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Afrique, mémoires d'un continent
Afrique, mémoires d'un continent
Author: RFI
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© France Médias Monde
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Afrique, mémoires d'un continent explore l’histoire à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui. Autour d’Elgas, historiens, universitaires et spécialistes expliquent et racontent, sans tabous et à rebours des clichés, comment le passé éclaire le présent. Journaliste et coordinatrice : Delphine Michaud. Réalisation : Taguy M’Fah Traoré. *** Diffusions vers toutes cibles les dimanches à 08h10 TU et 22h10 TU (Heure de Paris = TU + 1 en hiver).
100 Episodes
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Direction le Maghreb ce dimanche. À Rabat, dans le royaume chérifien, berceau méconnu des aventures du panafricanisme au nord. À Alger, décrite comme La Mecque des révolutionnaires. Et bien sûr à Tunis, au pays de Carthage, à la pointe des révoltes portées par la culture et l’art. Trois destinations, à l’instar de Accra et Conakry, qui ont vu naître et s’élever les rêves panafricains à une époque où le Sahara n’était pas cette fracture imaginaire entre le nord et le sud du continent. Avec : - Paraska Tolan-Szkilnik, historienne, autrice de «Maghreb noir : Rabat, Alger et Tunis dans les luttes panafricaines» (éd. Ròt-Bò-Krik) - Seloua Luste Boulbina, philosophe, spécialiste des études postcoloniales, autrice de «Les Arabes peuvent-ils parler ?» (éd. Black Jack). ************************************* La mémoire du continent nous conduit au Maghreb, dans ces villes du nord de l’Afrique qui furent, des années 1950 aux années 1980, des foyers essentiels du panafricanisme. Rabat, Alger et Tunis, parfois perçues comme séparées du reste du continent par une frontière imaginaire, ont en réalité été des espaces de circulation intense. Malgré la barrière symbolique et politique que le colonialisme français avait érigée autour du Sahara, les idées, les militants et les artistes africains y ont trouvé des terrains d’échange et de solidarité. Rabat : un foyer intellectuel et révolutionnaire Rabat accueille une génération de militants luso-africains tels que Mario de Andrade, Amílcar Cabral ou Marcelino dos Santos. Sous le règne de Mohammed V, ils développent une conscience politique nourrie par la poésie, les débats marxistes et les formations militaires. La rencontre avec Frantz Fanon joue un rôle déterminant dans leur orientation révolutionnaire. La revue Souffles, créée par Abdellatif Laâbi, prolonge cet élan en devenant une plateforme panafricaine majeure. Elle ouvre ses pages à des voix, de Rabat à La Havane, et cherche à dépasser la négritude pour inventer de nouvelles voies culturelles. Sa disparition, sous la répression de Hassan II, marque un tournant et un affaiblissement de la dynamique révolutionnaire marocaine. À Alger, «la Mecque des révolutionnaires» Après Rabat, Alger devient le centre moteur du panafricanisme. Dans une Algérie fraîchement libérée de la colonisation, les luttes anti-impérialistes et les mouvements de libération trouvent soutien politique et logistique. Le festival panafricain de 1969 constitue un moment emblématique : musiciens, danseurs, cinéastes et penseurs y expriment une Afrique en renaissance, où la culture accompagne le combat politique. L’arrivée au pouvoir de Boumediene, renversant Ben Bella, reconfigure toutefois les équilibres idéologiques tout en maintenant une diplomatie panafricaniste active. Tunis, le cinéma comme langage panafricain Tunis joue également un rôle important grâce aux Journées cinématographiques de Carthage. Ce festival devient un lieu de rencontre privilégié pour les cinéastes africains, où le cinéma sert de vecteur de mémoire, d’engagement et d’imaginaire politique partagé. Rabat, Alger et Tunis démontrent que le nord du Sahara a porté des projets culturels, politiques et artistiques qui ont façonné les luttes africaines pour la liberté.
