séquestré dans les fonds marins (ce qui, certes, suscite des critiques). Énergie noire Mais dans ce tableau presque idéal, il y a un « mais », incarné par les hydrocarbures, le pétrole et le gaz que la Norvège a découvert dans ses eaux territoriales dans les années 60 et qui a littéralement changé la face d'un pays jusqu'alors plutôt pauvre. Avec un symbole, son fonds souverain, le plus gros au monde, doté de plus de 1 500 milliards d'euros – de quoi voir venir. En termes de PIB par habitant, la Norvège est ainsi le deuxième pays le plus riche au monde. La richesse en soi n'est pas un problème, sauf qu'elle vient des énergies fossiles à l'origine du réchauffement climatique. La Norvège n'entend pas abandonner cette manne. Le septième plus gros exportateur de gaz a autorisé ces dernières années une vingtaine de nouveaux gisements, en totale contradiction avec les objectifs climatiques de l'accord de Paris, ce qui fait d'ailleurs l'objet de feuilletons judiciaires, avec un épilogue aujourd'hui devant la Cour européenne des droits de l'Homme, où plusieurs ONG et citoyens norvégiens ont porté plainte contre l'État norvégien. Dernier exemple de l'ambivalence norvégienne, certains diront de son hypocrisie : le gouvernement voulait autoriser l'exploitation minière de ses fonds marins, avant de reculer face au scandale. À lire aussiLa Norvège renonce à ouvrir ses fonds sous-marins à l'extraction minière en 2025 Pétromonarchie La Norvège est une pétromonarchie, avec un roi et du pétrole. En Norvège, on est peut-être les rois du pétrole, mais le modèle n'est pas celui des émirats du Golfe qui ont flambé leur or noir pendant des décennies. Non, la Norvège préfère que son gaz et son pétrole aille brûler loin de là. Et sa rente pétrolière est utilisée pour être un pays exemplaire sur le plan environnemental. C'est là le grand paradoxe : la Norvège finance sa transition écologique grâce aux hydrocarbures qu'elle exporte. Comme si ses voitures électriques roulaient grâce au pétrole. La Norvège est un pays vert à l'intérieur et noir à l'extérieur. Et ce que nous dit le paradoxe norvégien, c'est cela aussi : quel compromis, ou quelles compromissions, peut-on accepter pour financer sa transition énergétique ?
L'association de défense des droits des animaux L214 vient de publier de nouvelles vidéos sur la maltraitance animale dans l'élevage en France : des poussins sont éliminés vivants dans une broyeuse en raison de leur genre. Une pratique pourtant interdite pour les poules pondeuses depuis 2023. Ils ne demandaient rien, ces petits poussins jaunes, des poussins de poules, nés dans un couvoir, qu’on envoie ensuite dans des élevages pour finir plus tard sous forme de cuisse ou de nugget. La scène se passe en France, dans le département des Deux-Sèvres (Ouest), dans une véritable usine où un million de poussins naissent chaque semaine – et beaucoup y meurent aussi. Dans une vidéo aux images violentes publiées par l'Association de défense des animaux d’élevage L214, on entend leurs petits cris, juste avant leur mort dans une broyeuse. On peut aussi voir un employé jeter des poussins comme s’il lançait une balle, et les écraser vivants à coups de balai. Dernière séquence éloquente : un poussin, tout seul, tente de remonter le tapis roulant à contre-sens, pour échapper à la broyeuse. « Maltraitance systémique » La broyeuse, c’est ce qui attend les poussins qui n’ont pas le bon genre. Pour les poules pondeuses, la pratique a perduré jusqu'en 2022, jusqu'à son interdiction : on broyait les mâles parce qu'ils ne pondent pas d'œuf. Depuis 2023, on jette les œufs avant la naissance, en identifiant le sexe dans la coquille – c’est l'ovosexage. Mais dans l'élevage pour la viande, on continue comme avant, selon L214. « Chez les restaurants McDonald’s, ils utilisent généralement des poulets mâles, qui vont avoir un poids d’abattage de 2 ou 2,5 kg, pour arranger les abattoirs pour les découpes. Pour les supermarchés, ils préfèrent avoir des femelles pour avoir des cuisses ou des ailes dans les barquettes. Dans ce couvoir, selon les bons de livraisons, 100 000 poussins femelles ont été livrés dans des élevages, et 30 000 poussins mâles ont été livrés dans d’autres élevages. On a une différence de 70 000 poussins qui ont été broyés ce jour-là », affirme Sébastien Arsac, co-fondateur de L214. La filière d’élevage répond de son côté qu'on n'élimine que les poussins malformés, ce qui ne saute pas aux yeux dans la vidéo. Cette nouvelle révélation de l’association L214 soulève une nouvelle fois, au-delà des poussins, les problèmes que peut poser l’élevage de viande. En France, 80 % des animaux consommés sont issus d'élevages industriels, et « c'est de la maltraitance systémique », selon Sébastien Arsac : « Pour les cochons, on leur coupe les dents, la queue, on fait de la castration, parce que c’est de l’élevage intensif. On entasse des poulets à plus de 22 sur 1 m², des lapins sur la moitié d’une feuille A4. Pas une seule personne aujourd’hui en France n’est prête à dire que cela correspond aux conditions conformes à leur bien-être. » À lire aussiFrance: le broyage des poussins mâles désormais prohibé dans la filière des pondeuses L'UE reconnaît les animaux comme des êtres sensibles depuis 2007 Les animaux sont-ils des êtres sensibles ? Oui, même si vous posez directement la question à un animal, il n’est pas sûr qu'il vous réponde. Mais la science l'a prouvé, et il y a eu de gros progrès ces dernières années : derrière chaque animal, il y a un cœur qui bat et il y a aussi un cerveau. « Énormément d’expériences aujourd’hui montrent la capacité des animaux à ressentir la douleur et la souffrance, mais aussi d’avoir de la métacognition, d’avoir une conscience, d’avoir des relations sociales très poussées, une communication. Ce sont quelques choses qui devraient vraiment changer notre responsabilité et notre façon de partager la planète avec eux », conclut Sébastien Arsac. Un article du traité européen de Lisbonne, signé en 2007, stipule que les animaux sont des êtres sensibles. À Bruxelles, il y a un commissaire au bien-être animal. L214 vient d'ailleurs de l'alerter sur cette nouvelle affaire, pour que notre goût pour les animaux morts soit un peu plus éthique, pour que notre humanité ne disparaisse pas complètement au fond de notre assiette. Rien qu'en France, 700 millions de poulets sont abattus chaque année.
