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La fabrique des fake news
La fabrique des fake news
Author: RFI
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© France Médias Monde
Description
Plongée, cet été, chez les maîtres de l’« info bidon » et autres concepteurs de trolls informationnels. Avec nos reporters sur le terrain, immersion et compréhension de ce que sont les faux comptes internet à Bangui, ces fermes à trolls à Accra ou bien le jeu que joue la diaspora soudanaise dans la dissémination de fausse infos.
Diffusion du 29 juillet au 9 août du lundi au jeudi à 22h 52 et 7h 24 TU.
10 Episodes
Reverse
Notre série sur la fabrique fakes news nous emmène aujourd’hui en Amérique du Sud, sur les traces de Fernando Cerimedo… Cet Argentin de 43 ans se présente comme le nouveau consultant de la droite latino-américaine, mais s’est surtout fait remarquer pour les fakes news qu’il a diffusé lors des dernières élections en Argentine, au Chili et au Brésil. Son portrait, par Théo Conscience. Un mystère… Même pour les journalistes qui ont enquêté sur lui, Fernando Cerimedo reste insaisissable. « Il est apparu de manière presque fantomatique : il est sorti de nulle part, et il a réussi à s’installer sans qu’on sache grand-chose sur lui ». Ivan Ruiz appartient au Clip, le Centre latino-américain d’Investigation journalistique, qui a dirigé une enquête à laquelle ont participé des médias d’une quinzaine de pays sur celui qui se revendique comme le nouveau consultant de la droite latino-américaine. « Il est passé d’être employé d’une agence de publicité en 2018 à avoir quatre ans plus tard plusieurs entreprises qui emploient selon lui près de 200 personnes », dit-il.Un empire médiatique au service de la désinformationParmi ces entreprises, on trouve notamment une agence de publicité, une académie de marketing digital et politique, une entreprise de sécurité privée, et une trentaine de sites web, dont le média La Derecha Diario. « La Derecha Diario a clairement désinformé pendant les élections au Chili, en Argentine et au Brésil. À partir du suivi de tous les fakes news que nous vérifions, nous avons identifié ce média comme un désinformateur important ». Martin Slipczuk est coordinateur des éditions spéciales chez Chequeado, un média de fact-checking argentin qui a participé à l’enquête du Clip. Après avoir désinformé pendant la pandémie de Covid-19, Fernando Cerimedo se fait remarquer en 2020 en diffusant de fausses informations durant le processus référendaire au Chili. Mais son véritable coup d’éclat intervient lors de l’élection présidentielle brésilienne de 2022. « Beaucoup des émeutes pro-Bolsonaro qui ont eu lieu après l’élection ont été alimentées par des fausses informations diffusées par Cerimedo au sujet du système de vote et de supposées fraudes. La justice brésilienne enquête d’ailleurs actuellement sur le rôle qu’a joué Cerimedo ».L'ombre de Cerimedo plane sur la présidence de Javier MileiQuelques mois plus tard, alors que Fernando Cerimedo est désormais en charge de la communication de la campagne présidentielle de Javier Milei, le même narratif de la fraude électorale s’installe en Argentine observe Martin Slipczuk. « Des secteurs proches de Javier Milei ont commencé à remettre en cause le système électoral et à dénoncer des supposées fraudes. Il y a eu beaucoup de désinformation à ce sujet, mais ce discours n’est pas allé aussi loin qu’au Brésil ou aux États-Unis, certainement en raison du résultat des élections qui a donné Milei vainqueur ». Depuis l’élection de Javier Milei, l’ombre de Fernando Cerimedo continue de planer au-dessus du gouvernement argentin. Si lui-même n’occupe aucun poste officiel, le directeur de la communication digitale de la présidence, Juan Pablo Carreira, est l’un des fondateurs de la Derecha Diario. Selon la sociologue et spécialiste de la communication sur les réseaux sociaux Natalia Aruguete, son profil de troll, ou d’agitateur sur les réseaux sociaux est l’une des caractéristiques de l’équipe de communication de Javier Milei. « Carreira est un exemple, mais il a plusieurs autres jeunes influenceurs qui ont intégré l’équipe de communication du gouvernement, tout en conservant les pratiques qu’ils avaient auparavant ».Natalia Aruguete souligne qu’au-delà de la désinformation, ces influenceurs se caractérisent également par leur agressivité sur les réseaux sociaux et se coordonnent pour mener des campagnes de harcèlement destinées à amplifier les attaques contre les adversaires de Javier Milei.