Le Soudan du Sud, 54ème pays d'Afrique et nation la plus jeune du monde, a rejoint la famille des Etats le 9 juillet 2011 avec les espoirs vifs et tout en liesse de survivre aux péripéties sanglantes de son histoire. Mais après la joie de l’autodétermination, le pays retrouve ses démons : conflits persistants autour du pétrole, passifs non soldés avec Khartoum, triple fracture religieuse, ethnique et coloniale. Et un fait demeure, le Soudan du Sud saigne. ********************************** Une naissance dans l’euphorie (2011) Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud célèbre son indépendance dans une atmosphère d’enthousiasme.Les habitants, longtemps opprimés au sein du Soudan, voient dans cette journée l’aboutissement de plus d’un demi-siècle de luttes, de guerres et de marginalisation.Le drapeau sud-soudanais est hissé, l’hymne national chanté, et le président Salva Kiir prend la parole devant une foule en liesse. La domination du Nord et la première guerre civile Après l’indépendance du Soudan (1956), le pouvoir était concentré entre les mains d’une élite arabophone et musulmane du Nord, provoquant frustrations et révoltes dans le Sud, majoritairement chrétien ou animiste. Cette situation mène à une première guerre civile dès 1955, close en 1972 par un accord d’autonomie fragile, vite remis en cause notamment après la découverte du pétrole. Rechute : la charia et l’émergence de John Garang En 1983, le président Nimeiry instaure la charia et le conflit reprend.Émerge alors la figure charismatique de John Garang, fondateur du SPLM/SPLA, qui devient le principal acteur du combat sudiste. Un nouveau coup d’État porte Omar el-Béchir au pouvoir en 1989, radicalisant encore le régime.La guerre s’étend, marquée par des massacres et l’ingérence de puissances régionales. Accords de 2005 Après de longues négociations, Nord et Sud signent en 2005 un accord prévoyant l’autodétermination dans les six ans.Mais John Garang meurt dans un accident d’hélicoptère la même année.Son successeur, Salva Kiir, mène le processus jusqu’au référendum d’indépendance en 2011. Après l’indépendance, la désillusion Très vite pourtant, l’espoir laisse place à la désillusion. L’État sud-soudanais, dépourvu d’institutions solides, est miné par la corruption, la rivalité entre Salva Kiir et son vice-président Riek Machar, et la lutte pour le contrôle du pétrole qui constitue 98 % des revenu. En 2013, ces tensions débouchent sur une guerre civile aux dimensions ethniques marquées, opposant Dinka et Nuer. Le conflit fait des centaines de milliers de morts et provoque d’immenses déplacements de population. Malgré un accord de paix signé en 2018, la stabilité reste précaire. Né dans l’enthousiasme, le Soudan du Sud demeure plongé dans une spirale de conflits et confronté à des défis politiques, économiques et sociaux considérables. ***************************** Programmation musicale : ► Heywete - Tesfa Maryam Kidane
Efunroye Tinubu fut une figure majeure du Nigeria du XIXᵉ siècle. Femme d’affaires redoutable, elle réussit à s’imposer dans un monde d’hommes et fit fortune dans le commerce, y compris celui des esclaves, avant de devenir une cheffe politique influente à Lagos et à Abeokuta. À une époque marquée par les bouleversements coloniaux et l’abolition progressive de la traite, Tinubu incarna à la fois la réussite, le pouvoir féminin et les contradictions de son temps. Héroïne pour certains, négrière pour d’autres, elle demeure l’un des visages les plus fascinants - et les plus ambigus - de l’histoire nigériane. Avec la participation de Sylvia Serbin, journaliste et historienne, autrice de « Reines d'Afrique et héroïnes de la diaspora noire » (éd. Sepia)
Qu’entend-on par les «pratiques de l’écrit» ? Elles désignent les usages de l’écrit de tous les jours, pour noter, consigner, mesurer, garder les traces d’une transaction… Écriture ordinaire ou utilitaire, ses enjeux n’en sont pas moins importants. Direction le Mali, plus précisément dans la région cotonnière de Fana, où un important programme d’alphabétisation a permis aux paysans de mieux gérer la production et les comptes, notamment grâce à la transcription de la pesée de l’«or blanc». L’écriture comme outil de confidentialité donc, mais aussi comme outil de comptabilité et de développement. Avec la participation de Aïssatou Mbodj-Pouye, anthropologue et autrice de «Le fil de l'écrit. Une anthropologie de l'alphabétisation au Mali» (ENS Éditions). ************************************************** Elgas : Bien sûr, les événements comme les états civils d'une certaine manière, les périodes importantes de la vie (baptême, naissance, mariage), sont régulièrement notés. Mais j'aimerais que vous nous décriviez une scène importante, c'est la pesée du coton, un temps fort de l'écriture. Pour quelles raisons ? Aïssatou Mbodj-Pouye : C'est un moment qui est lié à l'encadrement agricole, et c'est un moment crucial pour les producteurs de coton puisqu'une partie de leurs revenus annuels dépend du poids du coton qui est pesé et des calculs qui sont faits. Donc c'est un moment qui m'a intéressée par l'attention qu'y prêtaient les différents acteurs. Et ça me permet de revenir à mon idée initiale autour des pratiques de l'écrit et de l'importance d'y associer les personnes qui n'ont pas de compétences à l'écrit, puisqu'on pouvait voir des personnes très soucieuses de ce qui se jouait à ce moment-là se faire par exemple, remettre un bout de papier sur lequel figurait un chiffre, un document qu'ils pouvaient conserver, et puis plus tard, au moment où ils allaient être payés, qui pouvait leur servir de contrôle.
