L'Afrique en marche

<p>L'Afrique positive sur RFI pour découvrir et mettre en valeur des initiatives gagnantes du continent. Une entreprise innovante, une idée qui mérite d'être relayée, un projet auquel nous pouvons donner un coup de pouce... Chaque semaine, nous ferons un focus sur l'Afrique qui marche et qui donne envie d’aller plus loin !  </p><p>Diffusion : dimanche à  5h47, 7h47 et 12h50 TU.</p>

La start-up sénégalaise Ecobuilders transforme des pneus recyclés en atout pour les agriculteurs

Comment faire en sorte pour les paysans sénégalais de ne plus perdre une partie de leurs récoltes, faute d’entrepôts ou de silos ? Une jeune ingénieur, Marie Ndieguene, s'est posée la question à Dakar et a trouvé une solution simple au sein de sa start-up Ecobuilders. Une solution de conservation qui permet simultanément de ne plus gâcher les pommes de terres ou les oignons récoltés et en plus de recycler des produits qui jusque-là polluaient la nature. Vu de loin, c'est une case comme beaucoup d'autres à base d'argile et de torchis. Mais d'un peu plus près, on comprend qu'il s'agit d'une réserve de produits agricoles constitués de pneus recyclés, de plastique et d'un toit en roseau. Un système ventilé qui permet d'éviter la fermentation et donc le gâchis des récoltes d'oignons ou de pommes de terre au Sénégal. Une invention baptisée I3S pour « solutions innovantes d'espace de stockage ». Marie Ndieguene, ingénieure civile, a eu l'idée de créer cette solution lors d'un voyage d'étude dans la région de Kayar.  « Quand je suis allée à Kayar, je suis passée devant un tas de pommes de terre, une montagne de pommes de terre pourries. Je leur ai demandé : "Qu'est-ce qui se passe ici ? Pourquoi ces pommes de terre sont amoncelées en tas ici ? Pourquoi elles sont pourries ?" Et ils m'ont expliqué qu'il n'y avait pas de dispositifs de conservation. Comme tout le monde produisait au même moment de la pomme de terre à cette époque-là, ils se sont retrouvés avec un tas d’invendus qui avaient pourri au soleil. Pour moi, résoudre cette problématique, c'était permettre au Sénégal d'atteindre cette autosuffisance alimentaire, mais aussi de rendre un pouvoir d'agir aux agriculteurs parce qu’ils produisent à perte. Voir sa récolte pourrir – plus d’un tiers de leurs récoltes pourrissent en raison de cette problématique-là – c'est catastrophique. C'était un non-sens de voir que nous avions virtuellement atteint l'autosuffisance alimentaire à travers les chiffres de la production, mais qu'en réalité seulement un tiers de notre production globale atteignait les consommateurs ».  Autosuffisance et gâchis alimentaire Aussi, Marine Ndieguene, au sein de sa start-up Ecobuilders, a eu l'idée de récupérer des pneus usagés et des sacs plastiques qui jonchent le sol dans les champs au Sénégal pour construire des hangars de stockage ventilés pour les cultivateurs.  « C'est un bâtiment en pneus et en matériaux recyclés qui a des murs et qui est circulaire. On s'est inspiré de l'architecture traditionnelle des cases. Les murs sont en matériaux recyclés à l'intérieur et à l'extérieur. Il y a une enveloppe thermique faite de terre. La toiture est isolée avec du thypha (une espèce de roseau, NDLR) et de la paille de typha. C'est un bâtiment qui a une capacité de 30 à 100 tonnes. Il est modulable et adaptable. Toute la structure est en matériaux recyclés ».  Cette solution a permis au groupement de maraîchers, dont fait partie Cheikh Gueye, de sauver leur récolte de pommes de terre jusqu'ici conservées en tas sous des arbres et un peu de paille. « Tu as sauvé ma récolte » « Sur cent tonnes, au bout de quatre mois, on a perdu moins de 100 kilos, alors qu'avant, on pouvait perdre presque une tonne ou plus. Cela nous a vraiment permis de conserver nos produits jusqu'à avoir un meilleur prix sur le marché puisque les prix sur le marché varient d'un jour à l'autre, selon les propositions des commerçants. Ce hangar nous a permis de stocker en attendant un meilleur prix. Il nous a également permis d'être un peu indépendants et de pouvoir fixer notre propre prix ».  Dans un contexte d’inflation galopante au Sénégal, Marine Ndieguene se félicite de l’amélioration pour les paysans. « Ma plus grande fierté, c'est d'avoir à ce jour aidé plus de 3 000 agriculteurs à travers le Sénégal, d'avoir pu sauver plus de 62 000 tonnes de pommes de terre, d'avoir créé 60 emplois directs et indirects et de recevoir chaque année au moment du stockage et du déstockage, les appels des producteurs qui me disent : "Tu as sauvé ma récolte. J'ai pu stocker pendant trois mois. J'ai pu stocker durant deux mois. J'ai pu vendre au bon prix parce que je n'étais pas obligé de brader". C'est pour moi une sensation inouïe de pouvoir mettre à profit mes compétences d'ingénieur au service de mon pays et surtout de l'agriculture. C'est toujours une grande fierté ».  Le système de stockage imaginé par Marie profite aux pommes de terre et aux oignons, mais son projet est de décliner cette solution à d'autres productions comme celle de la mangue ou d'autres fruits. 

12-01
04:16

Phati, un petit clic pour trouver son médicament en pharmacie en RDC

En RDC, si vous avez du mal à trouver vos médicaments dans une pharmacie, que vous craignez une rupture de stock ou que vous souhaitez pouvoir comparer les prix de tel ou tel traitement, Valorigo a une solution à vous proposer. Cette start-up fondée à Goma, il y a quatre ans, a mis au point l'application Phati, qui permet de trouver rapidement des médicaments et de les réserver à l'avance. C'est parce qu'il en avait assez de courir les rues de Goma pour trouver un médicament contre ses quintes de toux que Daniel Makombe, 28 ans, ingénieur informatique, a eu l'idée de mettre au point une application : Phati, sur ordinateur ou bien sur smartphone, permet de cartographier en direct les pharmacies qui disposent tout de suite du sirop, des pilules, du traitement dont vous avez besoin.  « L'idée est née d'une expérience personnelle, se souvient le créateur de cette start-up congolaise. Chaque fois que j'avais besoin d'un médicament, il fallait que je puisse parcourir plusieurs pharmacies avant d'en trouver une qui en disposait. C'est vraiment stressant. Alors, je me suis dit qu'il y avait vraiment une opportunité pour digitaliser le secteur et résoudre ce grand challenge. On a commencé à Goma. Si vous cherchez par exemple du paracétamol, il suffit d'aller sur notre site et vous tapez le nom du médicament. Et le site va vous afficher toutes les pharmacies qui l'ont en stock, ainsi que le prix et l'adresse de ces pharmacies. Alors, vous n'avez qu'à cliquer sur "Réserver". Le système va vous générer un code de réservation que vous aurez à présenter dans la pharmacie afin d'être servi. Le paiement du médicament et la collecte, ça se passe en pharmacie. »  Code de réservation et achat sur place De l'e-commerce pharmaceutique adapté aux réalités des stocks de médicaments de RDC. L'autre avantage de cette application Phati est de faciliter le travail des pharmaciens lors des inventaires, puisque les produits vendus sont scannés et donc déduits automatiquement des réserves, selon Daniel Makombe.  « Il y a également des pharmacies qui sont d'ailleurs nos clients payants. Elles sont également très satisfaites parce que Phati leur permet non seulement d'attirer beaucoup plus de trafic dans leur pharmacie, mais surtout aussi de digitaliser les opérations quotidiennes. Et donc le suivi des stocks, celui des ventes et de la trésorerie. Tout cela se fait à travers cet outil », détaille-t-il. Après Goma et Beni, où la solution a été adoptée par 700 pharmacies, la start-up Valorigo, qui a conçu l'application, s'est installée au Katanga. Philippe Bassémé, chargé de la gestion-facturation à la pharmacie Horizon de Lubumbashi, est plutôt convaincu par cette solution digitale : « Cet outil permet de digitaliser toute notre gestion, notamment des stocks, la facturation. Autrefois, nous faisions tout dans un grand cahier avec un stylo. Mais depuis qu'ils sont arrivés, c'est trop rapide. L'inventaire est trop facile. » Inventaire trop facile La société de Daniel Makombe est née sur fonds propres, puis a vite reçu l'appui de la Fondation Bill et Melinda Gates, ainsi que celui du Fonds de soutien aux start-up Digital Africa, dont Sami Ajimi est l'un des responsables développement.  « On s'est rendu compte qu'il répondait à une vraie problématique. En RDC, il y a énormément de pharmacies. Beaucoup sont même illégales. Et donc, Phati est parti du postulat de collaborer seulement avec les pharmaciens qui sont référencés par l'ordre national et de répondre à une problématique qui est assez chronique en RDC : celle de trouver des médicaments, et surtout à un prix abordable. Daniel nous expliquait que d'une pharmacie à l'autre, un médicament peut valoir deux fois plus cher », explique-t-il. Après Goma, Beni et – depuis quelques semaines – Lubumbashi, le prochain but de cette start-up congolaise sera de s'implanter sur le marché des pharmacies à Kinshasa. 

