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Le grand invité Afrique

Le grand invité Afrique
Author: RFI
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© France Médias Monde
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Du lundi au samedi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'État ou rebelle, footballeur ou avocate... Le grand invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
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C'était une promesse du président Macron durant le sommet France-Afrique de 2021, créer un lieu à Paris dédié à l'expression culturelle africaine et afrodescendante. Ce lieu, c'est Mansa, la Maison des mondes africains. Elle ouvre ses portes ce samedi dans un ancien atelier du dixième arrondissement de Paris. Que pourra-t-on faire ? Que pourra-t-on voir, entendre ou lire à Mansa ? Réponses avec sa directrice, Liz (Elizabeth) Gomis. À lire aussiLa Maison des mondes africains a trouvé ses locaux à Paris après des mois de controverses
« La solution pour Madagascar, c'est le président Rajoelina, car il a été élu démocratiquement », affirme sur RFI son conseiller spécial Patrick Rajoelina, en réponse aux manifestants qui réclament la démission du chef de l'État. Le président Rajoelina est-il prêt à recevoir les jeunes leaders du mouvement populaire ? Et est-il certain que l'armée lui restera loyale ? De passage à Paris, son conseiller spécial en charge de la diplomatie et de la coopération internationale (qui est son homonyme mais qui n'a pas de lien de parenté avec lui) répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : De nombreux manifestants défilent aux cris de « Miala Rajoelina », ce qui signifie « Rajoelina, dégage ». Qu'est-ce que vous leur répondez ? Patrick Rajoelina : On leur répond que, comme l'a dit le président de la République, dialoguons d'abord pour voir quelles sont profondément les revendications de la jeunesse. Cette jeunesse, naturellement, que nous comprenons, nous comprenons la colère. Il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas été faites suffisamment rapidement et qui posent de grands problèmes dans la vie quotidienne des Malgaches. L'accès à l'eau, l'accès à l'électricité, également un problème de désenclavement de zones rurales avec des routes. Donc, justement, le travail du président de la République, c'est de mettre en œuvre tous ces chantiers qui vont permettre la poursuite du développement de Madagascar. Outre les manifestants, il y a le numéro un de l'opposition, le député Siteny, qui dit « Andry Rajoelina doit comprendre qu'il n'est plus la solution » … Mais le président Rajoelina, quoi qu'il en soit et quoi qu'il dise, est la solution de Madagascar puisqu'il a été élu démocratiquement président de la République de Madagascar. « Pas d'augmentation de salaire depuis trois ans alors que l'inflation galope », déplore un porte-parole de la Solidarité syndicale de Madagascar. Qu'est-ce que vous lui répondez ? Je lui réponds que, en France, la grille des fonctionnaires n'a pas évolué depuis plus de dix ans. Et ce n'est pas propre à Madagascar que les salaires n'augmentent pas. Oui, mais l'inflation galope… L’inflation galope effectivement, à cause notamment de l'environnement international. Donc effectivement, cela grève les budgets des ménages malgaches. Mais voilà, cet environnement international est une des causes. Ce n'est pas la seule cause, bien sûr, mais c'est une des causes et une cause importante pour nos entreprises. Et encore une fois, ce sont les emplois les plus importants pour ce qui concerne le président de la République. Créer des emplois, créer un bon environnement et créer également ces infrastructures qui vont permettre de développer Madagascar, parce que notre combat, le premier combat, c'est le combat contre la pauvreté. La grève générale à laquelle appelle la Solidarité syndicale de Madagascar, le premier syndicat de la Grande Île, ça ne vous inquiète pas ? C'est toujours inquiétant. Une grève est toujours inquiétante, mais chacun a le droit de s'exprimer, y compris dans la grève et y compris dans les manifestations pacifiques. Mais vous ne voyez pas là le scénario d'une insurrection qui pourrait grandement fragiliser le régime, comme en 2009 l'a été le régime de Marc Ravalomanana ? Cela peut être une option qui n'est pas souhaitée, ni naturellement par le pouvoir, mais évidemment pas du tout par les entreprises et encore moins par les salariés. Donc, personne ne peut dire aujourd'hui la façon dont les gens se mobiliseront justement pour faire cette « grève générale ». Je n'y crois pas trop. Ou cette grève générale qui prendrait des proportions monstres, qui mettrait l'économie malgache à genoux une nouvelle fois et qui nous ferait repartir plusieurs années en arrière. En 2009, au terme de l'insurrection contre Marc Ravalomanana, l'armée a joué un rôle clé en faveur d’Andry Rajoelina. Est-ce que vous ne craignez pas que, cette fois-ci, l'armée intervienne à nouveau, mais contre Andry Rajoelina ? L'armée a un fonctionnement patriotique, un fonctionnement démocratique et un fonctionnement qui obéit à un chef qui est le chef de l'Etat, qui est également chef des armées. J'ai toute confiance dans l'armée. Et d'autre part, j'ai toute confiance dans le fonctionnement démocratique de toutes les institutions de Madagascar, jusque et y compris les forces de défense et de sécurité. L'un des proches du président Andry Rajoelina qui est le plus conspué dans la rue en ce moment, c'est Mamy Ravatomanga, qui est un puissant homme d'affaires malgache qui possède une milice privée très redoutée par beaucoup. Le président n'a-t-il pas intérêt à prendre ses distances avec Mamy Ravatomanga ? Je ne vois pas de quoi vous parlez. Alors vous vous plaignez du fait qu'il n'y ait pas un vrai leader qui émerge clairement parmi les manifestants, ce qui permettrait, dites-vous, un échange plus structuré. Aujourd'hui, sur quelles actions concrètes le président Rajoelina est-il prêt à s'engager ? Je pense qu'ils ont été conviés par le président de la République, justement à un grand débat national avec cette génération de jeunes pour exprimer sereinement leurs revendications. Et encore une fois, le chef de l'Etat a souhaité les recevoir et il les recevra, si tant est qu'ils veuillent bien être reçus par le chef de l'Etat qui, encore une fois, est quelqu'un qui a été élu démocratiquement. Et ça a été validé par les instances malgaches, mais également par les instances de la communauté internationale.