En 1958, Sékou Touré s’oppose au général De Gaulle. L’ancien syndicaliste mène la fronde anticoloniale et son pays, la Guinée, embrasse la liberté. Les Français partent. Il devient un héros national et continental, le pays attire les convoitises, on s’y presse pour participer à l’élan. Mais au pouvoir, Ahmed Sékou Touré changera, vite, de héros à tyran. Sous son règne, un trésor pour les chercheurs, les archives de la Révolution : textes, littératures d’Etat, journaux… Il faut éduquer le peuple. Avec la participation de Elara Bertho, agrégée en Lettres modernes, chargée de recherches au CNRS, au sein du Laboratoire Les Afriques dans le monde, autrice de «Conakry. Une utopie panafricaine - Récits et contre-récits 1958-1984» (éd. CNRS). ******************************************************** Elgas : Avant la révolution, les écrits sont là pour dire le désir de libération. La presse et les revues sont l'épicentre du bouillonnement intellectuel où les aspirants écrivains, journalistes, activistes font leurs classes. L'écrit est une arme anticoloniale et il sera décisif dans la marche pour l'indépendance, même si toute la production reste liée à l'Empire. C'est dans ce contexte que vous nous replongez, vous ressortez des tiroirs poussiéreux des trésors de cette période. Qu'est-ce qui explique ce foisonnement d'écrits et pourriez-vous nous faire la cartographie de ces années 50 ? Elara Bertho : Je repars des années qui précèdent l'indépendance, on a tous en tête que Ahmed Sékou Touré aurait été un homme seul. En réalité, il fait partie d'une constellation de journalistes ou de jeunes qui commencent à prendre la plume à l'intérieur de la presse coloniale publiée en Guinée. Et ils revendiquent les mêmes droits et les mêmes devoirs dans une possibilité d'une union française. En réalité, ils ne demandent pas tout de suite l'indépendance. Ils commencent à demander les mêmes droits et les mêmes devoirs dans ce qui pourrait être appelé une logique d'assimilation. Et l'un d'entre eux, par exemple, Mamadou Traoré, qui prendra que le nom de plume de Ray Autra, a une plume absolument délicieuse. En faisant des jeux de mots, en dénonçant comment la colonisation au quotidien dysfonctionne. Ces petites pépites satiristes vont parsemer la presse coloniale. Et plus tard, il va demander beaucoup plus frontalement que la France soit mise face à ses responsabilités, c'est-à-dire qu'elle assume ce discours civilisationnel qu'elle promet par ailleurs.
La mémoire du continent vous plonge au cœur de la Seconde Guerre mondiale dont l’apogée sera le largage de deux bombes atomiques sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki. Ce que l’on sait moins, c’est que pour fabriquer ces bombes, l’Afrique sera mise à contribution, puisque l’uranium nécessaire à leur production sera extrait de la mine de Shinkolobwe, au Katanga, en République démocratique du Congo. Retour sur la rencontre entre l’histoire de l’atome et l’histoire coloniale. Avec la participation de l’écrivain congolais Blaise Ndala, auteur de « L’équation avant la nuit » (éd. Lattès). ****************************** Elgas : On voit qu'il existe des sites un peu partout dans le monde. Mais ce qui fait l'unicité de l'uranium du Katanga, c'est sa qualité... Blaise Ndala : Oui c'est sa grande qualité. Les États-Unis ne sont pas dépourvus totalement d'uranium. Ils en ont, mais en qualité pauvre. Einstein le mentionne d'ailleurs dans une lettre. Il dit que le meilleur uranium, «c'est celui que vous trouverez au Katanga». Donc à partir de là, les Américains se rendent compte qu'il va falloir se rattraper et donc ils recherchent le patron de l'Union minière pour prendre langue avec lui. Et après, ils comprennent qu'en fait, s'ils veulent mener un projet aussi gigantesque que celui-là et rattraper les douze mois de retard qui les séparent du programme que mène Heisenberg, il faut qu'ils aillent à la source, donc qu'ils fassent le déplacement vers le Katanga et qu'ils exploitent directement la mine et fassent revenir ce qu'il faut en tirer aux États-Unis.
