Cette semaine, nous recevons Arancha González Laya, ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole, ainsi que doyenne de la Paris School of International Affairs à Sciences Po. Face à l'imprévisibilité de Donald Trump, une résolution des conflits qui piétine en Ukraine et à Gaza et une croissance économique très lente, la rentrée est morose pour les Européens. Le 27 juillet à Turnberry, en Écosse, les États-Unis et l'Union européenne (UE) sont parvenus à un accord sur les droits de douane, après des discussions très difficiles entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Un taux plafond de 15 % a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. "Ce n'est pas un bon deal du point de vue économique puisque les termes de cet accord sont déséquilibrés", commente Arancha González Laya. "C'est surtout un mauvais deal d'un point de vue géopolitique car nous normalisons des relations internationales basées sur la loi du plus fort plutôt que sur la loi des règles, des systèmes, des traités et des accords. Nous contribuons aussi à l'affaiblissement d'un ordre international." "Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien" L’économiste estime que cet accord a été concédé aux États-Unis dans le but de conserver leur soutien en Ukraine : "La volonté européenne est de placer la défense de l'Ukraine avant la défense des intérêts commerciaux de l'UE. Les Européens ne sont aujourd'hui pas capables de contribuer seuls à la défense de l'Ukraine contre la Russie. Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien. L’accord commercial est le prix à payer pour les garder de notre côté." Elle s’interroge sur le fait de savoir si cela sera suffisant pour s’assurer de ce soutien : "Ce n'est pas non plus garanti." Selon Arancha González Laya, qui a occupé des postes à responsabilités au sein de l'Organisation mondiale du commerce, ces droits de douane affectent plus les Américains que les Européens : "Cela va augmenter l'inflation aux États-Unis. Je ne crois pas que ce soit un bon deal pour eux. Nous commençons déjà à observer une légère montée des prix aux États-Unis." Elle admet cependant que ces tarifs douaniers ne sont pas non plus favorables à l’UE, car cela "représente un coût supplémentaire pour accéder au marché américain". Donald Trump a également menacé de représailles les pays européens qui appliqueraient des politiques défavorables aux entreprises américaines de la tech. Selon Arancha González Laya, il n’y a pas de rétropédalage concernant les règles européennes sur le numérique : "Les États membres et les institutions communautaires sont assez conscients du fait que nous ne pouvons pas marchander une décision démocratique issue de nos parlements et de nos citoyens dont l’objectif est de nous protéger dans l'espace digital. [...] Nous devons répondre que ce n'est pas contre les entreprises américaines, ni contre les entreprises chinoises, c'est pour la protection des consommateurs et des citoyens européens." Quant à savoir si l’UE aura gain de cause face aux Américains sur cette question, la juriste et économiste reconnaît un "choix difficile à faire entre la démocratie européenne et le fait de faire plaisir à l'administration américaine... la deuxième option serait dangereuse : l’opinion publique en Europe est de plus en plus europhile, car elle pense que l'intégration européenne va permettre de mieux nous protéger. Mais si le signal que nous donnons aux Européens, c'est que nous sommes prêts à marchander notre démocratie, cela pourrait mener à de l'euroscepticisme." "Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne" Cette semaine, la France a de nouveau convié la coalition des volontaires à Paris afin de discuter de son soutien à l’Ukraine. Alors qu’un accord de paix semble encore lointain, la juriste espagnole reconnaît "une fatigue" du côté des Ukrainiens mais également de l'Europe. "Poutine a menti à Trump quand il lui a dit qu’il allait négocier la paix avec Zelensky. Il ne l'a pas fait et je ne crois pas qu'il ait l'intention de le faire", estime Arancha González Laya. Selon elle, l’UE doit "renforcer la position de l'Ukraine dans cette guerre contre la Russie" : "Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne, mais aussi montrer aux États-Unis que nous ne sommes pas des profiteurs, que nous sommes des acteurs, que nous sommes également prêts à mettre ce qu'il faut sur la table." Pour ce faire, en 2024 et pour la première fois, une majorité des pays européens a consacré au moins 2 % de son PIB à la défense, conformément à l'objectif fixé par l'Otan. "Il y a des gros efforts européens", poursuit l’ancienne ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, qui est à la traine dans les dépenses de défense. "L'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains" En ce qui concerne la guerre à Gaza, "les Européens se rendent compte de la situation insupportable dans laquelle nous nous trouvons", s’émeut Arancha González Laya. "Si nous sommes sérieux en Europe, et si nous sommes responsables vis-à-vis des engagements que nous avons pris avec nos citoyens concernant la protection des droits et des valeurs, nous ne pouvons pas rester sans agir", considère-t-elle. "L’Espagne, avec l’Irlande et la Slovénie, ont reconnu la Palestine il y a un an et demi. Maintenant c’est la France qui se joint à cet effort et en entraine d’autres. Je crois que c'est important de montrer que l'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains." "C'est un bon accord pour l'UE" Après 25 années de négociations, la Commission européenne a validé cette semaine un accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, éliminant ainsi la quasi-totalité des droits de douane industriels entre les deux blocs. Selon Bruxelles, l'accord permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de quatre milliards d'euros de droits de douane par an. Pour Arancha González Laya, cet accord est "indispensable". "D’un point de vue économique, cela nous permet de nous ouvrir à d'autres opportunités pour nos exportateurs. [...] Cela pourra en partie compenser les difficultés que nous aurons à accéder au marché américain. [...] Il y a également un intérêt géopolitique, qui est de construire des partenariats avec d'autres pays, dans d'autres régions du monde, qui ne souhaitent pas un monde divisé entre les Chinois, les Russes et les Américains." Certains pays européens ainsi que des agriculteurs à travers l’Europe s'opposent à ce projet. Pour les rassurer, Bruxelles a promis de compléter l’accord par un acte juridique visant à renforcer les mesures de sauvegarde sur les produits européens sensibles. "Si jamais il y avait un déséquilibre fondamental dans les marchés européens suite à des importations massives, l'UE pourra y répondre. [...] C'est un bon accord pour l'Union européenne", estime Arancha González Laya. "Je me préoccupe de l'affaiblissement de la France" La France, dont le gouvernement pourrait à nouveau tomber dans les jours à venir, est en pleine crise politique depuis les élections européennes de 2024. "Je me préoccupe de l'impact que l'affaiblissement de la France peut avoir dans l'affaiblissement de l'Europe." Face à une dette publique record, elle appelle à la réforme : "Ne pas faire de réforme en France affaiblit l'économie française, la capacité de la France à redistribuer et à faire en sorte que tous les citoyens s'y retrouvent. Mais elle affaiblit aussi l'Europe dans un moment où elle a besoin d'être forte. [...] La leçon, en France comme ailleurs en Europe, c'est que si nous ne voulons pas devenir subsidiaires d'autres puissances comme la Russie, les États-Unis ou la Chine, il faut faire des réformes et intégrer davantage l’UE", conclut-elle. Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz
L’Union européenne fait face à plusieurs crises en cette rentrée, et paraît affaiblie. D’abord pour des raisons politiques, alors que la France, deuxième puissance du club des Vingt-Sept, navigue à vue sur son gouvernement et son budget. Sur le plan géopolitique, l’UE est à la peine pour soutenir l’Ukraine efficacement et obtenir une paix durable. Les Européens restent à la merci du Président américain Donald Trump. Et enfin les pays membres sont divisés et inaudibles face au drame de Gaza. Pour l’Union européenne, quel numéro de téléphone en cas de crise ? Quelle image renvoie-t-elle à la jeunesse ? Europe puissance ou Europe impuissance ? Une émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz
Tout au long de la saison, nous avons reçu des personnalités européennes de haut rang : présidents du Conseil européen, commissaires, présidents, Premiers ministres ou ministres, venant de toute l'Union européenne, pour une saison marquée par la guerre en Ukraine qui s'éternise, le conflit à Gaza, des questionnements sur le Pacte vert et le Pacte asile et migration, alors que les Vingt-Sept s'interrogent sur une défense commune. Nous vous proposons de revenir ici sur les temps forts de ces interviews. Emission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero, Luke Brown et Oihana Almandoz