Au Tchad, le président Mahamat Idriss Déby s'ouvre la voie d'une présidence sans aucune limitation du nombre de mandats. En effet, le 13 octobre, l'Assemblée et le Sénat doivent se réunir en congrès à Ndjamena, en vue d'adopter une révision de la Constitution dans ce sens. Réaction aujourd'hui de Robert Gam, le secrétaire général du PSF, le Parti socialiste sans frontières. L'opposant tchadien – qui séjourne actuellement en France – témoigne d'abord sur ses huit mois de prison à Ndjamena, de septembre 2024 à juin 2025, sans la moindre procédure judiciaire. Il est l'invité de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous êtes un revenant. Après votre arrestation en septembre 2024 à Ndjamena, vous avez disparu pendant huit mois. Et une nuit du mois de juin dernier, un véhicule vous a déposé devant votre domicile de la capitale tchadienne. Qu'est-ce qui vous est arrivé ? Robert Gam : Oui, comme vous le dites, « revenant », prenons-le comme tel. J'ai été enlevé le 20 septembre 2024 alors que je rentrais d'une réunion politique. J'ai été enlevé et déposé au siège de l'ANS pendant huit mois et quinze jours. L'Agence nationale de sécurité…. Très bien. J'ai été déposé là-bas. J'ai mis huit mois et quinze jours sans qu'on ne m'ait signifié pourquoi j'ai été arrêté. Et pendant les huit mois, j'ai été malade. J'ai demandé qu'on me soigne. On a également refusé. Et curieusement, le 3 juin à 17h30, une ambulance est venue me chercher et là, on m'a emmené au bureau de l'ANS où il y a eu des questions qui m'ont été posées. Et après ces questions, à 1 h du matin, ils ont décidé donc de me déposer chez moi. C'est-à-dire que du 20 septembre au 2 juin, vous êtes resté détenu sans que personne ne vous interroge sur quoi que ce soit ? Non, non, non, rien du tout. Aucun interrogatoire ? Non. Rien. Est-ce que vous avez été maltraité ? Oui, on était très maltraité. Vous savez que la première intention de l'ANS, quand ils m'ont arrêté, c'était d'abord de m'exécuter, parce que j'ai mis plus de 30 minutes à genoux. J'étais entre un commando cagoulé que vous ne pouvez pas voir, et dans la cellule, vous savez qu'il n'y a pas de fenêtre. C'est une cellule construite en béton coulé. Le haut, le bas, c'était coulé. Et là, c'était le calvaire puisqu'il faisait extrêmement chaud. On n'avait pas de moustiquaire, on n'avait pas d'électricité et le repas qu'on nous donnait était de mauvaise qualité. Et l'eau qu'on nous donnait, ce n'était pas une eau potable. Vous êtes donc le secrétaire général du PSF, le Parti socialiste sans frontières, dont le président Yaya Dillo a été tué à Ndjamena le 28 février 2024, suite officiellement à des affrontements avec les forces de sécurité tchadienne. Et aujourd'hui, vous demandez une enquête indépendante. Pourquoi ? Nous pensons que le président Yaya Dillo a été exécuté parce qu'il n'y avait pas eu d'affrontement. Il ne peut y avoir un affrontement que quand deux parties se combattent. Et dans ce cas de figure, le président Yaya n'était pas armé et nous étions en train d'organiser un congrès pour présenter la candidature de notre président. Et subitement, un plan a été orchestré par le système en place qui voulait coûte que coûte éliminer la personne de Yaya Dillo Djerou Betchi. Mais qu'est-ce qui prouve que Yaya Dillo a été exécuté comme vous le dites ? Oui, c'est une exécution barbare et lâche parce qu'il a été exécuté d'une balle dans la tempe. À lire aussiMort de l'opposant Yaya Dillo au Tchad: «S'il s'était rendu, on n'en serait pas arrivé à cette extrémité» Alors, en février dernier, au micro de RFI, le porte-parole du gouvernement, le ministre Gassim Cherif Mahamat, a déclaré « Je comprends que les familles puissent s'impatienter, mais la justice fera son travail. Une commission d'enquête va se mettre en place » … Aujourd'hui, la justice tchadienne est instrumentalisée. Il n'y a pas de justice au Tchad. Vous allez attendre pendant longtemps. Les événements du 20 octobre 2022, il n'y a jamais eu un rapport d'enquête sur ces événements. Déjà, une plainte a été déposée par nos avocats ici en France, et nous attendons que justice soit faite. Mais comment pouvez-vous saisir la justice française à propos d'un homme politique tchadien ? Oui, nous pensons que les personnalités ayant participé à l'exécution de Yaya Dillo, parmi ces personnalités, il y a des personnes de double nationalité, franco-tchadienne. À qui pensez-vous ? Ce n'est pas le moment de vous le dire ici et nous pensons que le moment venu, nous allons dévoiler tout ça. Le 13 octobre prochain, l'Assemblée nationale et le Sénat tchadien doivent se réunir en congrès pour modifier la Constitution et établir un mandat présidentiel de sept ans, renouvelable sans aucune limitation. Quelle est votre réaction ? Nous avons rejeté en bloc ce projet parce que nous avons constaté que la motivation du gouvernement était tout simplement d'aller vers une dynastie. Et ces députés sont là pour faire la volonté d'une dynastie. Ils accompagnent tout simplement le pouvoir en place et ça ne nous surprend pas. Et là, nous déplorons cette attitude. Et que comptez-vous faire ? Les Tchadiens commencent à prendre conscience. Ils sont mobilisés. Nous allons nous battre par tous les moyens pour que le Tchad puisse vivre cette ère véritablement démocratique. À lire aussiMort de l'opposant Yaya Dillo au Tchad: retour sur le parcours d'un cousin trop gênant
À Madagascar, les manifestants ont fait une nouvelle démonstration de force hier, notamment dans la capitale. Beaucoup continuent de réclamer le départ du président Rajoelina, malgré la décision de celui-ci de dissoudre son gouvernement. Quels sont les atouts politiques que le chef de l'État malgache conserve dans sa main ? Et quel rôle peut jouer l'armée dans ce moment de forte tension, qui a déjà provoqué la mort de 22 personnes selon l'ONU ? Il y a quelques années, chez Karthala, l'économiste et politologue Olivier Vallée a publié La société militaire à Madagascar. RFI : Beaucoup de manifestants réclament le départ du président Rajoelina, mais celui-ci a eu la souplesse de limoger son gouvernement et de faire un début de repentir. Est-ce que cela peut satisfaire une partie de la rue ? Olivier Vallée : Je ne crois pas, parce que ses réactions étaient quand même très lentes. Le limogeage du gouvernement est apparu quand même improvisé, dans la mesure où il demandait à ce qu'on lui envoie des CV pour constituer un nouveau gouvernement. Donc ça parait vraiment un peu comme une comédie un peu grotesque à la plupart des manifestants, et aussi à l'ensemble des observateurs politiques, y compris dans son camp. Avec le limogeage du gouvernement, le président Rajoelina se sépare du Premier ministre Christian Ntsay qui était en poste depuis sept ans et qui paraissait indéboulonnable. Est-ce que ce n'est pas une grosse perte pour lui ? Ce n'est pas une grosse perte dans l'immédiat, parce qu'il remplit pour la première fois son rôle de fusible. Mais par contre, c'est un poids lourd du système politique et ça va laisser effectivement dès maintenant le président en tête-à-tête avec les manifestants et avec les politiques, un tête-à-tête dans lequel il ne sera pas du tout à l'aise. Il a tendance plutôt à s'emporter, alors que son Premier ministre est certainement quelqu'un qui prépare ses coups sur la longueur. Les manifestants réclament aussi la