La mémoire du continent a pris ses quartiers à Blois, à l’occasion de la 28ème édition des Rendez-vous de l’histoire, pour tenter de comprendre comment est enseigné le fait colonial en France à l’heure d’une forte exigence d’inclusion. Quelle est la place de l’école dans les sujets post-coloniaux ? Comment s’incarne le récit de glorification colonial dès la IIIème République ? Quels programmes scolaires aujourd’hui ? Avec la participation de Laurence De Cock, historienne, chargée de cours en didactique de l’histoire et sociologie du curriculum à l’Université de Paris, spécialiste de l’histoire de l’éducation et de l’école.
Doit-on s’excuser de la colonisation ? De l’esclavage aux décolonisations, des guerres et crimes coloniaux, de l’expropriation et des dominations multiformes aux survivances de cet écosystème colonial aujourd’hui, comment créer un horizon commun pour apaiser les mémoires ? Les puissances coloniales sont-elles prêtes, enclines à présenter leurs excuses ? À des réparations financières ? Que demandent les ex-colonisés ? Quel état des lieux dans la reconnaissance de la colonisation aujourd’hui ? Avec la participation de : - Pascal Blanchard, historien spécialiste du fait colonial et de l’histoire des immigrations, co-auteur de « Doit-on s’excuser de la colonisation ? » (éd. Desclée de Brouwer) - Chikouna Cissé, historien de la migration, maître de conférences en Histoire de l'Afrique à l'Université Félix Houphouët Boigny d'Abidjan. ******************************** Elgas : Pourquoi les pouvoirs successifs semblent tétanisés à l'idée de rétablir la vérité ? Pascal Blanchard : Parce que la vérité fait peur. Dire que la République a colonisé, a dominé, a tué, a réprimé, a empêché la liberté, a empêché l'autre d'être son égal, et a fabriqué par le droit de la distinction en fonction d'une couleur de peau, a autorisé le pillage, le viol et la domination... Par définition, personne n'a envie de l'entendre. Personne n'a envie d'entendre que son histoire a été maculée de sang. Personne n'a envie d'entendre qu'ils ont été du mauvais côté de l'histoire. Personne n'a envie de dire que la France, pour être «grande», a dû réduire les autres à n'être rien. Personne n'a envie d'entendre ce récit-là. On a envie d'entendre que cet empire colonial sur lequel le soleil ne se couchait jamais, c'était la grandeur. Et c'était le moment où la France était à son apogée. C'est ça que les gens ont envie d'entendre.
La mémoire du continent vous raconte le tragique massacre du 28 septembre 2009 à Conakry, en Guinée. 156 morts, des centaines de femmes violées, un millier de blessés. À la tête de l’État, un jeune capitaine qui s’est invité au pouvoir quelques mois plus tôt, Moussa Dadis Camara. Quinze ans après la tragédie, un procès s’est tenu. Près de deux ans d’audience, temps fort de la mémoire et du devoir de justice. Un verdict historique, avant un goût d’inachevé.
Direction le Burkina Faso où, en pleine période d’effervescence post-indépendances, le monde de l’art se rebiffe et le cinéma se fraie un chemin. En 1969, un petit noyau de cinéphiles, organisés en cinéclub, bientôt rejoints par des acteurs culturels décidés et des cinéastes, font naître l’idée d’une semaine du cinéma africain. Semaine qui deviendra dès 1972 le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, le FESPACO. Avec notre invité Aboubacar Demba Cissokho, journaliste et critique de cinéma, auteur de « Fespaco : Par-delà les écrans » (éd. Baobab). ********************************** Elgas : Vous mentionnez Thomas Sankara dans votre livre. Il y a une très belle place. On sent d'ailleurs votre admiration pour son legs et sa vision, au moins pour la question des arts. Que représente-t-il pour ce festival ? Aboubacar Demba Cissokho : Il représente beaucoup de choses. Il a installé dans la conscience des Burkinabé, puis des amateurs et des professionnels du cinéma, l'idée que leur travail artistique est important dans l'entreprise globale qu'est la promotion de la culture. Et cette conscience est toujours là malgré les vicissitudes, les soubresauts sociopolitiques, les difficultés économiques, cette conscience que l'art et la culture sont importants dans la représentation, l'image que se donne un peuple, l'image qu'il se donne à lui-même et l'image qu'il donne à l'extérieur. Et ce que Sankara a ajouté aussi, c'est la dimension panafricaine. C'était inscrit, mais Sankara lui a donné corps. En 1984, il est allé à l'Assemblée générale des Nations unies. Il lui a prononcé un discours et en marge de cette assemblée générale, il est allé à Harlem. Il a rencontré la communauté africaine américaine. À l'époque, on ne disait plus afro-américaine. Et il a pris conscience qu'il fallait intégrer la diaspora, lui donner une place au Fespaco. D'où la création du prix Paul Robeson, prix de la diaspora qui récompense les cinéastes en 1985. Et ce prix existe toujours. Un troisième élément, c'est la proximité que Sankara a créée entre les élites et le public. Lui-même se déplaçait, rencontrait les cinéastes, les artistes, les recevait, invitait ses amis. Et donc ces trois dimensions-là ont fait que sa place est toujours évoquée quand on parle de l'histoire du Fespaco.