Motion de défiance contre la présidente de la Commission européenne, immigration, Rassemblement national et Guerre en Ukraine : l’eurodéputée et présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen Valérie Hayer nous livre ses attentes pour la rentrée. Le 10 juillet, Ursula von der Leyen a échappé à une motion de défiance. Si Valérie Hayer ne l’a pas votée, elle regrette en revanche "un dysfonctionnement majeur aujourd'hui, tant au Parlement européen qu'à la Commission européenne, avec une tentation de la droite de faire des deals de plus en plus souvent avec l'extrême droite". Cette non-censure n’est donc pas un chèque en blanc à la Présidente de la Commission pour la suite : "J'ai demandé des engagements tant à Ursula von der Leyen qu'à Manfred Weber – le président du groupe de la droite – sur deux choses : une meilleure coopération et une liste de priorités politiques que nous partageons." Au début du mois, l’Union européenne a proposé un nouvel objectif pour 2040 : réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre. Pour Valérie Hayer, il faut parvenir à concilier les enjeux de compétitivité industrielles avec le plan de décarbonation. "[L'Europe] doit rentrer dans la logique de compétitivité et de réindustrialisation", estime la présidente du groupe Renew au Parlement européen, qui maintient la position de sa famille politique au sujet de ce qu'elle perçoit comme une sur-réglementation : "Il y a trop de bureaucratie", déplore-t-elle. Elle pointe également du doigt un certain nombre de dysfonctionnements: "La Commission européenne a présenté un objectif intermédiaire d'ici à 2040. Elle n'a même pas le soutien de sa propre famille politique dans cette histoire et dans ce dossier clé." "Jordan Bardella tente une nouvelle fois de se victimiser" Autre sujet de la rentrée, le nouveau budget pluriannuel. Si la Commission souhaite mettre en place un plan unique en mutualisant les fonds, Valérie Hayer s’oppose à cette renationalisation du budget : "L'intérêt et la valeur ajoutée de ce budget européen, c'est de s'engager dans une dynamique. Ce n'est pas d'avoir un grand plan, un grand budget avec 27 plans nationaux." Au sujet de l’affaire de détournement de fonds au parlement Européen d’un montant de 4,3 millions d’euros par le Rassemblement national et ses anciens alliés d'extrême droite, la présidente du groupe Renew Europe estime que chacun doit prendre ses responsabilités : "Jordan Bardella tente une nouvelle fois de se victimiser, mais chaque groupe politique est censé être soumis et se soumettre à des audits. Chacun devra assumer ses responsabilités." "Mesures de rétorsion" contre les droits de douane américain Alors que la guerre en Ukraine s’intensifie avec l’utilisation de drones par la Russie, Donald Trump, lors d’une rencontre avec le Secrétaire général de l’Otan Mark Rutte, a annoncé que les États-Unis enverront de nouvelles armes à l’Ukraine via l’Alliance atlantique. L'Eurodéputée salue ce changement d'attitude du président américain en faveur des Ukrainiens : "Donald Trump réalise enfin quel est le vrai visage de Vladimir Poutine", avant d’émettre une certaine réserve : "On est habitué à des revirements avec Donald Trump." Face à l’échéance du 1er août et aux 30 % de droits de douane annoncés par le président américain, l’Europe prévoit des représailles commerciales à hauteur de 72 milliards d’euros. Mais pour Valérie Hayer, "personne n’a intérêt à une guerre commerciale". La présidente du groupe Renew se dit en faveur de négociation, sans céder sur tout : "S'il n'y a pas d'atterrissage possible, il faut mettre en place ces mesures de rétorsion. Je crois que Donald Trump ne comprend que le rapport de force." Elle rappelle aussi la force et le dynamisme du marché européen : "Donald Trump doit comprendre qu’on ne va pas se laisser marcher dessus, qu'on a des outils. On a un marché de 450 millions de consommateurs très intéressant pour les entreprises américaines." Dans ce contexte, la Commission européenne encourage les États membres à se concentrer sur d’autres partenariats commerciaux, notamment celui du Mercosur. Mais certains pays de l'Union, dont l'activité agricole représente une forte part de leur économie, demandent des gages, comme la France, suivie par la Pologne et l’Irlande : "On ne s’y oppose pas par principe, mais la ligne de la France est extrêmement claire : il faut des clauses de sauvegarde pour protéger nos agriculteurs." "Assurer la sécurité des Israéliens et Palestiniens" Face à une escalade du conflit au Moyen-Orient, Valérie Hayer souhaite que l’UE prenne pleinement part aux négociations : "Il faut que la voix de l’Union européenne pèse. Il faut qu’on puisse avancer sur cette solution à deux États pour qu’on ait une reconnaissance de l’État palestinien, et aussi pour faire pression sur le gouvernement de Benjamin Netanyahou." Mais pour elle, "l'important c'est d'assurer la sécurité des Israéliens, des Palestiniens, et la stabilité dans cette région". Sur la question migratoire, la présidente du groupe Renew adopte une position nette : "La première chose, c’est d’appliquer le pacte asile et migration", et en appelle à la responsabilité de chacun des États membres, même les plus récalcitrants : "l’Italie ne peut pas dire : je fais à la carte sur les questions migratoires", d’autant plus que "le modèle entre l'Albanie et l'Italie coûte extrêmement cher et a été retoqué à plusieurs reprises d'un point de vue légal". Elle souhaite que les Vingt-Sept se mettent autour de la table et travaillent à des "solutions crédibles, car il faut aussi, je crois, pouvoir avoir un débat apaisé sur la migration légale de travail parce qu'on a aussi un enjeu démographique en Europe". Elle n’est par ailleurs pas convaincue par la liste de "pays sûrs" où l’UE pourrait renvoyer les migrants illégaux établie par la Commission européenne, et entend "renforcer les partenariats avec les pays d’origine, avec l’Afrique". "Plus on s’engagera politiquement, plus on accompagnera financièrement le développement de ces pays d'origine, mieux on régulera les flux migratoires", juge l'eurodéputée. Elle regrette d’autant plus que ce dossier ait été bloqué "de façon tout à fait démagogique" par une alliance de la droite et de l’extrême droite. Émission préparée par Perrine Desplats et Isabelle Romero
L’ancien Premier ministre Michel Barnier, ex-commissaire européen, négociateur du Brexit, plusieurs fois ministre, nous livre sa vision d’une Europe sous tension. Il revient sur les grands moments et dossiers à l’occasion de la sortie de son livre "Ce que j’ai appris de vous" (aux éditions Calmann Levy). La date butoir du 9 juillet pour de nouveaux droits de douane américains sur les produits européens a été repoussée au 1er août, laissant un sursis à la Commission européenne pour négocier un accord. Mais pour Michel Barnier, face à un Donald Trump "agressif" il faut la plus grande fermeté des Européens : "S'il nous attaque, nous répondrons. Ce sera perdant perdant, Ce sera dommage pour tout le monde, mais ce sera notre réponse". Il en appelle à la force d’une unité européenne, même face à des secteurs différents à protéger selon les États membres, "nous Français, l’agriculture et le vin, les Allemands, les voitures (...) L’unité ne tombe pas du ciel. Il faut la construire au Conseil des ministres, à la Commission". Le marché unique reste, selon lui, la meilleure arme de l’Union, c’est : "le plus dynamique du monde, le principal partenaire des États-Unis : il est très important pour l’industrie et l’économie Américaine, et monsieur Trump ainsi d'ailleurs que le président chinois nous respectent". "Alliance ne veut pas dire allégeance" Michel Barnier considère que les États-Unis sont nos alliés. Mais "alliance ne veut pas dire allégeance. Et voilà un président américain qui nous agresse commercialement et qui menace de laisser tomber l’Ukraine, un pays non membre de l’UE, mais européen, qui défend son intégrité, sa souveraineté, attaqué par la Russie". L’ancien chef de la diplomatie française rappelle que "monsieur Trump et l’administration actuelle ne seront pas toujours là", et les États-Unis auront toujours avec l’Union européenne des intérêts stratégiques partagés : lutter ensemble contre les grands défis contemporains, du climat au terrorisme. Face aux mesures de rétorsion économiques de la Chine – notamment la menace sur le cognac français – Michel Barnier appelle, là aussi, à la plus grande fermeté : "Attaquer le cognac, c’est attaquer notre tradition. Vous créez un problème politique inutile". S’il refuse de parler de guerre commerciale, "ça ne peut pas être non plus la naïveté". Il insiste sur la nécessité pour l’Europe de définir ses propres priorités stratégiques en ce qui concerne l'Ukraine, sans attendre l’aval de Washington ou de Pékin : "Il faut que la Chine utilise son influence, son poids, pour convaincre monsieur Poutine qu'il faut mettre fin à cette agression et retrouver les moyens d'une discussion diplomatique". Brexit : "Ils nous manquent, et nous leur manquons" Alors que Londres et Bruxelles renouent un dialogue plus chaleureux, Michel Barnier, ancien négociateur du Brexit, déplore le coût du divorce : "Le Brexit reste un non-sens. Il n’y a aucune valeur ajoutée. Mais c’était le choix souverain des britanniques : nous l’avons respecté, et regretté". Il regrette l’absence de discussions au moment du Brexit sur des sujets clefs comme la défense ou la sécurité, mais appelle à reprendre la négociation des accords dans un cadre clair : "il n’y aura pas de beurre et l'argent du beurre en même temps" . Sur les questions migratoires, avec une hausse de 50 % des traversées vers le Royaume-Uni en 2025, "ça ne marche pas bien", reconnaît-il, parlant de "passoires aux frontières de l’UE". Au moment de la primaire des Républicains, il y a trois ans, Michel Barnier a surpris toute l’Europe en appelant à une "liberté de manœuvre" par la Cour européenne des droits de l’homme sur les règles du droit d’asile. Il se justifie : "Ce n’est pas être anti-européen que de pointer les contradictions entre juridictions nationales et européennes". Ursula von der Leyen, extrême droite : défendre les règles La présidente de la Commission européenne vient d’échapper à une motion de censure, et Michel Barnier pointe l’évolution de l'institution : "Il y a de moins en moins de collégialité et de plus en plus de gestion présidentielle… Or la Commission est un peu un collectif maudit, avec un président qui fait le travail d’un Premier ministre qui n’existe pas ! (…) on a aussi besoin des nations pour combattre le nationalisme !" Concernant la nouvelle enquête ouverte contre le Rassemblement national et son ancien groupe ID au Parlement européen, il ironise : "l’extrême droite européenne, qui donne parfois des leçons de morale à tout le monde, doit respecter la loi et si elle ne la respecte pas, il est normal qu'elle soit sanctionnée". La France : puissance bridée ? Interrogé sur la place de la France dans le jeu européen, l’ancien Premier ministre juge que "la France pèse moins qu’avant" . Il l’attribue à sa dette, son manque de compétitivité, mais aussi à une sur-réglementation nationale et européenne, notamment concernant le Pacte vert : "On ne résout pas la pollution contre les agriculteurs, les entreprises ou les citoyens. Il faut une écologie concrète, pas idéologique". Malgré la chute de son gouvernement au bout de trois mois, après une motion de censure en décembre 2024, Michel Barnier participe "au débat dans ma famille politique, dirigée par Bruno Retailleau, et j’en suis heureux. Je vais rester présent dans le débat politique". Émission préparée par Isabelle Romero et Perrine Desplats
