Discover
Ici l'Europe
45 Episodes
Reverse
Face au plan de paix de Donald Trump pour l'Ukraine qui laisse encore l’Union Européenne à la traine, Maxime Prévot, ministre belge des Affaires étrangères, s’exprime sur ce conflit au cœur de l’Europe. Il évoque les enjeux de défense : réarmement, service national et la question sensible des avoirs russes gelés. Il commente aussi les questions de politique intérieure. Maxime Prévot regrette que, pour Gaza comme pour l’Ukraine, l’UE qui est pourtant au cœur de son territoire, les Européens soient laissés de côté. S’il salue par principe les efforts des Américains pour la paix, il remarque ironiquement que "les USA choisissent le restaurant, commandent le menu, mais c’est l’Union européenne qui doit payer la facture". Une situation inacceptable : "Il ne peut pas y avoir de solution de paix durable qui concerne l'Ukraine sans l'Ukraine et sans l'Europe, nous sommes nous-même des acteurs clés qui doivent être autour de la table." Il faudrait selon lui "que les Européens eux-mêmes soient en capacité d'offrir une contre-proposition pour un plan de paix". Il souhaite participer à l'édification d'une stratégie qui ne discrédite pas l'Ukraine. "L'objectif n'a jamais été de veiller à ce que celle- ci mette un genou en terre ou abdique. Je rappelle qu'elle est la victime de cette guerre." Le ministre rappelle que les questions de l’intégrité territoriale sont essentielles, non seulement par rapport à l'Ukraine, mais aussi eu égard droit international. Il ne peut pas y avoir de place non plus pour l'impunité pour des actes d'agression posés par la Russie, et ajoute-t-il, "c'est la raison pour laquelle un scénario de paix avec la force comme moteur qui tord le bras aux Ukrainiens n'est pas acceptable". Selon le Ministre Maxime Prévot, malgré les scandales de corruption dans l’entourage du président ukrainien, Volodymr Zelensky reste le plus à même de défendre les intérêts des Ukrainiens. Il fait confiance à la justice ukrainienne pour tirer cela au clair, mais refuse que cette question soit instrumentalisée pour fragiliser la présidence, et donc le peuple ukrainien. Sur la question sensible des avoirs gelés russes que les Européens voudraient utiliser à hauteur de 140 milliards d’euros pour financer les réparations en Ukraine, Maxime Prévot reste inflexible. Il évoque des problèmes juridiques liés à toute démarche qui pourrait être assimilable à une confiscation et aux mesures de rétorsion auxquels la Belgique seule ne pourrait faire face. Selon lui, pour aider l’Ukraine : "Il nous semble que la meilleure voie à suivre est celle d'un emprunt directement contracté par l'Union européenne", même si Viktor Orban, proche du Kremlin, y mettrait son veto. Toujours en matière de défense, la Belgique comme la France se soucie de son réarmement et a décidé elle aussi de rétablir un service militaire volontaire. "Avec l'espoir", explique Maxime Prévot, "de susciter des vocations qui permettront d'accroître l'enrôlement dans nos forces armées par la suite." Il reconnait, que la Belgique a souvent été l'un des mauvais élèves de l'Otan pour ses investissements en matière de défense. "Le gouvernement a décidé de changer cet état de situation. Avec des financements à plusieurs dizaines de milliards d'euros qui vont être mobilisés pour rattraper notre retard et continuer d'être un partenaire fiable de l'Otan." Sur la situation économique en Belgique, avec une dette publique brute de 107 % du PIB en 2025 , un déficit de 5,3 % du PIB et une grève qui a paralysé le pays plusieurs jours, le ministre estime que l'Union européenne a eu raison de tirer la sonnette d'alarme. "Nous avons fait œuvre de pédagogie auprès de nos populations en expliquant qu'on ne pouvait plus vivre au-dessus de nos moyens, que ces dernières décennies, des réformes indispensables qui devaient être prises, fussent-elles impopulaires, ne l'ont pas été. On se trouve maintenant au pied du mur, avec le risque d'être potentiellement l'un des plus mauvais élèves de la zone euro. Et donc, explique -t-il, "en un an, nous avons fait un effort de redressement structurel de nos finances de 32 milliards d'euros. C'est du jamais vu depuis ces 50 dernières années. Ça se fait évidemment avec des grincements de dents. Nous en sommes conscients, nous l'assumons." Maxime Prévot appartient à la coalition gouvernementale "Arizona", composée de cinq partis et dirigée par le Premier ministre belge Bart De Wever, figure historique du nationalisme flamand, qui a d'ailleurs relancé l'idée d'unir la Belgique et les Pays-Bas. "Alors il n’a pas lance l’idée de permettre cette union historique", commente le ministre. "Il a rappelé, comme historien du reste, combien il regrettait qu'à l'époque il y ait eu cette division. Ma foi, c'est son droit. Chacun met ses sentiments où il le souhaite. Mais toujours est-il qu’avoir un renforcement des démarches du Benelux, ça nous semble important. Le Benelux, c'est quand même trois pays fondateurs parmi les six de l'Union européenne, et c'est aussi une structure forte qui préexistait à l'existence de l'Union européenne." Le Ministre Prévot rappelle par ailleurs "que la Belgique est connue pour son sens du compromis. Nous avons un gouvernement composé de cinq partis, un socialiste, deux centristes, deux libéraux et conservateurs. Mais nous arrivons à faire bouger le pays parce que de longue date, nous avons compris que faire un compromis, ce n'était pas se compromettre. Je pense que ça peut probablement inspirer d'autres pays qui nous sont proches." Émission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats et Isabelle Romero.
Les inégalités économiques n’ont jamais été aussi fortes en Europe. Selon la Banque centrale européenne, 5 % des plus fortunés détiennent 45 % de la richesse totale. En France, une possible instauration de la taxe Zucman – une taxation de 2 % sur les patrimoines des ultra-riches – enflamme le débat. Si elle était étendue à l’échelle des Vingt-Sept, elle pourrait rapporter 67 milliards d’euros au budget de l'Union européenne (UE). Pourtant, la tendance est plutôt inverse en Europe ces dernières années : la quasi-totalité des pays membres ont supprimé les impôts sur les grandes fortunes. Les multinationales sont aussi dans le viseur en matière d'imposition, notamment celles qui ont fait des bénéfices avec la flambée des prix de l’énergie à la suite de la guerre en Ukraine. Même si l’UE s’est montrée favorable à un impôt minimum de 15 % sur les multinationales, ces dernières n’ont jamais été aussi peu taxées en 30 ans. En cause, une compétition fiscale toujours d’actualité entre les Vingt-Sept pour attirer les sièges des grands groupes. Alors, faut-il plus taxer les grandes fortunes et les multinationales ? Émission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats et Isabelle Romero.