Les courants du monde nous mènent ce dimanche entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle sur les traces d’un savant, d’un lettré, d’un voyageur en perpétuelle quête de savoirs. Il s’appelle al-Hajj Musa ibn Hissein, et on le suit de Bursari, terre de sa naissance, à Zinder, Benghazi, Jérusalem ou encore au Caire. En Égypte, il fera la rencontre d’un linguiste allemand, Rudolf Prietze, auquel il confie sous formes orales et écrites un impressionnant corpus en kanouri et en haoussa. Avec la participation de : - Camille Lefebvre, historienne, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences sociales) - Ari Awagana, linguiste, maître de conférences en Langues et Linguistiques africaines à l’Université de Leipzig Auteurs de «L'œuvre en kanouri d’al-Hajj Musa ibn Hissein, un savant du Borno».
La Françafrique, une entité opaque qui a manœuvré dans les coulisses pendant longtemps pour donner un sursis à la colonisation. Et dans la galaxie de cette nébuleuse, des mercenaires, des affairistes, et des hommes politiques. Parmi ces théoriciens, un homme au rôle central, mêlé pendant près de 50 ans à toutes les pages sombres de cette histoire : il s'appelle François Mitterrand. Avec la participation de Thomas Deltombe, journaliste, éditeur, essayiste, auteur de «L'Afrique d'abord ! Quand François Mitterrand voulait sauver l'Empire français» (éd. La Découverte). ***************************************** Elgas : Certains journalistes ont révélé la jeunesse vichyste du président Mitterrand, tache indélébile à l'honneur qu'il s'efforcera de minimiser pendant son ascension politique. À mesure qu'il avance, l'Afrique sera un continent où il jouera un grand rôle dans l'ombre et dans la lumière, avec une fascination pour la colonisation qu'il voudra maintenir coûte que coûte, moyennant même des réformes dans le style de Jacques Foccart. Partir pour mieux rester. Et il en sera un acteur et un théoricien. Thomas Deltombe, comment est née cette passion, j'allais dire triste passion, de François Mitterrand pour le continent africain ? Thomas Deltombe : À mon avis, il y a deux raisons. Il y a une raison idéologique, c'est un nationaliste. Vous avez cité un certain nombre d'enquêteurs qui n'ont pas véritablement révélé son passé nationaliste, mais qui l'ont documenté, disons, très précisément. On pourra y revenir parce qu'en réalité, l'Afrique fait revenir la question de Vichy à un moment très tôt dans sa carrière. Donc il y a ce nationalisme. Il veut défendre la grandeur de la France et il ne le cache pas, il le dit clairement. Et pour défendre la grandeur de la France, il faut selon lui défendre la présence française en Afrique. Donc ça, c'est vraiment un des piliers. Et le second pilier est plus cynique, ou en tout cas plus personnel. C'est simplement qu'il a compris assez tôt, dès la fin des années 40, quel profit il pouvait tirer de son investissement personnel sur les questions africaines dans le jeu complexe de la vie politique de la IVème République. Il avait compris que là, il y avait peut-être une carte à jouer. Et donc les deux ensembles, la grandeur de la France et sa grandeur personnelle se sont conjugués pour qu'il mette l'Afrique au centre de ses préoccupations. D'où le titre du livre L'Afrique d'abord, qui n'est pas de mon fait, mais qui est une expression qu'il utilise lui-même à plusieurs reprises.