Nouvel épisode de La fabrique des fake news, consacré à la désinformation partout dans le monde. Nous allons aujourd’hui en Centrafrique, qui fait face, ces dernières années, à une forte augmentation des campagnes de désinformation. Avec des milliers de faux profils, qui contribuent à la propagation de cette désinformation, ou à l'orchestration de conflits pour des intérêts politiques et géopolitiques. Alors pour les contrer, plusieurs cellules ont été créés. Elles sont constituées de journalistes, d'acteurs de la société civile, ou encore de chercheurs, qui se transforment en chasseurs de faux comptes et de fausses informations. Avec notre correspondant à Bangui, Rolf Steve Domia-leuDans cette grande salle du Consortium des journalistes centrafricains de lutte contre la désinformation, une dizaine de fact-checkeurs sont aux aguets. Chacun devant un ordinateur, se lance dans la détection et la chasse aux faux comptes. Ce matin, l'équipe est à la trousse d'une dizaine de comptes suspects qui ont émergé ces derniers temps. Concentré devant son écran d'ordinateur, Arsène Mosseavo, journaliste-fact-checkeur montre la procédure qu'il adopte. « Pour déceler un compte avatar, j'utilise plusieurs paramètres et mécanismes. Je prends l'exemple de Google image que nous utilisons. Si vous faites la vérification sur ce moteur de recherche, vous verrez clairement les images vraies et les fausses images. Ces derniers temps, nous constatons l'émergence des comptes avatars qui existent au profit de certains hommes politiques, de certaines représentations diplomatiques, de certaines organisations pour des questions d'intérêts, beaucoup plus pour nuire aux adversaires ou à des institutions internationales qui sont ici en Centrafrique », explique-t-il.En Centrafrique, les faux comptes sont utilisés par des acteurs malveillants afin de susciter anonymement des controverses sur divers sujets. Ils font subir aux victimes des atteintes à leur vie privée, des dommages à leur réputation et même des préjudices émotionnels. Les faux profils sont également utilisés à des fins d'arnaque, les victimes peuvent subir des pertes financières importantes. Dans le contexte actuel, le combat s'avère difficile mais les fact-checkeurs ne comptent pas baisser les bras. Et pour faciliter la tâche, ils collaborent avec les responsables des réseaux sociaux. « Pour lutter contre l'existence des faux comptes, le plus simple c'est aussi de les signaler. Parfois, ces gens se cachent derrière le profil d'une personnalité, pour faire croire que c'est son compte Facebook, alors que cette personne n'a pas un compte Facebook. Donc nous signalons ce genre de comptes après enquêtes afin qu'ils soient systématiquement supprimés ou bloqués », indique-t-il.Centrafrique-Check en première ligneOn dénombre aujourd'hui plusieurs milliers de faux comptes en Centrafrique. Centrafrique-check est une autre organisation qui lutte contre la désinformation et les faux comptes. C'est ici dans cette petite salle de 10m2 que les acteurs travaillent. Elle est équipée de quelques ordinateurs, une dizaine de chaises et deux tables. Sa directrice Line Britnay Ngalingno nous décrit les caractéristiques d'un faux compte. « Les faux comptes sont généralement des comptes falsifiés sur les réseaux sociaux contenant des fausses informations. Voici l'exemple d'un faux compte que nous avons décelé sur cet écran. On remarque toujours que la personne se fait passer pour quelqu'un d'autre pour arnaquer. Dans notre lutte, nous faisons face à deux types de faux comptes. Dans le premier cas, il y a ceux qui représentent une personne réelle et deuxièmement, il y a ceux qui représentent une personne fictive. Nous travaillons avec des moyens limités. Pour déceler ces comptes, nous développons toujours le doute et l'esprit critique vis-à-vis de certains comptes sur les réseaux sociaux. Nous nous posons la question de savoir : est-ce que la personne qui publie cette information est réelle ou fictive ? Autant de questions pour aboutir à la vérité. Les faux comptes que nous démasquons ont toujours une date de création récente. Ils n’ont pas assez d'actualités et pas beaucoup de photos ».Chaque fact-checkeur est attentif à certains signes et indices qui alertent sur l'existence d'un potentiel faux compte. « Il y a des logiciels qui permettent de détecter les faux comptes mais nous sommes loin d'avoir ces moyens. On fait avec les moyens du bord. Jusque-là, pour révéler l'identité d'une personne cachée derrière un faux compte, nous sommes obligés d'utiliser quelques indices. La première étape est d'examiner le profil