La justice française rend jeudi 23 octobre sa décision sur une campagne publicitaire du groupe pétrolier français orchestrée en 2021. Plusieurs ONG ont accusé TotalEnergies de mentir et de ne pas respecter l'accord de Paris sur le climat en poursuivant l'exploitation de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. Quand il a changé de nom en 2021, le groupe pétrolier français Total, devenu TotalEnergies (au pluriel), a ajouté une touche de vert à son logo. Et c’est pour sa nouvelle stratégie de communication que TotalEnergies s’est retrouvé devant le tribunal. Non pas à propos du nouveau logo, mais pour une campagne de publicité dénoncée dans la plainte de plusieurs ONG française qui accusent TotalEnergies de greenwashing, ou d'écoblanchiment : afficher une image éco-responsable, alors que dans la réalité, on continue de produire des énergies carbone responsables de la crise climatique. La justice rend sa décision aujourd’hui. « On a vu tout un tas d’affirmations sur le fait que l’entreprise était bien en voie de respecter l’accord de Paris et d’être neutre en carbone en 2050. Toutes ces communications sur le site, sur les réseaux sociaux, sont apportées comme preuve d’une communication trompeuse », explique Justine Ripoll, de Notre Affaire à tous, l'une des ONG qui ont porté plainte. À lire aussiTotalEnergies devant la justice pour «pratiques commerciales trompeuses», une première en France Publicité interdite « Plus d’énergies, moins d’émissions, c’est le cap, affirme par exemple la voix off d’un film promotionnel de TotalEnergies réalisé pour les 100 ans de la compagnie. En plus du pétrole et du gaz, l’entreprise investit dans l’électricité et les renouvelables. TotalEnergies, un nouveau nom qui incarne la dynamique de transition dans laquelle la compagnie est résolument entrée. » De la publicité mensongère selon les ONG qui ont porté plainte. Au Royaume-Uni cette année, le régulateur a d’ailleurs interdit une publicité de Total pour greenwashing. Pour sa défense, TotalEnergies, qui n’a pas répondu à notre demande d’interview, assure que les spots mis en cause sont des vidéos institutionnelles, qui ne sont pas destinées au grand public. Total est-il pour autant engagé dans la transition énergétique ? Oui, mais ses résultats restent marginaux et ne lui permettront pas de respecter l'accord de Paris sur le climat, qui impose la neutralité carbone en 2050, selon Justine Ripoll, de Notre Affaire à tous : « Une condition très claire a été posée par la science : il faut arrêter d’ouvrir de nouveaux projets pétroliers, gaziers ou de charbon, parce qu’on dépasse complétement le budget carbone restant pour limiter le réchauffement à 1,5ºC. C’est exactement l’inverse de ce que fait TotalEnergies, qui est l’entreprise dans le monde impliquée dans le plus de nouveaux projets pétrogaziers qu’on appelle bombes carbone et qui nous emmène vraiment droit dans le mur. » D'autres géants ont renoncé aux énergies renouvelables Total justifie de nouveaux investissements pétroliers et gaziers pour compenser la baisse de productivité des sites déjà existants, et affirme répondre à la demande des consommateurs. Mais sur les énergies renouvelables, Total a baissé cette année de près de 300 millions d'euros ses investissements. Cela dit, il y a pire comme compagnie pétrolière. Le britannique BP, par exemple, a fait volte-face cette année en renonçant à toute activité dans les énergies renouvelables. Ce n'est pas la première plainte en justice que Total affronte dans sa longue histoire. Ces dernières années, le groupe a été accusé en Ouganda de violations de droits humains et d'accaparement des terres. Il y a eu aussi des plaintes pour pollution dans plusieurs pays africains. En janvier prochain, TotalEnergies se retrouvera une nouvelle fois devant le tribunal à Paris pour examiner une autre plainte d’ONG, pour que Total arrête ses nouveaux projets fossiles. « Ce n’est pas une lubie des ONG de vouloir attaquer Total sur tous les fronts possibles, justifie Justine Rippoll. Ces procès visent à mettre fin à l’impunité de Total et à l’obliger à agir. Que la justice puisse être un levier de pression pour que l’entreprise soit vraiment alignée sur les objectifs climatiques. » Au-delà de Total, le problème, c’est le pétrole.