11-28
03:44

La Semaine de l'Afrique des Solutions

Les 24 et 25 octobre 2025 s’est tenue à Paris la « Semaine de l’Afrique des Solutions ». Troisième rendez-vous du genre en trois ans qui est une sorte de laboratoire d’idées et de projets concrets mis en œuvre en Afrique. La SAS, c’est une semaine résolument optimiste faite de tables rondes, d’exposants, de débats et de pitchs de jeunes entrepreneurs africains ou de la diaspora en France qui veulent voir le continent sous un autre jour. Dans la salle de gala de la mairie du 16ᵉ arrondissement de Paris, on discute - non pas des problèmes de l'Afrique - mais plutôt d'une Afrique des solutions. 48 h de réunions, d'entretiens, d'exposants et de débats pour cette troisième édition de la Semaine de l'Afrique des solutions. Il s’agit d’une assemblée de porteurs de projets pour un continent qui se veut résolument optimiste, mis en avant par des journalistes comme Léonce Houngbadji, journaliste béninois. Il est également l'organisateur de ces rencontres.  « Nous sommes partis d'un constat simple qui est qu’il y a beaucoup de plateformes autour des problématiques sur l'Afrique. Chaque jour, il y a une conférence, un sommet, un colloque, un salon sur l'Afrique. Et la plupart du temps, quand vous avez la possibilité de participer à ce genre d'événements, vous allez constater qu'on ne parle que de problèmes. Comme si en Afrique, il n'y a que des défis, il n'y avait que des problèmes. C'est vrai qu'on a des défis en Afrique, il faut le reconnaître, mais pas que... À côté des problèmes, il y a aussi des choses qui marchent en Afrique. Vous avez aujourd'hui des Africains qui créent des drones agricoles, des mallettes médicales, des bornes de télémédecine, des voitures à hydrogène, des objets connectés. Il y a énormément de solutions qui sont de plus en plus développées par des Africains qui apportent des réponses concrètes et concluantes à certaines de nos problématiques sociales, sociétales, écologiques et autres. Mais on n'en parle pas ou on en parle très peu. Et nous, avons décidé d'utiliser le "journalisme de solution" pour raconter l'Afrique autrement, pour faire émerger de nouveaux récits positifs et inspirants qui donnent à voir une autre Afrique. Pour dire : "Oui, il y a des problèmes, mais il faut aller au-delà de ces problèmes-là" », explique Léonce Houngbadji. Aller au-delà des problèmes  Loin de toute candeur ou naïveté, Youssouf Camara, directeur de la Maison de l'Afrique, présent à ces rencontres, estime que cette volonté de présenter le continent sous un jour positif est pertinente.  « Non seulement c'est pertinent, mais je pense que c'est indispensable. Parce que cette Afrique qui est racontée à travers ses problèmes, masque une Afrique qui avance, qui a malgré tout des solutions à des situations auxquelles sont confrontées les populations. Et ces situations-là ne sont pas connues. Donc, une Semaine comme celle-ci permet d'agréger un certain nombre de solutions. Ici, on va voir défiler sur 48 h plus d'une centaine de solutions concrètes. À partir du numérique, de la santé, du financement... Donc, il est important que les Africaines et les Africains entendent que dans ce continent, il y a des solutions réelles qui sont mises en place et qui fonctionnent. Ces diasporas sont un peu éparses, donc c'est bien qu'elles puissent se réunir pour regarder ce qu'elles peuvent faire ensemble et être ce pilier qui, au-delà des fonds qu'elles envoient en Afrique, amène également des solutions concrètes pour se mettre en œuvre », précise Youssouf Camara.  La diaspora africaine a toute sa part à jouer dans une Afrique des solutions. C'est ainsi que Peggy Boédé, aide-soignante ivoirienne dans différents hôpitaux parisiens, a décidé de mettre à profit son expérience en créant Kéa Stérilisation, une société spécialisée dans la stérilisation des instruments chirurgicaux.  « J'ai décidé de créer mon entreprise, il y a bientôt cinq ans, parce qu'un membre de ma famille a contracté une infection nosocomiale, ici, aux urgences, dans un hôpital français, à cause d’un instrument mal stérilisé. Donc, Kéa Stérilisation collabore aujourd'hui avec l'Institut de cardiologie d'Abidjan à Treichville. Nous les accompagnons à mettre aux normes leur service stérilisation parce qu'il y a plusieurs établissements en Afrique qui n'ont pas de laveurs. Ils lavent à la bassine, ils lavent à la main. Donc, mon entreprise est là pour les équiper, leur fournir des laveurs, des désinfecteurs, des autoclaves... Donc, cet événement de la Semaine de l'Afrique des Solutions, c'est un relais pour nous », raconte Peggy Boédé. Et en termes de relais, les organisateurs de cette semaine de l'Afrique des solutions comptent créer prochainement un annuaire des innovateurs africains, un site valorisant les solutions « made in Africa » et mettre en place une école de journalisme de solutions pour montrer un autre visage du continent. 

11-12
04:20

À Abidjan, le Masa Lab' pépinière à jeunes talents

L’Afrique en marche à Abidjan où depuis six mois des artistes de différents domaines (musique, théâtre, danse) travaillent dur dans le cadre du Masa Lab’. Le Marché des Arts du Spectacle d'Abidjan - en dehors de son rendez-vous biannuel - a mis en place un incubateur permettant à cinq artistes de se perfectionner dans leur art et surtout de se professionnaliser pour mieux gérer leur carrière…   Rediffusion du 27 avril 2025. Derrière la porte du Yelam’s, une salle de concert au quartier Treicheville, répètent la chanteuse Ablaa et ses trois musiciens. Tous sont là pour un travail de résidence afin de se perfectionner sur scène.  Jeune révélation baoulé de la musique ivoirienne, Reine Ablaa s'est fait connaitre par les réseaux sociaux. Pas spécialement de formation musicale à la base, d'où l'importance pour elle de travailler avec cet incubateur, le Masa Lab’ avec un coach expérimenté, le chanteur camerounais Blik Bassi. « On nous "incube" pendant un an, on a droit à des jours de répétition pour venir travailler sur le spectacle. On apprécie le fait d'apprendre de professionnels, de mentors, le fait d'apprendre même de ces musiciens et de recevoir aussi des formations qui sont faites au Masa Lab’ où des gens viennent nous former sur des thèmes de l'industrie, comme la façon de lire et signer un contrat. Comment développer sa carrière musicale ? Quelles sont les différents enjeux pour chaque artiste en fonction de si vous travaillez en label, si vous travaillez avec des majors. On vous fait comprendre en fait l'industrie. Une vision 360 degrés et c'est ce qui est très intéressant aussi », se félicite ce jeune espoir de la musique ivoirienne.   Une vision artistique à 360° Un apprentissage, un outillage adapté qu’a conçu Abou Kamaté, le directeur général du Masa. Il est à l'origine de ce projet d'incubation des artistes ivoiriens. « Notre constat est que les artistes ont encore besoin d'un accompagnement pour mieux se structurer, pour mieux se professionnaliser et être en capacité de proposer des produits qui peuvent se jouer localement, mais aussi sur le marché international. Et donc le Masa Lab’, c'est un projet qui accompagne certes les artistes, mais aussi tous les métiers qui gravitent autour de la création artistique. Nous "incubons" certains artistes, mais aussi le manager, le chargé administratif, le chargé de communication. Il faut vraiment travailler sur cette question de professionnalisation, sur cette question de structuration, parce que c'est un business et il faut que les artistes puissent vivre de leur art pour cela. Ils ne peuvent pas juste compter sur leur talent, ils doivent aussi être de vrais entrepreneurs et c'est ça l'ambition du Masa Lab’ ». Ils ne peuvent pas juste compter sur leur talent Dans une autre salle de théâtre à Abidjan, Souleymane Sow, metteur en scène, répète et peaufine une pièce d'Edouard Elvis Bvouma, Une poupée barbue avec la comédienne Oga Kamouni. « Kamouni, affirme Souleymane Sow, c'est une comédienne qui est à l'écoute. Elle sort d'une école de théâtre. Je pense qu'elle a tout ce qu'il y a comme élément qu'une comédienne doit avoir. Je pense que dans le cadre de ce travail-là, on a un texte qui a une résonance. Donc à partir de cette résonance, on essaie de vraiment travailler. Les différents souffles, les différentes prononciations, donc on est vraiment dans un travail de recherche. Sur des matériaux, au niveau du plateau, en termes de corps, au niveau des tons, des voix et tout ça, on travaille aussi les différentes ponctuations qui sont dans le texte ». À l’écoute à ses côtés, Oga Kamouni, jeune comédienne sortie de l’Insaac mesure sa chance d’être intégrée au Masa Lab’. « Disons que le Masa Lab', c'est une belle occasion qui est faite aux artistes. C'est une opportunité pour nous de montrer nos talents et puis surtout de faire la rencontre de grands professionnels. Par exemple, Monsieur Sow, c'est un grand metteur en scène ici qu'on connaît très bien. Tout le monde rêve de travailler avec lui. Tout ce que je n'arrive pas à travailler, je parviens à le faire avec lui. Et c'est aussi une belle rencontre avec d'autres professionnels qui viennent d'ailleurs ».  Au terme de ce mentorat artistique en danse, en musique et en théâtre, les artistes encadrés du Masa Lab’ joueront face au public lors du prochain Masa en 2026. 

11-09
04:11

En Mauritanie, la réhabilitation des systèmes d'eau coule de source entre Kiffa et Montpellier

Lorsque deux villes de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud travaillent ensemble, cela donne des résultats pour le bien-être des populations. En l’occurrence, la métropole de Montpellier, dans le sud de la France, participe à un programme de réhabilitation du système de fourniture en eau potable de la ville de Kiffa, dans le sud de la Mauritanie. La problématique de l’eau, à des degrés différents, est commune aux deux villes. Et ensemble, elles trouvent financements et solutions techniques. La subvention Ficol (Facilité de financement des collectivités territoriales) est une sorte de jumelage technico-financier entre deux villes qui ont l'une des problèmes et l'autre des solutions. En l'occurrence, le maire de Kiffa en Mauritanie, Jemal Keboud, se doit de fournir à ses 80 000 habitants de l'eau potable. 22 000 d'entre eux, en périphérie de cette ville du sud mauritanien, n'ont accès qu'à des bornes-fontaines disposées dans les quartiers les plus reculés. Des points d'eau qui ont besoin d'être réhabilités ou pour certains même construits.   « Chaque individu, qu'il soit en Mauritanie ou à Nouakchott, a besoin d'eau au quotidien. L'eau est vitale. Mon but, en tant que maire, en tant qu'élu, est de donner l'eau à mes citoyens sept jours sur sept. Et le projet a déjà réhabilité cinq fontaines qui sont fonctionnelles depuis une année presque et cinq autres sont encore en cours de réhabilitation. Et on envisage de réhabiliter d'autres et même d'installer de nouvelles bornes-fontaines avec l'appui de la métropole. Vraiment, ça a énormément changé le visage des quartiers qui abritent ces bornes-fontaines », précise Jemal Keboud rencontré à Montpellier lors de la Biennale Euro-Africa. À lire aussiMauritanie : la capitale Nouakchott connait une pénurie d'eau qui se vend à prix d'or « Des projets qui rendent collectivement fiers les citoyens français » Ces constructions ou réhabilitations des bornes-fontaines coûtent 1 600 000 euros. Un projet financé pour plus de la moitié par l'Agence française de développement dans le cadre de cette subvention Ficol, Romain Régulaire, responsable de la division Territoire et Entreprise à l'AFD : « Nous fonctionnons sur la base d'un appel à idées qu'on publie une fois par an, et on invite toutes les collectivités territoriales françaises à soumettre des projets de coopération décentralisée sur tous les secteurs possibles. Le seul critère étant que la collectivité puisse apporter une solution de financement de 20%. Notre instrument finance maximum 80% du plan de financement du projet. Et puis, il faut trouver un partenaire collectivités territoriales d'un des pays d'intervention de l'AFD, mais tous les secteurs sont concernés et toutes les géographies d'intervention de l'AFD peuvent en bénéficier. Ça participe aussi au rayonnement international de nos collectivités. Ça participe aussi à la diffusion de l'expertise française qui existe dans nos territoires. Et je crois que ce sont des projets qui rendent collectivement fiers les citoyens français qui sont véritablement acteurs de ces projets de solidarité internationale. »   Une coopération avec « beaucoup de réciprocité » Fière de ce projet en cours, Clare Hart est la vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole en charge de la coopération avec la ville de Kiffa. L'envoi de techniciens et d'ingénieurs montpelliérains en Mauritanie devrait permettre d'augmenter la fourniture en eau de plus de 3 000 m3 par jour : « Il y a beaucoup de réciprocité dans ces projets et on apprend comment fonctionner dans une situation où on est en pénurie. On est dans la Méditerranée, nous sommes un spot méditerranéen, on est de plus en plus en constriction et donc on apprend beaucoup de nos partenaires au sud pour justement mettre en place des dispositifs ici. Et là, sur Kiffa, on travaille sur une situation très spécifique à cette zone-là. C'est la fameuse corvée d'eau. C'est ce qui empêche les femmes de pouvoir envoyer leurs filles à l'école. Donc, c'est un vrai sujet, un immense sujet sur l'égalité et le développement de la gent féminine sur ces zones-là, puisqu'si on ne peut pas aller à l'école, on est destiné à rester sur ces besoins purement manuels. Donc, on partage ça et la coopération et la solidarité internationale, c'est la réciprocité. » À l'heure actuelle, les Kiffistes, les habitants de Kiffa, n'ont accès que deux jours sur six à une eau de bonne qualité. Une fois ce projet abouti, on passera à quatre jours sur six. Le but étant un accès constant à l'eau. Pour cela, il faut finaliser un autre projet, se raccorder à l'eau du fleuve Sénégal.