mise à l'écart de l'homme d'affaires Mamy Ravatomanga. Mais vu que c'est un homme de l'ombre, comment le président Rajoelina pourrait-il mettre en scène sa disgrâce ? Je pense qu'il y a énormément de moyens et Mamy Ravatomanga, sa maison et certains de ses établissements ont été attaqués, mais il bénéficie d'une milice qui est presque aussi puissante que la police de Tananarive. Donc sa milice est responsable d'un certain nombre de morts. Et il faudrait que le président mette en cause justement cette milice et l'Académie de sécurité, dirigée par un Français, que Mamy Ravatomanga a créée et qui lui permet justement d'entretenir ces milices de sécurité privées. Il y a énormément de moyens d'ordre public de s'en prendre à son protecteur et bienfaiteur, sans mettre sur la place publique leurs relations financières qui datent de très longtemps. C'est un financeur de campagnes électorales, etc. Mais là, il s'est illustré pendant les manifestations par la brutalité de sa milice. À lire aussiMadagascar: des milliers de manifestants défilent et appellent à la démission de Rajoelina En 2009, quand le président Rajoelina a été porté au pouvoir par la rue, l'armée a joué un rôle clé en sa faveur. Quelle peut être la stratégie des militaires aujourd’hui ? Ce que l'on voit, c'est que l'armée qui est, comme je l'ai écrit dans mon livre, une agglomération de différentes tendances, de différentes unités… Andry Rajoelina n'avait été soutenu, lors de son coup d'Etat de 2009, que par une partie, une toute petite partie de l'armée qui se trouvait à Tananarive. Les autres unités ont rallié le coup d'Etat sans y participer vraiment. Donc aujourd'hui, ce à quoi on a assisté, c'est quand même une certaine passivité. L’armée a accueilli le président de la République quand il est revenu sur la base aérienne d’Ivato. À son retour de New York ? Oui, tout à fait. Et l’a transféré en hélicoptère dans son palais forteresse qu'avait créé Didier Ratsiraka, qui se trouve à peu près à une quinzaine de kilomètres du centre-ville. Mais ses bons offices en sont restés là. Le président a lui-même sa milice. Et les forces qui se sont déployées dans la capitale, ce sont essentiellement celles de la gendarmerie, qui continue à obéir et être sous l'influence d'un homme lige de Ange Rajoelina, qui s'appelle le général Ravalomanana, qui est à la fois au Sénat et l'animateur souterrain de la gendarmerie. Celle-ci joue la stratégie de la force. Ses hommes ont tiré. On a énormément de vidéos. Mais le reste de l'armée ne s'est pas engagée. Quant à la police, elle a été complètement passive pendant les pillages. Donc pour l'instant, l'armée est attentiste, c'est ça ? Oui, l'armée est attentiste. Donc c'est un moment difficile parce qu'il y a vraiment un mouvement de masse qu'on n'a pas toujours vu. En 2009, ce n'était pas un mouvement de masse, donc l'armée a laissé faire et ensuite a repris la main. Là, elle laisse faire, mais elle n'est pas sûre de reprendre la main et elle sait que, si elle se compromet, ça lui coûtera plus cher qu'en 2009. À lire aussiÀ Madagascar, la Gen Z en appelle à la génération X
« Je suis un homme du sérail, mais pas un apparatchik », affirme le Congolais de Brazzaville, Firmin Édouard Matoko, qui est haut fonctionnaire à l'Unesco depuis trente ans et qui brigue lundi prochain la succession de la Française Audrey Azoulay au poste de directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'ducation, la science et la culture. RFI a également sollicité une interview auprès de l'autre candidat, l'ancien ministre égyptien de la Culture, Khaled El-Enany, qui, pour l'instant, n'a pas donné suite à notre requête. De passage à Paris, Firmin Édouard Matoko répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Quelle est la vision de l'Unesco que vous porterez si vous êtes élu ? Firmin Édouard Matoko : Alors, moi je pense que ce qu'il faut apporter comme réponse, c'est très vite des solutions pragmatiques à ce qui est reproché au système des Nations unies, son inefficacité, son extrême bureaucratisation et son extrême politisation. Alors, il n'y a pas assez d'opérations à vos yeux, vous voulez dire que, par exemple, l'opération de réhabilitation de Mossoul au nord de l'Irak par madame Audrey Azoulay, c'est bien, mais ce n’est pas suffisant ? Non, c'est une opération d'ailleurs qui restera, je pense, dans les annales de l'Unesco, comme on en a connu pour Abou Simbel, Tombouctou, tous les sites du patrimoine que nous avons restaurés dans le monde. Non, je pense qu'on peut faire plus, on peut faire mieux. Moi, ce que je propose, c'est une réflexion sur la mission et le mandat de l'Unesco. C'est une agence technique, intellectuelle, ce n’est pas une agence conçue pour faire de la médiation politique. C'est une agence qui doit proposer des solutions techniques à des situations extrêmement complexes du point de vue politique. On l'a vu avec la guerre en Ukraine par exemple, on le voit à Gaza, on le voit dans des conflits qu’aujourd’hui on oublie malheureusement, au Soudan, en Haïti, en Afghanistan. Vous dites que l'Unesco manque de ressources. Or, ce n’est pas de chance, mais cette année, les États-Unis ont annoncé leur retrait. Ils contribuent à 20 %. Est-ce que vous avez quelque chose à répondre à Donald Trump qui dit que l'Unesco est trop politisée ? Écoutez, c'est une organisation universelle où toutes les voix ont leur importance. Et c'est une organisation intellectuelle, donc, nous, on admet la contradiction, le débat contradictoire. Je crois que ce qui est important, c'est qu'on arrive à un consensus sur cette thématique majeure. Nous ne sommes pas là pour trancher en faveur d'un courant ou d'un autre, mais nous donnons des espaces d'expression aux États membres, à la société civile sur des sujets majeurs. Donc, cette organisation, c'est un espace de dialogue et de solidarité. Vous êtes un haut fonctionnaire de l'Unesco depuis plus de 30 ans. Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes un apparatchik ? Ça existe encore ce mot « apparatchik » ? Je ne savais pas ça… Enfin… Disons que justement, du fait que je sois un homme du sérail, je préfère, qui a la connaissance de la maison, qui a été à des instances de direction au cours des quinze dernières années, je sais ce que l'on peut proposer, je sais où se trouvent les changements possibles et je sais ce qui peut se faire immédiatement. Alors votre adversaire, l'Égyptien Khaled El-Enany, il dit que lui, il vient de l'extérieur de cette organisation et qu'il a une expérience de terrain, puisqu'il a été ministre de la Culture de son pays. Est-ce que ce n'est pas une différence entre vous deux ? Moi, j'ai été ministre des Relations extérieures, l'équivalent, je ne sais pas, de l’Unesco, pendant quinze ans, et de la priorité Afrique. J'ai visité, j'ai parcouru plus de 100 pays en apportant des solutions en temps de paix, en temps de conflit, en Irak, en Jordanie, en Syrie, en Haïti, au Cambodge, aux grands moments des conflits, en Somalie, au Soudan. Donc, je crois que je sais ce que c'est que le multilatéralisme. Nous avons proposé des solutions au Rwanda après le génocide, au Burundi, au Congo. Et donc je pense que c'est réduire mon expérience en parlant d’apparatchik. Vous n'êtes candidat que depuis six mois, alors que votre adversaire, il l’est depuis plus de deux ans et il a recueilli le soutien de nombreux