d'utilisateur. C'est-à-dire, regarder attentivement le profil du compte. Parfois les personnes utilisent des photos ou des informations qui peuvent nous donner des indices sur leurs identités. Les faux comptes partagent toujours des informations similaires sur tous les réseaux sociaux. Nous essayons donc de les relier. Les faux comptes, il suffit d'une recherche minutieuse pour y faire un lien détaillé. D'autres indices : les faux comptes partagent des informations étranges ou encore des liens suspects. Ils écrivent toujours dans un style impersonnel », indique-t-elle.Un vide juridique déstabilisantMais dans ce pays de six millions d'habitants, l'utilisation d’internet n'est pas réglementée par la loi. Ce vide juridique selon Rosmon Zokouè, un expert de la lutte contre la désinformation, rend la mission des chasseurs de faux comptes plus difficile. « Le processus varie en fonction des lois et textes en vigueur de chaque pays. C'est toujours judicieux pour nous de respecter les lois sur la protection de la vie privée et les données personnelles lors de nos enquêtes. Dans certains cas, une autorisation du procureur est requise. Mais dans notre pays la République centrafricaine, on a encore des lacunes en matière de législation dans ce domaine. Néanmoins, nos actions ont aujourd'hui abouti à la fermeture de plusieurs comptes en lignes que nous ne pouvons pas en dire davantage ».À ce jour, une vingtaine de faux comptes ont été décelés par ces cellules. La justice a pris le relais et les enquêtes se poursuivent.À lire aussiCentrafrique: la désinformation sur les réseaux sociaux inquiète la société civile
Les pays baltes, dans le nord de l’Europe, se trouvent être la cible de campagnes de désinformation, principalement orchestrées par la Russie, voisine immédiate. Quel est le contenu de ces campagnes ? Comment est-il produit ? Notre correspondante à Vilnius nous livre quelques pistes de réponses. Dans les bureaux du département de communication stratégique de l’armée lituanienne, Ingrida passe sa journée les yeux rivés sur son ordinateur. Elle travaille comme analyste et traque les campagnes de désinformation qui ciblent la Lituanie. « Les propagandistes ont diffusé l’information via les réseaux sociaux, des faux documents et photos, il y avait des décrets officiels falsifiés qui ordonnaient l’envoi de soldats en Ukraine. Avec ces fausses informations, on cherche à distiller la peur et à provoquer la méfiance vis-à-vis des autorités locales. »Mais d’où viennent ces fausses informations ? Nerijus Maliukevicius est chercheur à l’université de Vilnius. Les fausses informations, c’est sa spécialité. « En 2005, on pouvait remarquer que certaines institutions de l’administration présidentielle sous Poutine étaient responsables, par exemple le département pour les liens culturels avec les pays voisins. On y développait la stratégie, les thèmes et même les outils. Ce département fournissait des articles gratuitement pour la presse en russe dans les pays baltes. Ainsi, une nouvelle réalité a été formée. »Utilisation de l'intelligence artificielleEnsuite, il y a eu l’étape des usines à trolls, ces lieux où les employés inondaient de commentaires pro-russes les publications en ligne. Désormais, l’intelligence artificielle alimente les faux comptes sur les réseaux sociaux. Janis Sarts dirige le centre d’excellence de l’Otan sur la communication stratégique en Lettonie. « Les autorités baltes sont très volontaires sur cette question, être un maillon de la diffusion de la propagande russe a des conséquences. C’est une des raisons à mon avis pour laquelle on ne trouve pas d’usines à trolls ici dans les pays baltes. »Pour limiter la diffusion, les États baltes ont aussi interdit la retransmission des chaines de télévision russes. Daniela Vukcevic travaille pour Debunk, une organisation lituanienne luttant contre les fausses informations. S’il est impossible de les désamorcer avant leur apparition, il n’existe qu’une solution : « Les mensonges circulent toujours plus vite que la vérité. L’éducation aux médias est essentielle et il faut que cela fasse partie des programmes scolaires. »Pour le chercheur Nerijus Maliukevicius, la question de la responsabilité n’est jamais soulevée. « Pourquoi les autorités ne pourraient-elles pas révéler, comme elles l’ont fait avant l’attaque russe sur l’Ukraine, en février 2022, comment ces opérations de désinformation sont menées ?, interroge-t-il. Je pense que nous sommes impliqués dans un nouveau type de guerre. »Une guerre que les pays baltes subissent depuis longtemps et qu’ils prennent très au sérieux.