10-19
03:49

Coumba et Sabou luttent pour l'environnement au Mali

Au Mali, face à la pollution et l’invasion de déchets plastique, Sabou Doumbia et Coumba Diakite, deux jeunes entrepreneuses maliennes, se retroussent les manches en transformant et en valorisant ces déchets. L’une crée des meubles, l’autre fabrique des ustensiles. Le recyclage au Mali, ça marche. Rediffusion du 30 mars 2025. Face à la pollution plastique, Coumba Diakité, fondatrice de l'entreprise By'Recycl et Sabou Doumbia, responsable de la société EcoBuild Mali, ont décidé de se retrousser les manches. Ces deux jeunes entrepreneuses à Bamako, au Mali, ont décidé de récupérer des sachets noirs qui jonchent le sol ou des pneus usagés jetés dans les caniveaux et d'en faire des objets recyclés, des objets de valeur. Au sein de son entreprise By'Recycl, Coumba Diakité transforme depuis 2018 des roues usées en caoutchouc en meubles élégamment décorés avec du wax ou bien du bogolan.  « Je me suis tournée vers le recyclage parce que j'aime beaucoup découvrir de nouvelles choses. J'ai fait une formation sur les enjeux de développement durable. Du coup, après cette formation, ça m'a donné envie de me tourner vers le recyclage. Nous revalorisons les pneus usagés, nous faisons de mobilier avec : des chaises d'intérieur et d'extérieur, des poufs, des tables bases, des jouets pour les espaces de jeu pour les enfants », détaille-t-elle. À peu près 300 pneus recyclés par an, un chiffre qui peut paraître modeste au regard des déchets produits au Mali, mais Coumba organise également des ateliers de formation pour les femmes sans activité qui transforment des sachets plastiques.  « Ce sont des activités de tissage des sachets plastiques pour faire soit des sacs de courses ou des objets de décoration. Cela permet à ces femmes de pouvoir faire des produits qu'elles peuvent vendre. Et on a déjà eu à former les femmes de deux camps de déplacés », selon elle. Sabou Doumbia, elle, participe souvent avec Coumba, à ces ateliers de sensibilisation et de formation sur le recyclage des déchets. Il y a trois ans, Sabou Doumbia a créé une société EcoBuild qui recycle jusqu'à 14 tonnes de plastique par an.  « EcoBuild est née pour cette mission et, aujourd'hui, nous avons pour vision vraiment de promouvoir l'économie circulaire à travers le recyclage des déchets plastiques. Surtout proposer des solutions et des matériaux utiles pour la population à des coûts vraiment raisonnables », explique-t-elle. « Aujourd'hui, de plus en plus de jeunes commencent à prendre acte de l'impact de ces sachets classiques sur l'environnement, estime-t-elle. Je dirais qu'il y a une amélioration parce qu'il y a une prise de conscience, aussi minime soit-elle, qui est en train de se produire actuellement à Bamako. Avec Coumba, on a eu à collaborer sur différents projets avec cet objectif d'impact social et environnemental. Appuyer sur la responsabilité sociale de la population vis-à-vis de ces déchets plastiques et de les sensibiliser aussi à acheter les produits recyclés qui sont peu connus, ici, sur le marché. » Un travail de recyclage et de sensibilisation des populations à la question environnementale qu’accompagne Georges Théodore Dougnon avec son ONG Cultural Survival.  « Lorsque j'ai connu Coumba, je pense que c'est la première dame que j'ai vue en train de transformer les pneus par exemple. C'était extraordinaire et c'est important parce qu'on a tendance à voir peu de femmes dans ce domaine-là. J’apprécie également le niveau de créativité et d'innovation qu'elles mettent dans leur travail. Je pense que c'est bien de voir des gens qui sont là pour faire de la récupération et de la transformation. Je pense que c'est bénéfique et que cela inspire aussi d'autres personnes », affirme-t-il. Sabou et Coumba commencent à mesurer l'efficacité de leur travail de recyclage. Prochaine étape pour Coumba Diakite : mettre au point un procédé de transformation des pneus usagés en granules pour fabriquer des sols souples.  À lire aussiÀ la Une: des nouvelles taxes qui font débat au Mali

10-12
03:50

Au Maroc, les «moissonneurs d’eau» de l’Anti-Atlas font reculer la sécheresse

On les surnomme « les moissonneurs d’eau ». Au Maroc, sur les contreforts des monts de l’Atlas, un couple a eu l’idée d’installer des filets pour attraper l’humidité contenue du brouillard et en faire de l’eau potable pour des villages soumis à la sécheresse. [Rediffusion] Au sud-ouest du Maroc, dans la région de l'Anti-Atlas, Jamila Bargach et Aïssa Derehm travaillent depuis des années avec leur fondation Dar Si Hmad au bien-être des populations, notamment celui des paysans et des éleveurs confrontés à une sécheresse persistante. Djamila et Aïssa ont eu l’idée, il y a sept ans, d’installer sur les contreforts des montagnes un système déjà éprouvé au Pérou, au Chili ou encore en Tanzanie, sur le Kilimandjaro : il s'agit d'immenses panneaux tendus de filets qui piègent le brouillard, transformant l'humidité en une eau qui s'égoutte lentement et remplit des réservoirs.  « On a fait la preuve que le brouillard est une source valide et valable et pérenne » explique Jamila Bargach, « donc on a utilisé l'excédent de l'eau qu'on avait dans une région où il n'a pas plu depuis dix ans. Il y a une grande sécheresse, une vraie anxiété par rapport à la question de l'eau et à la pénurie d'eau. L'eau est absolument potable, c'est de l'eau pure, c'est excellent pour faire du café. Vous faites le meilleur café, le meilleur thé,  l'eau, elle est absolument potable ! Ensuite, elle descend dans des réservoirs. On a une capacité de stockage de 1100 m³ ; les gens l'utilisent pour boire, pour se laver. Mais la particularité, c'est qu'on en donne aussi aux animaux. Quelquefois, les femmes nous disaient qu’elles ne vont pas boire, mais elles vont donner à boire aux animaux. Nous avons seize villages qui sont connectés directement. Cent vingt-sept ménages sont connectés à l'eau, soit une population qui fluctue entre 700 personnes et 1200 personnes en fonction des saisons ».  L'eau pour seize villages et 1200 habitants Une installation désarmante de simplicité, mais redoutable d'efficacité. Pourtant, quand Aïssa Derehm a eu la volonté d'installer ces panneaux « pièges à eau », les populations se sont gentiment moquées de son idée loufoque.  « Quand on venait pour essayer de faire nos premières expériences, se souvient-il, les gens disaient : "ils sont en train de se moquer de vous ! Comment ils vont faire pour récolter le brouillard ?!?" et le jour où vraiment ils ont ouvert leur robinet dans leur maison, leur vie a changé. Vous avez maintenant des gens qui ont des chauffe-eau, des gens qui ont des machines à laver. Alors qu'il y a des villages à côté, les pauvres ! Ils souffrent, ils souffrent énormément ». « Il y a un souk qu'ils fréquentent et du souk, on voit les montagnes. À présent, quand ils voient le brouillard sur ces montagnes, ils disent : "Il y a l’eau qui va arriver !". Vous voyez, ça a changé complètement la perspective, complètement ». Quand le brouillard est sur la montagne, l'eau va arriver  ! « On met un panneau d'un mètre carré, un filet d'un mètre carré qui est à une hauteur d'un mètre cinquante ou deux mètres au-dessus du sol. En général, quand vous avez une moyenne journalière de cinq litres par jour, ça veut dire que c'est bon. Vous pouvez exploiter le brouillard ». Pour encourager Aïssa et Djamila, la Fondation Yves Rocher a décidé de remettre un prix à leur initiative, le prix « Terre de femmes » car cette idée efficace a permis à des centaines de femmes de rester vivre sur leurs terres redevenues fertiles.  « À la fondation, on a réalisé un rapport sur le lien entre femmes et biodiversité, nous explique Marie-Anne Gasnier, la déléguée générale de la Fondation Yves Rocher. Et effectivement, ce dont on se rend compte, c'est que les femmes en fait, du fait de leur statut social, sont souvent les premières victimes en fait de la dégradation de la nature et du changement climatique. Et du coup, de fait, elles sont sources de solutions parce qu’elles prennent les problèmes à bras-le-corps et ne baissent pas les bras. Mais elles sont encore, malheureusement, trop peu financées et trop peu mises en avant. C’est donc notre contribution, nous essayons justement de pallier ces déficits ».  Avec 1700 m² de filets, Jamila et Aïssa aimeraient en déployer le double pour rendre rapidement les villages de l'Anti-Atlas autonomes en eau. Une petite goutte d'espoir dans un grand fleuve de volonté. 