Cette semaine, nous recevons Bartjan Wegter, coordinateur de l'UE pour la lutte contre le terrorisme. Dix ans après les attentats qui ont frappé la France, il détaille les mesures mises en place en Europe pour contrer le terrorisme et alerte sur un risque d’attaque toujours élevé. La France a récemment commémoré les dix ans des attentats du 13 novembre 2015, lors desquels 132 personnes ont perdu la vie. Bartjan Wegter, coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme – un poste créé en 2004, après les attentats de Madrid –, qualifie ces hommages de "très émouvants". "C’était impressionnant d'entendre les témoignages et de voir les survivants de ces attentats horribles qui ont choqué la France", s'émeut-il. Selon lui, si la France a été la cible de ces attaques, c'est parce qu'elle est "un pays exemplaire en termes de liberté d’expression" : "C’est une société multiculturelle dont les Français sont fiers. La France représente toutes les valeurs de la société européenne, tout ce que visent les djihadistes." "Il faut rester vigilant" Après ces attentats, Bartjan Wegter parle "d’un tournant historique dans la lutte contre le terrorisme dans l’Union européenne" : "Nous nous sommes rendus compte qu'il fallait mieux s'organiser au niveau européen, qu'il fallait penser au-delà du niveau national." Il explique que les auteurs de ces attaques ont "profité de la libre circulation en Europe" afin de commettre ces attentats. "Nous avons renforcé nos frontières extérieures et nous avons établi des bases de données interopérables. [...] Nous avons aussi renforcé la coopération de la police et de la justice grâce à Europol et Eurojust, deux agences impliquées dans le domaine. Nous avons fait en sorte de renforcer leur rôle. [...] Nous avons créé une task force sous le nom de fraternité franco-belge afin de mener les enquêtes nécessaires dans le contexte de ces attentats. [...] L’Europe s'est mieux organisée de façon stratégique pour appréhender le futur et prendre en considération les menaces à venir." S’il évoque des progrès réalisés en matière de contre-terrorisme, Bartjan Wegter explique qu’il "faut rester vigilant". "Je dirais que nous sommes mieux placés aujourd'hui qu'il y a dix ans. [...] Beaucoup d'attentats ont été déjoués. [...] Mais la menace numéro un en Europe reste toujours le djihadisme", selon lui. "Daech recrute désormais en Europe, parmi les plus jeunes" Selon le coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, les tactiques d’attaques ont évolué : "Daech s'est réorganisé et a maintenant décentralisé son commandement dans différentes régions : en Afrique occidentale par exemple, en Afrique centrale et en Asie du Sud ou centrale. [...] Avant, nous observions une organisation basée hors de l'Europe et qui visait à attaquer l'Europe de l'extérieur. Maintenant, c'est devenu une menace endogène dans le sens où Daech recrute au sein de l’UE, ce qui est beaucoup plus efficace de leur point de vue." En Europe, un suspect de terrorisme sur trois porte est un mineur ou un jeune adulte. Selon Bartjan Wegter, cela s’explique par le fait que cette population soit "particulièrement vulnérable". "Ils sont victimes de désinformation et notamment de la propagande de Daech, qui a été très ciblée et très efficace dans de multiples langues et qui visait justement les mineurs. Ils utilisent par exemple des plateformes de gaming pour atteindre les jeunes", détaille-t-il. "Une diminution des efforts de modération en ligne" Pour lutter contre la radicalisation en ligne et les méfaits des réseaux sociaux sur les jeunes, la France réfléchit à l'interdiction de leur usage avant quinze ans. Des menaces provenant des réseaux sociaux que Bartjan Wegter observe également : "Il y a plusieurs mouvements qui influencent tout ce qui se passe en ligne et qui influencent nos jeunes et risquent de les radicaliser. Il y a l'ultra droite, l'ultra gauche." Il note un risque particulier pour les "jeunes garçons", qui peuvent être "attirés par l'ultraviolence." Selon lui, les grandes entreprises de la tech détenant ces réseaux sociaux doivent jouer un rôle : "Nous voyons une diminution des efforts de modération de la part de la plupart de ces compagnies. [...] Derrière tout cela, il y a les algorithmes qui amplifient le genre de contenus qui posent problèmes et qui risquent de radicaliser nos jeunes." Les grandes plateformes américaines qui détiennent la majorité de ces réseaux sociaux sont en effet de plus en plus hostiles aux réglementations européennes sur le digital. "Nous voyons un changement de politique des entreprises à ce propos, mais nous sommes en contact avec les autorités américaines et nous constatons que pour les Américains aussi, la radicalisation en ligne pose des problèmes." S’il se félicite de la possibilité pour les utilisateurs d’utiliser des messageries cryptées afin de protéger leur vie privée, il déplore une difficulté pour les enquêteurs d’accéder à ces données : "Il faut avoir un débat clair et honnête qui reconnaît le besoin de permettre à nos enquêteurs de mener à bien leurs enquêtes, toujours dans le respect de la loi, comme ils l'ont toujours fait depuis des années, par exemple quand il y avait des paquets suspects ou des lettres à ouvrir. [...] C'est la même chose pour tout ce qui est digital, car nous constatons que plus de 80 % des enquêtes sont maintenant dans le domaine digital. Il faut permettre à nos enquêteurs de faire leur travail. Pour cela, il faut une coopération de l'industrie et des plateformes." "Ce qui se passe en Afrique va toucher notre sécurité intérieure" Dans la région du Sahel, en Afrique de l’Ouest, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), lié à al-Qaïda, gagne du terrain. Bartjan Wegter explique que l’UE collabore avec de nombreux pays africains au sujet de cette menace terroriste : "Les pays en Afrique occidentale ont besoin de notre soutien et de notre expérience pour lutter contre le terrorisme. [...] C'est une région qui nous préoccupe. [...] Tout ce qui se passe hors de nos frontières risque, à un certain moment, de toucher notre sécurité intérieure." Face aux conflits en Ukraine ou à Gaza, il alerte sur le fait que l’instabilité internationale "donne des opportunités aux groupes terroristes d’amplifier leur message" : "Nous voyons beaucoup de faux narratifs et de désinformation qui circulent en ligne. [...] Les terroristes, mais parfois aussi certains États, essaient de bouleverser notre société ou de détruire sa cohésion." Émission préparée par Agnès Le Cossec, Oihana Almandoz, Isabelle Romero et Perrine Desplats.
Loin des yeux, loin du cœur, a-t-on usage de dire. Mais est-ce vrai pour l’Ukraine après trois ans et demi de guerre ? Les Européens ont engagé des discussions difficiles sur leur soutien à l’Ukraine, et les Vingt-Sept ont promis de répondre au besoin de financement ukrainien, estimé à 135 milliards d’euros sur les deux prochaines années. Mais les États-membres sont divisés sur l’utilisation des avoirs russes gelés – 210 milliards d’euros –, dont une grande partie est hébergée en Belgique. Les autres solutions examinées sont un financement direct de l'Ukraine sous forme de dons ou d'un emprunt européen, qui aurait l'avantage de limiter l'impact direct sur les budgets nationaux. La période est difficile pour les Ukrainiens sur le front alors que l’armée russe continue à progresser dans l’est de l’Ukraine. Dans ce contexte, Volodymyr Zelensky est venu à Paris signer un accord sur le futur achat par Kiev de 100 avions de combat français Rafale. Il entendait aussi redorer l’image de son gouvernement fragilisé par une affaire de corruption, ses proches étant en effet accusés d’avoir détourné 86 millions d’euros dans le domaine de l’énergie. Émission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats et Isabelle Romero
Après les négociations entre le présidents américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping, un deal éloigne la perspective d’une guerre commerciale entre ces deux pays. Mais cet accord n’est pas nécessairement favorable aux Européens. L'Union européenne est le premier partenaire commercial d'une Chine qui ne partage pas ses analyses géopolitiques. Elle soutient la Russie contre l’Ukraine et tente de séduire l’Afrique et l'Amérique latine et certains pays européens aux dépens de l’UE. La Chine est même allé plus loin en menaçant directement nos économies en annonçant début octobre durcir le ton sur les terres rares, ces métaux indispensables à beaucoup de nos industries. Globalement nos économies subissent l’afflux massif de produits chinois et un dumping intensif. Sûr de sa force, Pékin ouvre même la porte à un accord de libre-échange avec les Européens. Alors, l’Union européenne a-t-elle les moyens de reprendre son indépendance vis-à-vis de la Chine ? Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Oihana Almandoz et Agnès Le Cossec.
Le Brésil s'apprête à accueillir la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP30) alors que cette année marque les 10 ans de la conférence de Paris sur le climat, accord phare pour limiter l'augmentation de la température mondiale à 2 °C, d'ici la fin du siècle. L'Union européenne avait amorcé une baisse des émissions de gaz à effet de serre grâce au Pacte vert, un ensemble de lois écologiques lancé en 2019. Pourtant, les ambitions écologiques de l'Union sont aujourd'hui revues à la baisse sous la pression de l'extrême droite et de la droite qui demandent un assouplissement des législations. L’Union européenne se présente-t-elle toujours comme la championne du climat ? Est-elle capable de tenir les objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixés pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Oihana Almandoz.