La voiture, qu’elle soit thermique ou électrique, fait beaucoup de bruit et déchaîne les passions au Parlement européen. Quelque 450 millions d’Européens pour 280 millions de voitures, soit une voiture pour deux habitants. Les citoyens de l’Union européenne carburent toujours à la route et, malgré l’interdiction du moteur thermique prévue pour 2035, huit voitures neuves sur dix vendues sur le Vieux continent ont un moteur thermique, et cet objectif est remis en cause par les défenseurs de l’automobile, et la droite européenne. La Commission européenne a d'ailleurs revu le système des amendes pour les constructeurs automobiles qui ne respectent pas cette trajectoire de baisse des émissions polluantes. Un geste dont se félicite le gouvernement français. Dans ce contexte, peut-on atteindre les objectifs de neutralité carbone prévus en 2050 ? La voiture est non seulement un enjeu écologique mais également de sécurité, avec le durcissement des règles de sécurité routière pour les automobilistes européens et la mise en place d’un contrôle technique annuel, d’un examen de santé pour l’obtention du permis de conduire et de sanctions renforcées pour les délinquants de la route. Alors plus verte et plus sûre, quelle sera la voiture européenne de demain ? Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Agnès Le Cossec et Luke Brown
Cette semaine, nous recevons Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). L’institution bancaire a investi plus de 16 milliards en 2024, une année record. "La moitié de nos investissements ont un effet positif sur l'environnement, le climat", se réjouit Odile Renaud-Basso, "et 45 % de nos investissements ont aussi une composante pour faciliter l'intégration des femmes dans l'entrepreneuriat, le soutien des femmes entrepreneurs ou leur participation à la vie professionnelle". Cette institution bancaire inaugurée en 1991 avait vocation à contribuer au rattrapage économique des pays de l’ex-bloc soviétique. Sa présidente estime que cet objectif a été accompli grâce à l’action de la BERD mais aussi de l’Union européenne. "On a contribué à une transition très importante de ces pays", rappelle-t-elle, citant l’exemple de la "transformation remarquable" de la Pologne, où la BERD a investi 1,3 milliard en 2024 et plus de 16 milliards depuis 1991. Si d’autres pays n'ont pas connu la même réussite économique, comme la Bulgarie qui reste parmi les plus pauvres de l’UE, elle explique que ce retard "dépend aussi beaucoup du fonctionnement des institutions de l'État de départ". C’est pourquoi il faut "non simplement des financements et financer des projets, mais aussi apporter des soutiens en matière de politique publique pour définir comment on peut améliorer le cadre juridique, par exemple privatiser des entreprises, faciliter le développement de startups innovantes". 7 milliards pour reconstruire l’Ukraine La BERD est le principal investisseur institutionnel en Ukraine avec plus de 7 milliards prêtés depuis l’invasion du pays. "La France nous a apporté des garanties importantes pour nos activités en Ukraine qui permettent de réduire le risque pour la banque en tant que telle", explique-t-elle, "mais ça fait aussi partie d'un des mandats d'une banque publique de développement de soutenir des pays et le secteur privé dans des situations particulièrement difficiles". Ces investissements ""visent vraiment à financer l'économie réelle" et notamment le secteur de l’énergie où 2,5 milliards ont été investis. Ils contribuent également à l’effort de reconstruction des infrastructures détruites par les bombardements russes et au transport ferroviaire "parce que la logistique et le fonctionnement des chemins de fer est extrêmement important dans un pays en guerre". En février 2025, une frappe russe a endommagé la structure enveloppant le réacteur accidenté de Tchernobyl, où se trouvent des débris radioactifs. Sa construction avait coûté plus d’un milliard et demi d’euros et avait été financée par la BERD et la communauté internationale. Si l’attaque n’a pas causé d’augmentation du niveau de radiation sur le site, les experts s’inquiètent des infiltrations d’eau dans la structure et du risque de corrosion. Les réparations du site sont estimées à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros. "L'attaque du drone pose des questions de sécurité à long terme", alerte Odile Renaud-Basso, "avec des risques d'infiltration d'eau qui peuvent porter atteinte à la sécurisation de l'infrastructure". La BERD est "très reconnaissante" à la France d’avoir apporté en mai une première aide de 10 millions d’euros pour "pouvoir commencer à prendre des mesures immédiates de court terme". Odile Renaud-Basso prévient cependant que "ça va être un projet de longue haleine et on va avoir besoin de financements additionnels (…) Ça reste un sujet de préoccupation pour nous, de même que, d'une façon générale, la sécurité des infrastructures nucléaires en Ukraine, pour laquelle on a apporté des financements importants dans le passé", souligne-t-elle. Une banque présente en Cisjordanie Depuis la création de la BERD, la banque a élargi ses activités à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ainsi, elle finance des projets en Cisjordanie pour soutenir le secteur privé et l'activité des opérateurs économiques. La BERD aide également la Banque de Palestine "qui joue un rôle en matière d'accès aux services financiers, de financement du tissu économique des PME, mais aussi des ménages très importants pour que les gens puissent continuer à travailler, à se financer, à exporter, etc". Odile Renaud-Basso cite son travail avec des institutions de microcrédit et les entreprises du domaine pharmaceutique en Cisjordanie. Elle estime que "ça fait partie de notre mission" de prendre des risques. "Évidemment, on mesure toujours le risque", ajoute-t-elle, mais "on bénéficie parfois de garanties", notamment de l'Union européenne ou des actionnaires bilatéraux de la BERD, pour continuer à travailler "dans des situations particulièrement difficiles". L’avenir est en Afrique… En Afrique subsaharienne, où la BERD lance ses activités cette année, Odile Renaud-Basso insiste sur l’importance du secteur privé dans les stratégies de développement. Si le renforcement du secteur privé faisait partie du mandat historique de la BERD, elle constate que le succès de cette stratégie fait des émules et qu’ "on voit, aujourd'hui de plus en plus de banques multilatérales d'ailleurs se tourner vers ce modèle et mesurer l'importance du secteur privé". Selon elle, "compte tenu des enjeux démographiques, compte tenu du besoin de croissance économique et du besoin de transition économique, le rôle du secteur privé va être absolument essentiel". Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Agnès Le Cossec et Luke Brown
Ça se réchauffe des deux côtés de la Manche. Le Brexit semble loin et les deux rives britannique et européenne se rapprochent sur la géopolitique et l'économie. La visite d’État du président français Emmanuel Macron du 8 au 10 juillet au Royaume-Uni témoigne de cet empressement. De son côté, l’Union européenne a conclu en mai dernier un accord important avec le gouvernement du travailliste Keir Starmer. Cette nouvelle relation revêt un enjeu sécuritaire majeur depuis le désengagement de Donald Trump en Ukraine. Britanniques et Européens ont pris la tête de la coalition des volontaires, en soutien de l’Ukraine. Ils veulent toujours croire aux vertus du multilatéralisme mais aussi au libre commerce mondial… Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Agnès Le Cossec et Luke Brown
Alors que le Moyen-Orient s’embrase, les Européens semblent faire figure de spectateurs et ne réussissent pas à faire entendre leur voix en faveur d’une résolution diplomatique du conflit. Gunther Krichbaum, ministre allemand délégué aux Affaires européennes, rappelle cependant les efforts de l’Europe pour "créer plus de stabilité" car "c'est toute la région où nous avons, comme Européens, une responsabilité". Gunther Krichbaum "pense que personne ne peut vivre en paix" si le régime iranien se dote de l’arme nucléaire. Il rappelle les liens historiques d’amitié entre Allemagne et Israël. Le ministre d'État pour l'Europe allemand fait part de son "empathie" envers la population de Gaza, mais "peut comprendre la position d’Israël", un pays entouré de voisins qui lui sont hostiles et qui veulent le voir "disparaître de la carte". Après les frappes israéliennes et américaines sur l’Iran, les dirigeants européens ont affiché leurs divergences. Alors que le chancelier allemand Friedrich Merz a salué ces bombardements, Emmanuel Macron a déclaré que Washington avait agi hors du cadre de la légalité. Gunther Krichbaum estime cependant que l’objectif de la France et l’Allemagne reste le même. "Nous avons une volonté ensemble, la France et l'Allemagne, de créer la paix maintenant", par la voie de la diplomatie. "C'est indispensable de commencer maintenant avec des négociations, parce que la guerre, ce n'est pas le futur" affirme-t-il. "Sans sécurité, je ne peux rien réaliser en Europe" Les alliés de l’Otan viennent de s’engager à investir 5 % de leur PIB dans leur défense. "Il est nécessaire d'investir plus dans notre propre sécurité, parce que cette sécurité est menacée par la Russie", réagit Gunther Krichbaum, et "il est nécessaire de soutenir l’Ukraine". Or, il considère que les investissements actuels ne permettent pas d’assurer ce soutien. Cette augmentation des dépenses de défense arrive dans un contexte économique difficile pour de nombreux pays européens, dont la France et l’Allemagne. Le ministre insiste cependant sur leur importance "parce que sans sécurité, je ne peux rien réaliser en Europe", ni croissance économique, ni "garantir la liberté des gens". Les Européens sont également obligés de pallier le désengagement américain en Ukraine. "Nous voulons que les États-Unis restent dans le bateau" mais "c'est aussi la vérité qu'ils veulent se concentrer plus sur la région de la Chine", constate-t-il. Alors que la Commission européenne a commencé à introduire une ébauche de préférence européenne pour les dépenses de défense, Berlin reste très dépendante des achats d’armements américains. Gunther Krichbaum aimerait que son pays puisse à terme acheter plus d’armes européennes mais, actuellement, "ce n’est pas possible et c’est la réalité". Il rappelle qu’Emmanuel Macron est un partisan de longue date d’une "autonomie stratégique" européenne et partage d'ailleurs cette vision. "Il est nécessaire d'augmenter l'indépendance de l'Europe concernant l'armement, concernant