La mémoire du continent vous emmène sur la façade atlantique de l’Afrique au XIVe siècle. Royaumes, empires, cités-États y ont prospéré avec des savoir-faire, des cultures, des organisations sociales tout à fait conséquents. Et pourtant, à partir du XIVe siècle, un processus s’enclenche avant l’arrivée des Portugais : le dépeuplement. Comment les historiens justifient-ils cette tension démographique, « grande transition » qui a abouti à la désertification d’importants sites d’habitat ? Avec la participation de Gérard Chouin, historien, affilié à l’IMAF (Institut des mondes africains), auteur de l’article L’ouverture atlantique de l’Afrique. ************************************* Elgas : Gérard Chouin, la traite a-t-elle pu, d'une certaine manière, exploiter des réseaux préexistants ? C'est ce que vous appelez dans votre article « nouvelles frontières d'opportunité ». En d'autres termes, comment ce trafic d'êtres exploite des facteurs qui étaient déjà en pleine mutation ? Gérard Chouin : Ce que j'appelle « nouvelles frontières d'opportunité », c'est le fait que ce golfe de Guinée qui était à l'extrémité des grandes routes de commerce pendant des centaines d'années se retrouve brutalement être une nouvelle frontière commerciale où arrivent des biens qui jusqu'à présent arrivaient au compte-goutte depuis le Sahel. Donc ça, c'est une chose. Ensuite, pour ce qui est du commerce des hommes et des femmes, c'est un état de fait qui existe déjà dans ces états côtiers avant l'ouverture des Européens. La preuve étant que, avant même la découverte de l'Amérique et donc les flux de captifs africains vers le continent américain, nous avons un flux qui vient du Bénin, donc du royaume du Bénin dans le Nigeria actuel vers Elmina. C'est-à-dire que les Portugais font un commerce, un trafic d'êtres humains entre le royaume du Bénin et Elmina, où des captifs sont exportés par le royaume du Bénin en échange d'or. Donc, on voit bien que déjà au XVe siècle, avant même l'ouverture américaine de l'Atlantique, vous avez une demande sur la côte de l'or pour des êtres humains à échanger contre de l'or, dans ce cas de figure [...] La traite existe donc depuis l'ouverture du commerce atlantique. Mais lorsque vous regardez la courbe du nombre de personnes exportées via l'Atlantique, vous vous rendez compte qu'à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, ma courbe prend une forme extravagante, l'augmentation est sidérante. Programmation musicale : Manden Mandinkadenou (Chant de griot)
La mémoire du continent revient sur un événement marquant du Moyen-Orient, un moment clé du XXe siècle, l’assassinat du président égyptien Anouar el-Sadate, le 6 octobre 1981. Héros de la guerre du Kippour, artisan des accords de Camp David et prix Nobel de la paix, Sadate a marqué l’histoire par ses choix audacieux et controversés. Sa politique d’ouverture et de paix avec Israël, saluée sur la scène internationale, suscita en Égypte et dans le monde arabe de profondes divisions qui aboutiront à son assassinat en direct, en plein défilé militaire au Caire. Comment expliquer cet acte ? Quel était le contexte politique de l’époque et quelles répercussions dans la région ?
La mémoire du continent revient ce dimanche sur l’expansion jihadiste au Mozambique. Depuis 2017, la province de Cabo Delgado, au nord du pays et bordée par l’océan Indien, est le théâtre d’attaques meurtrières et de déplacements massifs. Qui sont ces groupes armés jihadistes ? Quelles idéologies les motivent ? Qui les forme et quels réseaux les financent ? Avec Régio Conrado, docteur en science politique, et professeur de science politique et de philosophie à l’université Eduardo Mondlane de Maputo, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde et au centre d’études africaines-Leiden *************************************** Elgas : Pouvez-vous nous rappeler ce qui s'est passé à Palma ? Comment les populations ont ressenti cette attaque ? Régio Conrado : C'est d'abord une attaque très violente, bien organisée, bien structurée. Cette attaque a montré aussi que ces groupes étaient bien ancrés, ils connaissaient profondément la région. Ce ne fut pas nécessairement une surprise pour une partie de la population, parce qu'ils avaient déjà eu quelques réticences dues à la présence de gens qui avaient des pratiques religieuses musulmanes particulières, des pratiques qui n'étaient pas courantes dans la région. Il y a effectivement eu une présence beaucoup plus accrue d'étrangers qui avaient une perception beaucoup plus conservatrice de la religion musulmane. Après, il faut aussi ajouter que du point de vue national, c'est effectivement la première fois qu'on a eu à faire à un phénomène qu'on pensait très loin de nous, parce que depuis plusieurs siècles, au Mozambique, on pratique une religion musulmane qui est beaucoup plus tolérante, beaucoup plus ouverte, beaucoup plus tranquille...