Dès les prochaines années, les pénuries d'eau vont s'aggraver partout sur la planète, en raison d'une surconsommation et du réchauffement climatique. Mais des solutions existent. C’est l’un des besoins vitaux de l’humanité (et même de l’ensemble des êtres vivants) : l’eau, sans laquelle la vie est impossible. L’eau qui pourrait manquer, et qui manque déjà. Pour 30% de la population mondiale, l'eau ne coule pas au robinet, tout simplement parce qu'il n'y a pas de robinet. On estime que même 9% des habitants de la terre n'ont pas du tout accès à l'eau potable. Et les perspectives ne sont pas brillantes, selon une toute dernière étude qui vient d'être publiée dans la revue Nature. Dans cinq ou dix ans, les pénuries vont se multiplier. De grandes villes entières seront touchées, comme Le Cap en Afrique du Sud qui a frôlé la catastrophe en 2017-2018. D’ici 2050, selon l'ONU, la moitié de la population connaîtra des pénuries d’eau. Il y a pénurie quand la consommation d’eau dépasse la ressource. Et la consommation continue de s’accroître alors que la ressource diminue. Artisan de son propre malheur, l’Homme créé la pénurie qui le menace. « L’eau qu’on boit, ce n’est pas de l’eau de pluie, rappelle Agnès Ducharne, hydrologue et climatologue à l'université Paris-Sorbonne. C’est de l’eau qu’on a pompée dans une rivière ou une nappe phréatique. C’est de l’eau qui est aussi pompée pour fabriquer de la nourriture, de l’électricité, de l’acier, des plastiques, etc. Et s’il y a en moins, ce sont tous ces usages qui sont compromis. Il faut trouver de nouveaux équilibres ». Trop d'irrigation Dans le détail, ce qu'on appelle l'eau domestique (pour boire, se laver…) représente 10% de la consommation d'eau mondiale. L'industrie, c'est 20%. Et tout en haut, il y a l'agriculture avec 70% de la consommation d'eau dans le monde. La pénurie menace, et dans certaines régions, ça coince déjà, notamment là où on irrigue trop. « Il existe déjà des pénuries très importantes à cause de pompages. C’est le cas en Californie aux États-Unis, en Andalousie en Espagne, en Inde aussi, l’endroit le plus irrigué au monde », précise Agnès Ducharne. Au-delà d’une intensification des activités humaines, l’autre cause des pénuries d’eau, c'est le réchauffement climatique (provoqué lui aussi par les activités humaines). Contrairement à une idée reçue, il augmente les quantités de pluie au niveau planétaire, parce que la chaleur rend l'atmosphère plus humide, en raison de l’évaporation – plus 7% d'humidité par degré supplémentaire. Et un air plus humide favorise la pluie. À l'inverse, en période de sécheresse, quand l'air est plus sec, il pleut encore moins. Le changement climatique exacerbe les phénomènes. « Avec le réchauffement climatique, même si les ressources en eau douce ont tendance à augmenter en moyenne globale, elles augmentent pendant les saisons humides, dans les régions humides, et elles diminuent dans les régions sèches et pendant les saisons sèches. Et c’est cette augmentation des contrastes qui amène à ce qu’il y ait des pénuries d’eau plus importantes, parce que le réchauffement climatique intensifie les sécheresses », détaille Agnès Ducharne. Moins consommer, moins réchauffer Va-t-on tous mourir de soif ? Face à la double action des usages abusifs et du changement climatique, il n’y a pas de fatalité. D’abord en agissant sur le réchauffement climatique, et on peut le faire puisqu'il est d'origine humaine. « Si on émet moins de gaz à effet de serre, on va pouvoir agir. Je ne suis pas très optimiste, parce que je ne le vois pas venir, mais c’est un des leviers le plus importants », estime la climatologue. On peut bien sûr aussi agir directement sur notre consommation. « Sur les prélèvements en eau dans les rivières et les nappes phréatiques, je pense qu’on pourrait faire plus, poursuit Agnès Ducharne. En ne consommant pas d’eau pour rien, pour les golfs, les piscines, pour du maïs au lieu d’autres types d’agriculture, pour de l’électricité nucléaire en plein été alors qu’on pourrait faire plus de photovoltaïques… La diversité des mesures à prendre est très importante ». Y compris chez soi, chaque goutte compte ; la moindre goutte d’eau économisée, ce n’est pas une goutte d'eau dans la mer.