aussi l'infrastructure", insiste-t-il. Il faut s’attacher à "devenir plus efficace en Europe". Division autour du Mercosur En effet, les Européens ne peuvent plus compter sur le soutien américain car Donald Trump "change très vite d’opinion" et "c'est quelquefois difficile de créer une politique où on peut vraiment calculer ce qu'il veut faire" d’un jour à l’autre. L’UE ainsi que l’Angleterre, qui doit être étroitement associée aux discussions sur la sécurité du continent, doivent assumer le soutien à l’Ukraine. Gunther Krichbaum appelle à apporter à Kiev toute l’aide nécessaire afin que l’Ukraine puisse arriver en position de force lors des négociations de paix. "Autrement, la Russie va dicter les conditions et il est nécessaire d'éviter ça", met-il en garde. Le gouvernement de Friedrich Merz refuse toute augmentation du budget européen pour la période 2028-2034, tandis que la France, l'Espagne, le Portugal et le Parlement européen plaident pour un budget plus ambitieux. Pour Gunther Krichbaum, la question des priorités se pose. "Est ce que c'est nécessaire de dépenser à l'avenir la même somme pour l'agriculture ?", s’interroge-t-il. La part de la PAC dans le budget européen a considérablement baissé au cours des dernières décennies mais s’établissait encore à près d’un quart du budget de l’UE en 2023. Selon le ministre allemand, il faudrait revoir les postes de dépense car "il est nécessaire d'investir plus dans la jeune génération parce que c'est leur avenir". "Autrement, l'Europe va perdre la crédibilité", alerte-t-il. Le Mercosur est un autre dossier qui divise le couple franco-allemand. Berlin y est très favorable, tandis que Paris cherche à bloquer en l’état l’accord de libre-échange qui mettrait en danger l’agriculture européenne. Pour le ministre, cet accord, qui a été négocié pendant 25 ans, est "nécessaire" car l’Europe est contrainte de diversifier ses relations commerciales, dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis. Gunther Krichbaum revient également sur la politique intérieure de l’Allemagne où l'Office de protection de la Constitution a classé la deuxième force politique du pays, l’AfD, comme mouvement "extrémiste de droite confirmé", déclenchant un débat sur une possible interdiction de ce parti. Le ministre déclare son opposition à cette idée. "Jeter l'AFD hors du Parlement avec les moyens de notre Cour constitutionnelle, ce n'est pas la solution", affirme-t-il. Selon lui, "il faut lutter avec des moyens politiques" contre l’extrême-droite et non juridiques "et prendre au sérieux les problèmes des gens". Emission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Agnès Le Cossec et Luke Brown
Le Parlement européen reparle d’immigration, toujours de façon polémique et virulente, avec d'ailleurs deux grandes initiatives qui font couler beaucoup d’encre. D’abord la lettre de neuf pays européens appelant à réviser la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme de 1950, entre autres les dispositions sur le droit d'asile. La charge est menée par l’Italie de la Première ministre Giorgia Meloni mais aussi, et c’est plus étonnant, par le Danemark social-démocrate de Mette Frederiksen, ainsi que l’Autriche, les pays baltes et la Pologne. Un deuxième chapitre, ouvert par la Commission européenne celui-ci, concerne la publication d’une liste des pays dits “sûrs” où renvoyer les déboutés du droit d’asile. Elle comprend les six pays candidats des Balkans occidentaux et des pays inattendus comme le Bangladesh ou la Colombie. Surtout, l'exécutif européen souhaite rayer d’un trait de plume la notion de lien du migrant expulsé avec le pays de renvoi, qui faisait jusqu’ici office de garde-fou. Repousser les migrants à tout prix hors de l’UE : est-ce devenu la nouvelle priorité européenne ? Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Luke Brown
Alors que l’escalade militaire se poursuit entre Israël et l'Iran, nous recevons l’ambassadeur de France Philippe Étienne qui a été en poste à Washington, Moscou, Berlin et auprès de l'UE. Israël a frappé l'Iran afin d’éradiquer le programme nucléaire du pays qui représente une menace pour sa survie, selon le gouvernement israélien. De nombreux hauts gradés iraniens ont été également tués dans ces premières attaques. Depuis, les bombardements israéliens se poursuivent, tout comme les tirs de réplique de l’Iran. Philippe Étienne souligne la dangerosité de l’Iran qui représente une "menace pour l'environnement régional, notamment pour Israël" et "même en balistique, une menace pour l'Europe". Il rappelle que si "les Européens ont toujours été très fermes, notamment la France" face à l’Iran, ils sont également "à l'origine du traitement diplomatique" du nucléaire iranien sous l’impulsion du groupe E3 (Allemagne, France et Royaume-Uni) dès le début des années 2000. L’ambassadeur estime que les Européens ne sont pas à blâmer après l’échec de la voie diplomatique. "Ce n'est pas nous qui avons échoué, c'est l'Iran et aussi les États-Unis qui sont sortis de l’accord", affirme-t-il. Lors du premier mandat de Donald Trump, les États-Unis s’étaient retirés de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, concrétisant ainsi une promesse de campagne du président américain. "Un kaléidoscope de positions" sur la question de Palestine Israël poursuit également ses frappes sur Gaza, qui auraient fait des dizaines de victimes cette semaine, selon la Défense civile, notamment lors de distributions d’aide alimentaire. Philippe Étienne "croi(t) que l'Union européenne, face à ce qui se passe à Gaza, doit regarder en quoi elle peut participer à un effort pour que l'aide humanitaire reprenne". Il reconnait toutefois qu’"il n'y a pas forcément d'unité sur cette question des relations avec Israël". "La question palestinienne au sein de l'Union européenne, c'est un des sujets où nous avons, au sein de l'Union européenne, le plus de mal en raison des sensibilités historiques, géopolitiques, ça se comprend", remarque-t-il, avec des pays membres qui adoptent une position de fort soutien à Israël comme l’Allemagne et d’autres qui ont déjà reconnu l’État de Palestine, comme l’Irlande et l’Espagne. Philippe Étienne constate que "nous avons un kaléidoscope de positions sur ce sujet et il faut vraiment travailler à trouver une ligne commune et surtout une action commune". Moscou qui n’avait déjà pas réussi à éviter l’effondrement du régime de Bachar al-Assad en Syrie, échoue une nouvelle fois à soutenir un de ses alliés, l’Iran, dans le conflit qui l’oppose à Israël. "C’est un affaiblissement incontestablement de la Russie dans cette grande région stratégique", estime Philippe Étienne, qui y voit un recentrage des priorités de Vladimir Poutine. Un désengagement américain en Ukraine ? "L'essentiel aujourd'hui et toutes ses forces sont concentrées sur cet essentiel, c'est l'Ukraine", estime-t-il. Le président russe profite du fait que l’attention des Occidentaux se tourne vers le Moyen-Orient "donc, il faut convaincre cette administration américaine de maintenir malgré tout, sur certains plans, une attitude qui nous aide, nous les Européens, à soutenir l'Ukraine, qu'il s'agisse de soutien financier, mais surtout de soutien militaire, de soutien en équipement militaire, de force de réassurance comme la coalition des volontaires européens y travaille". Les Européens augmentent leur soutien à l’Ukraine pour pallier le désengagement de Washington et "peuvent dans une certaine mesure, se substituer aux Américains", selon Philippe Étienne. Cependant, en termes de capacité de production d’armes, "nous sommes dans une phase de transition qui va d'ailleurs, dans un terme plus ou moins rapproché, permettre à l'Europe, dans les cas comme celui de l'Ukraine aujourd'hui, d'être plus autonome mais ça, ça ne va pas se passer du jour au lendemain". Construction d'une "fusée de la défense européenne" La Commission européenne vient de présenter son cinquième paquet Omnibus de simplification et consacre celui-ci spécifiquement à la défense européenne. Il permettrait de mobiliser près de 650 milliards d’euros, en autorisant les pays membres à augmenter leurs dépenses de défense sans déclencher de procédure de déficit excessif. La Commission va également mettre 150 milliards à disposition des États membres sous forme de prêts pour investir dans leur défense, avec des conditions limitant l’achat d’armements extérieurs à l'UE, à ses partenaires européens (pays de l'EEE-AELE) et à l'Ukraine. Philippe Étienne se déclare en faveur de cette règle car "il faut une préférence européenne, parce que sinon l'industrie européenne ne va pas réussir à se développer quand les Européens sont capables de produire à coût raisonnable des matériels". "C'est cela qu'il faut que les armées européennes achètent", ajoute-t-il. La guerre en Ukraine et le soutien militaire des Européens à Kiev "est le premier étage de cette fusée de la défense européenne qu'on construit" mais "il y a des capacités militaires qui manquent aux armées européennes et qui sont produites par les Américains". La guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis est l’autre dossier qui inquiète Bruxelles. Donald Trump avait reporté au 9 juillet l’entrée en vigueur de droits de douane massifs sur les produits européens. Alors que cette date butoir approche, les négociations se poursuivent. Pour l’ambassadeur, "si les États-Unis ne veulent pas négocier sur des bases raisonnables où chacun s'y retrouve, à ce moment-là, l'Union européenne, comme elle l'a annoncé, sera effectivement obligée de prendre des contre-mesures". "Comme cet accord est compliqué, il faut peut-être se donner du temps, mais après, c'est une responsabilité de ceux qui ont commencé ce conflit commercial, c'est-à-dire Washington", pointe-t-il. Emission préparée par Isabelle Romero, Agnès Le Cossec, Luke Brown et Perrine Desplats
L’alliance transatlantique est à un tournant de son histoire, avec un pilier américain imprévisible et des Européens qui s’interrogent de plus en plus sur leur souveraineté stratégique. Réuni en sommet à la Haye les 24 et 25 juin, l’Otan doit définir de nouveaux moyens correspondant à sa vision des futurs conflits. Le secrétaire général de l’alliance, le néerlandais Mark Rutte, a annoncé un objectif de 5 % du PIB des 32 pays membres consacré à la Défense et à la préparation. Une cible très ambitieuse sachant que la moyenne est aujourd’hui de 2 % et que beaucoup de ces États sont déjà très endettés. Il veut également quintupler les capacités aériennes de l’alliance, tirant les enseignements d’une guerre en Ukraine qui se joue beaucoup dans les airs. Alors l’Otan, qui a vu son club renforcé par l’adhésion de pays nordiques, est-il sorti de l’état de mort cérébrale diagnostiqué par Emmanuel Macron ? Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Luke Brown