Au lendemain d’un Conseil européen centré sur la question de l’aide à l’Ukraine, José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, revient sur ce contexte international. Il évoque aussi la situation de son pays, dirigé par le socialiste Pedro Sanchez, à la tête d’une coalition des gauches qui fait figure d’exception et de contre-modèle dans de nombreux domaines. Le dernier Conseil européen a voté un 19e paquet de sanctions contre la Russie et une interdiction des importations de gaz russe, mais la question des avoirs financiers russes reste bloquée. Cette fois, c'est la Belgique qui refuse de piocher sur les 193 milliards d’euros russes, par crainte des représailles – les banques étant majoritairement sur son sol. Une situation que regrette José Manuel Albares : "Nous avons été les premiers à dire que les avoirs gelés russes pouvaient être utilisés pour aider l'Ukraine et que le droit international nous permettait de considérer que cela constituait des réparations par anticipation". Le ministre réaffirme d'ailleurs le soutien sans faille de son pays à l'Ukraine, qui s'exprime par l'aide humanitaire, l'accueil de 250 000 refugiés ukrainiens mais aussi l'aide militaire. Car, si l'Espagne refuse d’investir 5 % de son PIB dans la défense via sa participation dans l'Otan, "elle est passée de 0,9 % à 2 %" rappelle José Manuel Albares, qui précise que son pays est "un partenaire, un allié fiable avec une contribution historique : 3 000 soldats espagnols déployés dans plusieurs pays de l'Europe de l'Est et nos avions qui participent à assurer la sécurité du ciel de la Baltique et contre les drones russes". Face au revirement du président américain Donald Trump qui impose désormais des sanctions sur le pétrole russe, tout comme les Européens, José Manuel Albares prône l'union des alliés : "Pour l'Ukraine comme pour Gaza, il faut travailler à la paix. Pour l’Ukraine, travailler sur la paix signifie faire pression sur les seuls qui ne veulent pas la paix ! Le président Zelensky a proposé un cessez-le-feu sans conditions mais les Russes et Vladimir Poutine ne le veulent pas". Envers la Chine, qui utilise la guerre commerciale contre l'Europe et ne souhaite pas la victoire de l'Ukraine, le ministre Albares estime qu'il faut utiliser l'arme diplomatique : "Il faut leur faire comprendre que le meilleur moyen de vivre en bon voisinage, c'est à travers la paix. Si le droit international est bafoué, si la Russie a finalement du succès, on donne un prix à l'agresseur et la guerre peut être un autre moyen de politique étrangère, comme jadis au XIXe siècle. Je pense que nous avons tous intérêt à travailler ensemble pour que cela ne se produise pas". Croissance économique et paix sociale Sur le plan intérieur, l'Espagne affiche de belles réussites avec un taux de croissance de 2,9 % – bien au-dessus de ses voisins comme la France (0,7 %) ou l'Allemagne (0,2 %). "Il y a beaucoup de travail derrière ces chiffres", explique le ministre Albares. "C’est la plus forte croissance de toutes les économies les plus avancées". Il se félicite aussi de la réduction du chômage, du contrôle du déficit et de la dette. "Mais surtout, ce qui est très important pour nous, c'est que nous avons fait cela avec de la paix sociale, grâce au dialogue social avec les syndicats et le patronat. Et ça nous permet, en même temps que la croissance macroéconomique et le contrôle des déficits et de la dette, une croissance du salaire minimum en Espagne de 60 % depuis qu'on est au gouvernement et des pensions minimum de 12 %". Le ministre souligne aussi que les fonds structurels européens aident le pays dans sa transformation vers une économie digitale, verte et sociale. Sur la question migratoire, José Manuel Albares explique combien son pays se distingue de l'Italie de Giorgia Meloni : selon Frontex, sur les routes migratoires, l'Espagne a eu une réduction de 40 % du trafic cette année par rapport à l'année dernière, et de 60 % à travers les îles Canaries, la route la plus dangereuse pour arriver en Europe. "Je pense que face à l'immigration irrégulière, il faut dire la vérité aux citoyens. Les problèmes conjoncturels ont une solution. Les problèmes structurels ont une gestion. Tant que l'Afrique et l'Europe sont la frontière la plus inégale au monde, peu importe si c’est le PIB, la santé, l'éducation, il y aura toujours une migration irrégulière envers l'Europe". Mais selon le ministre Albares, le modèle espagnol repose sur trois piliers : "Le premier, c'est un dialogue politique de très haut niveau avec nos partenaires africains comme le Maroc, le Sénégal, la Mauritanie ou la Gambie, pour citer quelques-uns des plus importants. Le deuxième, c'est une aide au développement que nous avons triplée envers les pays de l'Afrique de l'Ouest pour étayer leurs programmes de réformes économiques, pour donner des opportunités à sa jeunesse. Et le troisième, une coopération avec ces pays pour être terriblement durs avec les mafias qui pratiquent le trafic d'êtres humains". Il conclut sur ce sujet : "Il faut dire la vérité, l'Europe a besoin d'une main d'œuvre qui vient d'ailleurs, et la plupart des étrangers rentrent en Europe de façon légale. L'immigration irrégulière est minoritaire et certainement faire l'amalgame immigration et délinquance est faux". Sur ce sujet comme sur d’autres, le gouvernement espagnol s’oppose aux mouvements et partis d’extrême droite qui montent en Europe. Le ministre Albares fustige aussi les complaisances voire les alliances de la droite envers ces mouvements populistes, comme l’alliance de la droite radicale et du Parti populaire européen au Parlement européen ou au sein des différents pays de l'UE : "Chaque fois que la droite court derrière l'extrême droite, elle finit phagocytée par l'extrême droite. Quand elle copie ses méthodes, quand elle épouse ses valeurs, c'est l'Europe qui se détruit un peu parce que l'Europe repose sur des valeurs et ces valeurs ne sont pas de belles idées philosophiques. Ces valeurs sont les moteurs des années les plus grandes de l'Europe, de la paix et de la croissance. Si on nie l'égalité, la diversité, la justice sociale, on est en train de nier l'existence même de l'Europe. Et ils détruiront l'essence même, le cœur de l'Europe". Emission préparée par Isabelle Romero, Oihana Almandoz et Perrine Desplats
Nous regardons cette semaine à la droite toute de l'hémicycle du Parlement européen, et de ceux des 27 pays de l’Union européenne, car les rangs de l'extrême droite grossissent d’élection en élection. Le 29 octobre, les Néerlandais pourraient renvoyer en première position le PVV de Geert Wilders, qui a fait échouer sa propre coalition conclue il y a un an avec le centre droit. Il y a quelques semaines, la République tchèque a vu le retour au pouvoir du milliardaire populiste Andrej Babis dont le parti ANO a opéré un net virage à droite. Il rejoint d’autres gouvernements de droite radicale en Europe, avec l’Italie de Giorgia Meloni, la Hongrie de Viktor Orban, et la Slovaquie de Robert Fico. Tous s’affirment trumpistes et les deux derniers sont aussi des amis du président russe Vladimir Poutine. À Strasbourg, l’extrême droite européenne représente désormais plus d’un quart de l’hémicycle mais elle est divisée en trois groupes : L’Europe des Nations souveraines, avec l’AfD allemande ; les Conservateurs et réformistes, emmenés par Giorgia Meloni ; et les plus nombreux, les Patriotes pour l’Europe, troisième groupe du Parlement, groupe créé par Viktor Orban, Marine Le Pen et Geert Wilders. Émission préparée par Perrine Desplats, Oihana Almandoz et Isabelle Romero
Cette semaine, nous recevons Thierry Breton, ancien commissaire européen au Marché intérieur et ancien ministre français de l’Économie. Crise budgétaire française, relations avec les États-Unis et conflits en Ukraine et à Gaza, il commente les dossiers qui divisent les Vingt-Sept. La France, en pleine crise politique, connaît également une crise budgétaire sans précédent avec une dette record de 115% de son PIB. En Europe, la confiance en la France s’effrite. Thierry Breton, ancien ministre français de l’économie estime que "les Français, ou en tout cas ceux que les Français ont envoyés à l'Assemblée nationale, ne veulent pas vraiment voir l'origine de ce mal français". Il rappelle qu’en 2007, à son départ du ministère de l’Économie, l'endettement de la France s’élevait à 63 % alors que celui de l'Allemagne était à 67 %. "Nous avons eu les mêmes crises des deux côtés du Rhin : la crise des subprimes, des dettes souveraines, du Covid," explique-t-il. "Alors pourquoi l'Allemagne, qui a eu les mêmes crises que nous, est à 62 % du PIB d’endettement aujourd'hui et la France à 116 % ? Qu'est-ce qu’il s'est passé ? Avons-nous l’impression de mieux vivre depuis 2007 ? Est-ce que le fait d’avoir doublé notre taux d’endettement [...] a bénéficié au bien-être des Français ? Nous devons nous poser la question du financement de notre État providence." "La France fait partie des élèves au fond de la classe" Pour respecter le Pacte de stabilité et de croissance européen, les Vingt-Sept doivent maintenir leur déficit public sous le plafond de 3 % du PIB, et leur dette publique sous les 60 % du PIB. "Au sein de l’UE, la France fait partie des élèves au fond de la classe. En 2024, nous avons tous décidé, France y compris, que les pays se trouvant au-dessus de 90 % d'endettement auraient une obligation de baisser leur endettement d’un point de PIB par an. Aujourd'hui, nous l’oublions. Puis, d’ici à 2029, la France doit revenir sous la barre des 3% de déficit public en accord avec ce que le pays a négocié avec Bruxelles." Pour lui, l’ancien Premier ministre français François Bayrou avait pris en compte ces engagements dans sa feuille de route : "Est-ce la faute de François Bayrou ? Est-ce la faute du Parlement ? Est-ce la faute des Français ? Une fois de plus, la France ne va pas tenir les objectifs fixés par l'Europe. Je souhaite vraiment que ce ne soit pas le cas. Aujourd’hui, en Europe et un peu partout, nous disons qu'un pays qui ne compte pas, c'est un pays qui ne compte plus. La France a cessé de compter." Thierry Breton appelle au changement : "Nous ne pouvons pas continuer comme cela. D'abord pour l'équilibre de nos finances publiques, mais aussi parce que la voix de la France est nécessaire au sein des Vingt-Sept. Nous sommes un grand pays mais un grand pays doit donner l'exemple sur ses finances publiques. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas." "Il y a une fragmentation au sein du Parlement européen" Cette semaine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a de nouveau échappé à deux motions de censure déposées par l’extrême droite et la gauche radicale. Une situation qui traduit "une fragmentation au sein du Parlement européen", selon Thierry Breton, ancien commissaire au marché intérieur dans la Commission von der Leyen I. "Le socle sur lequel repose la coalition qui soutient la Commission et donc sa présidente, est un socle qui est assez fragile. Plus elle est fragile, plus les extrêmes vont vouloir enfoncer des coups de boutoir. Les trois partis qui soutiennent cette coalition doivent démontrer une cohésion à toute épreuve. Et ce n'est pas le cas. Les sociaux-démocrates et les Renew se plaignent du fait que par moment, le PPE oscille", en référence à certains votes du Parti populaire européen aux côtés des droites radicales. "Il faut vraiment mettre en garde contre ce type d'attitude qui, à un moment, risque précisément, sous ces coups de boutoir, non seulement de fragiliser, mais de faire tomber la Commission. Nous sommes dans un moment très singulier. Ce n'est pas le hasard. Cela doit rappeler à tout le monde ses responsabilités." "C'est un très mauvais accord" Les États-Unis et l'UE sont parvenus à un accord sur les droits de douane, après des discussions très difficiles entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Un taux plafond de 15 % a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. "Pour les entreprises européennes et pour nous ? C'est un très mauvais accord, c'est une évidence", estime Thierry Breton. Selon lui, le Canada et le Mexique sont parvenus à négocier leurs droits de douane à 4 % grâce à leur fermeté. "En ce qui concerne l’UE, nous avons à présent une zone de libre-échange unique, à l'envers. Les États-Unis vont exporter sur le premier marché économique mondial, l'Europe, avec zéro droit de douane. [...] Puis en plus de cela, nous nous sommes engagés sur les trois ans qui viennent à acheter pour 750 milliards d'hydrocarbures aux États-Unis. [...] Enfin, nous avons acté d’investir à hauteur de 500 milliards par an dans l’économie américaine. Donc est-ce que c'est un bon accord ?", ironise l’ancien ministre des finances. Donald Trump réclame également des exemptions dans plusieurs législations clés pour l'UE, notamment en ce qui concerne la régulation environnementale et celle qui encadre les géants du numérique. Des législations que défend Thierry Breton : "Cela a été voté par nos législateurs, c'est-à-dire par notre démocratie européenne. Prenez l'exemple de la régulation du numérique. Elle a été votée par plus de 90 % des députés européens et 100 % des États membres." En acceptant ces droits de douane et les pressions de la Maison Blanche sur divers sujets, "nous nous sommes dit que nous pouvions supporter l'humiliation pour peu qu'on ait la stabilité. Nous nous rendons compte que nous avons l'humiliation et aussi l'instabilité. Maintenant, ce sont nos lois qui sont attaquées. Des lois qui sont là pour protéger nos enfants, protéger nos concitoyens, protéger notre démocratie, protéger nos entreprises." "Nous devons montrer notre force sur le marché intérieur" La Commission européenne a proposé cette semaine de doubler les droits de douane sur l'acier de 25 % à 50 %, tout en diminuant de moitié les quotas d'acier étranger pouvant être importés sans surtaxe dans l'UE. Une décision saluée par l’ancien commissaire européen au marché intérieur : "C'est très important car c'est un secteur qui est à la fois stratégique, mais qui, comme beaucoup de secteurs aujourd'hui, est attaqué. Désormais, nous sommes dans des logiques de rapport de force. [...] Nous devons montrer notre force sur le marché intérieur. Faute de quoi, nous savons que nous avons des surplus absolument massifs en Chine. [...] La fermeté, ça marche. Il ne faut pas le faire de façon hégémonique. Nous ne voulons pas d'escalade, bien entendu, surtout par nous, Européens. Mais enfin, il y a un moment où il faut dire : ‘Enough is enough'." "À Gaza, il va falloir entrer dans la deuxième phase" Si Donald Trump n’a pas obtenu le Nobel de la paix, décerné par "un comité indépendant", Thierry Breton salue néanmoins le cessez-le-feu obtenu dans la bande de Gaza : "Nous avons clos cette phase. Il va falloir entrer dans la deuxième phase et il faut s'en féliciter. Je crois que nous pouvons clairement féliciter, notamment le président des États-Unis, parce que cela nous démontre ce que nous savons depuis toujours, c'est qu'il n'y avait qu'une personne qui pouvait vraiment peser de tout son poids pour imposer un cessez-le-feu et le retour des otages. Cette personne s'appelle Donald Trump. Certains se demandent pourquoi ceci n'a pas été fait avant." "Nous avons des objectifs communs pour nous protéger" En Ukraine, le conflit se poursuit et la menace russe pèse sur le reste de l’Europe. Pour se défendre, les États Membres souhaitent la mise en place d'un "mur anti-drone" destiné à protéger le continent des intrusions d'appareils non-identifiés. "Cela n'a pas de sens de faire un mur de drones. Les drones peuvent traverser les frontières mais ils sont, pour beaucoup d'entre eux, envoyés aussi directement des États membres d'un camion sur ces espaces dits contestés comme l'espace maritime, aérien, cyber et spatial. [...] Nous avons des objectifs communs pour avoir des infrastructures et des équipements pour nous protéger dans ces quatre espaces. Les outils et les instruments sont là. Il faut avoir une démarche globale et maintenant la mettre en musique de façon collective," conclut-il. Émission préparée par Isabelle Romero, Oihana Almandoz et Perrine Desplats
Les élus européens sont de plus en plus attentifs à cette drôle de guerre que mène Vladimir Poutine pour nous punir de notre soutien à l’Ukraine : une guerre hybride, mélange d’intimidation et de manipulation. Le Kremlin est clairement à l’origine de campagnes de désinformation intense à l’occasion des différentes élections en Europe : des médias pro-russes arrosent les réseaux sociaux, situation observée encore récemment en République tchèque, où le sulfureux Andrej Babis l’a emporté. Auparavant, c’était en Roumanie et en Allemagne, sans oublier la Moldavie, aux portes de l’UE. Les cyberattaques ou actes de sabotage orchestrés par la Russie sont désormais récurrents dans l’Est de l’Europe. Sans compter la flotte fantôme russe, qui inquiète dans les eaux européennes. Mais ces dernières semaines, le principal facteur de déstabilisation est devenu le survol sauvage d’une douzaine de pays de l’UE par des drones, et même un avion de chasse russe. Des aéroports ont été mis à l’arrêt. Face à cette menace de plus en plus concrète, les Européens tentent d’orchestrer une réponse commune. Émission préparée par Oihana Almandoz, Isabelle Romero et Perrine Desplats Plus d'informations sur les travaux du Parlement européen sur la page de la Commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie
Cette semaine, nous recevons Nicu Popescu, ancien vice-Premier ministre moldave tout juste élu député du parti pro-européen PAS. Il commente la récente victoire de son parti aux élections législatives en dépit des soupçons d’ingérences russes et accuse Vladimir Poutine de chercher à déstabiliser l’Union européenne Lors des élections législatives moldaves du 28 septembre dernier, le parti pro-européen action et solidarité, le PAS, a raflé 50,2 % des voix face aux partis proches du Kremlin. Cette victoire permet au pays, ancienne république soviétique de deux millions et demi d’habitants, de contrer l'influence russe et de poursuivre ses négociations d’adhésion à l’entrée dans l’Union européenne (UE) entamées en 2022. "C'est une victoire exceptionnelle", s’enthousiasme Nicu Popescu, élu député du parti gagnant lors de ces élections. "Les Moldaves ont fait un choix historique" "Nous voyons que ces dernières années, en Europe, la plupart des gouvernements qui étaient au pouvoir ont perdu des élections car les gens étaient mécontents à cause de l'inflation ou des effets économiques liés à la guerre en Ukraine. [...] La Moldavie a été encore plus affectée économiquement que ces pays. Nous avons eu encore plus d'inflation qu'en France ou en Allemagne. Le choc économique a été encore plus fort. [...] La guerre a fait peur aux investisseurs." Il salue, malgré cela, le choix de ses compatriotes : "Les Moldaves ont fait ce choix historique parce qu'ils se rendent compte qu’il ne s’agit pas juste de l'économie, mais aussi de la paix. C'est aussi la stabilité et l'avenir européen et démocratique de notre pays qui comptent." "ll y a eu beaucoup d'ingérence" Face à la victoire du PAS, le Bloc patriotique, principal parti d’opposition conteste les résultats et ne cache pas sa complaisance envers Moscou. "ll y a eu beaucoup d'ingérence", estime l’ancien vice-Premier ministre moldave. "Il y a eu des opérations russes avec des bots, des trolls, des algorithmes sur les réseaux sociaux pour promouvoir leur candidat. Mais il y a eu plein d'autres types d'ingérence physiques et financières. La police a trouvé des millions d'euros qui ont été injectés dans la politique moldave. La Russie a payé des centaines de gens, des activistes, des partis, des journalistes et experts corrompus pour faire la promotion des partis pro-russes." En Transnistrie, une région séparatiste du pays, pro-russe et russophone, l’opposition affirme que des citoyens auraient été empêchés de voter. Le député du PAS fustige ces allégations : "La Russie a organisé l'entraînement des gens pour provoquer des violences. C’est très connu en Moldavie. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées car elles ont eu des entraînements organisés par les Russes pour attaquer la police, pour faire des explosifs, pour occuper des bâtiments publics. [...] Cela va bien au-delà des réseaux sociaux. Ils veulent provoquer des violences. Après les élections, on a arrêté 31 personnes qui sont venues depuis la Transnistrie pour provoquer des violences." Nicu Popescu insiste sur la légitimité de ces élections : "C'est une majorité ferme, même écrasante, je dirais. Ce sera un gouvernement stable. [...] La formation du gouvernement est en cours de discussion." "Nous avons déjà beaucoup fait pour développer l'infrastructure" La Commission européenne considère le pays comme un bon élève et lui a accordé une aide de 1,9 milliard d'euros sur trois ans conditionnée à la mise en place de réformes économiques et institutionnelles. Les investissements sont visibles dans les grandes villes mais moins dans le reste du pays : "Nous avons vraiment ce plan de croissance pour le pays. Nous avons déjà beaucoup fait pour développer l'infrastructure. [...] Notre infrastructure énergétique a permis de sécuriser l'électricité et le chauffage dans les maisons moldaves alors que cette sécurité énergétique a été vraiment menacée à cause des attaques hybrides russes." Le système judiciaire du pays, qui nécessite des réformes afin que la Moldavie poursuive sa route vers une intégration européenne, souffre toujours d’une importante corruption. Le pays se place à la 76e place sur 180 pays au classement de l’indice de la corruption de Transparency International. "Il y a quatre ans, la Moldavie était à la place 115 de ce classement", se défend Nicu Popescu. "Il y a du progrès. Il nous reste beaucoup de travail, c'est évident. Mais le progrès dans la lutte contre la corruption est incontestable." Il cite en exemple le cas du puissant oligarque moldave Vladimir Plahotniuc qui vient d’être extradé vers Chisinau afin d’être jugé pour fraude bancaire. "C'est sans précédent pour la Moldavie d'avoir arrêté, détenu et mis un oligarque très corrompu en prison. Maintenant, les juges doivent faire leur travail. Les citoyens se réjouissent de cela. Il y a du progrès. Ce n'est pas fini, la lutte pour une justice qui fonctionne bien, c'est une lutte assez longue, mais le progrès est incontestable", réitère-t-il. Au sein des Vingt-Sept, la Hongrie de Viktor Orban bloque l’adhésion de la Moldavie ou de l’Ukraine à l’Union. Une situation que tempère Nicu Popescu, ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Maia Sandu : "Ce n'est pas la première fois qu'il y a un certain ralentissement du processus technique d'adhésion. Je crois que nous allons surmonter cela." "La Russie a intérêt à fragiliser l'Europe" La Russie est également accusée de chercher à déstabiliser l’UE. Cela passe par l'utilisation d’une flotte fantôme dont un navire a été arraisonné dans les eaux territoriales de la France : "Si tu es agressé, même si ça n’est pas une agression militaire, il faut que tu te défendes." À cela s'ajoutent les récentes incursions de drones présumés russes dans l'espace aérien d'États membres. "La Russie a intérêt à fragiliser l'Europe et les opinions publiques européennes. Ils veulent faire peur aux gens afin que les États européens ne veuillent plus soutenir ni l'Ukraine ni l’augmentation des dépenses pour la défense, et qu’ainsi elle n’ait plus les moyens de se défendre. [...] Le but est de désolidariser la France de la Pologne, de l'Italie, de l'Ukraine et que l’Europe, au lieu d’être unie, se compose de petits États influençables et à qui on peut faire du chantage." Nicu Popescu explique qu’il y a eu "un effort de modernisation militaire russe énorme depuis plus de quinze ans : les Européens ont ignoré cela. Cela a été une erreur stratégique des gouvernements français, allemands, britanniques entre 2008 et 2022", critique-t-il. "Nous ne sommes pas dans l'inaction" Face à la menace russe, les États membres ainsi qu’une vingtaine d’autres dirigeants européens, se sont réunis à l’occasion d’un sommet de la Communauté politique européenne. L’augmentation des capacités de défense de l’UE peine pourtant à progresser. "Nous ne sommes pas dans l'inaction", se défend le député moldave. "Les dépenses militaires se conjuguent à une modernisation des moyens, mais il faut faire beaucoup de rattrapage. [...] Il faut vraiment accélérer pour être en position de protéger la paix des Européens", reconnaît-il. L’Union envisage de lever 140 milliards d'euros provenant des avoirs de la Banque centrale de Russie immobilisés au sein de l’UE pour financer un prêt à Kiev qui sera remboursé si la Russie verse des réparations de guerre. Une initiative que soutient Nicu Popescu : "C'est une bonne idée de s'assurer que l'Ukraine tient bien parce que l'Ukraine protège l'Europe. [...] Sans une Ukraine forte au niveau militaire et financier, toute l'Europe sera en danger militaire immédiat. [...] Le seul moyen de garder la paix, c'est d'être fort", conclut-il. Émission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats et Paul Guianvarc'h
La France est pour certains devenue l’homme malade de l’Europe. Sa dette s’élève à 114 % du PIB, la plaçant au rang de troisième plus mauvais élève européen sur ce point. Son budget est en déficit de 5,4 % du PIB, bien au-dessus des 3 % exigés par le Pacte de stabilité européen. Au niveau politique, le gouvernement de François Bayrou est tombé et c’est au nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, que revient la charge de faire adopter un budget, dans une Assemblée nationale fragmentée. Quelle est donc aujourd'hui l'image de la France en Europe ? Émission préparée par Perrine Desplats, Oihana Almandoz et Isabelle Romero
Deux ans après l’attentat terroriste du 7 octobre 2023 perpétrée par le Hamas en Israël, la guerre menée par le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu a abouti à une situation dramatique à Gaza avec des dizaines de milliers de morts et une famine dans l'enclave déclarée par l’ONU. Lundi 22 septembre, à la tribune de l'ONU à New York, la France a reconnu l’État de Palestine. D'autres pays européens comme le Royaume-Uni, le Portugal, la Belgique ou encore le Luxembourg ont également procédé à cette reconnaissance. À présent, quelles vont être les conséquences concrètes de ces reconnaissances de la Palestine ? Émission préparée par Perrine Desplats, Oihana Almandoz et Isabelle Romero