pays dans le monde arabe, en Europe, etc. Est-ce que vous n'allez pas à cette bataille avec un gros handicap ? Non, moi je ne crois pas. Je peux vous dire que moi, je suis candidat depuis 30 ans, depuis le premier jour que je suis rentré à l'Unesco. J'ai eu l'ambition un jour, et je suis modestement un modèle pour beaucoup de collègues, parce qu'on peut effectivement concevoir qu'un ressortissant d'un petit pays du Sud, sans être péjoratif, formé à l'intérieur de l'Unesco, peut accéder aux instances dirigeantes. On n'a pas besoin d'avoir été ministre de son pays pour diriger cette organisation. Et je ne crois pas avoir été en retard. Certains sont trop en avance. Mais je crois en la sagesse, en la lucidité des Etats membres pour choisir le meilleur candidat pour cette organisation. Mais l'Union africaine a déjà donné sa préférence, c’est pour votre adversaire… L'Union africaine a entériné une candidature, mais selon la loi, les Etats membres, ici à l'Unesco, ne sont pas appelés à élire un candidat de l'Union africaine. L’Union africaine ne vote pas, sinon on aurait eu un candidat du Mercosur, un candidat de l'Union européenne. Et je pense que j'ai légitimement le droit de me présenter candidat. Et quand on vous dit que l'Égyptien Khaled El-Enany part favori, qu'est-ce que vous répondez ? Ça ne me décourage pas, croyez-moi. Moi, je ne suis pas un candidat d'une région, d'un pays. Je suis candidat de toutes les nations, de tous les peuples. Et j'y vais avec la conviction parce que j'ai la passion de cette organisation et cette institution. À lire aussiSuccession à la tête de l’Unesco: «Les deux candidats rassurent par rapport à leurs capacités à diriger»
Au Nord-Mali, l'accalmie sur le terrain militaire est trompeuse, affirment les rebelles touaregs du FLA, le Front de Libération de l'Azawad. « C'est le calme avant la tempête », précise le porte-parole du FLA, Mohamed Elmaouloud Ramadane. Depuis la sanglante bataille de Tine Zaouatène, il y a 14 mois, qui a coûté la vie à plus de 80 paramilitaires russes de Wagner, les rebelles du FLA et l'armée malienne affûtent leurs armes. Comment les rebelles se procurent-ils des drones ? Quels sont leurs vrais liens avec les jihadistes du JNIM ? De passage à Paris, le porte-parole du FLA répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI: Mohamed Elmaouloud Ramadane, bonjour Mohamed Elmaouloud Ramadane, depuis plusieurs semaines, aucun combat n'est signalé dans la région de Kidal et de Tinzawaten, les fiefs du FLN au Nord du Mali. Est-ce qu'on peut parler d'une accalmie ? Mohamed Elmaouloud Ramadane : Non, moi je ne pense pas que c'est une accalmie. Je peux dire que c'est ce qu'on appelle le calme avant l'arrivée de la tempête. Donc les FLA (Forces de libération de l’Azawad) sont bien présentes sur le terrain, de leur côté, l'ennemi aussi, il est là-bas. Ils sont soit à Kidal ou bien à Tessalit. Ils sont dans les camps laissés par la Minusma ou bien la force Barkhane. Et surveillés en général par les drones. Ils n'arrivent pas à quitter en dehors de ces camps comme auparavant. Ils avaient l'habitude de quitter, d’aller un peu dans les hameaux, d’aller sur les puits, de massacrer et de piller les populations. Maintenant, ce n'est plus le cas. Donc par rapport aux opérations ou bien aux combats, c'est une question de temps. C'est le terrain qui commande. En juillet 2024, il y a eu cette bataille de Tinzawaten, tout près de la frontière algérienne, où vous vous êtes affrontés durement aux forces armées maliennes et aux paramilitaires russes de Wagner. Vous dites que vous avez gagné, mais est-ce que vous n'avez pas perdu aussi beaucoup de combattants ? Bon, on ne peut pas faire la guerre et faire des combats sans perdre des combattants. L'essentiel, c'est de gagner la bataille. Nous avons gagné parce que nous avons détruit toute cette unité de mercenaires russes de Wagner. Aucun combattant n'a pu s'échapper, aucune voiture n'a pu s'échapper. Donc c'était une lourde défaite pour ces mercenaires. D'ailleurs, je crois que c’est une première sur le continent africain. Donc c'est vrai, nous avons perdu des hommes. D'ailleurs, on a même fait un monument à Tinzawaten avec les noms de tous les martyrs. C'est une vingtaine de nos martyrs avec une quinzaine de blessés. Et du côté des Maliens et des paramilitaires russes, quel est le bilan des pertes ? Vous savez, nous avons recensé à peu près 85 à 87 cadavres des mercenaires de Wagner avec quelques militaires maliens. Mais la majorité, c'étaient les mercenaires de Wagner. Nous avons aussi des prisonniers russes et des FAMA prisonniers. Combien de prisonniers russes avez-vous aujourd'hui ? Deux. Deux prisonniers ? Deux prisonniers russes. Lors de cette bataille de Tinzawaten de l'année dernière, vos ennemis ont utilisé des drones, mais vous aussi vous avez utilisé des drones. Quels sont les pays amis qui vous ont livré ces engins ? Nous n'avons aucun pays ami qui nous a vraiment livré ou bien dont nous avons bénéficié de son aide matérielle. Les drones sont sur le marché noir. On peut les acheter. Donc, ce sont des choses qu'on achète et qu'on sophistique et qu'on modifie, une fois arrivées chez nous. Depuis plus d'un an, le torchon brûle entre Alger et Bamako. Est-ce que naturellement l'Algérie s'est rapprochée de vous et vous a peut-être aidé à vous livrer en matériel ? L’Algérie, sa position par rapport à la question de l'Azawad a toujours été claire et par rapport au Mali en général. Donc il n'y a aucun rapprochement entre nous et les autorités algériennes, que ce soit politique, que ce soit autre chose, aucun rapprochement. En tout cas, Bamako est persuadé que l'Algérie vous sert de base arrière. Vous savez, Bamako accuse tout le monde. Accuse la France, accuse l'Ukraine, accuse l’Algérie. Qui n'est pas accusé ? Accuse la Côte d'Ivoire, accuse le Sénégal, la Mauritanie. Personne n'échappe à son accusation. Donc, c'est la théorie du complot qui les a toujours prolongés dans cette crise, qu’ils sont en train de vivre. Au Nord Mali, Il n'y a pas que le FLA, il y a aussi les jihadistes du Jnim. Vous avez combattu ensemble l'an dernier à Tinzawaten contre les forces armées maliennes et Wagner. Est-ce à dire que vous êtes désormais des alliés sur le terrain militaire ? Le Jnim n'est pas que dans l'Azawad. Il est un peu partout dans le Mali et dans tous les pays du Sahel. Il occupe une grande partie du territoire du Mali. Aujourd'hui, il est autour de Bamako et de Kayes. Donc, c'est un acteur qui est sur le terrain que nous ne pouvons pas nier. Nous sommes, c'est vrai, sur le terrain où il y a la présence des hommes du Jnim sur le territoire aussi, mais il n'y a aucune coordination entre nous. Vous connaissez l'adage « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Du coup, puisque vous avez les mêmes ennemis, est-ce que vous n'êtes pas devenus amis ? Oui, « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », c'est vrai. Donc, on peut avoir un ennemi commun que nous combattons tous. Mais nous n'avons pas les mêmes objectifs. Le Jnim est présent un peu partout. Il a des revendications différentes des nôtres. Nous, nous sommes limités sur le territoire de l'Azawad. Nous n'avons pas d'autres combats en dehors de cela, nos revendications sont politiques. C'est seulement pour la population de l'Azawad. On ne veut pas aller au-delà de ça. Est-ce qu'il n'y a pas au moins, entre vos deux mouvements, un pacte de non-agression ? Exactement. Il y a un pacte de non-agression. Ça, je vous le confirme parce que, après les combats qui ont eu lieu sur la frontière avec la Mauritanie, entre les FLA et le Jnim en avril 2024, suite à cela, il y a eu des initiatives menées par des chefs des tribus, des communautés, parce que c'est leurs fils qui sont dans le Jnim et qui sont dans les FLA. Donc, pour éviter des confrontations, ils ont mis un mécanisme pour un accord de non-agression et pour éviter les accidents et les accrochages. À lire aussiNord du Mali: les rebelles du CSP veulent «un statut politique et juridique» pour l'Azawad À lire aussiRebelles du FLA et jihadistes du Jnim envisagent de mener des opérations conjointes dans le nord du Mali