Cette semaine, nous recevons Marcos Perestrello, président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan. Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, il insiste sur la nécessité d’augmenter le budget de défense des pays membres de l’Alliance atlantique. L’Assemblée parlementaire de l'Otan (l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord), est un hémicycle qui réunit 281 parlementaires issus des 32 pays membres de l’Alliance. Elle leur permet de se rencontrer afin de débattre de problèmes de sécurité d'intérêt commun. Selon son président, le Portugais Marcos Perestrello, "l'Otan est une organisation défensive qui veut défendre un mode de vie démocratique." "Il faut faire tous les efforts pour conduire à la désescalade" Alors qu’Israël a mené une première série de frappes contre des cibles militaires et nucléaires en Iran, Marcos Perestrello, tout comme le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, appelle à la désescalade : "Il faut absolument faire tous les efforts pour conduire à la désescalade entre Israël et l'Iran. L'Iran n'est pas un pays ami, c'est un pays qui est près de la Russie et qui la soutient dans la guerre contre l'Ukraine. [...] L’Iran est une menace pour la sécurité régionale", alerte-t-il. "La décision d'Israël d'attaquer le programme nucléaire iranien est une décision unilatérale, qui a été prise pendant des négociations entre les États-Unis et l'Iran," poursuit Marcos Perestrello, ajoutant que l’administration américaine a expliqué être prévenue mais pas impliquée dans l'attaque. "Il faut avoir des capacités fortes et crédibles" Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, l'Otan souhaite que les pays membres s'engagent à consacrer 3,5 % de leur PIB pour les dépenses militaires et 1,5 % pour toutes celles liées à la sécurité, soit un total de 5 %. L’augmentation est ambitieuse alors que la moyenne actuelle des dépenses liées à la défense est de 2 %. "Il faut avoir du temps pour atteindre ces objectifs," reconnaît le président de l’Assemblée parlementaire de l’Otan. "Il faut être conscient que pour avoir une défense et une dissuasion forte et crédible, il faut également avoir des capacités fortes et crédibles. Il faut faire des investissements. Augmenter leur dépense, c'est ce que les Américains demandent de l'Europe et du Canada. De ce point de vue, ils ont en partie raison parce qu'il faut avoir une alliance plus équilibrée et plus juste dans laquelle tous les membres font des contributions proportionnelles à leurs capacités économiques et militaires. C’est une demande des Américains qu’il est difficile de contester dans un cadre de justice et d'égalité entre les États." S’il reconnaît "un changement dans l’approche de l'administration américaine en ce qui concerne la politique et la diplomatie", il appelle les pays européens à "résister" et à s’adapter. "Le message de l'administration américaine est très cohérent et très consistant. Il n'a pas changé et il demande plus de ses alliés en termes de contribution pour l'Alliance. Ils n'ont pas réduit leur engagement envers l'Alliance. En ce qui concerne la politique extérieure américaine, le sujet le plus stable, constant et cohérent, c'est précisément la relation stratégique des États-Unis avec l'Europe et l'Otan," estime Marcos Perestrello. "Nous voulons une vraie capacité industrielle européenne" L’Union européenne (UE) souhaite également mettre en place un système de préférence européenne en matière d’achat d’armement alors que l’Europe dépend massivement des armes américaines. "Les décisions des achats seront toujours prises par les États et non par l'Otan. L'Otan va définir avec les États les capacités militaires que chacun doit avoir. Mais, à la fin, les programmes d'achats seront faits par les États et ces derniers chercheront toujours les meilleurs équipements, les plus efficaces, avec le meilleur rapport qualité-prix," détaille le président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan. Il appelle au renforcement de la défense européenne et de la capacité de production d'armement : "Il faut développer une capacité industrielle européenne effective qui sera capable de répondre à toutes les volontés des États. [...] Si nous voulons une vraie capacité industrielle européenne, elle doit être européenne et non pas espagnole, française, portugaise ou allemande. Elle doit être européenne, en impliquant des entreprises de tous les pays." "La désinformation est responsable de l’augmentation considérable du discours antidémocratique dans l'espace européen" Face à la recrudescence des attaques hybrides comme les cyberattaques, la désinformation en ligne ou le sabotage de câbles dans la mer Baltique, l’Otan a un rôle clé à jouer. Selon Marcos Perestrello, l’augmentation de l’investissement dans la défense ne doit pas seulement s’appliquer au "domaine militaire mais aussi au domaine civil et à la sécurité civile". "La désinformation est responsable de l’augmentation considérable du discours antidémocratique dans l'espace européen. Il faut la combattre aussi." Au Portugal, le parti d'extrême droite Chega a réalisé une percée historique lors des élections législatives de mai dernier en obtenant 20 % des voix, soit 60 sièges au Parlement. Il devient ainsi la première force d'opposition, devant le parti socialiste. Selon Marcos Perestrello, également député socialiste portugais et ancien secrétaire d'État à la Défense nationale et aux Affaires maritimes, il se passe dans son pays "la même chose qu’il se passe dans le reste de l'Europe". "Cela a pris un peu plus de temps pour arriver ici. Mais il y a également eu une certaine désinformation [...] pour contrôler les réseaux sociaux. L’objectif de cette force est toujours de créer de l'instabilité pour arriver au pouvoir. Ils ne seront jamais, je suis convaincu de cela, une force capable de contribuer à la stabilisation du gouvernement." Emission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats, Agnès Le Cossec et Georgina Robertson
L’Union européenne (UE) dégaine des centaines de millions d’euros pour séduire les scientifiques américains, qui sont victimes des attaques en règle de l’administration Trump contre la recherche, allant des coupes budgétaires aux entrave à la liberté de la recherche sur certains sujets contraire à l’idéologie de la droite conservatrice. Près d'un tiers des chercheurs américains se disent prêts à quitter les États-Unis pour poursuivre leurs travaux à l’étranger. Mais ce plan européen est-il à la hauteur, alors que le budget fédéral américain pour la recherche publique s’élève à 137 milliards d’euros par an face à un budget de l’UE nettement inférieur, à hauteur de 100 milliards d’euros sur sept ans, soit 14 milliards d’euros par an. Les 27 pays membres de l’Union européenne multiplient les coupes dans les budgets nationaux consacrés à la recherche. Ont-ils vraiment les moyens d’attirer les cerveaux américains ? Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Luke Brown
Cette semaine, nous recevons Manon Aubry, députée européenne et co-présidente du groupe La Gauche au Parlement européen. Elle revient sur la directive sur le devoir de vigilance, commente le détricotage du Pacte vert, la montée de l’extrême droite en Europe et appelle à des mesures strictes contre Israël face au drame humanitaire à Gaza. L’eurodéputée, membre du parti de gauche La France insoumise en France, a beaucoup planché sur la directive européenne dite CS3D sur le devoir de vigilance des grandes entreprises qui opèrent en Europe. Elle leur impose, grâce à un arsenal de sanctions, des règles en matière de respect de l’environnement et des droits humains tout au long de leur chaîne de production même chez leurs sous-traitants. "Cette directive est plus qu'en danger"Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz s’opposent désormais à sa mise en application. "Cette directive est plus qu'en danger aujourd'hui", alerte Manon Aubry."C’est le fruit de cinq ans de longues négociations. [...] Vous adoptez un texte démocratiquement et avant même qu'il soit mis en vigueur, moins d'un an après, il est complètement mis à terre par le poids des lobbys, relayés par Emmanuel Macron, la droite et l'extrême droite au Parlement européen, mais aussi par la complicité des socialistes", selon elle.La députée européenne insiste sur la nécessité de ce texte pour notamment protéger les droits des travailleurs : "L'objectif de ce texte, c'est de faire en sorte que Total ne puisse plus déplacer de force des paysans en Ouganda ou en Tanzanie. Que Shein ou Nike arrêtent d'exploiter le travail forcé des Ouïghours en Chine. C’est l'impact très concret de ce texte, qui était essentiel et qui est maintenant complètement mis à terre par une offensive de la droite et de l'extrême droite"."Nous sommes en train d'assister à une nouvelle alliance"En termes de protection de l’environnement, des ONG et certains partis accusent également la Commission européenne de détricoter le Pacte vert, mis en place lors de sa précédente mandature. "Nous avons complètement changé de dynamique entre ces deux mandats", estime Manon Aubry. "Au Parlement européen, comme dans l'ensemble des institutions européennes, nous sommes en train d'assister à une nouvelle alliance. C'est l'alliance de la droite et de l'extrême droite [...] Cela se traduit par une offensive sans précédent vis-à-vis de toutes les normes environnementales qui existent sur la scène européenne", poursuit-elle. Elle fustige l’inaction du groupe socialiste au Parlement européen, deuxième groupe de l'hémicycle en termes de nombre de députés : "J'en veux terriblement à une partie de la gauche et notamment aux socialistes [...] C'est un groupe qui a pour tradition de travailler avec les libéraux et la droite dans le cadre de ce qu'on appelle le bloc majoritaire. Mais la réalité, c'est qu'à aucun moment les socialistes n'ont mis en place une stratégie pour défaire cette alliance de la droite et de l'extrême droite"."Réveillez-vous avant qu'il ne soit trop tard"Face à la montée de l’extrême droite en Europe, elle appelle à un