Connaissez-vous le colonialisme vert ? Il vante un Éden africain, paradis perdu, paysages intemporels et inviolés aux splendeurs de carte postale dont il faudrait prendre soin, quitte à le faire contre les Africains eux-mêmes, inconscients des offrandes de la nature. Projets spéciaux de parcs en Afrique, déguerpissement des populations pour donner vie à ces projets, triste peinture des autochtones comme dangers contre leur propre terre, culte d’un exotisme sur la base de la science, de protection de l’environnement, ce sont là les expressions du colonialisme vert que décrit notre invité, l’historien Guillaume Blanc. Avec la participation de Guillaume Blanc, historien, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Rennes, auteur de L’invention du colonialisme vert (éd. Flammarion). ****************************** Elgas : L'idée que l'Afrique est le dernier refuge de la nature sauvage n'a rien d'un fait évident, gratuit, naturel. C'est une construction, écrivez-vous. Comment justement cette représentation a-t-elle été construite ? Avec quel renfort de science et avec quels acteurs ? Guillaume Blanc : C'est là que c'est difficile à entendre généralement. Les scientifiques ont moins travaillé sur la base de faits scientifiques que de croyances. Je donne un exemple qui est peut-être le plus connu, celui du mythe de la forêt primaire d'Afrique. Il faut s'interroger sur le mot... D'où viennent les forêts primaires ? On a d'abord des botanistes, des forestiers, français puis britanniques, qui arrivent dès la fin du XIXe siècle. Et ils vont croire que les villages entourés d'une ceinture forestière, d'une maigre ceinture, sont produits d'une vaste forêt dense, vierge, et que plus il y aurait de population et plus la forêt aurait disparu. Mais en fait, ils lisent l'écologie à l'envers. En réalité, dans les écologies semi-arides, on avait d'abord de la savane, et plus il y a eu de gens, plus ils ont fertilisé les sols jusqu'à se doter d'une couverture forestière, jamais abondante, mais jamais épuisée. Le mythe de la forêt primaire naît au début du XXe siècle et il va perdurer jusqu'à aujourd'hui. Programmation musicale : Embuwa Bey Lamitu, de Hailu Mergia & Dahlak Band.
Héritage, mariage, divorce, garde des enfants, droits et devoirs dans la filiation, relations des hommes et des femmes, hiérarchie des responsabilités et tutelle de la femme... Elgas vous raconte l'histoire de la Moudawana, le code de la famille au Maroc. Sujet sensible, objet de passions, de requêtes successives, elle a été au centre des intérêts tant elle régit la vie de la société marocaine dans ses recoins les plus intimes, les plus politiques, les plus philosophiques et religieux. Avec la participation de Nouzha Guessous, chercheuse en droits des femmes et bioéthique, membre de la Commission royale consultative chargée de la révision de la Moudawana, auteure de « Une femme au pays des fouqaha, l’appel du houdhoud » (éd. La croisée des chemins). ************************************** Elgas : Avant 1958 et la naissance officielle et formelle de la Moudawana, qu'est-ce qui régissait la vie en famille, le statut personnel au royaume du Maroc ? Nouzha Guessous : Avant 1958 et plus précisément avant 1956, la date de l'indépendance, c'était ce qu'on appelle le Fiqh. C'était le Fiqh qui régissait la vie en communauté tout comme la vie dans la famille au Maroc. C'est quoi le Fiqh ? C'est un ensemble d'avis qui régissent aussi bien le cultuel que le relationnel, et qui régissent aussi le relationnel aussi bien sur le plan interpersonnel, familial et sociétal ; des avis qui sont issus de compréhension et d'interprétations temporelles des messages du Coran d'une part, et aussi de tous les dires et actes du Prophète qui ont été en fait émis par des théologiens qui étaient en même temps des jurisconsultes. Ce sont des avis divers, parfois antagonistes, qui montrent d'abord que la pensée islamique a été l'objet d'un dialogue, de débats qui ont abouti à des divisions après la mort du Prophète. Et donc ce sont les divisions qu'on connait, entre les sunnites et les chiites, mais même au sein des sunnites et au sein des chiites, il y a des écoles de Fiqh qui sont différentes. Donc voilà ce sont des avis liés à des compréhensions temporelles qui sont, bien entendu, influencées par le concept et que l'on a malheureusement à tort qualifié de droit islamique, alors que ce n'est pas un droit, et que l'on met dans le concept valise de charia.