Cette semaine, nous recevons Xavier Bettel, ancien Premier ministre et actuel ministre des Affaires étrangères luxembourgeois. Reconnaissance de la Palestine, sanctions contre la Russie et renforcement de la défense européenne, il commente les sujets qui divisent les États membres. Face aux menaces de la Russie ou au comportement imprévisible de Donald Trump, l'Union européenne (UE) semble coincée entre différents impératifs et les intérêts divergents de ses États membres. Xavier Bettel, ministre des Affaires étrangères luxembourgeois dans un gouvernement dirigé par le conservateur Luc Frieden, reconnaît des désaccords majeurs au sein de l’Union : "Nous avons déjà donné une meilleure image de l'Europe. [...] Peut-être que c'est aussi l'occasion de changer des choses, que ce soit les modes de décision, que ce soit aussi qui représente l'Europe. J'ai vu Madame von der Leyen à Washington. Est-ce que ça n'aurait pas été à Monsieur Costa ou à Madame Kallas d’y aller ? Qui fait quoi exactement ? Peut-être que c'est aussi le moment de donner un électrochoc pour que l'Europe se réveille autrement demain", poursuit-il. "L'art du compromis n'est pas une spécialité française" Le couple Macron-Merz, qui espérait relancer le moteur franco-allemand, semble patiner et ne pas donner l’impulsion nécessaire. "Je ne veux pas réduire l'Europe au couple franco-allemand", tempère Xavier Bettel. "Autour de la table, ils ont un impact, que ce soit au niveau industriel, ou sur l'économie qui est plus grande que celles d'autres pays", admet-il. Il reste optimiste sur l’avenir de cette relation : "Il y a quand même un dégel des relations franco-allemandes." La France, dont le gouvernement a été renversé une nouvelle fois la semaine passée, reste dans une instabilité politique qui affaiblit les Vingt-Sept. "J'espère que le gouvernement du Premier ministre Lecornu va tenir le plus longtemps possible. Je pense que c'est dans l'intérêt de tous d'avoir une stabilité. [...] Il faut peut-être qu’en France les politiques arrivent à comprendre que le compromis, le fait de vouloir rallier et se mettre autour d'une table et trouver des discussions, peut être quelque chose qui fonctionne. Mais l'art du compromis n'est pas une spécialité française", commente Xavier Bettel, qui fut l'ancien Premier ministre du Luxembourg de 2013 à 2023. "Nous devons prévoir deux États qui vivent l'un à côté de l'autre" Alors que l’offensive terrestre israélienne se poursuit dans la bande de Gaza, la Commission européenne propose de suspendre certaines dispositions de l'accord d'association entre l'UE et Israël liées au commerce, ce qui signifie dans la pratique que les importations en provenance d'Israël perdront leur accès préférentiel au marché de l'Union. Elle propose également des sanctions à l’encontre des ministres israéliens extrémistes et des colons violents. Des propositions qui doivent encore être adoptées par le Conseil, respectivement à la majorité qualifiée et à l’unanimité. Xavier Bettel regrette ces systèmes de vote qui ne permettent pas, selon lui, d’avancer sur le sujet : "Cela ne change rien que je vote pour ou que je vote contre, parce que nous avons besoin de l'unanimité. Nous avons des fonctionnements d'institutions qui ne marchent plus, donc il serait important d'avoir peut être des changements." Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois rappelle son soutien à une solution à deux États : "Il faut que les Israéliens comprennent que s'il y a une reconnaissance de la Palestine, ce n'est pas contre eux. Au contraire, car la paix en Palestine sera la sécurité d'Israël. [...] Ce n'est pas un acte hostile par rapport à Israël de vouloir reconnaître la Palestine, mais tout simplement d'éviter de créer une génération de haine et de terrorisme pour les 30 prochaines années. Nous devons pouvoir prévoir deux États qui vivent l'un à côté de l'autre et surtout l'un avec l'autre dans le futur." "L’Europe doit surtout compter sur elle-même" Après des mois de rebondissements, les États-Unis et l'UE sont parvenus à un accord sur les droits de douane. Un taux plafond de 15 % a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. "Il y a du pour et du contre" dans cet accord, selon le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois. "Nous ne sommes pas entrés dans cet engrenage de sanctions contre sanctions et nous avons obtenu une certaine stabilité", commente-t-il. Selon lui, l’UE apparaît cependant désavantagée dans cet accord : "Nous sommes aujourd’hui à 15 % contre zéro, ce qui n’est pas dingue." Il redoute surtout l’imprévisibilité de Donald Trump et le fait que les Américains puissent augmenter ce taux à leur guise sans moyen de rétorsion des Européens : "Il nous faut une position européenne où nous disons que 15 % est la limite que nous pouvons accepter. Dès qu'ils dépassent, il nous faudrait des contre-mesures qui soient prises au niveau européen. J'avais demandé que ce soit dans le texte et on m'a dit que ce n'était pas possible." "Il y en a certains qui tremblent devant toute décision qui peut venir de Washington", regrette le chef de la diplomatie du Grand-Duché. "Certains collègues autour de la table disaient que si nous n’étions pas d'accord sur l'accord commercial, nous avions un risque que les Américains retirent leur aide de l'Ukraine. C’est un risque qui existe encore pendant des mois et des années. Est-ce que nous allons tout accepter ?", s’interroge-t-il. Selon lui, "l’Europe doit surtout compter sur elle-même". "Nous devons quand même nous donner des garanties parce que c'est quand même un peu du chantage. Si nous acceptons une fois le chantage, est-ce qu'il pourrait y avoir de nouvelles étapes dans le chantage ?" "La dissuasion est une chose très importante" Après l'intrusion de drones russes présumés dans les espaces aériens de la Pologne et de la Roumanie, Xavier Bettel prône "la désescalade". La Pologne a demandé l’activation de l’article 4 du traité de l’Otan, qui prévoit des consultations entre alliés en cas de menaces. "L'invocation de l'article 4 était une opportunité pour dire que nous nous consultons pour montrer à Poutine que nous sommes solidaires et que nous ne laisserons pas tomber la Pologne", explique-t-il. À savoir si l’article 5 de l’OTAN, qui prévoit que si un pays membre est attaqué, tous les alliés doivent lui venir en aide, doit être invoqué, Xavier Bettel estime que "cela n'est pas dans notre intérêt et dans l'intérêt de personne". Le chef de la diplomatie du Luxembourg rappelle avoir eu des discussions avec les présidents Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine dès le début de la guerre et estime qu'il n'y avait "pas de volonté de paix" de la part de ce dernier. "Il fallait garder un dialogue. Aujourd'hui, nous n'avons plus de dialogue. [...] Nous devons montrer que nous sommes là. La dissuasion est une chose très importante." "Un investissement pour les générations futures" Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, l'Otan et Donald Trump souhaitent que les pays membres s'engagent à consacrer 3,5 % de leur PIB pour les dépenses militaires et 1,5 % pour toutes celles liées à la sécurité, soit un total de 5 % d’ici 2035. La moyenne actuelle des dépenses liées à la défense des pays européens est d’environ 2 %. Le Luxembourg, pays le plus riche de l’UE par habitant, consacre 2 % de son PIB à la défense en 2025 contre 1,1 % en 2024. Une augmentation significative sur laquelle Xavier Bettel ne pariait pas il y a encore quelques années : "Je consacrais 1 % du budget à la coopération, pour aider les gens parce que cela permet d’aider et donner de l'espoir. C'est un des meilleurs moyens d'éviter les conflits dans beaucoup de pays du monde. Mais un budget de 2 %, je n'y aurais jamais cru. Mais là, il faut qu'on augmente. La situation n'est plus la même. [...] Nous avons vécu sur les dividendes d'une sécurité où nous nous disions que les Américains seraient là pour nous protéger. Nous voyons aujourd'hui que les Américains sont imprévisibles." Alors que l’armée luxembourgeoise ne compte qu'un millier de membres, Xavier Bettel explique que ce réarmement doit se faire par étapes : "Il faut éviter que des populistes critiquent cet investissement dans l'armée et disent que nous aurions pu construire un nouvel hôpital ou une nouvelle maison de retraite à la place. Il ne faut pas donner ce pain aux populistes. Il faut faire comprendre aux gens que cet investissement, c'est aussi un investissement pour les générations futures." "Pour la Journée de l'Europe, moi, j'étais en Ukraine" Au sein des Vingt-Sept, les avis divergent au sujet du soutien à l’Ukraine. La Hongrie de Viktor Orban ou la Slovaquie de Robert Fico continuent de bloquer un soutien européen apporté aux Ukrainiens. Xavier Bettel fustige l’attitude de ces dirigeants européens qui entretiennent des relations avec la Russie : "Pour la Journée de l'Europe, moi, j'étais en Ukraine pour la solidarité ukrainienne et pour la solidarité avec l'Europe. J'ai certains collègues qui étaient sur la place Rouge. [...] C'est un fait d'aller sur la place Rouge pour applaudir les roquettes, les drones qui risquent demain de tuer des Ukrainiens. Peut-être après-demain des Lituaniens, des Polonais. Ce n'était pas le moment d’être à Moscou. C'était le moment d’être en Ukraine." Il critique également les tentatives de blocage de certains trains de sanctions à l’encontre de la Russie de la part de la Hongrie : "Si nous disons que nous voulons tout simplement arrêter de soutenir l'économie russe pour avoir des sanctions qui fonctionnent aussi, il faut que nous en payions aussi les conséquences et que nous soyons prêts. Et cela ne peut pas être 26 pays qui font tout et un autre qui essaie de bouffer à tous les râteliers." "J’ai demandé un avis juridique" La Commission européenne souhaite mobiliser les avoirs russes gelés dans l’UE pour effectuer un prêt de r