Direction le Soudan du Sud, où les fausses informations circulent principalement sur les réseaux sociaux comme Facebook et WhatsApp. En lien avec des rumeurs, des préoccupations, des événements touchant les habitants du pays, les « fake news » et la désinformation prolifèrent au Soudan du Sud tout particulièrement lors des conflits qui secouent le plus jeune pays au monde. Ces « fake news » exploitent les tensions communautaires, surfent sur les rivalités politiques ou encore sur la suspicion à l’égard des ONG et de l’ONU. Elles sont souvent créées dans la diaspora et peuvent circuler jusqu’aux coins les plus reculés du pays, où l’accès à internet est quasi inexistant. En 2024 en effet, seulement 12,1% des 12 millions d’habitants que compte le Soudan du Sud sont connectés à internet. Les conflits communautaires au Soudan du Sud ont beau se dérouler dans des régions relativement coupées du monde, ils sont souvent visibles sur internet, notamment du fait d’une diaspora nombreuse et active, aux États-Unis, en Australie ou encore au Canada. Les créateurs de « fake news » profitent de ces moments de tension et d’inquiétude pour gagner des abonnés, mais aussi pour soutenir un « camp », à distance.C’est ce qui s’est passé depuis 2022 avec le conflit communautaire dans la région d’Abyei, située à la frontière avec le Soudan. L’Unisfa, la mission de l’ONU chargée de maintenir la paix à Abyei, a été la cible de « fake news » émanant notamment d’une page Facebook administrée depuis le Canada, l’accusant de soutenir et d'armer l’une des communautés en conflit. La mission a publié des communiqués à plusieurs reprises pour nier ces accusations, mais a dû imaginer d’autres méthodes pour communiquer avec une population locale peu connectée. « À Abyei, la désinformation, les "fake news" et les rumeurs se répandent rapidement par le bouche-à-oreille. Étant donné l’accès limité à internet, nous faisons en sorte de dialoguer directement avec les dirigeants, les membres de la communauté et les chefs traditionnels. Cela permet à l’Unisfa de contrecarrer directement les "fake news" », explique Antonette Miday, porte-parole de l’Unisfa.L'impact des « fake news » sur une population peu connectéeDans un pays comme le Soudan du Sud, où plus de 87% de la population n’a pas accès à internet, une fausse information publiée sur Facebook, par des créateurs de contenus vivant à des milliers de kilomètres, peut faire des ravages dans les zones les plus reculées du pays. Nelson Kwaje dirige Defyhatenow, une organisation qui lutte contre les discours de haine : « Dans les zones reculées, la radio est la principale source d’information. Ces radios sont généralement en langues vernaculaires et s’adressent à des communautés très homogènes, il y a un risque qu’elles transmettent des discours de haine et de la désinformation, surtout quand il y a des conflits. C’est d’autant plus dangereux que lorsqu’un présentateur radio dans ce genre d’endroit reçoit une fausse information et la relaie, il est très difficile de la rectifier une fois qu’elle se diffuse », indique-t-il.Former pour mieux lutter contre la désinformationLa lutte contre la désinformation est loin d'être gagnée, mais elle commence à porter ses fruits face aux « fake news » créées notamment depuis l’étranger, grâce à une politique active de formation. Jibi Moses est « fact-checker » au sein de 211 Check, la seule organisation qui lutte contre les « fake news » au Soudan du Sud. Il se félicite des progrès réalisés depuis l'époque de la guerre civile démarrée en 2013. « Quand la guerre a éclaté, certains en ont profité pour propager des discours de haine et des fausses infos sur Facebook. Cela a contribué à l’aggravation du conflit. C’était essentiellement depuis l’étranger, avec des pages Facebook créées à l’extérieur du pays. Ces pages étaient encore actives quand nous avons commencé à lutter contre les "fake news" en 2020, et à faire des formations. Maintenant, le public a commencé à ouvrir les yeux. Les gens ne prennent plus systématiquement au sérieux la désinformation émanant de ces pages ».Pour les « fact-checkeurs » de 211 Check, l’objectif est d’étendre leurs formations à la vérification de l’information aux zones reculées du Soudan du Sud, en priorité pour les présentateurs de radios locales, en prévision des élections prévues pour décembre, à l'occasion desquelles ils anticipent une prolifération de « fake news ».