sursaut : "Nous sommes à minuit moins le quart avant l'arrivée du fascisme partout en Europe. Le fascisme est déjà là en Italie, en Hongrie, en Pologne, dans de nombreux États européens. Les socialistes vont regarder le train passer. Je dis à mes amis socialistes : "Réveillez-vous avant qu'il ne soit trop tard, parce qu’il est probablement déjà un peu trop tard", estime la co-présidente du groupe La Gauche au Parlement européen.En Hongrie, la droite ultra-conservatrice de Viktor Orban a enfreint le droit européen en interdisant, par une loi de 2021, la "promotion" de l'homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs. Le Premier ministre hongrois tente également d’adopter une loi visant à bannir la marche des fiertés prévue dans son pays le 28 juin. La marche n’a toutefois pas été officiellement interdite à ce stade. Un événement auquel compte participer Manon Aubry : "Je conduirai une délégation de mon groupe, d'une dizaine de députés du groupe de La Gauche qui viendront de partout en Europe. [...] L'objectif, c'est de dire à Viktor Orban qu’on a le droit d'être qui on est. On a le droit d'aimer qui l'on veut. Cette offensive sans précédent de la part d'un gouvernement européen vis-à-vis des droits LGBT+ est en réalité une offensive contre les droits les plus fondamentaux," estime la députée de gauche."Nous ne faisons pas que stagner, nous retournons en arrière"Autre pays où la droite ultra-conservatrice a remporté la Présidence, la Pologne, avec l'historien Karol Nawrocki, soutenu par le parti nationaliste Droit et Justice (PiS). Il s’oppose au gouvernement pro-européen de son Premier ministre Donald Tusk qui souhaitait légaliser les unions entre couples du même sexe et le droit à l'avortement."Nous ne faisons pas que stagner, nous retournons en arrière", commente Manon Aubry au sujet de l’avenir de la Pologne. "Donald Tusk, qui a été élu en Pologne sur la promesse de légaliser le droit à l'avortement, [...] n'a rien fait", dénonce-t-elle.Si elle reconnaît que le Premier ministre polonais est en situation de cohabitation avec un président proche du parti nationaliste, elle estime qu’il "aurait pu lancer la dynamique [...] Je veux dire à toutes ces femmes qui se battent pour le droit à l'avortement que nous n’allons pas vous abandonner. Nous allons continuer à nous battre, notamment pour inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE".Cette montée des partis conservateurs et d’extrême droite au sein de l’UE fait craindre à certains une coalition de pays pour s’opposer à l’aide à l’Ukraine. Manon Aubry rappelle l’importance de "l’aide et du soutien à l'Ukraine". "Je pense que cela doit s'accompagner d'une initiative diplomatique pour entrevoir un chemin vers la paix et une sortie de ce conflit," modère l’eurodéputée Insoumise. "Il ne faut pas laisser Donald Trump seul aux manœuvres des discussions diplomatiques qui me paraissent indispensables si nous voulons que ça ne se termine pas par une guerre totale d'un État qui écrase l'autre"”"Nous avons intérêt à avoir une stratégie de désescalade"En termes de stratégie de défense, elle alerte également sur le risque d’un "alignement total dans le cadre de l'OTAN, qui veut dire un alignement total avec les intérêts de Donald Trump".Elle s’inquiète de la demande de ce dernier aux pays alliés de l’organisation d’augmenter à 5 % de leur PIB leur budget de défense. "Il est évidemment nécessaire d'avoir un arsenal de défense qui permet de garantir notre souveraineté", reconnaît la députée européenne. "Augmenter à 5 % l'investissement en matière de PIB dans la défense, cela représente plus de 100 milliards d'euros pour la France, c'est beaucoup d'argent. À quel besoin concret cela correspond ? Il y a un risque d'escalade qui dépasse même un cadre que nous avons pu connaître, qui est celui de la guerre froide et qui s'est traduit par un affrontement généralisé. Je pense que personne n'a intérêt à cela.""Emmanuel Macron tergiverse beaucoup sur la question de la Palestine"Du 17 au 20 juin, la France va co-présider, aux côtés de l'Arabie saoudite, une conférence à l'ONU pour remettre sur la table la solution à deux États comme projet de règlement du conflit israélo-palestinien."J'observe que le président de la République, Emmanuel Macron, tergiverse beaucoup sur la question de la Palestine et face au génocide qui est en cours dans la bande de Gaza. Il y a quelques mois, il avait dit que ce n'était pas le bon moment. Manifestement, nous ne sommes même pas sûr qu'il va le faire, là, dans les semaines qui viennent. J'ai envie de poser la question à Emmanuel Macron : quand est-ce que ce sera le bon moment ?", interroge la députée du groupe La Gauche. "Je veux avoir une pensée pour le drame humanitaire absolument insupportable dans la bande de Gaza et le génocide qui est en cours, avec la complicité des États membres de l'UE qui ne font rien, qui ferment les yeux et pire encore, qui continuent à livrer des armes, comme c'est le cas de la France, à Benjamin Netanyahu", poursuit-elle.La députée européenne souhaite la suspension de l'accord d'association UE-Israël. Cet accord établit un cadre pour le dialogue politique et la coopération économique. Une demande de suspension a obtenu peu de signataires à ce stade. "Le débat a quand même progressé puisque la Commission européenne a annoncé avec le Conseil et les États membres ouvrir un réexamen de l'accord d'association". Elle est néanmoins sévère sur la cheffe de la diplomatie européenne : "Kaja Kallas, qui est la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères, est en réalité la haute représentante de l'impuissance européenne. Nous continuerons à nous battre pour suspendre l'accord d'association, pour demander un embargo sur l'envoi d'armes et pour faciliter l'accès humanitaire". Émission préparée par Oihana Almandoz, Isabelle Romero et Perrine Desplats
Investiture du climatosceptique Donald Trump aux États-Unis, détricotage du Pacte vert européen, allègement des contraintes normatives au nom de la simplification, réintroduction de pesticides interdits : depuis le début de l'année, les associations, les ONG et les cercles de réflexion spécialisés dans la défense de l'environnement encaissent déconvenue sur déconvenue au niveau européen. On en discute avec Pascal Canfin, député européen français du groupe Renew, qui fut ministre du développement de 2012 à 2014. Adoptée en 2024, la directive dite CS3D sur le devoir de vigilance des grandes entreprises en Europe, ou qui opèrent en Europe, leur impose de prévenir les atteintes aux droits humains, à l'environnement dans l'ensemble de leur chaîne de production.Le président français et le chancelier allemand ne veulent plus en entendre parler, ce que Pascal Canfin déplore : "Je l'ai dit, je ne suis pas d'accord avec la prise de position d'Emmanuel Macron sur ce sujet. Pourquoi ? Parce qu'au fond, si on accepte l'idée selon laquelle le moins-disant environnemental et le moins-disant social, c'est bon pour nos entreprises, ça veut dire qu'on cherche à faire la concurrence sur le pire type de capitalisme possible. Moi je suis convaincu exactement de la stratégie inverse, à savoir si nous mettons des règles sociales et environnementales pour accéder à notre marché européen, on favorise globalement les entreprises qui sont dans le modèle social européen au détriment de celles qui ne jouent absolument pas le jeu."S’il a quitté le bureau exécutif de Renaissance, en dénonçant une "stratégie toxique", "c'est que, après la dissolution de juillet de l'année dernière, je n'étais pas d'accord avec la façon dont le président de la République a traité le sujet. Je pense qu'il aurait dû donner sa chance, en l'occurrence au NFP à l'époque, non pas en les nommant à Matignon, mais en faisant en sorte, comme dans toutes les autres démocraties européennes, qu'ils aient la possibilité d'essayer de trouver une majorité".Il reconnait qu’il y a une offensive idéologique pilotée par l'alliance de l'extrême droite et d'une partie de la droite pour essayer de tuer toutes les lois du Pacte vert : "Le lundi, c’est telle loi qui ne convient plus à la droite. Et puis le mardi, c'est sur les voitures et le mercredi, c'est sur autre chose... Et d'ailleurs, ici, au Parlement européen, Jordan Bardella, le patron du Rassemblement national, a tendu la main au groupe de droite pour dire 'associons-nous pour supprimer tous les textes du Pacte vert' […] Le sort de notre action pour le climat dépend de notre capacité ou non à résister à cette offensive idéologique réactionnaire qui est menée à l'échelle mondiale. On le voit bien avec le retrait des États-Unis de Donald Trump de l'Accord de Paris !" En Pologne, le nouveau président de la République, l'ultraconservateur Karol Navrocki, pourrait poser son veto notamment au retour de l'État de droit en Pologne, qui a été abîmé par huit années de parti Droit et Justice : "Le parti ultraconservateur polonais est associé aujourd'hui à Donald Trump, puisqu'il y a eu cette fameuse Internationale conservatrice qui a fait pression en Pologne en faveur du candidat ultraconservateur et qui a gagné de quelques dixièmes de points […] Ça m'étonnerait cependant fortement que le président polonais aille jusqu'à mettre un veto et rejoigne Viktor Orban dans ce combat contre l'aide de très court terme de l'Union européenne à l'Ukraine", conclut-il. Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Oihana Almandoz
Le Parlement européen a les yeux rivés sur Nice, où se tient la Conférence des Nations Unies sur la protection des océans, avec de nombreux enjeux. Les océans sont les poumons bleus de notre planète : ils couvrent 71 % de la surface du globe et absorbent près de 30 % du CO₂ mondial. Malgré ce rôle vital, ils subissent une pression croissante : 8 millions de tonnes de plastique y sont déversées chaque année, 34 % des stocks de poissons sont surexploités et seuls 3 % des océans bénéficient d’une protection stricte. Face à cette urgence, l’Union européenne s’est fixé l’objectif de passer des 12 % actuels d'aires marines protégées dans ses eaux maritimes à 30 % en 2030. Pour répondre à ces défis, et dans le cadre de cette conférence de l'ONU à Nice, les Européens doivent présenter leur Pacte pour la protection des océans, avec des objectifs ambitieux. Mais les associations de protection de l’environnement s’inquiètent d’un manque de stratégie claire pour y parvenir. Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Oihana Almandoz.