Grâce à Erasmus+, le programme phare d’échanges pour les étudiants, lycéens, apprentis et Européens en formation continue, l'UE tente de renforcer l'identité européenne. En 38 ans d’existence, Erasmus a bénéficié à plus de 16 millions de personnes dans l’Union. Le programme rassemble aujourd’hui 33 pays, pour un budget de 26 milliards d’euros sur six ans. Une enveloppe qui devrait augmenter de 50 % dans les prochaines années, selon les plans de la Commission européenne. Mais il reste des défis à relever. En ce qui concerne l'inclusion, le nombre de jeunes en situation défavorisée bénéficiant d’Erasmus+ est encore trop faible. Plus largement, l’Europe semble à la peine pour tenir ses objectifs ambitieux en matière d’éducation, avec de fortes disparités entre les États membres. Alors, où en est l’éducation européenne ? Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Agnès le Cossec Retrouvez l'intégralité des travaux de la commission Culture et Education du Parlement européen ICI
Cette semaine, nous recevons Clément Beaune, Haut-commissaire à la Stratégie et au Plan et ancien secrétaire d'État aux Affaires européennes. Alors qu’Emmanuel Macron vient de nommer un nouveau Premier ministre, le cinquième depuis le début de son second mandat, Clément Beaune souligne le "besoin d’une stabilité". Le nouveau chef du gouvernement français, Sébastien Lecornu, a entamé une série de concertations avec les responsables des partis politiques ainsi que les partenaires sociaux : "C'est un homme, tout le monde le reconnaît – qu'on partage ou pas sa sensibilité – comme les partis de gauche l'ont dit eux-mêmes, de dialogue et de discussion et je crois que tous les partis politiques et les forces syndicales dans leur immense majorité vont participer à cette concertation. On a besoin de ce compromis pour la stabilité", insiste-t-il. La première mission du Premier ministre sera de faire voter un budget dans une assemblée fragmentée et sans majorité. Selon Clément Beaune, "on a un temps qui est encore utile, suffisant" pour espérer y parvenir. "On ne peut pas imaginer, en effet, que la France, une deuxième année, commence l'année sans avoir un budget stable, arrêté, prévisible pour l'ensemble des Français, nos services publics et les entreprises aussi". Il regrette qu’en France, le compromis soit "vu comme un mot repoussant, dégoûtant, tout mou", contrairement à nos voisins européens habitués aux négociations entre partis. "La France, en quelque sorte, s'européanise, elle a un Parlement fragmenté, mais elle n’a pas le mode d'emploi de la coalition, il faut le trouver", remarque-t-il. Un autre défi de taille attend le nouveau Premier ministre, celui de la réduction de la dette et le retour sous la barre des 3 % du PIB de déficit : or en 2024, le déficit de la France s’élevait à 5,8 % du PIB. Certes, "la situation des finances publiques est préoccupante, ce qu'a d'ailleurs, à juste titre, expliqué, martelé François Bayrou courageusement", reconnaît Clément Beaune. Cependant, il met en garde contre "un discours 100 % négatif". "Notre économie en général a des entreprises formidables qui sont des réussites internationales, avec un taux d'emploi qui a augmenté ces dernières années, un chômage qui a reculé". Interrogé sur la trajectoire des finances publiques annoncée par l’ancien Premier ministre, François Bayrou, pour faire passer le déficit de la France en-dessous de 3 % du PIB en 2029, Clément Beaune "rappelle qu'on serait, même avec ces objectifs-là et de loin, le dernier pays de la zone euro a passer en dessous de la barre les 3 %". "Il faut revenir sous les 3 %, pas parce que dans un bureau à Bruxelles on l'a décidé, mais parce que c'est le déficit public qui stabilise la dette et évite de l'accumuler ou de l'augmenter", estime-t-il. Il est donc "très important pour notre souveraineté, notre indépendance économique et notre indépendance tout court" de réduire le déficit. La taxation des plus riches enflamme le débat budgétaire, l’opposition de gauche soutenant cette solution pour permettre de réduire le déficit. Le Haut-commissaire à la Stratégie et au Plan appelle à "mettre un peu de rationalité ou de justesse dans ce débat qui, parfois, est un peu caricatural ou caricaturé. On n'est pas un paradis fiscal et les taux d'imposition pour les plus riches sont déjà élevés, y compris en comparaison européenne". S’il reconnaît toutefois que "les patrimoines les plus importants concentrent une part de la richesse qu'on n'avait pas vue parfois depuis un siècle dans notre pays", il est partisan de traiter cette question plutôt au niveau européen. Il propose ainsi une "négociation européenne à quelques-uns pour voir s'il n'y a pas une taxation des très haut patrimoines supplémentaires qui éviterait des problèmes de compétitivité pour la France". Concernant la proposition de taxe de l’économiste Gabriel Zucman sur le patrimoine des plus riches, il reste circonspect. "Cela n'apporterait sans doute pas toutes les recettes qu'on nous dit parfois, plutôt cinq milliards que vingt milliards, c'est un peu différent. Et puis, il faut être lucide, ça ne résoudrait pas, quoi qu'il arrive, notre problème de dette ou de déficit à soi-seule", estime-t-il. "Il faudra faire des économies aussi". À lire aussiDes retraites à la taxe Zucman : quelles seront les "ruptures" évoquées par Sébastien Lecornu ? Clément Beaune revient sur le discours sur l’État de l’Union, prononcé par Ursula von der Leyen ce mercredi. S’il juge la présidente de la Commission européenne "plutôt convaincante sur les sujets internationaux", il se dit "moins convaincu sur la question commerciale". Il critique l’accord commercial conclu cet été entre Bruxelles et Washington qui porte à 15 % les taxes sur les exportations européennes vers les États-Unis. Cet accord lui "paraît défavorable, déséquilibré". Or Clément Beaune est "convaincu que quand l'Europe ne montre pas sa force, elle perd du soutien, d’autant plus que monsieur Trump ne comprendra que le langage de la force, de l'unité, de la fermeté européenne". Cet accord a été largement critiqué au sein de l’hémicycle européen, par les parlementaires de tout bord. Jordan Bardella, chef du groupe Les Patriotes pour l’Europe au Parlement européen, a accusé la présidente de la Commission d’avoir négocié un accord servant les intérêts des constructeurs automobiles allemands. Mais Clément Beaune "ne croit pas qu’Ursula von der Leyen soit la présidente de la Commission de Berlin, ou de l'Allemagne, et des intérêts économiques allemands. D’autres pays comme l’Italie ont soutenu cet accord !" L’ancien secrétaire d'État aux Affaires européennes rappelle également que, dans le passé, la cheffe de l’exécutif européen, a été "très française, dans beaucoup de propositions, y compris au moment du Covid". Clément Beaune annonce "qu’on va faire beaucoup mieux dans nos négociations commerciales avec les États-Unis, très fortement". "En tant que pro-européen, on n'est pas un béat ou un naïf, on est justement un combattant et moi je suis un combattant de l'Europe", déclare-t-il. La filière automobile européenne fait campagne à Bruxelles pour repousser ou assouplir l’objectif de fin des voitures thermiques en 2035, un objectif qu'elle juge irréaliste. Elle pointe du doigt le retard européen face à la concurrence asiatique pour la production de batteries. Clément Beaune se positionne contre l’abandon de cet objectif de 2035. "On peut avoir de la souveraineté sur le véhicule électrique, mais il faut de l'investissement, il faut de la constance, il faut du soutien social et industriel aux sites français de production, notamment à la filière des batteries", estime-t-il. Emission préparée par Agnès Le Cossec, Isabelle Romero et Perrine Desplats
L'Europe va devoir trouver le "courage de se battre". Les mots, forts, sont ceux d’Ursula von der Leyen lors de son discours sur l'État de l’Union ce 10 septembre. La présidente de la Commission européenne a adopté un ton dramatique pour ce discours de rentrée, évoquant un monde "sans pitié" où elle annonce des nouvelles mesures contre la Russie et de soutien à l'Ukraine ainsi que des sanctions contre Israël. Un appel lancé dans un contexte de fragilité souligné par l’accord commercial déséquilibré avec les États-Unis, qu’Ursula von der Leyen a tenté de défendre devant les eurodéputés. Fragilité politique, aussi, au sein d’un Parlement fragmenté, où son groupe, le PPE, participe à une majorité proeuropéenne avec le centre et les socialistes, mais vote parfois contre les mesures environnementales avec une droite plus extrême. Et, fait inédit, la présidente de la Commission a été huée par moment lors de son discours. Alors une Europe forte, ou une présidente de la Commission affaiblie ? Emission préparée par Isabelle Romero, Oihana Almandoz, Charlotte Prudhomme et Perrine Desplats Retrouvez ici l'intégralité du discours sur leétét de l'Union de la présidente de la Commission