Philippe Le Gars, grand reporter au quotidien sportif français l’Équipe, spécialiste de cyclisme, en particulier en Afrique depuis près de 15 ans, est à Kigali où il suit jusqu’à dimanche les premiers championnats du monde sur route organisés sur le continent. Il dresse un état des lieux sans concession du cyclisme africain. Philippe Le Gars répond aux questions d’Olivier Pron. À lire aussiMondiaux de cyclisme: au Rwanda, de jeunes Africains et des réfugiés roulent en équipe À lire aussiMondiaux de cyclisme au Rwanda: un nouveau départ pour le développement du vélo en Afrique?
« Le président-candidat Paul Biya est en pleine forme de ses moyens et il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meetings avant la présidentielle », affirme le ministre camerounais du Travail Grégoire Owona, qui est aussi le secrétaire-général adjoint du parti au pouvoir RDPC. En vue de la présidentielle du 12 octobre, le candidat Paul Biya ne risque-t-il pas de perdre des voix après la démission de deux de ses ministres ? Et fera-t-il des réformes s'il est réélu ? En ligne de Yaoundé, l'un des hommes forts de sa majorité répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Grégoire Owona, quelles seront les deux premières priorités du président Paul Biya s'il est réélu ? Grégoire Owona : Mais le président Paul Biya, certainement, va mieux préciser ses priorités dans sa profession de foi qui va bientôt sortir. Mais je crois que si on devait parler des deux premières priorités en tant que RDPC qui soutient sa candidature, je prendrais la consolidation de la paix, de l'unité nationale et la sécurité en premier, et ensuite la promotion des jeunes et le renforcement du rôle de la femme. La grande inquiétude de l'opposition, c'est la fraude électorale. Même Bello Bouba Maigari affirme que les élections sont truquées au Cameroun et que c'est encore arrivé à la présidentielle de 2018. Qu'est-ce que vous lui répondez ? Je crois que tous ceux qui disent ça font un peu de la diversion. On ne peut pas appeler par exemple au boycott d'une élection locale, sachant qu’on déclare en plus pertinemment quelles sont les conséquences, à savoir l'exclusion à l'élection présidentielle, pour dire après que le système électoral n'est pas bon ou qu'il est mauvais. Donc, je crois qu'il faut faire très attention. Le dépouillement est public. Chacun des candidats ou des représentants des candidats rentrant avec un procès-verbal signé par tous. Quelle autre transparence peut-on vouloir dans un système électoral ? Et si le candidat Paul Biya est battu, est-ce qu'il reconnaîtra sa défaite ? Nous allons à une compétition dans un esprit démocratique. Nous sommes bien préparés, nous espérons gagner. Et si cela arrivait, on se comporterait comme des républicains. C'est-à-dire que le RDPC reconnaîtrait à ce moment-là, la défaite de son champion ? Mais absolument. Mais sur la base des résultats des urnes, pas sur la base des procès d'intention, des interprétations malsaines des lois. Ce 12 octobre, le président Paul Biya va être candidat pour un huitième mandat. Mais beaucoup estiment qu'à 92 ans, c'est une charge trop lourde pour lui. Qu'est-ce que vous en pensez ? J'ai entendu sur votre radio que quand on parle d'âge, c'est qu'on a plus d'arguments. J'ai entendu quelqu'un dire ça. C'est en effet ce qu'a dit Issa Tchiroma. Nous, on a des arguments. Notre candidat est en pleine forme de ses moyens, il conduit le pays, il est à même de poursuivre ce qu'il a commencé. Donc, je ne vois pas le problème que vous êtes en train de soulever sur cet aspect. Actuellement, le chef de l'Etat séjourne en Europe. Est-ce que vous savez quand est-ce qu'il va rentrer ? Mais c'est un court séjour privé. Quand il devra rentrer, on sera bien informé. Et quand il va rentrer, est ce qu'il va tenir un ou plusieurs meetings ? Il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meeting. Je vous ai dit au début qu'il rendra publique sa profession de foi. Il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meeting. Et je peux même vous dire que s'il faut faire des réformes, il se permettra de faire des réformes. Le départ du gouvernement de deux poids lourds du nord du pays Bello Bouba et Issa Tchiroma. Est-ce que cela ne va pas vous faire perdre des voix ? Les démissions de Bouba Bello et d’Issa Tchiroma, je peux vous dire qu’elles ne vont pas spécialement nous faire perdre des voix. Pourquoi ? Pour deux choses. Parce que d'abord, ces deux candidats se sont discrédités par leur façon de faire et par leur façon d'être. La deuxième raison, c'est que dans les zones où ils ont leur base, il y a de nouveaux alliés qui nous ont rejoints, que ce soit en termes de partis politiques ou en termes d'associations. Mais est-ce que nécessairement, et notamment à cause de ces deux ministres démissionnaires, vous n'allez pas faire un score inférieur à celui de 2018 ? Wait and see. Moi, je n'en suis pas du tout convaincu, parce que plusieurs candidats se sont discrédités par leur façon d'être, par leur façon de faire. Ils ont dit des choses et leur contraire en même temps. Ils ont eu des agissements qui font qu'on ne croit plus en eux. Et nous, nous sommes restés dans la même ligne politique et nous sommes crédibles. Notre candidat est crédible. Voulez-vous dire que Bello Bouba et Tchiroma ne sont pas crédibles parce qu'ils étaient encore avec vous il y a quatre mois et que ce ne sont pas de vrais opposants ? Ce n'est pas ça que j'ai dit, mais ils ont fait pire que démissionner. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ce n'est ni le lieu ni le moment de vouloir parler négativement des autres candidats. Nous, on est fair-play. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne À lire aussiÉlections au Cameroun: pour battre Paul Biya, «il faudra un raz-de-marée» de l'opposition, martèle Issa Tchiroma Bakary