Que se passe-t-il quand même les autorités ou les personnalités qui nous gouvernent commencent à véhiculer des infox, des contrevérités ? Aux États-Unis, depuis près de dix ans, les infox font partie du quotidien de la vie politique. Un homme en est notamment devenu le visage. Donald Trump, ancien président et à nouveau candidat pour la Maison Blanche, n'hésite pas à jouer avec la réalité quand elle ne correspond pas à ce qu’il veut. Et au sommet de l'État, cela n’est pas sans conséquence… C’est l’un des échanges cultes de la présidence de Donald Trump. Quand un journaliste lui demande : « Monsieur le président, après trois ans et demi, est-ce que vous regrettez les mensonges que vous avez dits ? », le président républicain fait mine d’ignorer la question du journaliste.À l’époque, le New York Times l’avait même surnommé « le menteur en chef » avec plus de 20 mille mensonges enregistrés durant son mandat. Un rythme de 23 contre-vérités par jour. Aujourd’hui en campagne pour un nouveau mandat, Donald Trump est resté fidèle à lui-même.« Quand je l’entends, j’éteins la télé »À New York, où les gens votent traditionnellement démocrate, le style du milliardaire lui vaut des critiques dans les rues de la ville... « C’est n’importe quoi… Je n’arrive pas à l’écouter, parce que ça n’en vaut pas du tout la peine » se désole une New-Yorkaise. Même son de cloche chez cet autre habitant de la Grosse pomme : « Quand je l’entends, j’éteins la télé. Mais les mensonges, c’est puissant. Tant qu’ils sont bien présentés, les gens y croient ».Mais les discours de Donald Trump, malgré les libertés qu’il se permet avec les faits, continuent de séduire des millions d’Américains, bien décidés à revoter pour lui.À lire aussiGhana: les fermes à trolls, un fléau russe et national« Les responsables comme Trump usent de leur statut de célébrité pour faire en sorte que les gens suivent ce qu’ils disent. Il peut dire n’importe quoi, les gens verront cela comme la vérité, peu importe si cette vérité est fondée ou pas sur des preuves » explique Michael Spikes, professeur à l’école de journalisme et de communication de l’université de Northwestern.Les infox, un phénomène exponentiel Pour ce spécialiste de la désinformation, si ces contrevérités sont aussi populaires et faciles d’accès, c’est, en partie, en raison des nouvelles façons de consommer l’information, notamment sur les réseaux sociaux… « Les gens sur ces plateformes peuvent diffuser toutes les informations qu’ils peuvent sans contrôle, sans qu’ils ne soient soumis à des règles de vérification ou des demandes de preuves » poursuit Michael Spikes.C’est ainsi que les théories complotistes les plus improbables finissent par être facilement adoptées par des millions de personnes. C’est le cas notamment de certaines déclarations de Donald Trump. « Prenez la fausse affirmation que l’élection de 2020 a été truquée. Répéter cette accusation encore et encore et encore crée ce qu’on appelle un effet de vérité illusoire. Ce qui fait que même si on vous dit voici la preuve que c’est faux, il est très difficile pour la personne de se sortir cette contrevérité de la tête », conclut le professeur.Selon une étude du MIT, les contrevérités se propagent dix fois plus vite que les vraies informations sur les réseaux sociaux aux États-Unis. Un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur et qui participe beaucoup à la polarisation de la société américaine.À lire aussiUSA 2024: la campagne présidentielle en musique
Au Cameroun, le boom des réseaux sociaux a engendré des centaines de blogueurs et autres influenceurs. Une bonne partie s’est lancée dans la fabrication d'infox dans le but d’attirer des followers. Leurs cibles sont généralement des personnalités publiques qu’ils livrent à leurs abonnés. Une pratique qui n’est pas sans conséquence pour les victimes. Reportage.