Le changement climatique entraîne une multiplication des phénomènes météo violents : sécheresse, inondations, tempêtes... Les populations sont encouragées à s'y préparer, en remplissant à l'avance un sac d'équipements pour pouvoir vivre en autonomie pendant quelques jours. Chaque premier mercredi du mois à midi, dans les villes françaises, retentit le son lancinant et stressant de la sirène. Un essai mensuel pour vérifier qu’elle fonctionne. Mais un jour, les sirènes retentiront pour de bon et annonceront une catastrophe (voire une guerre). Le signal qu’il va peut-être falloir utiliser son kit de survie. Face à la multiplication des canicules, des tempêtes ou des inondations un peu partout dans le monde, liées au changement climatique anthropique, les initiatives se multiplient pour avertir et préparer la population. C’est le cas de la Croix-Rouge française, qui alerte régulièrement sur la nécessité d’être équipé en cas de catastrophe d’un « catakit » – le nom rigolo qu’elle a donné au kit de survie. Il doit contenir de quoi se soigner, se protéger, se signaler, boire et manger. « On va pouvoir avoir une lampe de poche à dynamo qui fait aussi radio et signal d’alerte. On va y ajouter de la nourriture non périssable, de l’eau, et potentiellement des pastilles de purification de l’eau. Une trousse de secours, bien sûr. Les traitements médicaux des membres du foyer. Ce peut être aussi un sifflet pour pouvoir se signaler, des couvertures de survie, un kit d'hygiène… », détaille Jérôme Chaligné, le responsable du pôle Éducation à la résilience de la Croix-Rouge française. On l’a bien compris, il ne s’agit pas de faire sa valise pour partir en vacances ! Résilience sur tous les fronts La composition de son catakit dépend bien évidemment des situations locales, parce que les catastrophes climatiques peuvent différer et que les besoins ne sont pas forcément les mêmes. « En France hexagonale, sur un besoin pendant 48 ou 72 heures, on a peut-être plus de chances d’avoir par exemple de la distribution d’eau potable par l’armée française en cas de grosse catastrophe. Dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, par exemple, il s’agira plutôt de trouver les moyens de rendre potable de l’eau qui va être potentiellement boueuse et contaminée », précise Jérôme Chaligné. Le kit de survie a le vent en poupe. En mars dernier, la Commission européenne avait fait la promotion d'un kit face aux catastrophes naturelles, mais aussi en cas de guerre, avec l’exacerbation des tensions avec la Russie de Vladimir Poutine. La Suède, il y a un an, avait fait sensation en distribuant à la population un guide de survie. En France, le gouvernement devait publier ces jours-ci un livret intitulé Tous résilients (comme au bon temps du Covid), avec notamment des recommandations pour composer son kit de survie et tenir 7 heures. Sa diffusion a été reportée en raison non pas des aléas climatiques, mais des aléas politiques... Du kit au bunker Même l'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir y va de ses conseils. Sur internet, il y a l'embarras du choix, à tous les prix. Certains kits de survie proposent même d'énormes couteaux façon Rambo. En Suisse, toute nouvelle construction doit prévoir un abri. Si vous voulez un bunker à la maison, il vous en coûtera à peu près 100 000 euros pour 10 mètres carrés (soit le prix de l'immobilier parisien). Est-on prêt à affronter une catastrophe climatique ? La réponse n'est pas évidente. Et ce n'est pas parce qu'on est prêt que la catastrophe va arriver. « L’idée n’est pas : “J’ai un sac tout fait donc je suis paré à toute éventualité”, insiste Jérôme Chaligné, de la Croix-Rouge française. Le fait de le faire est vraiment une première pierre, qui permet aussi de répondre à l’anxiété que de plus en plus de personnes développent face à ces situations-là pour, comme on le dit à la Croix rouge, être prêt à être prêt ». Il y a sans doute des grandes chances pour que votre kit de survie reste au fond d'un tiroir pendant quelques années encore. Et quand le moment viendra, quand il faudra partir en catastrophe avec son catakit, on se demandera peut-être : « Mais où ai-je bien pu le ranger ? »
Alors que l'Assemblée nationale entame l'examen du projet de loi finances de l'an prochain, un sondage révèle l'inquiétude des citoyens face à la crise écologique. Ils réclament plus de normes et de politiques environnementales, quel que soit l'électorat. Loin des discours politiques dominants. Le marathon budgétaire français commence aujourd’hui à l’Assemblée nationale après quelques semaines d’incertitudes politiques… Le projet de loi de finances 2026 débute son périple en commission, avant d'arriver dans l'hémicycle vendredi. Répond-il aux inquiétudes des Français face à la crise environnementale ? Car oui, les Français sont préoccupés, selon un sondage Ipsos : 89% disent leur inquiétude face à l'aggravation de la crise climatique. Avec un tel chiffre, on voit bien que la question dépasse les clivages partisans. Lors de son discours de politique générale, la semaine dernière, le premier ministre Sébastien Lecornu qui fut pendant un an secrétaire d’État à la transition écologique au début du Premier quinquennat d’Emmanuel Macron, n’a prononcé que trois fois les mots « écologie/écologique » et « environnement ». Le sujet est remis à plus tard, et noyé parmi d'autres. « Je reviendrai aussi sur les questions d’immigration, de sécurité, d’impôt, d’énergie de transition écologique, d’éducation, du numérique. Sur tout cela, nous ferons des propositions, nous débattrons, et à la fin, vous