Pourquoi Vital Kamerhé a-t-il démissionné lundi 22 septembre de son poste de président de l'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (RDC) ? Est-ce le signe que le président Tshisekedi et lui ne s'entendent plus et qu'après huit ans d'alliance entre les deux hommes, Vital Kamerhé va passer dans l'opposition ? Car sa chute a été en partie entraînée par une pétition, signée par une majorité de députés du parti au pouvoir UDPS. Trésor Kibangula est analyste à Ebuteli, l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Trésor Kibangula, à l'origine de la chute de Vital Kamerhe, il y a une pétition signée par 262 députés, en majorité membres du parti au pouvoir UDPS. Pourquoi cette pétition ? Trésor Kibangula : Je pense que Vital Kamerhe a cumulé plusieurs fragilités. Vital Kamerhe a incarné un style trop personnel pour certains, presque solitaire, ce qui a fini par provoquer ou précipiter son départ. Et si la vraie raison est politique comme vous le dites, est-ce parce que le parti au pouvoir UDPS veut reprendre le contrôle de l'Assemblée nationale ? Ici, le timing, je pense, est révélateur parce qu’au début de la session, on a vu l'UDPS dire que le parti n'est pas le seul à être à l'initiative parce que les pétitionnaires se comptaient autour de 260. Donc, il y avait d'autres membres de l'Union sacrée qui voulaient aussi le départ de Vital Kamerhe. Donc l'UDPS essaye de se cacher derrière. Kamerhe l'a compris, il a demandé même pardon. Donc, c'était quand même le signe qu'il savait que son mandat vacillait. Et à ce moment-là, je pense qu'il aurait suffi d'un mot d'ordre du chef de l'Etat pour le maintenir. Or, ce signal n'est jamais venu. Donc, je pense que le silence présidentiel a beaucoup pesé, plus lourd que toutes les pétitions. Donc Félix Tshisekedi, qui est aussi chef de l'UDPS, n'a pas directement poussé Kamerhe dehors, mais il a choisi de ne pas le retenir. Alors, il y a quelques jours, lors de son déplacement à New York, le président Tshisekedi a dit qu'il n'était pour rien dans les problèmes de Vital Kamerhe et que c'était de la cuisine interne à l'Assemblée nationale. Vous pensez au contraire qu'il a laissé faire, voire même qu'il a initié cette démarche contre Vital Kamerhe ? Je pense effectivement que beaucoup de choses peuvent expliquer cette chute. On a vu l'échec ou la suspension du projet de la réforme constitutionnelle. En fin de l'année dernière, on parlait d'une possible révision de la Constitution pour permettre au chef de l'Etat de se représenter pour une troisième fois. Beaucoup ont reproché à ce moment-là à Vital Kamerhe de ne pas s'aligner sur le président Tshisekedi. Vital Kamerhe, par son profil indépendant et ses ambiguïtés stratégiques, devenait à mon sens un luxe que Félix Tshisekedi ne pouvait plus se permettre. Voulez-vous dire que, pour modifier ou changer la Constitution, il faut un feu vert du président de l'Assemblée et que Félix Tshisekedi n'était pas du tout certain qu'il aurait ce feu vert de la part de Vital Kamerhe ? Je pense que le président de la République et son camp se sont rendu compte que Vital Kamerhe ne se mouillait pas lorsqu'il y avait ces débats autour de la réforme constitutionnelle. Et il y a eu le fait qu’il n'a pas été suffisamment aligné avec le président de la République, notamment lorsque le président a tracé la ligne rouge de ne pas discuter avec les rebelles M23. Vital Kamerhe fait partie des premiers, un des rares hommes politiques à l'époque, au sein de la majorité, qui a dit que peut-être il fallait commencer à regarder la possibilité de discuter. Il a prôné le dialogue au moment où personne ne voulait entendre parler du dialogue. C'était la ligne rouge. Et aussi, une autre fragilité, c'est le fait de ne pas prendre des positions claires lorsqu'il fallait s'aligner sur la réforme de la Constitution. Ce n'est pas le premier revers pour Vital Kamerhe, il est déjà tombé du perchoir en 2009, du temps de Joseph Kabila. En 2020, il a fait un an de prison. En 2024, il a failli être assassiné à son domicile. Qu'est-ce qu'il peut faire à présent ? C'est très difficile. Je pense qu'il avait deux options immédiates. La première, c'était de dire « OK, je suis tombé, mais je reste dans la majorité ». Ou de se dire « OK avec mes députés, je m'en vais, je vais faire de l'opposition républicaine parce que j'exclus à ce stade un éventuel ralliement aux groupes rebelles ». S'il voulait le faire, je pense qu'il avait plusieurs occasions avec ses sorties répétées à l'extérieur du pays. Même avant l'ouverture de la session de septembre, il était à l'extérieur du pays et il n'a pas rejoint Goma. Donc, s'il est revenu à Kinshasa, sachant qu'il y avait cette épée de Damoclès sur sa tête, c’est parce qu'il veut jouer un rôle à Kinshasa. Ce sera quel rôle ? Pour l'instant, il a dit qu'il restait au sein de la majorité présidentielle parce que aussi, je pense qu'il y a un risque à prendre en décidant d'aller dans l'opposition, alors que vous avez des députés qui sont au sein de la coalition présidentielle. Il y a très peu de députés qui allaient le suivre. Donc il n'a pas voulu prendre ce risque. Aujourd'hui, on est en 2025, mais je pense qu'entre le président Tshisekedi et Vital Kamerhe, ce sont deux stratèges politiques, ils se regardent, ils savent qu'ils sont aujourd'hui alliés d'apparence, mais que demain, ils seront très probablement des adversaires politiques. En vue de la présidentielle de 2028 ? En vue de la présidentielle de 2028, effectivement. 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Au Cameroun, le ministre d'État Bello Bouba Maïgari a fait sensation le 28 juin 2025, quand il a démissionné du gouvernement et annoncé sa candidature contre Paul Biya à la présidentielle du 12 octobre. En effet, son parti, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), est un poids lourd dans le pays. Mais quelles sont ses chances de gagner si l'opposition reste divisée ? Aujourd'hui, le candidat Bello Bouba annonce qu'il « peut arriver à une entente » avec le candidat Tchiroma Bakary. En ligne de Yaoundé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? Bello Bouba Maïgari : Mes priorités, si je suis élu, ce sera d'abord pour la formation d'un gouvernement de large union. Parce qu’il faudra que nous nous attaquions aux problèmes essentiels de notre pays, à savoir la protection de l'unité nationale, son renforcement notamment dans les régions anglophones, mais également les problèmes de sécurité dans d'autres régions du Cameroun, notamment l'Extrême Nord. Alors, vous parlez de la très grave crise anglophone au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Beaucoup de Camerounais, y compris des candidats, prônent le retour au fédéralisme. Qu'en pensez-vous ? Aucun sujet ne sera tabou. D'abord, pour qu'il y ait une vraie inclusivité au Dialogue national inclusif que nous allons convoquer dans les six premiers mois de notre mandat, nous parlerons même aux leaders politiques des régions aujourd'hui troublées par cette crise anglophone, et nous envisageons de libérer ceux d'entre eux qui veulent travailler avec nous pour aboutir à un large consensus. Votre fief, c'est le nord du pays, mais comme vous le savez, il ne suffit pas de gagner au nord. Est-ce que vous avez la stature nationale pour être élu président ? Qui peut dénier à l’UNDP une implantation nationale ? Quel autre parti au Cameroun peut nous dénier cette bonne implantation que nous avons à travers l'ensemble des dix régions ? Oui, mais tout de même, Monsieur le Premier Ministre, votre parti UNDP est pour l'instant très loin derrière le parti au pouvoir RDPC. Qu'est-ce que vous comptez faire d'ici au 12 octobre pour combler ce retard ? D'abord, ce que vous appelez « très loin derrière le parti » au pouvoir, nous pensons que c'est parce que les conditions de transparence, de liberté et d'organisation des élections dans notre pays ne sont pas remplies. Nous travaillons pour cela et, d'ici à la fin du premier trimestre de 2026, vous verrez un renforcement de la représentation de l’UNDP dans toutes les assemblées de notre