10-05
03:55

Digital Smart Trash rend les poubelles ivoiriennes intelligentes

Comment généraliser la pratique du tri et du recyclage des déchets en Côte d'Ivoire ? Comment optimiser le travail de collecte pour ensuite acheminer ces déchets au recyclage ? Ce sont les questions et réponses qu’a trouvées Tenon Coulibaly et son entreprise Digital Smart Trash. Cette start-up ivoirienne a mis au point un système de poubelles et de containers connectés qu’elle a présenté à Paris en juin dernier lors du salon VivaTech. Tenon Coulibaly, cofondateur de Digital Smart Trash, cumule les qualifications d'ingénieur informatique et de consultant en développement durable naturel. Normal, dès lors, qu'il ait décidé d'implanter à Abidjan et dans d'autres villes, un système intelligent de collecte des déchets pour les quartiers où les entreprises. Il raconte : « Nous sommes essentiellement sur des déchets plus solides et non dangereux. Donc tout ce qu'il y a comme plastique, papier, verre, biodéchets… C’est vraiment dans ces filières-là que nous sommes aujourd'hui. Et ce sont des bacs qui ont une particularité, parce qu’ils ont la possibilité de loger à l'intérieur de ces poubelles une solution capable d'informer sur le niveau de remplissage. Cela permet ainsi d'anticiper la collecte pour éviter de se retrouver avec des bacs pleins, qui ne sont pas collectés à temps. Mais au-delà, cela permet d’assurer une traçabilité de ces déchets-là pour ces entreprises. »  Les poubelles sélectives, une fois remplies de carton, de papier ou de plastique, sont redirigées. Elles partent vers les centres de recyclage, le système d'alerte connecté permettant de faire des économies en transport et donc en pollution carbone, se félicite Tenon.  Réduire l'impact carbone « Vous savez, la gestion des déchets est réputée pour être énergivore et pour nous, il était important de mettre en place une solution qui permettrait de réduire l'impact carbone pour ces entreprises de collecte. Là, quand vous avez à l'intérieur de certaines poubelles des connecteurs capables de vous informer sur le niveau de remplissage des bacs, cela vous permet d'anticiper la collecte et cela vous permet de définir le meilleur itinéraire de collecte. Cela vous permet par exemple de faire un meilleur dimensionnement des bacs. Et peut-être même de revoir la programmation du passage des camions parce qu'on n'est pas obligé de passer tous les jours. Si vous savez que dans une localité, vous avez un bac qui se remplit chaque deux jours et que, un peu plus loin, vous avez un bac qui met une semaine à se remplir, il faut juste redimensionner le bac qui se remplit chaque deux jours. Afin d'avoir une quantité suffisante et repasser chaque semaine. Cela vous permet de réaliser des économies », explique le cofondateur de Digital Smart Trash. Plusieurs entreprises ont adhéré à cette collecte intelligente comme Petroci, Castel ou encore le festival du Femua. On trouve aussi des « smart poubelles » dans le nord de la Côte d'Ivoire, à Ferkessédougou ou bien Ouangolodougou. Le principe de la valorisation des déchets n'étant pas si récent que cela, rappelle Tenon Coulibaly, il l'a juste remis au goût du jour : « Pour la petite histoire, moi, j'ai grandi à l'intérieur, au nord du pays et quand on était petits, on avait toujours des acteurs qui passaient, pour collecter d'une part le plastique, vous aviez d'autres qui collectaient le métal, ils avaient des petites chansons pour prévenir de leur passage. Quand vous entendiez cela, vous stockiez quelque part les déchets parce que vous saviez que cela peut vous rapporter quelques centimes d'euro. Donc ça en soi, c'est une façon de trier. Nous, aujourd'hui, on essaie de formaliser ce tri-là, mais les ménages trient et ont toujours trié. Notre but, c'était de voir comment est-ce qu’on pouvait associer ces habitudes avec nos techniques. »  « On a besoin d'acteurs nationaux qui se positionnent sur ce sujet » Un projet qui a séduit l'opérateur téléphonique Orange qui, chaque année, accompagne des start-up dans un programme d'incubation. Habib Bamba est le directeur de la Fondation Orange Côte d'Ivoire.  « On a sélectionné Digital Smart Trash justement parce que, au-delà du volet innovant, on avait ce fort volet environnemental et social. C'est vraiment du "tech for good" !  Je pense qu'en Côte d'Ivoire en particulier, peut-être en Afrique de manière un peu plus générale, on a une vision qui commence à avancer, mais un peu diverse au sujet écologique. Il y a un peu cette impression qu'on a des urgences un peu plus fortes en matière de santé ou d’éducation et on sent qu'il faut un peu plus pousser pour ce sujet-là. Et d'avoir des start-up comme celle-ci, locales, qui prennent cette problématique à bras le corps et qui sensibilisent sur le sujet en essayant d'apporter des résultats concrets… Pour nous, c'est quelque chose de fort. On a besoin d'acteurs nationaux qui se positionnent sur ce sujet », s'enthousiasme Habib Bamba. À ses débuts, en 2018, la start-up Digital Smart Trash s'est financée sur fonds propres et peut aujourd'hui recycler jusqu'à sept tonnes de plastique, par jour. Selon l'Institut de l'économie circulaire d'Abidjan, la capitale économique produit 1 900 000 tonnes de déchets par an, ce qui pourrait générer jusqu'à 35 000 emplois. À lire aussiAu salon VivaTech, les start-up africaines se cherchent une place dans la compétition mondiale

09-28
03:51

Amélie Essessé, femme bâtisseuse et protectrice du patrimoine africain

Portrait d’une architecte camerounaise. Amélie Essessé, qui consacre son travail à la rénovation et la préservation du patrimoine architectural africain, qu’il soit en terre, en bois ou même en végétal. Un travail très souvent assumé par des femmes, bâtisseuses et décoratrices. Passionnée, enthousiaste et déterminée, ce sont autant d'adjectifs qui vous viennent à l'esprit quand vous écoutez Amélie Essessé, vous racontez l'architecture traditionnelle africaine. Cette architecte camerounaise a fait du patrimoine africain et des techniques ancestrales de construction son cheval de bataille, une passion, un sacerdoce. Au point que les femmes bâtisseuses des maisons en terre du Faso lui ont donné un surnom : « " Katirou ", explique-t-elle, qui est la femme qui construit en terre. J'ai eu l'honneur d'avoir ce nom grâce aux femmes de Tiébélé, de la Cour royale et lors de la remise d'un prix des femmes en milieu rural en 2001. J'avais postulé pour les aider et les remercier pour ce qu'elles m'avaient transmis comme savoir sur l'architecture en terre, sur les enduits et les peintures. Pour moi, c'était important de leur remettre ce prix et c'est comme ainsi qu'elles m'ont baptisé "Katirou". Donc la femme qui construit en terre. Donc, quand j'arrive là-bas, on m'appelle "Katirou", on ne m’appelle pas Amélie ».  La femme qui construit en terre Amélie « Katirou » Essessé a donc rénové la maison en terre de Jean Rouch sur le fleuve Niger, réhabilité la « Maison du peuple » à Ouagadougou, travaillé sur les maisons peintes de Tiébélé au Burkina Faso. Tout ce qui touche au patrimoine architectural et aux techniques de construction africaine n'a pas de secret pour celle qui milite afin que les bâtiments contemporains conjuguent modernisme et tradition.    « Parce qu'on s'est rendu compte que déjà le matériau en béton est très nocif, c'est-à-dire qu'on a un changement de climat et qu’il n'est pas adapté. Et puis il y avait un savoir-faire qui existe et qu'on a négligé. Moi, si je travaille beaucoup là-dessus en tant qu'architecte, c'est parce que justement, avec ma formation de génie civil en bâtiment, j'adore ces matériaux. Et pour moi, il était important de connaître, de comprendre comment cela est construit et pourquoi on revient là-dessus. Car ces matériaux sont justement adaptés à nos climats, à nous. On ne peut pas transporter la maison haussmannienne à Ouagadougou ou à Abidjan, ou au Cameroun. Pour moi, c'est une aberration totale alors que nous avons des architectures qui, non seulement, racontent l'histoire d'un peuple, donc un patrimoine, mais en plus de ça, qui est adapté au climat. Nous avons au Yémen des maisons en terre qui sont à étage, en Casamance, vous avez des maisons en terre qui sont à étage depuis très longtemps. Il y a beaucoup de recherches qui sont faites, mais malheureusement, elles ne sont pas forcément valorisées parce que les États sont encore un peu timides. Et puis, il y a le lobbying du béton, je suis désolée de le dire, mais il est là, il est costaud quoi ! L'idée, c'est justement de montrer ces identités architecturales qui racontent l'histoire d'un peuple », raconte l'architecte.  Des identités architecturales qui racontent l'histoire Transmettre aux jeunes générations le savoir-faire ancestral. Adama Messan adhère à cette idée. Il est le responsable du laboratoire éco-matériaux et habitat durable au centre de formation 2IE de Ouagadougou. Là où Amélie Essessé enseigne l'architecture.  « Ce que nous faisons avec la construction en terre, on le fait de telle manière à corriger les erreurs du passé, donc à donner à la construction en terre une durée de vie presque équivalente, voire supérieure à celle en béton. Nous arrivons à innover de telle manière qu'aujourd'hui, en termes de durabilité, on puisse aller au-delà de cent ans. C'est-à-dire que lorsque la terre est soumise à la pluie, que cette terre puisse résister. Donc, nous faisons ce genre d'innovation et aujourd'hui, on parvient à construire des bâtiments en terre jusqu'à deux niveaux », explique Amélie Essessé.  Prochain projet pour Amélie, afin d'enrichir ce conservatoire vivant des traditions architecturales et du rôle joué par les femmes bâtisseuses : trouver des fonds pour étudier la construction de maisons en terre à Silakoro, dans le département ivoirien de Touba. 

09-26
03:50

Au Togo, cartables solaires pour réussites scolaires

Au Togo, une association a décidé de fabriquer et distribuer des cartables scolaires et solaires à des élèves en classes primaires de plusieurs villages. Des cartables solaires, car le système inventé par l’association « We are The New Africa » permet aux enfants, lorsqu’ils rentrent chez eux, la nuit tombée, de continuer à lire ou à écrire à la lueur de leurs cartables. Rediffusion du 23 mars 2025. Un sac scolaire muni d'un mini-capteur solaire, d'une lampe et d'un interrupteur, c’est une idée qui a germé dans l'esprit de l’artiste styliste Akbar, il y a six ans, alors qu'il fabriquait de simples sacoches pour les manuels et les trousses des élèves. Akbar, créateur et responsable de l'association « We are the New Africa » fabriquait au départ de simples sacs. « J’avais vu un reportage dans une localité où les élèves avaient des difficultés à avoir des sacs, donc ils prenaient des sachets plastiques. Et lorsque je me suis rendu deux ou trois fois dans un village, il y avait la problématique également du manque d'électricité dans la plupart des régions où je distribuais les sacs et donc j'ai eu cette idée, explique le créateur. Je suis allé sur Internet, j'ai regardé un peu et j'ai réussi à faire un sac et à y incorporer un système d'éclairage à énergie solaire. Des sacs sur lesquels on met des plaques, des capteurs solaires, un interrupteur et, à l'intérieur, il y a une batterie. Et donc en journée, lorsque l'élève va à l'école, le sac est exposé au soleil. Naturellement, pendant les récréations, les capteurs captent le rayon du soleil pour alimenter la batterie intérieure. Et le soir, l'élève a une source de lumière pour étudier au moins pendant deux ou trois heures de temps ».  Trois heures de lectures supplémentaires grâce au soleil Trois heures de lecture supplémentaire qui n'ont peut-être l'air de rien, mais depuis six ans que ces sacs sont fabriqués et distribués gratuitement, cela produit son petit effet. Les professeurs des écoles constatent en effet une nette amélioration de la progression scolaire des élèves. « Voilà !, c'est exactement ça !, se félicite Akbar. C'est ce qui moi personnellement me motive parce que dans la plupart des villages où nous sommes passés, où nous avons fait les opérations, les professeurs ont témoigné [positivement]. On fait souvent comme une sorte de compétition où les élèves disent : il y a 100% à tel examen, 98%.... Pour les enfants, c'est ludique de s'amuser avec le sac, d'avoir de la lumière. Et donc en plus, ils s'intéressent, ils font des révisions. Après toutes ces années, le niveau scolaire a augmenté considérablement, c'est un fait ! C'est surtout ça qui me motivera, qui nous motivera à continuer ».  Cartables de lumières Ce travail bénévole de fabrication et de distribution de cartables solaires se fait grâce à l'association d’Akbar et à l'appui financier d'une ONG en France, Educadev. Jean-Luc Colin est l'un de ses responsables. « Akbar est un monsieur extrêmement actif qui nous a fait un budget et on l'a suivi déjà plusieurs fois depuis 2019. On en est à la 4e ou 5e session de fabrication de ces "cartables de lumière". On a surtout un grand sentiment de fierté de voir ces élèves qui, du coup, disposent en plus d'un cartable pratique, lumineux, d'un mode de transport assez solide pour trimballer leurs affaires ». Depuis six ans, 100 à 200 sacs de lumière sont fabriqués et distribués chaque année dans les classes de villages togolais. Le but d'Akbar et de son association est bien sûr de permettre la production plus importante de sacs pour que chaque élève du Togo manquant de lumière dans son foyer puisse malgré tout progresser dans ses études.  À lire aussiAfrica Kid, le fabricant de jouets sénégalais ludiques pour les enfants et les écoles