voterez », déclarait-il mardi dernier à la tribune de l’Assemblée nationale. À lire aussiFrance: le projet de loi de finances, de retour à l'Assemblée, promet une belle empoignade Plus de normes Sur le papier, dans le projet de budget présenté par le gouvernement, l’enveloppe allouée à la crise climatique et environnementale est en léger progrès. Après une baisse de 3 milliards d'euros en 2025, le projet pour 2026 retrouve le niveau de 2024. Mais sans réelle ambition. Et dans le détail, plusieurs coupes inquiètent les défenseurs de l'environnement. Moins 500 millions d’euros pour MaPrimeRenov’, pour la rénovation énergétique des bâtiments. Autre exemple : le Fonds vert, destiné aux collectivités locales, pour financer l'installation de panneaux solaires ou de pistes cyclables, perd presque la moitié de ses crédits. C'est un fonds qui fond, en contradiction avec les inquiétudes des Français. Selon le sondage Ipsos commandé par le Réseau Action Climat (le RAC), qui fédère 27 associations, une majorité de Français (56%) considèrent que l'écologie doit être une priorité. À 67%, ils veulent plus de normes, de contraintes, même si cela doit coûter plus cher au budget de l'État – une position majoritaire même à droite et à l'extrême droite. Loin des clivages partisans, les Français plébiscitent les énergies renouvelables (et ces horribles éoliennes accusées par certains de saccager l’identité française) et les restrictions de pesticides (pourtant mises à mal par la loi Duplomb déposée par un sénateur Les Républicains). Lobbies contre citoyens « On a été vraiment surpris, commente Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat. On entend parler depuis plusieurs mois d’un backlash écologique, c’est-à-dire d’un ras-le-bol sur l’écologie. Mais ce sondage nous montre que ce backlash n’existe pas au niveau de la population française. Les Français ne veulent pas moins d’écologie, ils veulent plus d’écologie, quel que soit l’électorat. » Le Réseau Action Climat a identifié cette année, rien qu'en six mois, 43 reculs sur l'environnement, illustrant là encore le décalage entre les politiques et les citoyens. Comme si les politiques préféraient les lobbys aux électeurs. « On voit bien l’influence de certains lobbys, très puissants, sur l’agriculture, avec certains syndicats agricoles particulièrement puissants. Dans d’autres domaines, ce sont les industriels des énergies fossiles, remarque Anne Bringault. La classe politique écoute beaucoup plus les lobbys que les citoyens. Cela fait vingt ans que je travaille dans le domaine de la protection de l’environnement, et c’est quelque chose qui est récurrent. » On le voit d'ailleurs aussi au niveau européen, avec le recul sur le « Green deal », le Pacte vert pour l’Europe. Ce ne sont pas les citoyens qui réclament une temporisation, mais les entreprises. Les fabricants de voitures pourraient ainsi obtenir le report de l'interdiction des véhicules thermiques et polluants, prévu en 2035. Face à la crise écologique, il y a aussi une crise démocratique.
Deux milliards de personnes dans le monde consomment des insectes pour se nourrir. Mais en Occident, l'élevage de vers ou de sauterelles se heurte aux habitudes culturelles et à un impact écologique finalement plus élevé. Et s’ils étaient l’avenir de nos assiettes ? Selon la FAO, l’agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, dans un rapport publié en 2013, les insectes représentent l’une des solutions à la faim dans le monde, une solution de surcroit écologique : puisque manger de la viande a un coût énorme en termes d’émissions de gaz à effet de serre, et puisqu’on a besoin de protéines, mangeons des insectes. Une proposition qui a pu surprendre en Occident, alors que deux milliards de personnes dans le monde mangent des insectes, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud pour l'essentiel. « Il y a des raisons culturelles majeures, estime Corentin Biteau, qui préside, en France, l’Observatoire national d’élevage d’insectes. Souvent, ce sont des insectes qui sont récoltés dans la nature directement, comme moyen de subsistance, pour répondre à un besoin de calories. Beaucoup de ces peuples mangent d’ailleurs de moins en moins d’insectes. » Autant de protéines que dans un steak Environ 2 000 espèces d’insectes sont consommées dans le monde – des fourmis, des chenilles, des sauterelles ou encore des abeilles. Il y a à peu près autant de protéines dans 100 grammes de criquets que dans 100 grammes de bœuf ou de poulet, et c’est moins gras. Sur le papier, les insectes n’ont que des avantages, mais en Occident, même si on peut ingérer des insectes sans le savoir (comme ce papillon passager clandestin du paquet de riz acheté au supermarché), et à part si on est candidat au jeu télévisé de survie Koh-Lanta, l’entomophagie reste ultra-marginale, voire taboue. « La raison principale, c’est le dégoût, le manque de familiarité avec les insectes. Cela prend énormément de temps avant de s’habituer à un nouveau type de nourriture. D’ailleurs, la plupart des entreprises du secteur de l’élevage d’insectes ont quitté le marché de l’alimentation humaine », souligne Corentin Biteau. En France, 5 % des insectes d’élevage sont consommés par les humains, essentiellement sous forme de snacks salés, de chips. Les 95 % restants servent à l’alimentation animale, pour les animaux d’élevage et les animaux domestiques. Feraient-ils moins la fine bouche ? On ne leur demande pas leur avis. Nourrir des bœufs avec des insectes semble une solution idéale ; on arrêterait de donner du soja au bétail, alors que le soja