Cette semaine, nous recevons Edi Rama, le Premier ministre albanais. Adhésion à l’UE, lutte contre la corruption en Albanie et contre l’influence russe dans les Balkans, il liste les défis que son gouvernement doit relever. Le 11 mai dernier, le socialiste Edi Rama a remporté les élections législatives en Albanie. Cet ancien pays communiste de 2,4 millions d’habitants a vu son Premier ministre réélu pour un quatrième mandat, après dix ans au pouvoir."Les Albanais aiment l'Europe, ils veulent l'Europe"L’un de ses principaux thèmes de campagne a été l’adhésion de son pays à l’Union européenne [UE] d’ici 2030. "Les Albanais aiment l'Europe, ils veulent l'Europe. L'histoire nous a montré qu’il n’y a rien de mieux que l'Union européenne", explique le Premier ministre. Selon lui, elle représente "un espace de paix et de sécurité". "Les nouvelles générations en Europe ont un peu perdu ce sens et ce lien avec l'histoire. Pour nous, cela est encore très fort et cela nous donne de la clairvoyance sur l'importance de l'Union européenne", poursuit-il. Edi Rama et son parti ont décroché 83 sièges de députés sur 140, s'assurant une large majorité au Parlement. L’élection était scrutée de près par l’UE, afin de s’assurer du bon fonctionnement des institutions du pays. La Commission européenne note que ces élections ont été, comme souvent en Albanie, hautement polarisées, avec un langage de campagne très violent entre les deux grands partis historiques."Il y a des interprétations différentes. Je trouve que c'est plus violent en France par exemple, où il y a eu pendant ces dernières années une sorte de fracture dans la société, dans la politique. La politique au Royaume-Uni est très violente. Il y a des choses qui se disent au sein de la House of Commons [chambre basse du Parlement] que nous n'aurions pas imaginé pouvoir être dites. Ce n'est pas une nouveauté", se défend le Premier ministre albanais.En ce qui concerne la politique intérieure, l’insécurité économique touche une partie de la population albanaise malgré une hausse générale du niveau de vie. "Oui, nous avons des problèmes, sans doute, mais nous avons toujours plus d’opportunités", estime le Premier ministre. Avec plus de 10 millions de touristes par an, ce secteur est en plein essor dans le pays : "Pour un pays de 2,4 millions d'habitants, c'est vraiment beaucoup. Notre aéroport a reçu 11 millions de passagers. Il bat les chiffres de Belgrade depuis trois ans, qui auparavant a toujours été l'aéroport le plus grand de la région.""L'Albanie est alignée avec l'UE dans sa politique étrangère"L’Albanie a récemment accueilli le sixième sommet de la Communauté politique européenne, qui a réuni les Vingt-Sept mais également plus de vingt chefs d'États européens. Cette instance informelle de coopération intergouvernementale, lancée à l'initiative d'Emmanuel Macron en 2022, a pour objectif de favoriser le dialogue et la coopération en termes de sécurité, de stabilité ou de prospérité du continent européen."C'est un format qui est en train de maturer. Ce n'est pas encore un format qui a réussi à transformer tout ce grand potentiel en quelque chose de concret, mais c'est un format qui est en train de maturer et qui est très utile," estime Edi Rama. "C’est un bon format pour échanger des idées et pour réussir à se regarder en face et parler d'un chemin commun. C’était un privilège d'organiser ce sommet à Tirana. C’est quelque chose qui était inimaginable il y a juste quelques années."En termes de position géostratégique, l’Albanie s’aligne sur Bruxelles, notamment en ce qui concerne le soutien ferme à l’Ukraine et la dénonciation de la Russie. "L'Albanie est toujours alignée avec l'Union européenne dans sa politique étrangère et dans notre processus de négociation pour finalement adhérer à l'UE", confirme le Premier ministre. "Notre position a toujours été claire et nette, mais je pense que dans le même temps, l'UE doit faire de son mieux pour réussir à se réinventer dans le nouveau contexte créé spécialement par l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et en général face aux nouveaux pouvoirs émergents dans la politique internationale.""En Albanie, il n’y a pas d'influence russe"Vladimir Poutine cherche à étendre son influence dans la région des Balkans. Le président serbe Aleksandar Vucic, par exemple, a été le seul dirigeant parmi les candidats à l'adhésion à l'UE à avoir participé aux commémorations le 9 mai à Moscou, à l'invitation du président russe. L’Albanie, quant à elle, est plus proche de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Des puissances russes et turques qui semblent mener une lutte d’influence dans les Balkans. Une idée que contraste le Premier ministre albanais : "C'est un peu les stéréotypes faciles des Occidentaux. Non, ce n’est pas comme ça. […] La Serbie est entre l'Europe et la Russie et l'influence du président russe est importante. En Albanie ou au Monténégro, ce n’est pas la même chose. En Albanie, il n’y a pas d'influence russe. […] L’endroit où la Russie peut créer de la rupture c’est en Serbie et en Republika Srpska [république serbe de Bosnie] en Bosnie-Herzégovine." Quant à la relation de son pays avec la Turquie, il la qualifie de "relation traditionnelle et fraternelle depuis très longtemps" : "C'est une relation qui n’est aucunement en compétition avec notre alliance avec l'Union européenne", précise-t-il. "C'est la raison pour laquelle nous avons rejoint le chemin de l'UE"Dans un rapport publié le 30 octobre dernier, la Commission européenne note les progrès et les priorités des pays candidats à l’entrée dans l’UE. Au sujet de l’Albanie, elle s’inquiète de voir une corruption encore trop présente dans ses institutions, bien qu’elle reconnaisse des progrès.Les trois premiers mandats d’Edi Rama ont été marqués par des scandales liés à la corruption. "Je n'ai rien à répondre", répond l'intéressé. "C'est l'état de fait. C'est exactement la raison pour laquelle nous avons rejoint le chemin de l'Union européenne. C'est le seul chemin pour transformer un pays comme le nôtre – ou comme un pays balkanique – en un État de droit. L’UE est la plus grande source de l'humanité en termes de connaissance sur la construction d’un État de droit", détaille-t-il. "Nous avons des sources de connaissances sur comment construire un État de droit, comment construire des institutions. Le chemin à suivre, c'est exactement celui-ci."Il précise sa politique au sujet de la lutte contre la corruption : "Nous sommes entrés dans un combat sans précédent et sans retour pour changer la nature de l'État et la nature des institutions. C’est pour cela que nous avançons à une vitesse incroyable dans les négociations [avec l’UE]." Des négociations qu’il espère terminer en 2027 afin de "donner aux États membres le temps de ratifier la décision et faire entrer l’Albanie dans l’UE en 2030"."Ce ne sont pas nos centres, ce n’est pas notre projet"L’Albanie a fait les gros titres des journaux ces derniers mois à la suite d’un accord bilatéral inédit signé avec l’Italie. Ce dernier prévoyait initialement l’installation en Albanie de deux centres de rétention de migrants secourus en Méditerranée, à des fins de procédures de demande d’asile ou de rapatriement gérées par Rome. Après la construction de ces centres, la justice italienne a invalidé le transfert de migrants vers l’Albanie.Alors que le bras de fer continue entre la Première ministre Giorgia Meloni et la justice, ces revirements représentent un revers pour le gouvernement italien. "Ce ne sont pas nos centres, ce n’est pas notre projet. Ce n'est pas à moi de répondre," se défend Edi Rama. "Nous avons seulement donné à l'Italie, qui est un pays très spécial pour nous, […] la juridiction sur un terrain qui est un terrain italien et tout ce qui est lié avec la construction et la gestion de ces centres, c'est la responsabilité de l'Italie. L'Albanie n'entre en rien dans tout cela," insiste-t-il.Alors que le Royaume-Uni envisage à son tour de mettre en place des "centres de retour" dans des pays tiers pour les demandeurs d’asile déboutés, Edi Rama a précisé que l’Albanie n’avait pas vocation à accueillir ce projet britannique : "J’ai toujours dit que si nous faisions quelque chose dans cette direction, cela serait seulement avec l'Italie, pour des raisons qui sont liées avec la nature de nos rapports, qui est complètement particulière. Ce n’est pas une surprise si j'ai dit non à Keir Starmer [le Premier ministre britannique]. Ce sera la même chose pour tout autre pays qui nous demanderait de faire la même chose."Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz
Oubliez les banques, American Express, Visa et autres PayPal : l’Europe pourrait bien devenir votre moyen de paiement. C’est le projet de l’euro numérique, une solution européenne de paiement numérique équivalente aux billets, gérée directement par la Banque centrale européenne. Cet euro numérique permettrait à l'Europe d'affirmer sa souveraineté monétaire par rapport aux moyens de paiement américains, tout en offrant aux citoyens européens un moyen d'échapper à la collecte de leurs données. Mais les banques commerciales s'inquiètent de voir ce projet porté par la BCE grignoter leurs parts de marché dans l'univers lucratif des paiements. À peine imaginé, cet euro numérique fait aussi l’objet de fantasmes et fausses nouvelles sur la fin de l’argent liquide et la possibilité de bloquer des comptes ou des paiements. Alors, l’euro numérique verra-t-il le jour, et avec quels bénéfices pour les Européens ?Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Luke Brown