09-14
03:30

Lukaré, centre artisanal burkinabè et grenier à idées et à talents

Direction le Burkina Faso et le quartier de Dapoya, à Ouagadougou, où est installé le centre artisanal Lukaré. Un centre qui, depuis près de 15 ans, fait figure d'excellence en matière de création de meubles et d'accessoires à base de matériaux de récupération. [Rediffusion] Au centre Lukaré, la quinzaine d'apprentis ou de créateurs aguerris sont à l'ouvrage. Perceuses, ponceuses, poste à souder... Tous ces outils – entre deux délestages – s'activent avec Inoussa Dao comme chef d'orchestre. « Lukaré, ça veut dire "le grenier'' en pulaar. C'est un grenier où on a beaucoup d'idées. Voilà, on aimerait aussi transmettre ces idées à d'autres jeunes », explique-t-il.  Il y a 15 ans, Inoussa a fondé, avec son frère Hassan Dao et deux autres artistes, le centre d'apprentissage et la galerie Lukaré, qui font référence depuis au Burkina Faso : « L'idée de Lukaré, c'est vraiment la récupération. Je peux dire que 90% de nos créations, c'est de la récupération. C'est de donner une seconde vie aux matières mortes, si on peut dire ainsi. C'est du bois, des carcasses de voitures, de la récupération de bidons. Voilà, tout ce qu'on peut recycler et leur donner une seconde vie. On fait des tables, des meubles de rangements, des accessoires comme des dessous de plat, des lampes, des meubles d'intérieur et d'extérieur. »  L'art de recycler des matériaux bruts comme des racines d'arbres ou bien des pots d'échappement de mobylette, pour les sublimer en meubles uniques, a fait école au Faso . D'autant plus que le centre Lukaré accueille des jeunes qui cherchent leur voie pour les former à la technique de la récup'.  Une seconde vie aux matières mortes « On n'a pas besoin d'avoir un diplôme ou une formation quelconque, c'est la motivation personnelle qui compte, souligne Inoussa Dao. Après, nous, on les place à l'atelier soudure d'abord, et après, on les place à l'atelier bois pour qu'ils apprennent ces deux métiers de base. Après, c'est à lui de choisir la branche qu'il veut. Nous, on est à côté pour les guider dans cette création. Mais c'est lui qui créé après ! » C'est ainsi que de ce phalanstère créatif sont sortis de grands noms du design burkinabè qui ont fait leur chemin depuis, comme Ahmed Ouattara, Kader Kaboré, Ousmane Kouyaté ou encore Paulin Banigabou. Ce dernier est un virtuose dans l'art d'entremêler palissandre et fer à béton pour en faire des sièges : « Actuellement, on peut dire que je travaille à mon propre compte. C'est grâce à eux aussi [les encadrants de Lukaré, NDLR], parce que je suis passé par eux qui nous ont guidés, qui nous ont montré comment faire. Actuellement, mon travail est beaucoup basé sur les tabourets et des pièces uniques aussi. Des chaises et des tables aussi quoi, parce que j'ai été formé, mais j'ai ajouté ma ''touche'' aussi. Je fais un peu différent de mon patron parce qu'il faut créer aussi ta propre identité. Ainsi il y a des gens, quand il voit ça, ils disent 'Ça, c'est Paulin !". » Finitions nickel Les meubles et accessoires de Lukaré font le bonheur des amoureux du design comme Eliot Martin. En Allemagne, à Francfort, il est le responsable de la galerie Moogoo. Il s'extasie : « L'idée, c'est de dire :"Nous, on veut du beau ! Et qu'en plus, il y ait une histoire derrière." On a la volonté de vendre des beaux produits. C'est vrai que les finitions [chez Lukaré, NDLR] sont nickel, quoi ! Il y a une qualité ! Pour tout ce qui est soudure, tous les gens ici qui s'y connaissent sont toujours impressionnés par leur travail. Je ne sais pas s'ils se rendent compte, mais ils n'ont pas le matos qui existe en Europe ! À part des postes à souder, ils n'ont pas beaucoup plus d'outils, quoi ! »  Rendre la matière brute magnifique, c'est l'art de concilier l'indigence des moyens avec l'exigence d'artisans surdoués. Hortense Assaga, journaliste et auteur d'un ouvrage intitulé Made In Africa est, elle aussi, admirative : « Ce centre illustre vraiment bien la pratique africaine. Il y a une espèce de regroupement qui se fait entre artisans, créatifs. Et puis, ils essayent d'organiser ça. On apprend les uns des autres pour en sortir souvent les objets fabuleux. Oui, c'est une pratique à l'africaine, une transmission qui se fait tout naturellement entre artisans, et c'est vraiment ça qu'il faut saluer. »  Le mot de la fin, c'est Inoussa Dao qui l'a trouvé en cherchant dans son grenier peul à idées : « On va consommer ici ce que nos braves artistes et artisans produisent. Nous consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons. » 

09-07
04:01

«Human empress», la jeunesse congolaise écoresponsable

« Human empress », « Impératrice humaine » en français, est une association congolaise de Brazzaville qui milite pour une Terre plus propre et des pratiques plus responsables afin de préserver l’environnement. À la tête de cette association : Paule Sara Nguié, une femme dynamique qui met toute son énergie pour sensibiliser ses concitoyens à la cause écologique en commençant par la jeunesse. [Rediffusion] Il y a cinq ans que Paule Sara Nguié a créé « Human empress »  à Brazzaville. Cette femme de trente ans, ancienne technicienne dans le secteur de l'énergie et qui fut également journaliste, a décidé de s'emparer de la question de l'écologie. Depuis son enfance, Paule Sara a vu lentement son environnement se dégrader dans son quartier à Brazzaville. « Je vivais dans un quartier assez reculé de la ville, Massengo, se souvient-elle, vous y avez une belle savane, vous faites encore de la cueillette. L'air est frais, je me baignais dans la rivière et mes grands-parents que je côtoyais sont des personnes qui ont de bonnes valeurs de développement durable. Pour moi, tout cela semble naturel. Et quand je commence à fréquenter la grande ville, la grande cité avec sa pollution, je suis suffoquée. Je me rends compte qu'il y a des problèmes et je décide d'agir, petit à petit ». « Couronne verte »  Dès lors, Paule Sara organise avec son association des rencontres citoyennes de la jeunesse dans les quartiers, dans les écoles et elle coordonne un concours. Baptisé « Couronne verte », il permet à des porteurs de projet d'exposer et parfois de financer leurs inventions écoresponsables, nous décrit Paule Sara. « Sur l'agriculture biologique notamment, une équipe a mis en place un système aquaponique sur la gestion durable de l'eau. Vous avez, sur les énergies, ceux qui font dans la transformation énergétique à partir de déchets. Vous avez ceux qui fabriquent des charbons à partir de déchets, aussi. C'est ce type de programme que les jeunes ont mis en place et qui ont été retenus et qui sont financés pour répondre réellement aux besoins, ici, à Brazzaville ».  Coton naturel et fibre de bambou C'est ainsi que Danielle Mbemba, étudiante, a remporté l'un de ces concours portant sur un projet de serviette hygiénique recyclable. Des serviettes qui évitent de polluer les cours d'eau.  « Mon projet, il était axé sur la fabrication de serviettes hygiéniques réutilisables. Mon projet s'appelle Menga Ecoflux. C'est un produit que j'ai déjà commencé à développer. J'ai fait des prototypes que j'ai donnés à certaines de mes amies et à quelques personnes de ma famille pour pouvoir les tester. On fait principalement avec du coton naturel et aussi de la fibre de bambou. »   Des prototypes, des inventions et des projets exposés lors de ces rencontres régulières à Brazzaville ou à Pointe Noire et qui reçoivent le soutien de partenaires comme la délégation de l'Union européenne au Congo. Des initiatives précieuses, selon Anne Marchal, ambassadrice de l'UE à Brazzaville.  « C'est la convergence en fait des centres d'intérêt qui fait que nous sommes partenaires de cette association, qui justement permet de donner une voix aux jeunes et de créer de la conscience sur les problèmes d'environnement. Et donc toutes les activités de Paule Sara, y compris au niveau du support et la création, la formation à des emplois de développement durable, est vraiment ce qui nous a attirés, en plus du fait qu'elle a organisé des rencontres citoyennes de jeunes. Nous tenons vraiment à avoir ces contacts avec les jeunes pour leur retour sur les attentes des jeunes dans les pays où nous sommes partenaires ».  Le prochain projet que Paule Sara compte mettre en œuvre avec « Human empress », c'est la création d'un écocentre. Un lieu de rencontre ou les jeunes Congolais pourront venir exposer leurs projets, apprendre et transmettre les bonnes pratiques écoresponsables.  À lire aussiCongo-Brazzaville: une ONG réclame un plan d’aménagement du parc national Ntokou Pikounda

08-31
03:29

Transition du thermique à l'électrique: au Sénégal, les pirogues naviguent propres!