est responsable de la déforestation. Quant à Minou, pourquoi ne mangerait-il pas des croquettes aux vers plutôt qu’au poulet ? Mais c’est un marché de niche, et ces croquettes aux insectes sont beaucoup plus chères et surtout beaucoup moins écologiques que les croquettes normales fabriquées avec les résidus - les déchets de viande récupérés dans les abattoirs. Les croquettes aux insectes ont ainsi un bilan carbone plus élevé et émettent jusqu'à dix fois plus de gaz à effet de serre que les croquettes classiques. À lire aussiFrance: les producteurs de farines d'insectes ont du plomb dans l'aile Le CO2 des insectes Dès lors qu’il s’agit d’élever des insectes pour les manger, le bilan environnemental de l’entomophagie n’est pas terrible. « Les insectes ont besoin d'une température de plus de 25 ºC, ce qui coûte évidemment beaucoup d’énergie. Pour produire l’alimentation des insectes, l’impact environnemental est plus élevé. Si on utilise des céréales qu’on fait pousser et qu’on donne à des insectes qui serviront à nourrir des animaux d’élevage, il y a énormément de pertes. La plupart des études indiquent ainsi que les insectes émettent plus de gaz à effet de serre que le soja ou la farine de poisson », résume Corentin Biteau. Pas très écologique, l’élevage d’insectes pour l’alimentation n’est pas non plus très rentable d’un point de vue économique. Malgré de grandes ambitions et un certain nombre de subventions publiques, l’élevage d’insectes n’a pas décollé. Pire, plusieurs entreprises rencontrent des difficultés, à l’image de Yinscet, une société contrainte de licencier 90 % de son personnel. Sauf à ne plus vraiment avoir le choix, les insectes ne sont pas près d’arriver dans toutes les assiettes. À lire aussiL'Afrique et la France partagent leurs savoir-faire sur les fermes d'insectes
Le changement climatique et les activités humaines menacent la mer d'Aral ou la mer Caspienne en Asie centrale. À l'inverse, en Afrique, le lac Tchad retrouve son âge d'or, après avoir disparu à 90 %. On nage en plein paradoxe. Alors que le niveau des mers et des océans est en train de monter, à cause de la fonte de la calotte glaciaire et à cause de la hausse des températures qui dilate l'eau, les mers intérieures, elles, ont tendance à reculer, voire disparaitre. La mer d'Aral, célèbre pour ses bateaux rouillés ensablés ; la mer Morte, qui porte de mieux en mieux son nom, parce qu'Israël détourne 95 % de l'eau du Jourdain qui l'alimente, selon Amnesty International ; la mer Caspienne, la plus grande mer intérieure au monde, mais jusqu'à quand ? Par endroit, elle s'est retirée de 50 kilomètres, et peut perdre 30 centimètres de profondeur en une année. Qu’est-ce qu'une mer intérieure ? Ce n’est pas une mer ! « On appelle mer toute étendue d’eau qui est reliée à l’océan global. La mer Méditerranée est reliée à l’océan Atlantique via le Détroit de Gibraltar, précise l'hydrologue Pierre Chevallier, professeur émérite à l'IRD, l'Institut pour la recherche et le développement. Une mer intérieure est une étendue d’eau qui se trouve dans une région continentale et qui n’a pas de sortie. Autrement dit, c’est un lac en fait. » Des lacs géants appelés mers parce que l'eau y est souvent salée, en raison de la géologie. À lire aussiLa mer Morte, point le plus bas de la planète, se meurt Stérilisation de la mer d'Aral Le niveau d'une mer intérieure est un équilibre entre les apports en eau et les prélèvements d'eau. Et à cet égard, plusieurs phénomènes sont à l'œuvre pour expliquer le recul des mers intérieures. Il y a d'abord les activités humaines. C'est clairement ce qui s'est passé pour la mer d'Aral. On a pompé l'eau des rivières qui l'alimentent pour la culture du coton – pensez-y, pensez à la mer d'Aral chaque fois que vous achetez un tee-shirt jetable. Il y a bien sûr aussi le changement climatique, qui perturbe le cycle des pluies, en volume (il pleut moins dans ces régions), mais aussi en termes de distribution au cours de l'année. « Si la précipitation est plus forte au printemps, elle va immédiatement être soumise à des températures de printemps et d’été qui sont plus importantes, et donc une partie significative de la précipitation va être rapidement reprise par l’évaporation. C’est l’eau qui s’évapore et le sel qui reste. Ce qui, dans le cas de la mer d’Aral, a conduit à une sorte de stérilisation : l’eau est devenue tellement salée que la vie n’en était plus possible », décrit Pierre Chevallier. Le réchauffement climatique agit aussi en amont, avec une baisse de la cryosphère : moins de glaces et de neiges en montagne, c'est moins d'eau dans les rivières qui alimentent les mers intérieures. Le lac Tchad va mieux À l'inverse, le lac Tchad, lui, se porte bien. Il se porte mieux alors qu’il avait presque 90 % de sa surface dans la deuxième moitié du XXe siècle, en raison de la sécheresse – le lac Tchad, comme la plupart des grands lacs africains, dépend surtout des aléas climatiques, de la pluviométrie. Aujourd'hui, dans la région, le changement climatique apporte beaucoup plus de pluies. « Les eaux de pluie sont déposées dans le lac Tchad par l’intermédiaire de deux fleuves. À partir des années 2010, la pluviométrie dans le Sahel est bonne. Les résultats des recherches qui ne sont pas encore publiés indiquent qu’en 2024 le lac Tchad a atteint environ 24 000 km2 », révèle Zakinet Dangbet, enseignant chercheur à l'université de N'Djamena. Le lac Tchad a quasiment retrouvé son niveau des années 1960, alors qu'il était tombé à 2 000 km2 au plus fort de la crise. Le changement climatique est parfois paradoxal.