Cette semaine, nous recevons Arancha González Laya, ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole, ainsi que doyenne de la Paris School of International Affairs à Sciences Po. Face à l'imprévisibilité de Donald Trump, une résolution des conflits qui piétine en Ukraine et à Gaza et une croissance économique très lente, la rentrée est morose pour les Européens. Le 27 juillet à Turnberry, en Écosse, les États-Unis et l'Union européenne (UE) sont parvenus à un accord sur les droits de douane, après des discussions très difficiles entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Un taux plafond de 15 % a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. "Ce n'est pas un bon deal du point de vue économique puisque les termes de cet accord sont déséquilibrés", commente Arancha González Laya. "C'est surtout un mauvais deal d'un point de vue géopolitique car nous normalisons des relations internationales basées sur la loi du plus fort plutôt que sur la loi des règles, des systèmes, des traités et des accords. Nous contribuons aussi à l'affaiblissement d'un ordre international." "Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien" L’économiste estime que cet accord a été concédé aux États-Unis dans le but de conserver leur soutien en Ukraine : "La volonté européenne est de placer la défense de l'Ukraine avant la défense des intérêts commerciaux de l'UE. Les Européens ne sont aujourd'hui pas capables de contribuer seuls à la défense de l'Ukraine contre la Russie. Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien. L’accord commercial est le prix à payer pour les garder de notre côté." Elle s’interroge sur le fait de savoir si cela sera suffisant pour s’assurer de ce soutien : "Ce n'est pas non plus garanti." Selon Arancha González Laya, qui a occupé des postes à responsabilités au sein de l'Organisation mondiale du commerce, ces droits de douane affectent plus les Américains que les Européens : "Cela va augmenter l'inflation aux États-Unis. Je ne crois pas que ce soit un bon deal pour eux. Nous commençons déjà à observer une légère montée des prix aux États-Unis." Elle admet cependant que ces tarifs douaniers ne sont pas non plus favorables à l’UE, car cela "représente un coût supplémentaire pour accéder au marché américain". Donald Trump a également menacé de représailles les pays européens qui appliqueraient des politiques défavorables aux entreprises américaines de la tech. Selon Arancha González Laya, il n’y a pas de rétropédalage concernant les règles européennes sur le numérique : "Les États membres et les institutions communautaires sont assez conscients du fait que nous ne pouvons pas marchander une décision démocratique issue de nos parlements et de nos citoyens dont l’objectif est de nous protéger dans l'espace digital. [...] Nous devons répondre que ce n'est pas contre les entreprises américaines, ni contre les entreprises chinoises, c'est pour la protection des consommateurs et des citoyens européens." Quant à savoir si l’UE aura gain de cause face aux Américains sur cette question, la juriste et économiste reconnaît un "choix difficile à faire entre la démocratie européenne et le fait de faire plaisir à l'administration américaine... la deuxième option serait dangereuse : l’opinion publique en Europe est de plus en plus europhile, car elle pense que l'intégration européenne va permettre de mieux nous protéger. Mais si le signal que nous donnons aux Européens, c'est que nous sommes prêts à marchander notre démocratie, cela pourrait mener à de l'euroscepticisme." "Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne" Cette semaine, la France a de nouveau convié la coalition des volontaires à Paris afin de discuter de son soutien à l’Ukraine. Alors qu’un accord de paix semble encore lointain, la juriste espagnole reconnaît "une fatigue" du côté des Ukrainiens mais également de l'Europe. "Poutine a menti à Trump quand il lui a dit qu’il allait négocier la paix avec Zelensky. Il ne l'a pas fait et je ne crois pas qu'il ait l'intention de le faire", estime Arancha González Laya. Selon elle, l’UE doit "renforcer la position de l'Ukraine dans cette guerre contre la Russie" : "Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne, mais aussi montrer aux États-Unis que nous ne sommes pas des profiteurs, que nous sommes des acteurs, que nous sommes également prêts à mettre ce qu'il faut sur la table." Pour ce faire, en 2024 et pour la première fois, une majorité des pays européens a consacré au moins 2 % de son PIB à la défense, conformément à l'objectif fixé par l'Otan. "Il y a des gros efforts européens", poursuit l’ancienne ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, qui est à la traine dans les dépenses de défense. "L'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains" En ce qui concerne la guerre à Gaza, "les Européens se rendent compte de la situation insupportable dans laquelle nous nous trouvons", s’émeut Arancha González Laya. "Si nous sommes sérieux en Europe, et si nous sommes responsables vis-à-vis des engagements que nous avons pris avec nos citoyens concernant la protection des droits et des valeurs, nous ne pouvons pas rester sans agir", considère-t-elle. "L’Espagne, avec l’Irlande et la Slovénie, ont reconnu la Palestine il y a un an et demi. Maintenant c’est la France qui se joint à cet effort et en entraine d’autres. Je crois que c'est important de montrer que l'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains." "C'est un bon accord pour l'UE" Après 25 années de négociations, la Commission européenne a validé cette semaine un accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, éliminant ainsi la quasi-totalité des droits de douane industriels entre les deux blocs. Selon Bruxelles, l'accord permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de quatre milliards d'euros de droits de douane par an. Pour Arancha González Laya, cet accord est "indispensable". "D’un point de vue économique, cela nous permet de nous ouvrir à d'autres opportunités pour nos exportateurs. [...] Cela pourra en partie compenser les difficultés que nous aurons à accéder au marché américain. [...] Il y a également un intérêt géopolitique, qui est de construire des partenariats avec d'autres pays, dans d'autres régions du monde, qui ne souhaitent pas un monde divisé entre les Chinois, les Russes et les Américains." Certains pays européens ainsi que des agriculteurs à travers l’Europe s'opposent à ce projet. Pour les rassurer, Bruxelles a promis de compléter l’accord par un acte juridique visant à renforcer les mesures de sauvegarde sur les produits européens sensibles. "Si jamais il y avait un déséquilibre fondamental dans les marchés européens suite à des importations massives, l'UE pourra y répondre. [...] C'est un bon accord pour l'Union européenne", estime Arancha González Laya. "Je me préoccupe de l'affaiblissement de la France" La France, dont le gouvernement pourrait à nouveau tomber dans les jours à venir, est en pleine crise politique depuis les élections européennes de 2024. "Je me préoccupe de l'impact que l'affaiblissement de la France peut avoir dans l'affaiblissement de l'Europe." Face à une dette publique record, elle appelle à la réforme : "Ne pas faire de réforme en France affaiblit l'économie française, la capacité de la France à redistribuer et à faire en sorte que tous les citoyens s'y retrouvent. Mais elle affaiblit aussi l'Europe dans un moment où elle a besoin d'être forte. [...] La leçon, en France comme ailleurs en Europe, c'est que si nous ne voulons pas devenir subsidiaires d'autres puissances comme la Russie, les États-Unis ou la Chine, il faut faire des réformes et intégrer davantage l’UE", conclut-elle. Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz
L’Union européenne fait face à plusieurs crises en cette rentrée, et paraît affaiblie. D’abord pour des raisons politiques, alors que la France, deuxième puissance du club des Vingt-Sept, navigue à vue sur son gouvernement et son budget. Sur le plan géopolitique, l’UE est à la peine pour soutenir l’Ukraine efficacement et obtenir une paix durable. Les Européens restent à la merci du Président américain Donald Trump. Et enfin les pays membres sont divisés et inaudibles face au drame de Gaza. Pour l’Union européenne, quel numéro de téléphone en cas de crise ? Quelle image renvoie-t-elle à la jeunesse ? Europe puissance ou Europe impuissance ? Une émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz
Tout au long de la saison, nous avons reçu des personnalités européennes de haut rang : présidents du Conseil européen, commissaires, présidents, Premiers ministres ou ministres, venant de toute l'Union européenne, pour une saison marquée par la guerre en Ukraine qui s'éternise, le conflit à Gaza, des questionnements sur le Pacte vert et le Pacte asile et migration, alors que les Vingt-Sept s'interrogent sur une défense commune. Nous vous proposons de revenir ici sur les temps forts de ces interviews. Emission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero, Luke Brown et Oihana Almandoz