L’Afrique en marche navigue à l’électrique. Une PME sénégalaise, Jokosun Energies, a décidé de proposer aux piroguiers de Casamance et du Sine Saloum de changer leurs moteurs bruyants et polluants par des systèmes électriques, silencieux et économiques. (rediffusion du 09/03/2025)  Depuis 2018, Jokosun Energies, la société créée par Raymond Sarr étudie les possibilités de remplacer un moteur essence par un moteur électrique sur les pirogues du Sénégal. L'hélice, le corps du moteur ne changent pas, seule la partie carburateur est remplacée par un système électrique alimenté par une batterie rechargée en panneau solaire. Raymond Sarr, est le directeur de Jokosun Energies.  « Ce qu'on propose aux piroguiers, c'est de nous amener leur moteur thermique et nous, avec nos mécaniciens formés et affiliés, on leur transforme ce moteur thermique en moteur électrique. On ouvre le bloc, la carcasse et on remplace le cœur du moteur thermique par un moteur électrique » explique cet ancien technicien aéronautique à Toulouse. Réduction de 50% des coûts en carburant «  In fine, le moteur à la même tête. Ensuite, on relie ce moteur silencieux à une batterie. Le piroguier, en faisant cette opération de rétrofit, gagne en rentabilité et en autonomie au jour le jour. Grâce au moteur électrique, il réduit à peu près de 50% ses coûts de carburant et de trois fois ses coûts d'entretien, parce que les moteurs électriques nécessitent beaucoup moins d'entretien que des moteurs thermiques ».  André Jammeh est mécanicien et fait partie de ceux qui ont été formés pour dispenser la solution moteur électrique aux piroguiers.  « Je ne connaissais pas cette technique » admet-il, « mais maintenant, je la connais parce que j'ai transformé quatre moteurs. C'est pour les touristes et leurs pirogues. C’est simple en fait ».  D'autant plus simple que la société, Jokosun Energies propose d'assurer le changement des batteries déchargées par d'autres batteries rechargées, ce qui assure une autonomie presque équivalente à un moteur thermique, explique Raymond Sarr.  « Le piroguier va débourser à peu près 100 000 francs CFA (150 euros), pour faire cette opération de rétrofit. On lui apporte un moteur qu'on lui propose en leasing, il va payer en plusieurs fois et on lui loue des batteries au jour le jour. Tout l'enjeu est de contourner la barrière de l'investissement initial. Le coût de l'engagement pour le piroguier est faible, ce qui lui permet d'accéder et de se rendre compte de tous les bénéfices de l'électrique, en douceur. »  L'avantage de l'électrique, Mame Birra Barro, que l'on surnomme « bio », propriétaire d'une pirogue pour touristes, l'a très vite compris.  Bon pour l'écosystème « Je trouve que c'est une très bonne idée pour le tourisme. Ça nous donne l'avantage de se rapprocher au plus près des oiseaux parce que c'est plus silencieux, ça ne pollue pas, donc c'est bon pour l'écosystème. Pour les pêcheurs aussi qui pêchent à la traîne, tu ne fais pas beaucoup de bruit. C'est vraiment l'avenir pour nous parce que l’essence ce n’est pas donné et avec les batteries solaires, tu dépenses moins ».  Claire O’neill est la directrice d'un programme appelé Manufacturing Africa pour la coopération britannique. C'est elle qui a cofinancé ce projet d'électrification des pirogues.  « L’idée était de tester une solution d'énergie propre qui présentait un avantage économique. Ce qui est intéressant, dans ce projet, c'est le modèle circulaire. C’est cela qui nous a attirés pour tester ce projet. Le fait que ce soit une innovation, mais une innovation qui est bien adaptée aux besoins des populations locales. On a vu déjà que cela avait un effet très positif sur le trajet que font les piroguiers avec les touristes en termes de prix, mais aussi en même temps, cela préserve l'univers marin ».  Le projet Jokosun ne porte que sur cinq pirogues équipées en Casamance et dans le Sine Saloum, mais l'expérience ayant fait ses preuves, on passera à vingt pirogues électriques dans le courant de l'année. 

08-24
03:39

Sofar, si proche des musiciens en Afrique

La franchise Sofar (Songs from a Room) propose depuis 2009 des concerts intimistes et secrets dans des lieux inhabituels dans le monde et en Afrique. À Lagos, à Addis-Abeba, à Maurice ou à Dakar, c'est une expérience que les amateurs de musique et de spectacle vivants apprécient. Rediffusion du 29 décembre 2024. Depuis une bonne quinzaine d'années, les premiers concerts Sofar ont vu le jour en Angleterre et depuis, le concept de ces shows intimistes et éphémères a essaimé à travers le monde et notamment en Afrique : en Éthiopie, au Nigeria... Des collectifs d'amoureux de la musique s'organisent pour préparer des concerts hors normes dans la mesure où ni le lieu, ni la date, ni même les artistes qui joueront, ne sont connus jusqu'au dernier moment. C'est ainsi qu'à Maurice, le premier concert organisé par Samantha Shegobin, a eu lieu dans un salon de coiffure. « C’était bien » se remémore cette ambassadrice Sofar mauricienne. « C'était le tout premier, donc les gens ne connaissaient pas trop Sofar avant. Le lieu est dévoilé 36 h avant le spectacle. Et les artistes restent secrets jusqu'à ce que le show commence. Donc oui, les gens ont aimé. C'est une bonne expérience communautaire parce que je pense qu'on construit une communauté mondiale qui soutient les artistes locaux et internationaux. Chaque événement rassemble ceux qui partagent une passion pour la musique et la culture. » Rassembler ceux qui partagent une passion pour la musique et la culture Raphael Hilarion, au Sénégal, adhère, lui aussi, à cette philosophie. Il y a trois ans, avec sa camarade Marie Nore, ils ont organisé leur premier événement musical Sofar dans une galerie d'art à Dakar, Plateau. « En gros, c'est un événement un petit peu exclusif, où l’on va accueillir entre 50 et 70 personnes, explique Raphael Hilarion. On organise cela tous les mois et demi et dans des lieux totalement différents : dans un musée, ça peut être dans une brasserie, dans un bateau… On essaye de trouver des lieux dans lesquels on ne s'attendrait pas à avoir un concert. Sur notre page Instagram les personnes qui nous suivent doivent nous envoyer un email pour dire qu’ils sont intéressés. Les personnes qui s’inscrivent nous font confiance. On dévoile le lieu 48 heures avant et ils découvrent les artistes. Chaque artiste va jouer trente minutes et ensuite, il y a quinze minutes de pause. Du coup, les artistes peuvent discuter aussi avec ce nouveau public. On a une proximité qu'on n'a pas forcément habituellement dans des salles de concert. » Généralement, les performances des musiciens sont entrecoupées de défilés de mode liées à une exposition d'art plastique ou encore à des dégustations gastronomiques. Jouer dans un lieu qui fait sens « Dans une exposition qui s’est déroulée au pied du Monument de la Renaissance la thématique de l’expo portait sur l'éco féminisme et l'agroécologie, et la place des femmes dans l'agroécologie » se souvient Marie Nore en évoquant leur dernier happening musical pendant la Biennale de Dakar. « Et pour moi, c'était magique parce que même si on fait jouer des artistes, là, on les faisait jouer dans un lieu qui fait sens ». Succès auprès du public avide de découverte, succès également auprès des musiciens qui se prêtent volontiers au jeu de l'improvisation. « Ces concerts Sofar, ce sont des concerts intimistes, on est proche du public, il y a une connexion avec le public, raconte la chanteuse sénégalaise et joueuse de kora Senny Camara. Après le concert, c'est familial. On pose des questions et moi, j'aime beaucoup ce concept-là. C’est comme dans un salon, tu es là, tu discutes et tu partages. Un vrai partage. Bravo à eux d'avoir pensé à faire ça parce qu'on n'avait pas ça au Sénégal. C'est super pour la jeunesse. » Le prochain rendez-vous pour le Sofar à Dakar, ce sera d'ici fin janvier. Si vous voulez savoir où, quand et avec qui, il faudra consulter leur compte Instagram et s'inscrire pour un moment musical unique.

08-17
05:02

Sa Sa Plast chasse les déchets plastique en Mauritanie et aménage les rues

Tandis qu’à Genève, en ce moment, les pays membres des Nations Unies essayent péniblement de s’accorder sur un traité mondial contre la pollution aux plastiques, certains sur le terrain trouvent des solutions contre ce fléau de la pollution industrielle. C’est le cas - à sa petite échelle - de Cheikna Coulibaly. En 2018, il a créé une structure « Sa Sa Plast » qui récolte en Mauritanie les bouteilles et bidons qui jonchent le sol, les plages et la nature pour les recycler. Cheikhna Coulibaly, un habitant de Sebkha, une commune de l'agglomération de Nouakchott en a eu, un jour, assez de voir le plastique envahir ses rues, ses caniveaux et ses plages. Cet ancien agent commercial, qui a pas mal voyagé à l'étranger, est frappé par l'incivisme de ses concitoyens. « Pour les citoyens de Nouakchott ou de la Mauritanie, la plupart ne connaissent pas l'importance de l'éco-citoyenneté. Donc, nous sommes en train de nous battre. Nous sommes en train de mettre en place des programmes de sensibilisation. En Afrique, pour l’instant, les gens n'ont pas cette culture pour les systèmes de collectes, de recyclage, etc… Je voyage un peu partout en Afrique et en Europe, je vois que ce n’est pas pareil que chez nous. Franchement, chez nous, on voit des bouteilles partout. Les gens n'ont pas conscience. Dès qu’on finit de boire une bouteille, "hop !", on la jette sans se soucier. Dans d'autres zones, j’ai vu qu'on a mis des bacs de collecte pour qu’on puisse collecter et chez nous ça n'existe pas. » À lire aussiPollution plastique: les États africains en première ligne à Genève pour tenter de limiter la catastrophe La plupart ne connaissent pas l'importance de l'éco-citoyenneté Il n'y a pas de poubelles à Sebkha, encore moins de bacs à collecte. Mais pas de souci, en 2018, Cheikhna achète un triporteur, embauche toutes les bonnes volontés et commence à faire la tournée de cette commune de 130 000 habitants, l'une des plus peuplées de Mauritanie, pour récolter les déchets plastiques. « On a toujours nos motos tricycles qui nous permettent de collecter. Actuellement, nous sommes concentrés sur les bouteilles d'eau minérale, des bouteilles d'huile. Et d'autres bouteilles de produits cosmétiques par exemple. Après avoir récupéré, nous broyons le plastique, nous le mélangeons avec du sable et un peu de ciment. Nous utilisons aussi des moules pour différents designs, des pavés pour faire des trottoirs. » Très vite, en 2021, Cheikhna et la société qu'il a créé, Sa Sa Plast, bénéficie de l'appui de la coopération allemande GIZ et de la mairie de Sebkha pour apprendre à transformer du plastique en pavés. Des pavés et des dalles qui résistent parfaitement à l'érosion de l'océan.   « En fait, en Afrique, on a beaucoup de zones salées. Quand on mélange le sable, le plastique, le ciment, nos pavés sont devenus déjà anti-sel et anti-humidité. Ce sont des pavés qui sont tellement solides avec le plastique mélangé au sable !  On a un procédé et on a le dosage qu'il faut pour que ça tienne. Ça résiste mieux. » 160 jeunes Mauritaniens formés Après cette expérience réussie, Sa Sa Plast forme et accompagne d'autres Mauritaniens à ces techniques pour dépolluer et transformer. « On a pu former plus de 160 jeunes Mauritaniens à ce procédé. On fait des formations avec des jeunes et des femmes. L'équipe de Sa Sa Plast est composée de 90 % de femmes. D'ailleurs, ce sont elles qui fabriquent tout ce qui est pavé et la collecte des déchets plastiques. » Sa Sa Plast est un projet qui a pris son envol avec le concours de la coopération allemande et également du soutien de la mairie de à Sebkha. Yacouba Diakité, chargé de développement et de coopération à la mairie de Sebkha, se félicite de cette expérience réussie.   « Dans ce domaine-là. Ils étaient déjà dynamiques dans tout ce qui concerne le plastique. Et c'est à ce titre que la GIZ a bien voulu mettre des moyens pour acheter des machines. Nous avons accompagné ce projet, qui a réussi et nous en sommes fiers et on lui souhaite une bonne continuation. » Et Sa Sa Plast devrait effectivement continuer sur sa lancée. Une société sénégalaise qui a besoin de déchets vient justement de les solliciter pour leur fournir ce plastique recyclé qui — espère Cheikhna – disparaitra bientôt des rues et des plages mauritaniennes. À lire aussiSénégal: l'usine Sunu Plastic Odyssey retransforme les déchets plastiques en matériaux