Tous les matins, cette semaine, RFI se penche sur la désinformation : ce fléau des infox qui, de par le monde, déferlent quotidiennement sur internet et les réseaux sociaux. Direction le Japon, aujourd'hui. Qui est très connecté, comme on le sait – aucun pays ne compte autant d'utilisateurs de X (anciennement Twitter) par tête d'habitant : ils sont plus de 50 millions dans l'archipel. Mais les études montrent que seuls 40% des Japonais prennent la peine de vérifier la source des informations qu'ils découvrent sur ces réseaux. Or, année après année, ils véhiculent de plus en plus de contrevérités. De notre correspondant à Tokyo,L'an dernier au Japon, 80 000 contenus problématiques diffusés sur les réseaux sociaux ont été signalés aux autorités. Plus de 200 par jour, donc.Il s'agissait soit de messages haineux, calomnieux ou diffamatoires, soit d' « infox » : des vidéos réalisées à l'aide de l'intelligence artificielle générative, par exemple, montrant des personnalités en train de dire n'importe quoi : leur prêtant des propos qu'elles n'ont jamais tenus. Cette désinformation propagée à longueur de journées par les réseaux sociaux inquiète 80% des sondés, à l'image de ces Tokyoïtes : « On lit vraiment n'importe quoi sur internet et les réseaux. Et puis, tous les jours, des gens y sont traînés dans la boue. C'est donc un déferlement à la fois de mensonges et de haine » se désole un homme.Un séisme interprété comme un essai nucléaireUn autre se désespère pour les générations futures : « Certaines fake news se veulent juste des blagues de potaches, mais on ne peut pas rire avec cela : c'est trop dangereux. Je m'inquiète particulièrement pour mes petits-enfants, car ils passent leur vie devant les écrans... »Lors de crises majeures, les propagateurs de fausses informations s'en donnent à cœur joie. On le vit encore en janvier dernier, quand un séisme de magnitude 7,6 dévasta la péninsule de Noto Hantô, sur la côte ouest, tuant plus de 300 personnes.À lire aussiGhana: les fermes à trolls, un fléau russe et nationalUne dizaine de milliers de messages ont alors attribué cette secousse à un essai nucléaire souterrain, qui aurait été pratiqué dans le plus grand secret. Pour le professeur Nishimura, qui enseigne à l'université de Kyoto, une telle théorie complotiste est absolument insensée : « Ce séisme s'est produit dans une zone située à une quinzaine de kilomètres sous la croute terrestre. Aucun être humain ne peut évidemment descendre à une telle profondeur pour y procéder à un essai nucléaire. En plus, l'énergie dégagée par cette secousse a été incomparablement plus forte que celle d'une détonation atomique : on ne peut pas du tout mettre cela sur le même pied. C'est donc de la désinformation pure et simple... »Des formations pour sensibiliser les écoliersLes messages véhiculant une telle élucubration n'en ont pas moins été lus plus de 8 millions de fois.Depuis, le gouvernement a annoncé qu'il allait serrer la vis. Il va exiger des opérateurs de réseaux sociaux qu'ils suppriment rapidement les contenus litigieux, voire suspendent les comptes des multirécidivistes de la désinformation ou de la diffamation.Le ministère de l'Éducation, lui aussi, se mobilise. À l'approche des grandes vacances – pendant lesquelles les jeunes Japonais passent encore plus de temps que d'habitude devant les écrans –, des formateurs spécialisés ont été envoyés dans les écoles pour sensibiliser les enfants aux contrevérités qui circulent sur les réseaux et leur donner des clés pour les débusquer.Cette écolière se félicite d'avoir bénéficié d'une telle formation : « Apprendre qu'il fallait autant se méfier de ce qu'on lit sur les réseaux m'a stressée, mais, en même temps, c'était bien utile : désormais, je suis beaucoup plus prudente ».Responsabiliser les jeunes est d'autant plus indispensable que 75% des Japonais âgés de moins de 25 ans disent de s'informer que via les réseaux sociaux.À lire aussiCorée du Sud: YouTube est le nouveau terrain des fake news dans un pays très méfiant des médias