Le géant américain de l'informatique arrête les mises à jour de sécurité de son système d'exploitation, avec 400 millions d'ordinateurs concernés et risquant de partir à la décharge ; un scandale économique et écologique. « Ils accompliront des choses que leurs parents n’auraient jamais imaginé, parce que tous ces enfants grandiront à l’ère de Windows 10. Le futur commence maintenant » : c’était en 2015. Microsoft lançait, à grand renfort de publicités, son nouveau système d’exploitation, Windows 10. Mais 10 ans plus tard, alors que les enfants ne sont peut-être pas encore tout à fait des adultes, le « futur » appartient déjà au passé. C’est en effet aujourd’hui que le géant de l’informatique américain arrête les mises à jour de sécurité de Windows 10, rendant les ordinateurs personnels encore plus vulnérables aux virus et cyberattaques. À force de pétitions et protestations, les consommateurs européens viennent d’obtenir un sursis d’un an ; Microsoft promet d’assurer des mises à jour, mais se garde bien d’en faire la publicité. Pour le reste du monde, il n’y a pas 36 solutions : il faut soit payer pour avoir des mises à jour de sécurité, soit passer à Windows 11. Mais de nombreux ordinateurs ne sont pas assez puissants, ce qui contraint leurs utilisateurs à acheter un nouveau PC. Les fabricants, évidemment, se frottent les mains. La planète, un peu moins. À lire aussiLa fin des mises à jour de sécurité de Windows 10, «un gaspillage écologique insoutenable» Jusqu'à 400 millions d'ordinateurs rendus obsolètes Les conséquences environnementales s’annoncent énormes, alors qu’on estime que jusqu’à 400 millions d'ordinateurs dans le monde sont concernés. « L’impact environnemental d’un ordinateur est lié à plus de 90 % à sa production, souligne Julie Caillard, chargée de plaidoyer de l’association française HOP, Halte à l’obsolescence programmée. Le renouvellement est une source d’impact très importante puisqu’il stimule la production de manière prématurée. Si on a un remplacement de ces 400 millions d’ordinateurs incompatibles, on pourrait avoir l’émission de plus de 70 millions de tonnes de CO2, ce qui est assez considérable et dont on pourrait se passer au vu de la situation actuelle. » L'émission de 70 millions de tonnes de CO2 serait comme si on brûlait plus de 100 millions de barils de pétrole. D’un point de vue juridique, au regard de la loi française, la fin de Windows 10 n’est pas considérée comme de l’obsolescence programmée, même si on s’en approche. L’obsolescence programmée est un concept presque aussi vieux que le capitalisme pour pousser à consommer, notamment des produits difficiles à réparer. « Ce sont des produits assez complexes, avec souvent beaucoup de pièces miniaturisées ; on se retrouve dépendant des constructeurs », relève Julie Caillard. Autre phénomène pointé du doigt : « l’obsolescence culturelle, ou l’obsolescence marketing, pour donner envie de la nouveauté. Acheter par exemple le nouvel aspirateur qui fait aussi serpillère plutôt que de conserver son vieux balai parce qu’il n’est pas à la mode et qu’il marcherait moins bien pour ramasser la poussière ! » Petites amendes, gros bénéfices Le phénomène de l’obsolescence programmée est particulièrement marqué dans le secteur du numérique, en particulier pour les téléphones. Plus de 700 millions de portables sont jetés chaque année dans le monde. La technique la plus répandue est la mise à jour qui rend obsolète votre téléphone qui marchait très bien juste avant, comme Apple l’avait fait juste avant le lancement de l’iPhone 8, en 2017. « Quand on a un iPhone qui se met à ne plus très bien fonctionner du jour au lendemain à cause d’une mise à jour, on va peut-être être poussé à acheter la dernière version alors qu’on aurait pu continuer avec son iPhone sans problème », rappelle Julie Caillard, de l'association HOP. Après la révélation de ce scandale, Apple avait été condamné en France à 25 millions d’euros d’amende. Une « douloureuse », vraiment ? Cette année-là, la firme américaine avait réalisé quelque 80 milliards d’euros de bénéfices.
Une espèce animale sur trois risque à terme de disparaître de la planète. Mais certaines politiques de conservation sont des succès, à l'image de la renaissance du tigre en Asie. Au Congrès mondial de la nature, qui s’ouvre aujourd’hui à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, va dévoiler sa nouvelle liste rouge des espèces menacées. Une liste publiée chaque année, et qui s'allonge chaque année. Mais dans un avenir (et même un présent) sombre pour la biodiversité, il y a toutefois quelques bonnes nouvelles, que symbolise un animal emblématique et charismatique : le tigre. Au début du XXe siècle, environ 100 000 tigres vivaient en Asie. Un siècle plus tard, on n’en comptait plus que 3 200, à cause de la chasse, du braconnage et de la disparition de son habitat naturel sous la pression humaine. Une hécatombe, et une espèce au bord de l'extinction. Mais aujourd'hui le tigre est un symbole de la résilience de la nature. Vivre avec le tigre Le tigre est la preuve que ce qu'on appelle les politiques de conservation peuvent réussir. En 2010, sous la pression d'ONG, notamment le WWF, le Fonds Mondial pour la nature, un Sommet du tigre est organisé à Saint-Pétersbourg, avec les 13 pays qui abritent le grand prédateur tigré : la Russie, l'Inde, la Chine ou encore le Népal. Avec un objectif, doubler la population des tigres en 12 ans – en 2022, c’était l’année du tigre dans le calendrier lunaire… En Thaïlande, le nombre de tigres a triplé en 20 ans. Au Kazakhstan, où le félin avait disparu depuis 70 ans, sa réintroduction est aussi un succès. Et en Inde, où vivent les trois quarts des tigres de la planète, la population a doublé en 12 ans. « On a fait cela en préservant des