Cette semaine, nous recevons Stéphane Séjourné, vice-président exécutif chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle à la Commission européenne. Simplification administrative et lancement du programme "Choose Europe", il présente les mesures pour relancer la compétitivité des Vingt-Sept, et nous parle de l’Europe de la défense et du défi démocratique en Roumanie et Pologne. La Commission européenne a dévoilé sa nouvelle "stratégie pour le marché unique" européen ayant pour objectif de lever les barrières internes et d’inciter les entreprises européennes à investir sur le continent."Le contexte international fait du marché intérieur une valeur refuge pour les entreprises européennes. Or, elles sont plus facilement internationalisées qu’européanisées", explique Stéphane Séjourné, vice-président exécutif chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle à la Commission européenne et également ancien député européen du groupe Renew. Selon lui, les barrières réglementaires empêchent certaines entreprises européennes de se développer dans d’autres pays européens.À lire aussiStéphane Séjourné, un proche de Macron et spécialiste de l'Europe au Quai d'Orsay"Il faut de la flexibilité""Nous avons mis en place des dispositifs pour simplifier et harmoniser l'ensemble des règlements. Il y aura un objectif, y compris celui d’un 28ᵉ régime pour les entreprises qui veulent opérer sur le marché européen", détaille-t-il. Face aux tensions commerciales actuelles entre l’Union européenne (UE) et la Chine ou avec les États-Unis, Stéphane Séjourné appelle à "réduire nos dépendances" envers ces pays. "Le marché européen de 450 millions de consommateurs doit [...] offrir des perspectives de croissance pour nos entreprises européennes et notamment pour les entreprises françaises."Cette stratégie prévoit notamment d’exempter les petites et moyennes entreprises d'être inscrites au portail de la gestion des émissions carbone. Les ONG environnementales dénoncent une dérégulation déguisée qui irait à l’encontre des engagements pris par les Vingt-Sept en faveur de la protection du climat. "Nous avons décidé de garder les standards que nous avions fixés lors de la dernière mandature, c’est-à-dire la décarbonation de notre économie d’ici 2050. [...] L'objectif est intangible", se défend Stéphane Séjourné. À lire aussiAu nom de la compétitivité, Bruxelles détricote son Pacte vert et provoque la colère des écologistes"Nous sommes pragmatiques dans le contexte international qui a changé le contexte d'incertitude économique au sein du marché intérieur et donc de notre propre économie européenne. Il faut donner des flexibilités. Cela ne veut pas dire déréguler notre système, mais c'est retirer le papier, harmoniser les règles, pousser les États membres à justement faire des convergences fiscales et administratives sur un certain nombre de secteurs," tempère le commissaire européen. Face au climat d'incertitude économique, il insiste sur la nécessité d’être flexible : "Si vous rendez fixe le chemin, vous perdez toute marge de discussion et de négociation, et notamment d'adaptabilité économique."Les ONG environnementales dénoncent également une possible suppression du devoir de vigilance sur les entreprises, comme souhaité par le président français et le chancelier allemand, ce qui irait à l’encontre du Pacte vert européen.Les grandes entreprises ont le devoir de mettre en œuvre des mesures pour identifier, prévenir et atténuer les risques liés aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne de production. "Cela faisait peser sur les entreprises européennes la responsabilité de toute la chaîne de valeur, y compris en dehors de l'UE. Cela partait assez bas dans la chaîne de valeur, c'est-à-dire que le sous-traitant du sous-traitant du sous-traitant devait également être contrôlé par votre entreprise européenne, sinon vous pouviez être responsable devant les tribunaux européens. Cela posait un certain nombre de problèmes d'insécurité juridique", détaille le vice-président exécutif chargé de la stratégie industrielle."L'Allemagne et la France ont fait une proposition pour remettre à plat ce texte, qui est clairement de le supprimer", confirme-t-il. Il précise que pour cela, il leur faut encore obtenir une majorité puisque c'est une codécision du Parlement européen et du Conseil. "Nous regarderons si nous ne pouvons pas garder les objectifs tout en simplifiant totalement le dispositif. [...] Au moment où les Américains font des choix très radicaux, il faut qu'on puisse aussi être très clairs sur notre réglementation européenne.""Il faut défendre l'intérêt européen au fur et à mesure des soubresauts de l'administration Trump"Donald Trump a brandi de nouvelles menaces sur les droits de douane en ciblant l'UE, visée par une surtaxe de 50 % sur ses produits exportés aux États-Unis. Depuis le début des discussions, les Vingt-Sept sont partagés entre une réponse forte basée sur des représailles douanières et sur une volonté de continuer la négociation.À lire aussiDonald Trump menace l'UE de 50 % de droits de douane, les Bourses européennes dévissent"Pendant cette période, il ne faut pas de doctrine. Il ne faut pas choisir une option ou une autre. Je pense qu'il faut défendre l'intérêt européen au fur et à mesure des soubresauts de l'administration Trump et du contexte international", explique Stéphane Séjourné."Je prône de ne surtout rien noter de définitif dans les propositions que nous pouvons faire tant que nous n'avons pas une proposition américaine sur la table", détaille-t-il. Selon lui, certains secteurs de production nécessiteront une "réciprocité complète" en termes de droits de douane appliqués aux produits américains, comme l’aéronautique : "S’il y a 10 % sur Airbus, il faut qu’il y ait 10 % sur Boeing."Dans d’autres secteurs, la réciprocité n’est pas dans l’intérêt de l’UE selon lui. "L'Europe a bien entrepris cette négociation. Elle a été moins vocale que les Américains, mais également unie dans la période", affirme le vice-président exécutif à la Commission. "Une partie de la réglementation pourrait affaiblir la demande de véhicules"En Europe, le marché de l’automobile représente 13 millions de travailleurs directs et indirects. Une industrie automobile européenne que Stéphane Séjourné estime "en danger de mort" notamment à cause de l’imposition de nouveaux droits de douane américains, de mauvais choix stratégiques et d’un excès de normes européennes. "Il y a un risque commercial fort puisque nous exportons des véhicules. Des constructeurs ont aussi décidé de produire en dehors de l'UE, pour d'autres marchés, pour des marchés domestiques sur lesquels ils comptent se développer. Il faut qu'on continue à pouvoir les aider", prévient le commissaire européen.L’UE a voté l’interdiction de la vente de voitures à essence et diesel à partir de 2035. Une décision qui pourrait être remise en question par la Commission européenne afin de relancer le secteur automobile."Une partie de la réglementation pourrait affaiblir la demande de véhicules si nous n'avons pas des critères d'achat européen de voitures électriques dans les flottes professionnelles d'entreprise, nous n'arriverons pas à booster la demande et nous n'arriverons pas à sortir par le haut," explique Stéphane Séjourné. "Dans un deuxième temps, il faut trouver de nouveaux marchés et de nouveaux accords commerciaux. [...] Si nous souhaitons réduire notre dépendance par rapport à la Chine et se préserver d'un futur marché américain qui peut fermer, il faut absolument trouver des nouveaux débouchés.""De nouvelles ressources propres"L’UE cherche à mettre en place une préférence européenne, avec 65 % de composants devant être européens, en matière d’achat d’armement en commun pour renforcer sa défense. "Nous ne pouvons pas avoir de matériel qui soit 100 % américain, 100 % coréen ou en tout cas qui ne soit pas avec des composants européens", réitère Stéphane Séjourné. "C'est quand même une petite victoire européenne sur la fin de la naïveté sur ce sujet. Cela donne des perspectives de commandes pour nos industriels. Et surtout, c'est une démonstration que l'Europe est en capacité d'être flexible sur son budget. Nous avons décloisonné tous les fonds européens, nous avons été chercher les fonds de cohésion."Au chapitre du budget de l’UE, il explique sa volonté de trouver "de nouvelles ressources propres" : "Il y a un certain nombre de pistes comme la taxation des petits colis qui viennent de Chine. Comme taxer chaque petit colis deux euros. Six milliards de colis devraient arriver de Chine l'année prochaine. Cela donne la taille de ce que nous pourrions récupérer dans le budget européen pour l'intérêt général européen."Il évoque également la possibilité d’instaurer un visa touristique payant pour entrer sur le territoire européen à l’instar du visa américain ou britannique : "Il y a des perspectives de nouvelles ressources qui ne sont pas supportées par les Européens, par exemple l’ESTA [système électronique d'autorisation de voyage] européen. [...] Vous allez aux États-Unis, cela coûte 25 ou 26 $ pour pouvoir rentrer sur le territoire américain. Vous allez en Europe, c'est gratuit.""L'Europe n'a pas l'arsenal réglementaire et la protection des démocraties nécessaires"En Roumanie, le pro-européen Nicusor Dan a été élu président face au nationaliste George Simion. Ce dernier a contesté sa victoire auprès de la Cour constitutionnelle qui a rejeté ce recours. Le candidat perdant demandait l'annulation du scrutin au motif "d'ingérences extérieures" de la France.À voir aussiÉlection présidentielle en Roumanie : un scrutin sous influence ?Stéphane Séjourné dément toutes ces infox, et appelle à "faire attention" : "Je pense que cela va se multiplier dans beaucoup d'élections. L'Europe n'a pas l'arsenal réglementaire et la protection des démocraties nécessaires à hauteur de ses ambitions", estime le commissaire, également ancien ministre de l'Europe et des Affaires étrangères