08-12
03:32

Côte d'Ivoire: le chocolat Tafissa, un cacao transformé localement à Cocody

En Côte d'Ivoire, il y a ceux qui disent qu'il faut transformer les matières premières du pays et celles qui le font. Olga Yenou a créé en 2012 la marque Tafissa, qui propose poudre et pâte à tartiner « made in Abidjan ». Reportage dans une unité de conditionnement à Cocody. Lorsqu'elle vous invite à visiter son unité de conditionnement à Abidjan, Madame Yenou ne rigole pas avec l'hygiène et vous montre, si besoin est, que c'est bien elle, la patronne. On ne franchit pas le pas de porte de son unité d'ensachage Tafissa sans enfiler sur-chaussures, blouse et charlotte sur la tête. Hygiène oblige. La poudre de cacao pour les boissons chaudes ou froides et la pâte à tartiner Tafissa sont l'une des rares marques ivoiriennes qui propose, de la cabosse jusqu'au produit fini, une transformation 100% locale. Olga Yenou est une ancienne directrice d'usine chez Cémoi, un chocolatier français également implanté en Côte d'Ivoire. En 2012, elle décide de se lancer dans l'aventure sous sa propre marque. Ancienne de polytechnique à Yamoussoukro, Olga Yenou a misé sur le plaisir procuré par le cacao, mais surtout sur les bienfaits d'un produit qui – lorsqu'il n'est pas saturé de potasse ou de sucre ajouté – est précieux pour l'organisme.  Bienfaits d'un produit précieux pour l'organisme  « Arriver sur le marché avec une poudre de cacao sans sucre du tout, il fallait le faire, raconte-t-elle. Cela existait, mais très peu. La majorité des produits du chocolat sont sucrés, donc venir avec une poudre sans sucre adressée aux adultes (parce que moi-même, je suis une adulte) et que je commence à faire attention à ma santé. Je me suis éloignée des produits chocolatés à cause de la présence du sucre. J'ai pris vraiment le contre-pied de ce qui se faisait. Et aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a quand même une population qui veut consommer du cacao, mais en dosant son sucre soi-même. »  Marina est l'une des 40 salariées qui s'occupe de mettre de la poudre 35, 70 ou 100% cacao dans des sachets que l'on retrouve dans les supermarchés ivoiriens. « Si tu es diabétique, tu peux le prendre. C'est aussi aphrodisiaque, explique cette mère de deux enfants en rigolant. En tout cas, c'est très bon. Il n'y a rien à dire. Avec ce travail et mon salaire, mes enfants peuvent aller à l'école. Je ne me plains pas. » Fabriqué par des Ivoiriens Pas besoin de se plaindre donc, d'autant plus que Lucille Yango, responsable commerciale, se félicite, elle, des commentaires des consommateurs quand elle fait des visites surprises dans les supermarchés : « Je demande systématiquement : ''Pourquoi prenez-vous ce produit ?''. En général, ils ne savent pas que c'est fait par des Ivoiriens, ils sont encore plus fiers. Je pense que le défi majeur ici en Côte d'Ivoire, c'est la consommation locale. C'est bien de le transformer, mais aujourd'hui, 90% de notre production va à l'exportation. Ce serait bien que 100% de notre production soit transformée et vendue de façon locale. » Une production pour un marché national qui reste à développer. Sur les 1,8 million de tonnes de cacao produites en 2024, Tafissa n'en transforme qu'une centaine de tonnes par an. Le chemin est encore long. Mais pas d'inquiétude, Madame Yenou et son équipe se dopent au cacao.  À lire aussiRécolte intermédiaire de cacao très incertaine en Côte d'Ivoire

08-07
03:53

Avec l'application e-pineA, les agriculteurs béninois gagnent leur pain de sucre

Au royaume des start-up, e-pineA fait office de petit prince du Bénin, puisque les deux fondateurs de cette société, basée à Abomey Calavi, ont permis aux agriculteurs de mieux écouler leur production de fruit et de trouver des acheteurs. Qui n'a jamais goûté un pain de sucre dans sa vie ne connaît pas la douceur de la saveur de l'ananas. Et pourtant, chaque année au Bénin, une bonne partie des récoltes ne trouve pas preneur, faute de lien entre paysans-producteurs et revendeurs-exportateurs. Mais cela, c'était avant ! Avant qu'Ulrich et Lucien ne créent Biolife, une start-up béninoise qui a conçu e-pineA, une application sur smartphone qui permet de signaler quand un champ arrive à maturité pour des intermédiaires qui prennent des options d'achat. Lucien Medjiko est le cocréateur de l'application smartphone.  « Le principe est simple : la plateforme va permettre aux agriculteurs de donner la cartographie de son champ en renseignant les données : "Combien je suis en train de produire. J'ai planté à certaines dates et j'ai certaines variétés". Tout un tas de données que le producteur va fournir et sur la base de ces informations, notre technologie va analyser tout ça, pour prédire la période de maturité, le rendement. Donc c'est sur cette base-là que les acheteurs, que ce soit à Cotonou ou à Niamey se renseigneront sur le niveau de maturité des champs, la quantité disponible. Il fait tout cela à partir de notre application qu’il télécharge sur Play store », détaille Lucien Medjik, cocréateur de l'application smartphone.  E-pineA est donc une application sur Android qui permet à environ 1 800 producteurs et 200 acheteurs de faire affaire et d'éviter les pertes. Mais au sein de leur start-up Biolife, Lucien et Ulrich font aussi du conseil pour un bon usage des parcelles. « Aujourd'hui, il y a un constat que les terres sont fatiguées. Il faut repenser leur mode de production. Ce qui a fait que nous faisons la promotion des pratiques durables telles que la rotation des parcelles, l'utilisation de légumineuses à cycle court et des intrants d'origine organique, fabriqués localement. Ces producteurs, petit à petit, nous devons les accompagner aussi dans ce processus », explique Ulrich Djido, agronome et cofondateur d'e-pineA.  Depuis deux ans qu'il travaille avec Biolife et utilise leur application, Apollinaire Houeton, producteur d'ananas bio dans la commune de Zé, sent nettement la différence dans ses revenus : « Je fais de l’ananas biologique. Des fois, on produit, mais cela reste dans le champ et cela pourrit. Mais avec Biolife, actuellement, on n'a pas problème de marché, parce qu'ils nous aident à vendre nos produits à l'intérieur. Avant, sur 50 tonnes d'ananas, on se trouvait avec 3 à 5 tonnes d'ananas exportables. Mais avec Biolife, on a commencé par trouver jusqu'à 10 tonnes exportées. C'est bien mieux. »  Biolife et l'appli e-pineA ont bénéficié du soutien financier de Digital Africa, une filiale de Proparco qui a investi 32 millions de francs CFA (50 000 euros) dans cette start-up béninoise pour l'aider à grandir. « Pour moi, le digital est l'une des solutions qui peut considérablement améliorer l'efficacité de cette industrie en améliorant la distribution et la logistique, du producteur au distributeur. C'est ce que vient faire e-pineA qui permet à une myriade de petits producteurs, très fragmentés, d'avoir accès à un marché énorme qui est celui de l'export ou de la transformation locale, ce qui n'existait pas. C'est-à-dire qu’un producteur avant pouvait produire et perdre 30 à 40 % de sa production juste parce qu’il n'avait pas de débouché au moment où son produit était prêt à être vendu », argumente Grégoire De Padirac, directeur général de Digital Africa. Et nos startupeurs ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Leur application, qui évite déchets et gâchis de production, pourraient aisément se décliner pour d'autres produits périssables et pourtant recherchés, comme la mangue ou le karité. 

07-27
03:43

Zabbaan, le goût des fruits maliens pour tous

Aïssata Diakité a conjugué son goût pour les fruits de son pays, avec un marché qui s'ouvre de plus en plus à l'international, celui des jus, des confitures ou des tisanes, issus de l'agriculture ouest-africaine. En sept ans, sa marque Zabbaan a su promouvoir un savoir-faire auprès des consommateurs friands de nouveaux goûts, au bénéfice des coopératives agricoles avec lesquelles elle travaille. Rediffusion du 24 août 2024. Le Zabbaan… si vous n'avez jamais goûté ce fruit acidulé et délicieux, Aïssata Diakité se fera un plaisir de vous expliquer de quoi il s'agit. « En fait, c'est un fruit, un peu comme le fruit de la passion. Riche en vitamines C. Quand j'étais petite, j'allais chercher ce fruit dans la forêt et c'est très dangereux parce que l'arbre est souvent truffé de serpents. J'ai tellement été punie pour ça !  (rires) Donc, je pouvais vraiment pas louper ce fruit-là en fait pour le nom de mon entreprise », explique cette entrepreneuse trentenaire qui navigue entre Paris et Bamako. De l'interdit de son enfance, puis ensuite d'un master en agrobusiness en France, Aïssata a conservé deux choses : d'une part, une passion pour les saveurs des fruits africains de sa jeunesse et d'autre part, la volonté de les transformer en jus, en confiture, en confiserie de qualité, accessible au plus grand nombre. De là, est née en 2017 l'entreprise Zabbaan, du nom de ce fruit qui pousse dans les arbres de Mopti et d'ailleurs au Mali. Pas de produits africains dans les rayons « Je suis née dans une région très agricole », explique la patronne malienne. « La région du Mopti. Donc après mon baccalauréat scientifique, je suis venue en France pour étudier l'agrobusiness et j'ai été très choquée de voir qu'il n’y a pas de produits africains dans les rayons quand on fait nos courses. Quand je faisais mes travaux pratiques à l'école, c'était tout le temps avec des fruits, des poires, des pommes ou des pâtés de porc, etc. etc ». « Donc, les week-ends, je m'amusais à faire beaucoup d'essais avec d'autres produits pour essayer d'innover et créer une gamme. » Quatre-vingts produits différents sortent depuis de son usine de Bamako pour le marché malien, mais aussi sous-régional comme en Côte d'Ivoire, au Sénégal ou bien au Bénin. Des produits qui s'exportent aussi de mieux en mieux en France dans certaines épiceries fines ou des hypermarchés comme la chaîne Carrefour. Le parfum du fruit ressemble de plus en plus, aujourd'hui, au parfum du succès, même si les débuts n'ont pas forcément été faciles pour cette entrepreneuse malienne. « L'accès au financement est très, très difficile en Afrique. C'est une problématique pour toutes les PME et en même temps, une femme va plus galérer qu'un homme. Moi-même au Mali, j'ai vu des business plans d’hommes qui ont été financés alors que nous (les femmes) on est là, on est en activité, tu as des chiffres, tu as une réalité, mais on ne te finance pas ! Donc, il y a beaucoup de discrimination. Je ne me victimise pas, mais ce sont des faits que je mets sur la table. Ce n'est pas pour autant aussi que j'ai abandonné. Cela donne beaucoup d'énergie et en même temps, quand on arrive à avancer, le succès est beaucoup plus beau à célébrer, en fait », se réjouit cette femme battante que l’on sent néanmoins contrariée par ce constat d’une discrimination au financement à qualité et compétence égales, voire, supérieures. Quand on arrive à avancer, le succès est beaucoup plus beau à célébrer Le succès de Zabbaan, Catherine Mounkoro l'apprécie également. Catherine est responsable d’une coopérative agricole de femmes à Gwadouman Goundo dans la commune de Koulikoro au Mali. Avec trente de ses collègues, elle récolte le mil, le pain de singe ou l'hibiscus pour fournir l'usine de Bamako. « Si c’est de la qualité, c'est sûr que ça va marcher sur le marché ! Nos produits partent en France, en Côte d'Ivoire, au Burkina, donc c'est une fierté pour nous, ça fait que la coopérative est reconnue au Mali. Tu sais que vraiment ces gens-là sont en train de mouiller le maillot, vraiment ! », s’enthousiasme Catherine. Ce projet intégré de l'agriculture jusqu'aux produits finis en magasin s'est fait avec l'expertise professionnelle de Aissata Diakité bien sûr, mais aussi avec un petit coup de pouce du programme Pass Africa, un programme de BPI France qui vise à accompagner et à conseiller les porteurs de projets comme celui-ci. Sébastien Pascaud, coordinateur du Pass Africa, en explique la philosophie. « Au travers du pass, on va accompagner des entreprises qui ont parfois cette double culture, et Aissata en est un exemple. C'est l'association du meilleur des deux mondes, avec une vision technique la plus développée à travers ses études. Et ces éléments-là, elle vient aussi les apporter pour déployer et partager la valeur entre les deux continents. » Zabbaan, une PME d'une trentaine de salariés à Bamako, et avec des milliers d'associés dans les coopératives agricoles, ne compte pas s'arrêter là. Le projet d'Aïssata est, un jour, de développer son propre réseau d'épiceries africaines dans le monde.