espaces dans lesquels le tigre peut vivre sans être tué, sans être affamé par le manque de nourriture, et par ailleurs où les gens peuvent vivre aussi sans se faire manger par le tigre, explique Yann Laurens, qui dirige le pôle Biodiversité terrestre du WWF France. On a donc mis en place des programmes dans lesquels on protège les populations locales, et d’autre part on fait en sorte que dans les forêts concernées il y ait du gibier dont le tigre a besoin pour manger. On lutte aussi contre le braconnage ». À lire aussiAu Népal, la population de tigres sauvages a presque triplé en douze ans Le retour du loup La cohabitation entre humains et animaux est l’une des clés de la réussite des politiques de conservation, alors que l'ONG Survival International dénonce régulièrement le déplacement de populations locales pour faire de la place au tigre. Conséquence de ces expulsions, les villageois deviennent hostiles au tigre, et complices des braconniers. Les activités humaines dans la nature doivent aussi être repensées. « Quand une espèce a disparu, quand un écosystème s’est dégradé, c’est parce que la manière de produire et de consommer, la manière d’élever le bétail, de semer, etc., a été modifié dans un sens qui va vers l’industrialisation. Conserver la nature, cela se fait avec des gens qui veulent bien travailler d’une manière qui va être favorable à la biodiversité », estime Yann Laurens. En France, la cohabitation humains-animaux est aussi l’enjeu de la présence du loup. Le prédateur avait été éradiqué au début du XXe siècle. Il y en a un millier aujourd'hui. Il n'a pas été réintroduit, il est revenu tout seul, en passant la frontière italienne. Une bonne nouvelle pour la biodiversité. Mais une source de conflits avec les éleveurs. Alors pour protéger le loup, il faut protéger les moutons. « On a mis en place des mesures pour permettre à l’élevage de cohabiter avec le loup, en améliorant la protection des troupeaux. On fait en sorte que le loup laisse les éleveurs tranquilles, pour que les éleveurs laissent le loup tranquille », résumé Yann Laurens, du WWF. Les activités humaines sont les premières responsables du recul de la biodiversité. Sauver des animaux, c'est aussi sauver notre humanité. À lire aussiFrance: le nouveau plan loup frustre les éleveurs et indigne les défenseurs de la nature
Les multinationales recherchent les « havres de pollution », des pays où les règles environnementales sont moins strictes. Main d'œuvre moins chère, droits des travailleurs très théoriques, fiscalité avantageuse… Ce sont quelques-unes des raisons pour lesquelles des entreprises choisissent de délocaliser leurs activités. Mais un autre phénomène joue dans les investissements directs à l'étranger (IDE). Des entreprises vont s'implanter dans ce qu'on appelle des havres de pollution, comme on parle de havre de paix ; un endroit « protégé » où on peut polluer en toute tranquillité. À lire aussiEnvironnement: l'ONU valide la création d'un «Giec» de la pollution chimique Ce phénomène a par exemple été observé en Amérique du Nord, quand les États-Unis ont mis en place le Clean Air Act, pour limiter la pollution et les émissions de CO2. « Des entreprises ont délocalisé au Mexique pour bénéficier d’une rigueur environnementale plus faible », raconte l'économiste français Raphaël Chiappini, professeur à l'université de Bordeaux, et co-auteur d'une étude qui confirme ce phénomène des havres de pollution. « C’est vraiment cela qu’on montre : les investissements directs à l'étranger sortant des pays riches tendent à se localiser dans les pays émergents à faible rigueur environnementale », résume-t-il. Des pays où non seulement la réglementation est moins stricte, mais où elle pourra aussi être contournée plus facilement. Paradis environnementaux Comme il y a des paradis fiscaux, pour échapper à une imposition plus lourde, il existe donc aussi des paradis environnementaux, pour échapper à des normes environnementales plus strictes. Le respect des règles ayant un coût pour les entreprises, certaines préfèrent, pour préserver leurs profits, aller polluer ailleurs, même si ce n'est pas l'unique motivation d'une délocalisation. « Il y a effectivement toute une batterie de déterminants des décisions de délocalisation des firmes multinationales, mais les politiques environnementales entrent en compte comme un facteur significatif. Pour autant, on ne voit pas aujourd’hui que c’est aujourd’hui un facteur plus important que le coût de la main d’œuvre », nuance Raphael Chiappini. La recherche des havres de pollution a deux conséquences pour les pays riches. Depuis les années 90, et l'essor de la mondialisation, les importations de biens polluants ont augmenté dans les pays développés. À l'inverse, une part de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans ces pays développés pourrait s’expliquer par la délocalisation d’activités polluantes. Les entreprises ne sont d'ailleurs pas obligées de s'implanter directement en utilisant des sous-traitants sur place. Taxe carbone Pour éviter ce phénomène des havres de pollution, l'Union européenne a mis en place une taxe carbone à ses frontières, qui va commencer à s'appliquer progressivement l'année prochaine. « La taxation carbone aux frontières peut permettre de corriger ces déséquilibres entre les délocalisations dans les pays émergents et la réimportation ensuite avec un contenu important de CO2. En taxant ce CO2 inclus dans les importations, cela peut gommer cette incitation des entreprises à se délocaliser dans les pays à politique environnementale plus laxiste », relève Raphael Chiappini. On pourrait aussi imaginer une harmonisation mondiale des normes environnementales – on pourrait rêver… À lire aussiLa Chine instaure une taxe sur la pollution industrielle