pays. Mais pourquoi la fraude s'arrêterait-elle au Cameroun ? Parce que d'abord, nous pensons, dans nos contacts avec les candidats et les anciens candidats, renforcer la collaboration entre nous pour assurer la vérité des urnes par une présence massive et digne des partis de l'opposition dans tous les bureaux de vote, dans toutes les commissions départementales où se passera le décompte des voix. Tout récemment, il y a quelques jours, l'opposant Maurice Kamto, qui n'a pas le droit de se présenter et qui n'a pas encore donné de consigne de vote, vous a invité, Issa Tchiroma et vous-même qui êtes tous deux originaires du nord du pays, à vous entendre pour fusionner vos deux candidatures, qu'est-ce que vous en pensez ? C'est pour cela que, après avoir écouté non seulement l'appel du professeur Kamto, mais aussi d'autres responsables de partis, nous avons relancé cette demande de rencontre entre nous pour que nous puissions nous entendre. Une rencontre entre Tchiroma et vous ? Une rencontre entre, oui, Monsieur Tchiroma, mais également avec d'autres candidats aussi. Les choses sont en train d'être explorées et nous n'avons pas perdu l'espoir qu'elles aboutiront à un consensus acceptable, non pas entre nous seuls, mais également à qui répondra à l'attente de beaucoup de Camerounais. Et vous pourriez arriver à fusionner vos deux candidatures ? Nous pourrons arriver, je l'espère, à trouver la solution que beaucoup attendent. C'est-à-dire une entente entre nous. C'est ma détermination pour laquelle je veux travailler. Et que répondez-vous à ceux qui disent, comme le candidat Cabral Libii, qu'il faut renouveler la classe politique camerounaise et que les nonagénaires, comme Paul Biya, et les septuagénaires, comme Issa Tchiroma et vous-même, devraient peut-être laisser la place aux jeunes ? C'est son opinion, mais la loi permet encore qu’un candidat de cet âge-là puisse se présenter. Je n'ai aucun commentaire à ce sujet.
Duel à l'Unesco. Dans deux mois au plus tard, à la mi-novembre 2025, on connaîtra le nom du successeur de la Française Audrey Azoulay au poste de directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Il n'y a que deux candidats en lice et ils sont tous deux africains : le Congolais de Brazzaville Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany. Qui va gagner ? Le grand enquêteur et essayiste Abdou Latif Coulibaly a été ministre sénégalais de la Culture de 2017 à 2019, sous la présidence de Macky Sall. En ligne de Dakar, il livre son pronostic. RFI : Quel bilan faites-vous des huit ans d'Audrey Azoulay à la Direction générale de l'Unesco ? Abdou Latif Coulibaly : Oui, je pense qu'elle a fait ce qu'elle pouvait faire par un certain nombre de réalisations qu'elle a faites. Dans le cas d’Audrey Azoulay, je vais citer par exemple les importants travaux de restauration et de reconstruction dans des villes comme Mossoul, dévastées par la guerre. Au nord de l'Irak… Au nord de L'Irak. Mais également, je citerai le cas au Liban. Et en Afrique également, il y a aujourd'hui beaucoup de sites qui ont été promus patrimoine mondial de l'humanité. Elle a également, de ce point de vue, fait beaucoup de choses dans le domaine de l'éducation avec l'Alliance mondiale d'éducation qui est au cœur de la mission de l’Unesco. En tant que ministre sénégalais de la Culture de 2017 à 2019, quel souvenir vous gardez de l'action de l'Unesco ? Vous savez, c'est en 2018, précisément, que le Musée des Civilisations noires a été installé et inauguré définitivement au Sénégal. Et tous les documents qui ont été faits à ce sujet et la démarche qui a été opérée, c'est moi-même, ministre de la Culture, qui a demandé à madame Audrey Azoulay de les transférer à l'Etat du Sénégal à l'occasion de l'inauguration du 6 décembre 2018. Et elle l'a fait avec beaucoup d'enthousiasme. Et également, elle a beaucoup conseillé, à l'époque, le gouvernement sénégalais dans le processus de mise en œuvre et de finalisation de ce musée-là. Et c'est ça qui m'a mis en rapport avec madame Azoulay, qui a beaucoup travaillé de ce point de vue-là à permettre aux Etats africains, et en particulier au Sénégal, de sauvegarder les sites qui sont déjà classés. Ce n’est pas évident quand vous prenez une ville comme Gorée, une ville comme Saint-Louis qui est patrimoine mondial de l'humanité, nous avons beaucoup de difficultés au plan national à trouver les moyens et l'ensemble des outils nécessaires pour que ce caractère de patrimoine universel soit préservé. En cette période très conflictuelle dans le monde, Audrey Azoulay affirme que l’Unesco est un des derniers lieux de consensus pour un multilatéralisme d'action. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ? Oui, je suis d'accord. Ce qui se réalise à l’Unesco aujourd'hui en termes de promotion de l'éducation, de la culture, je pense que s'il n’y avait pas une organisation de cette nature, cela n'aurait pu jamais se produire, ça j'en suis certain. Bon, aujourd'hui, nous les Africains, nous avons deux candidats qui se présentent. Il y a le Congolais Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany, qui sont actuellement en compétition. Quel que soit le candidat qui sera élu, je pense que l'intérêt pour l'Afrique, c'est que le travail qui est aujourd'hui engagé, qui l'avait été d'ailleurs bien avant elle, mais qu'elle a su consolider et qu'elle a su élargir en intégrant davantage beaucoup de pays dans le processus de prise de décision, mais également dans les activités qui sont menées… Je pense que c'est cela qui est le plus important. Et je pense que pour ce qui concerne les candidats africains, leurs déclarations rassurent de ce point de vue-là. Est-ce qu'ils auront tous les moyens pour le faire ? Je ne suis pas sûr, mais le maximum qu'ils feront, ce sera au bénéfice de l'Afrique et des pays en voie de développement. Alors justement, entre les deux candidats, le Congolais de Brazzaville Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany, quel est, à votre avis, celui qui est le plus apte à tenir la barre de l'Unesco dans les prochaines années ? Je pense que tous les deux sont aptes pour le faire. Ce sont des techniciens de très haut niveau. Le Congolais, qui a un très long séjour à l’Unesco, il dit « moi, je suis l'Unesco », pour dire sa compétence et pour dire également l'efficacité qu'il pourrait apporter à l'organisation. Mais il y a également l'Égyptien qui bénéficie déjà du soutien de l'Union africaine, je pense qu'il est assez bien placé, probablement, peut-être, je dis bien peut-être, pour gagner. Qui est le mieux placé ? Je pense que tous les deux ont les compétences pour ça. Je ne peux pas dire qui est le mieux placé, mais enfin, le pedigree des deux rassure par rapport à leurs capacités à diriger l’Unesco. Vous avez une petite préférence quand même, non ? Préférence comme telle… Je n'ai pas de préférence, parce que je considère pour ma part que tous les deux pourraient être bien à cette place-là. Même si je constate que l'Egyptien bénéficie de beaucoup de soutien diplomatique à travers le monde, il faut l'accepter. En Asie, dans les pays arabes. Mais malheureusement, ça va conduire à un affrontement bloc africain contre bloc africain, c'est clair. Mais même si l'Union africaine aujourd'hui soutient officiellement la candidature de l'Égyptien, il me semble que ce combat ne manquera pas de se poser.