Milton Obote, Julius Nyerere, Mwai Kibaki ou encore Ngugi wa Thiong’o… Tous ont en commun d’avoir fréquenté l’Université de Makerere de Kampala, en Ouganda. Dans cet imposant bâtiment à la façade blanche et aux fenêtres bleues, coiffé d’une horloge, dans la plus pure tradition architecturale britannique, une élite est formée. Une élite qui devient la locomotive de la contestation coloniale et l’avant-garde de la décolonisation et des indépendances. Afrique, mémoires d’un continent vous raconte l’histoire d’un pays, l'Ouganda, d’une région, d’une génération de leaders africains à travers les bancs d’une université historique. Avec la participation de Florence Brisset-Foucault, maîtresse de conférence en Science politique à La Sorbonne et chercheuse affiliée à l’Institut des mondes africains (IMAF). ******************************************************* Elgas : Pourquoi en 1922 l'Empire britannique fonde-t-il cet établissement ? Florence Brisset-Foucault : Oui, on vient de fêter le centenaire de cette université en 1922. La décision de la part des autorités coloniales de créer cette université n'a rien à voir avec une ouverture d'esprit vers les populations africaines ou un souci philanthropique. C'est plutôt un souci pragmatique face à l'initiative d'un petit nombre de chefs africains ougandais d'envoyer leurs enfants étudier en Grande-Bretagne. Et à ce moment-là, face à cela, naît une préoccupation de la part des autorités coloniales d'éviter qu'il y ait un éparpillement des sujets coloniaux à travers la planète et d'éviter d'exposer, comme ils disent, des esprits africains à des influences politiques qui seraient susceptibles de remettre en cause leur hégémonie politique et culturelle dans l'Empire. Ils étaient particulièrement préoccupés de la possibilité pour des Africains d'aller étudier dans les collèges noirs américains et justement de se frotter à des idéologies de contestation qui pourraient venir des États-Unis.
La mémoire du continent vous emmène à Bamako, la capitale malienne. La tradition orale et de nombreux écrits anciens attribuent la fondation de cette cité, ville-carrefour, à trois familles : les Niaré, les Touré et les Dravé. Alliances matrimoniales, complémentarité entre chefferies politiques, élans religieux et savoirs coutumiers… Qui sont ces « familles fondatrices » de Bamako ? D’où viennent-elles ? Quelle a été leur attitude à l’égard des pouvoirs, des colons d’abord, et dans le Mali indépendant ? Avec la participation de : Bokar Sangaré, politiste, chercheur en science politique à l’université libre de Bruxelles, auteur de Les familles fondatrices de Bamako. Une histoire de l’Etat au Mali (éd. Presses universitaires du Sahel). ************************************************* Programmation musicale : Yere Faga, de Oumou Sangaré ft Tony Allen
La mémoire du continent vous raconte un siècle de combats de femmes africaines pour leurs droits. Nombreuses et déterminées, elles ont ferraillé dans un contexte colonial contre un double ennemi : le patriarcat et le système colonial et sa domination. Quelles formes de luttes, antérieures à la colonisation, menèrent les Africaines ? À rebours d’un récit peuplé d’idées reçues sur un féminisme africain qui serait importé, point historique ce dimanche sur ces batailles contre la domination et l’assignation et sur nombres de figures et d’icônes qui invalident ces on-dit. Avec la participation de : - Madina Thiam, historienne, professeure adjointe à l’Université de New York - Pascale Barthélémy, historienne, directrice d'études à l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales), membre de l'Institut des mondes africains, auteure de « Sororité et colonialisme » (éd. La Sorbonne). ************************************************ Elgas : Je souhaiterais parler d'un terme, un terme qui paraît évident aujourd'hui mais dont les premières mentions dans l'histoire sont finalement assez récentes. C'est le mot féminisme. Que pourrait-on déconstruire autour de ce mot ? Pascale Barthélémy : Alors je crois que déjà, il faut dire qu'on ne parle plus du féminisme mais des féminismes. Donc ça c'est une première chose. C'est-à-dire qu'on reconnaît aujourd'hui dans l'ensemble des sciences sociales la pluralité des formes de luttes de femmes, en fait. Alors des luttes de femmes qui peuvent prendre plusieurs dimensions, luttes pour les droits, luttes pour la visibilité, luttes pour la reconnaissance de leur existence dans les sociétés. Et donc je partage avec Madina Thiam l'idée de la nécessité de réhabiliter la place des femmes dans l'histoire des sociétés africaines. Même si le mot «matriarcat» renvoie à l'idée que les femmes auraient eu le pouvoir par rapport au patriarcat. Les deux mots sont en miroir, et ça je crois qu'on peut dire que ça n'est jamais vrai dans une société humaine. En revanche, que des femmes aient eu du pouvoir à un moment, une influence, qu'elles aient pu négocier de l'autonomie et que certaines aient pu même être des reines, des femmes économiquement très puissantes, c'est une évidence. Mais le féminisme, c'est un mot piégé parce qu'il est connoté péjorativement comme étant une importation occidentale. Mais je crois qu'en fait, derrière, ce sont les luttes des femmes à l'échelle de l'ensemble de la planète.