À l’ère d’internet et des réseaux sociaux, un risque prévaut : les fake news, des fausses informations qui peuvent être produites et partagées en masse sur les réseaux sociaux. Ces opérations sont organisées dans des fermes à trolls, jargon pour des personnes payées pour créer des faux contenus. Une de ces fermes, au Ghana, a provoqué un scandale international lorsqu'une enquête du média américain CNN a révélé son existence en 2020 et son but : perturber les élections américaines. Des fermes à trolls qui existent encore aujourd’hui au Ghana, et qui font craindre un risque de déstabilisation du pays en décembre, lors des élections générales. Nous sommes en mars 2020 : face caméra, Clarissa Ward, journaliste américaine émérite, s’adresse aux téléspectateurs de CNN depuis l’aéroport d’Accra. « Depuis des mois, nous enquêtons sur un réseau de trolls, visant des citoyens afro-américains. Nous nous sommes donc rendus ici, au Ghana, pour essayer d’obtenir toute l’histoire ».Au total, l’enquête a révélé plus de 200 comptes Facebook, Instagram ou Twitter alimentés au Ghana, dans un seul but : déstabiliser les élections américaines opposant Joe Biden à Donald Trump. Le tout, sous couvert d’une ONG dont l’enquête de CNN a révélé des liens avec la Russie. Neuf mois plus tard, le média américain The Daily Beast a publié une nouvelle enquête sur une autre ferme à trolls, toujours au Ghana.« Il y a ce soi-disant consultant médiatique connu sous le nom de Caliwax media, explique le journaliste nigérian Philip Obaji Junior, à l’origine de l’article. Ce que j’ai découvert, c'est qu’ils utilisaient des articles commandés à des auteurs pour créer des messages WhatsApp, qu’ils envoyaient à des personnes aux États-Unis. »Le mode opératoire : de jeunes ghanéens sont recrutés pour écrire, parfois sans le savoir, des articles mensongers sur les États-Unis. Cela à partir de sources peu fiables, voire conspirationnistes, envoyées par des supérieurs presque anonymes. « Il y a très peu d’informations sur eux sur internet, à part le fait qu’ils ont fait leurs études en Russie et qu’ils parlent russe. On pouvait déduire qu’à la manière dont ils opéraient, ils suivaient un but précis : propager de la désinformation en faveur de la candidature de Donald Trump. »Pourquoi le Ghana ?Une question subsiste : pourquoi la Russie choisirait le Ghana comme base de ses campagnes de trolls ? Les explications du journaliste ghanéen spécialisé dans le fact-checking, Rabiu Alhassan. « Les difficultés économiques, un taux de chômage croissant de la jeunesse, une augmentation de l’accès à internet. Tous ces facteurs ont un rôle à jouer dans le fait que ces jeunes se laissent utiliser en ligne pour promouvoir ce genre d’activités qui peuvent être liées à la Russie. »Mais, les opérations de désinformation ne sont pas uniquement l’apanage de puissances extérieures. Selon Kwaku Krobea Asante, responsable éditorial du site Fact-Check Ghana, le pays d’Afrique de l’Ouest compte ses propres fermes à trolls. « Lorsque l’on regarde les acteurs clefs et les forces en présence dans la désinformation, on voit majoritairement des politiciens, des partis politiques, on voit le gouvernement, ainsi que ses institutions et agences qui jouent un rôle là-dedans ».Un risque pour les élections futuresUn phénomène déjà bien présent lors des élections générales du Ghana en 2020, mais qui risque de s’aggraver pour les prochaines, le 7 décembre 2024. Accès internet quasi généralisé, émergence de l’intelligence artificielle… Les conséquences pourront être lourdes. « Si la désinformation s’intègre trop profondément dans le processus, que tu gagnes les élections ou non, les gens penseront que tu n’as pas gagné de manière équitable. Le danger, c’est que cela peut provoquer une certaine violence, certaines perturbations, et affecter la stabilité du pays. »Lui et ses collègues de sites de vérifications de fausses nouvelles l’avouent : ils ne pourront lutter seuls face à la masse de désinformation. Contactée par RFI sur un éventuel plan d’action, l’autorité de cybersécurité du Ghana a quant à elle déclaré ne pas s’occuper directement des fermes à trolls.À lire aussiLutte contre la désinformation en Afrique de l’Ouest, des outils à disposition