07-20
03:50

WIC, club d'investisseuses ivoiriennes pour dirigeantes «Wictorieuses»

À Dakar et à Abidjan, les associations WIC (Women’s Investment Club) ont été créées en 2016 et 2018 pour accompagner, financer des entreprises, portées par des femmes. À Abidjan, depuis deux ans, cette association se regroupe pour désigner vingt lauréates auxquelles l'association apporte conseil et financement. Reportage. Ce jour-là, dans un grand hôtel d'Abidjan, les adhérentes du WIC Côte d'Ivoire cooptent pour la 2e année consécutive, 20 femmes. Des femmes patronnes de PME, dont les projets ont retenu l'attention de leur sœur entrepreneuse. Manon Karamoko Coulibaly est la directrice régionale de la société pharmaceutique Novartis, mais elle est aussi la présidente du WIC Abidjan. Elle nous explique le sens de ce club de dirigeantes ivoiriennes qui ressemble à une tontine des temps modernes.  « En fait, ce sont des femmes qui ont décidé de mettre leur épargne en commun pour investir dans les entreprises de femmes. On sait que naturellement, dans les banques traditionnelles, c'est un peu difficile d'obtenir des prêts en général pour les entrepreneurs, mais encore pire pour les femmes parce que la confiance n'y est pas. Donc, nous avons décidé de mettre nos épargnes à contribution. Nous recrutons des femmes que nous mettons dans des cohortes que nous accompagnons. D'abord parce que c'est quand même un investissement, ce n'est pas un don. Il s’agit plus souvent, d'ailleurs, de prises de participation dans leur capital, parce que ce sont des petites entreprises qui ont besoin de grandir. Quand on prend des prises de participation, ce qu'on fait, c'est qu'on a toujours un ou deux de nos membres qui vont siéger au conseil d'administration et permettre de guider l'entreprise. Donc, au-delà du retour sur investissement, c'est beaucoup plus l'impact que ces entreprises-là auront dans cinq ou sept ans que nous visons afin qu’elles soient beaucoup plus grandes, beaucoup plus pérennes, beaucoup plus solides. » Pour cela, le Women's Investment Club ne se contente pas de financer des projets portés par des femmes, mais a mis en place une académie, un cercle de réseaux d'affaires et même – quand cela est nécessaire – un coaching et de l'accompagnement psychologique ce qui est primordial pour Manon Karamoko Coulibaly.  Beaucoup plus grandes, beaucoup plus pérennes, beaucoup plus solides « Je dis toujours qu'on ne coache pas une femme de la même manière qu'on coache un homme, encore moins en Afrique, parce que les femmes ont des situations personnelles à gérer qui vont impacter leur manière de gérer leurs activités professionnelles. Il faut gérer les enfants, il faut gérer la famille, les parents, il faut être disponible et quand on a une activité à plein temps et qu'on s'investit là-dedans en général, ça sera au détriment de tout cela. Des difficultés auxquelles l’époux n’est parfois pas étranger », souligne la patronne du WIC. « En fait, il considère que l'activité de la femme, son business devient littéralement un concurrent parce que lui, il souhaite que son épouse soit dévouée à lui et à la famille. Les hommes n'ont pas encore compris l'utilité d'avoir une femme qui est active. Une femme qui est active n'est pas aux antipodes avec une femme qui est investie dans sa maison, bien au contraire. Donc notre but, c'est de renforcer ce qu’elles veulent. Une fois qu’elles ont confiance en elles, qu'elles sont soutenues par un réseau, les résultats sont juste fantastiques ! ».  Femi Yéo a 40 ans. Elle est mère de trois enfants, ingénieur en logistique et transport, elle a été l'une des premières à bénéficier des financements du Women's Investment Club. Sa société Wood Packaging Industry fabrique à Grand Bassam des palettes en bois.  « L'entreprise reste dans la main de l'entrepreneur. Eux, ils sont là en appui et en soutien. Donc dès que j'ai besoin d'aide sur un aspect, on active le réseau. Si je souhaite par exemple rencontrer le DG de telles entreprises, démarcher une société potentiellement cliente et qu'une dame du WIC la connaît, elle facilite le rendez-vous. C'est vraiment cet appui-là qu'on a derrière nous et qu'on n'a pas quand on bénéficie du financement d’une banque ».  Les femmes savent gérer un portefeuille, c'est un gage de stabilité L'expérience réussie de ces deux années d'entrepreneuriat féminin attire de nouveaux partenaires financiers. Ainsi, cette année, une banque a décidé de s'associer au WIC de Côte d'Ivoire pour participer aux appels de fonds. Antoine Resk Diomandé, Directeur Général de la Fondation de la Banque Atlantic Groupe, atteste de cet intérêt : « Les femmes savent gérer un portefeuille et c'est vrai que c'est un gage de stabilité. Les femmes remboursent et donc forcément, elles sont une assurance pour nous. Et c'est vrai qu'être partenaire du WIC par exemple, qui va permettre de sélectionner les profils, les former, nous donnera un certain gage, permettra à la banque de mieux prêter ».  Les deux clubs d'affaires exclusivement féminins regroupent entre Dakar et Abidjan, 260 membres. La branche ivoirienne du WIC a réussi à lever en deux ans près de 430 000 000 de francs CFA, 650 000€, pour faciliter l'épanouissement de PME ivoiriennes dirigées par des femmes. 

07-15
04:21

Au Rwanda, bien nourrir la terre pour bien se nourrir soi-même

Agriculture durable, sécurité alimentaire et respect de l’environnement... Depuis près de sept ans l’association « Frères des Hommes » finance un programme de soutien aux paysans de la province du sud au Rwanda avec des associations locales : Duhamic-Adri et Adnya, l’objectif est d’accompagner les familles paysannes pour renforcer leur capacité à produire et à gérer leur production dans le respect de l’environnement. Rediffusion du 8 décembre 2024. Permettre l'autosuffisance alimentaire, c'est bien, mais si en plus on peut se nourrir sainement, c'est mieux !  C'est, en quelque sorte, la philosophie du projet Recasé porté par l'association Frères Des Hommes depuis sept ans. Ce renforcement des capacités sociales et économiques accompagne près de 7 000 paysans au Rwanda, pour s'initier aux bonnes pratiques agroécologiques en matière d'élevage ou d'agriculture. Flavie Lauvernier, responsable de la gestion des projets Frères des Hommes nous explique l'action des formateurs sur le terrain.  Actions paysannes collectives « Il y a déjà toute une partie de formation en gouvernance, en gestion et la bonne gestion des fonds qui leur permettent de mettre en œuvre les actions paysannes collectives. Et puis ensuite plein d'actions concrètes qu'ils mettent en œuvre dont des pépinières et des champs collectifs pour permettre de produire des plants maraîchers, des plants fruitiers forestiers et aussi c'est toute une partie de formation sur le petit élevage et notamment la démultiplication de porc. Ce qui permet aux familles et aux enfants de ces familles d'avoir un apport en protéines également avec l'élevage de poules et de poulets ». Flavie Lauvernier insiste également sur l'aspect formation en nutrition « puisqu'on sait que la malnutrition est toujours une problématique au Rwanda, nous avons une nutritionniste sur le projet avec des paysans qui sont formés pour, eux-mêmes ensuite répliquer ces formations auprès des autres membres des collectifs pour  disséminer les bonnes pratiques alimentaires, notamment basées sur les différentes productions agricoles, les légumes et les fruits qui sont produits grâce aux activités collectives. Comment bien se nourrir pour avoir les apports nécessaires, en particulier pour les enfants ».  Léonie Uwamariya est l'une des formatrices dans la province du Sud, à Kigoma, Ruganza ou encore Rusenge.  « Quand on utilise les engrais organiques et les pesticides naturels l'investissement est moindre. Par exemple sur la culture des haricots sur un an tu peux investir 10 000 avec la fumure organique mais lorsqu'on utilise les engrais ou les pesticides chimiques c'est 20 000. Aussi du point de vue de la santé, on sait que lorsqu'on utilise les engrais chimiques il y a des maladies qui apparaissent et des conséquences négatives sur la santé ».  À cet accompagnement écoresponsable des paysans rwandais s'ajoute une sensibilisation dans les écoles sur les bonnes pratiques agroécologiques. Notamment avec l'instauration de jardins potagers dans les cours d'une trentaine d'établissements scolaires où l'on mange à la cantine, ce que l'on a fait pousser dans les potagers, nous explique Léonie Uwamariya. Les acquis de cette formation, les enfants les mettent en pratique « On met en place les jardins scolaires dont les enfants peuvent s'occuper. On les forme aussi sur la gestion des déchets et nous voyons que les enfants comprennent ça. Il sont sensibilisés aussi à l'agroforesterie avec la plantation d'arbres.  Et nous voyons que les élèves sont conscients de ces enjeux environnementaux. Les acquis de cette formation, les enfants les mettent en pratique après dans leurs ménages ».  Bien entendu, tout cela a un coût. C'est pourquoi Frères des Hommes lance régulièrement des campagnes de financement participatif pour récolter des dons. Laure Caillier est la responsable de ces appels de fonds pour Frères des Hommes.  Cagnotte en ligne « Les personnes qui vont contribuer à la page de collecte, ce sera plutôt pour financer kit de semences potagères qui sont redistribuées aux populations locales et aussi l'achat de matériels pour la construction de champs de démonstration aux pratiques agroécologiques dans les écoles, et également du matériel pour les sessions de formation pour les paysans aux pratiques durables ».  Depuis 7 ans d'activité au Rwanda, Frères des Hommes a permis à plus de 1 800 familles de bénéficier de dons de petits détails. À plus de 900 ménages de lutter contre la malnutrition infantile et, après de 700 élèves rwandais, d'affronter l'avenir avec les notions nécessaires aux enjeux environnementaux du moment.  Si vous souhaitez donner un « coup de pouce » à  cette  opération en faveur  des  familles d’agriculteurs rwandais un financement participatif est en ligne.

06-29
03:41

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