En Corée du Sud, le phénomène de la désinformation se décline à travers YouTube. La plateforme de vidéo américaine est massivement utilisée au « pays du matin calme » et notamment pour des contenus politiques. Un véritable fléau dans un pays hyperconnecté et peu armé face aux fake news. De notre correspondant à Séoul,Il est 18 heures, heure de pointe du métro de Séoul. La plupart des passagers ont les yeux rivés sur leurs téléphones et regardent les informations. Mais sur les écrans, pas de journal télévisé : une personne ou deux devant une petite table et un micro, dans son salon. En Corée du Sud, les podcasts politiques d'information sur YouTube sont devenus une alternative plébiscitée. Un ton plus incisif, plus contestataire que les journalistes, qui connaît un franc succès.Mais la frontière entre information et mensonge est souvent fine. Jin Minjung est chercheuse au Centre de presse coréen et travaille sur les fake news et l'éducation aux médias en Corée. Elle nous explique comment ces podcasts sont devenus un canal de désinformation.« YouTube est massivement utilisé en Corée du Sud, 97 % des habitants disent regarder régulièrement du contenu sur la plateforme, explique-t-elle. Au-delà du divertissement, ils y regardent notamment des contenus politiques. Il y a énormément de vidéos et des podcasts traitant de l'actualité et qui diffusent des informations erronées, voire totalement fausses. Tous les bords politiques y ont recours, mais il existe certains réseaux de désinformation. L'extrême droite chrétienne, qui en plus a un bon écho auprès des seniors, est l'un de ces groupes importants diffusant des fausses informations anti-LGBT ou anti-immigration ».« La Corée du Sud est extrêmement vulnérable aux fausses informations »La Corée du Sud est l'un des pays avec le moins de confiance dans ses médias, un peu plus de 30 % des coréens disent croire les médias traditionnels, accusés de biais ou de mensonge. Nombreux sont ceux qui ont alors créé ou se sont tournés vers des médias alternatifs sur YouTube. Certaines chaînes ne comptent que quelques centaines de vues, d'autres en ont des centaines de milliers.« La Corée du Sud est extrêmement vulnérable aux fausses informations : presque tout le monde utilise internet. Avec un réseau aussi dense, les fake news se répandent très rapidement. Et comme l'éducation aux médias est encore très faible, que ce soit chez les plus jeunes ou les plus âgés, les gens ne font pas attention et ne sont pas critiques de ce qu'ils lisent ou regardent », raconte Jin Minjung.Un terreau propice aux fausses informations, le tout renforcé par le manque cruel de législation en la matière. En 2024, aucune loi ne condamne la propagation de fausses informations, sauf en période électorale.« Compte tenu de notre situation, il est inévitable de réguler et YouTube en premier lieu, opine la chercheuse. Il faut, comme en Europe, créer une loi qui demande la suppression des contenus nuisibles. Les médias ont aussi un rôle important dans la lutte contre les fake news. Lorsque je compare la France et la Corée du Sud par exemple, je remarque que les journalistes français sont attachés à la mission de service public de leur métier et on voit de nombreux services de fact-checking. Ce n'est pas du tout le cas en Corée. Il faut que le pays se dote d'un arsenal clair pour lutter contre la désinformation. »Lors des dernières élections législatives au mois d'avril, près de 400 personnes ont été interpellées pour diffusion de fausses informations.À lire aussiCorée du Sud: une épidémie de «deepfakes» fait rage avant les élections
Nouveau rendez-vous à présent sur RFI, consacré aux fake news sur le continent. Et pour ce premier épisode, nous allons au Sénégal. Comment se propagent les fausses informations ? Si elles ont toujours existé, leur diffusion s’est fortement accélérée, avec une nouvelle manière de consommer et de partager du contenu plus rapide sur les réseaux sociaux. Reportage de notre correspondante à Dakar,