L'Assemblée générale des Nations unies (qui célèbre ses 80 ans cette année) s’ouvre cette semaine à New York. Il y a un an, lors de ce rendez-vous, Joe Biden, alors président des États-Unis, s’engageait en faveur de deux sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU. Un an plus tard, cet espoir s’est-il envolé ? Directeur régional de l'Institut d'études de sécurité pour l'Afrique de l'Est, Paul-Simon Handy répond aux questions de Florence Morice. RFI : La France va pousser à New York cette semaine pour une réforme du Conseil de sécurité. Est-ce que l'Afrique a une chance de décrocher enfin un ou plusieurs sièges de membres permanents de ce Conseil ? Paul-Simon Handy : Je ne pense pas que ça se décide cette année. Il y a un consensus grandissant parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur le fait que le Conseil, tel qu'il est, ne peut plus résoudre les problèmes mondiaux et qu'il faille l'élargir, mais surtout aussi qu'il faille que l'Afrique soit représentée. Mais une fois qu’on a exprimé cela, on n'a pas résolu le problème qui est que si tout le monde s'accorde sur l'élargissement, personne n'est d'accord sur les modalités pour y arriver. Comment expliquez-vous que, sur le principe au moins, chacun s'accorde désormais sur cette nécessité d'un élargissement du Conseil de sécurité au continent africain ? Pour l'Afrique, ce qui a été important, c'était la réalisation aussi du fait que l'Afrique est probablement la dernière frontière, comme on dit, le nouvel espace du développement. La croissance mondiale, ne fois qu'elle va s'estomper en Asie, elle va se passer en Afrique. Et je pense que pour tous ceux qui veulent faire des affaires en Afrique, il faudrait pouvoir donner quelque chose en échange à l’Afrique. Je pense donc que c'est politiquement que l'Afrique a grandi en importance. Et ceci se reflète maintenant dans le fait qu'on envisage de plus en plus qu'elle ait un siège au Conseil. Ce qui coince notamment, c'est la question du droit de veto. Les membres actuels ne veulent pas le partager avec de nouveaux entrants. Est-ce qu'il y a eu des avancées ou des évolutions à ce sujet cette année ? Il y a très peu de mouvement sur la question de veto. Il y a beaucoup d'options qui sont sur la table. L'une des options, c'est qu’on élargisse le veto à tout le monde, y compris les nouveaux, ou alors qu'on l'abolisse pour tout le monde. Mais si on fait perdre ce droit à ses détenteurs aujourd'hui, il faudrait leur donner quelque chose en échange. Et c'est justement sur cet aspect que les discussions ne sont pas encore achevées. Un autre problème, c'est que, en cas d'élargissement, il n'y a pas de consensus entre les pays africains sur la manière de choisir les deux pays qui occuperaient ces deux sièges permanents, où on est-on sur ce sujet ? A cette question, les pays africains généralement ont une parade. Ils disent « mettons nous d'accord sur le principe et nous vous présenterons les deux représentants de l'Afrique », ce qui permet de gagner du temps à vrai dire. On sait très bien qu'il sera difficile de trouver deux représentants parce que les prétendants sont nombreux et les critères pour la représentation sont assez précis. Il n'y a pas beaucoup de pays africains industrialisés qui auraient les moyens, une fois membre du Conseil de sécurité, de contribuer financièrement, matériellement aux décisions, à la mise en œuvre des décisions prises par le Conseil de sécurité. Mais donc où en est-on sur le mode de désignation, toujours d'un côté l'Union africaine qui a créé le C10, un groupe de pays chargés de négocier, mais de l'autre côté, des pays tels que l'Égypte et l'Afrique du Sud qui négocient de leur côté ? Le C10 est au moins l'instance officielle. Il est le lieu où les propositions officielles sont discutées. Mais il y a, à côté du C10, énormément de forums informels. Je pense que l'Afrique du Sud et l'Égypte mènent une campagne active, discrète - parce que, d'un autre côté, ils ne veulent pas non plus apparaître comme faisant cavalier seul - discrète, mais très efficace. Ils ont élargi leurs négociations parce qu'ils sentent qu'il y a une vraie opportunité ces temps-ci. Mais ils ont des concurrents, des pays comme le Nigeria et certains autres pays du Maghreb, qui ont tout à fait le potentiel pour représenter l'Afrique et même un pays de plus en plus comme l'Éthiopie, qui, de plus en plus, veut avoir voix au chapitre de la géopolitique africaine et mondiale. Ce ne sera pas facile pour les candidats individuels. Il sera beaucoup question de Gaza à New York. Qu’en sera-t-il du Soudan ? Selon les Nations Unies, c'est la plus grande crise humanitaire au monde avec un risque de génocide jugé « très élevé ». Est-ce que c'est à l’agenda ? Le Soudan est une vraie urgence, mais une urgence qui malheureusement se mêle à d'autres urgences internationales qui la relèguent un peu au dernier plan. Mais c'est un vrai danger. Le monde regarde ailleurs et risque après de devoir investir encore beaucoup d'argent pour payer les conséquences de la négligence actuelle.
Notre invité ce matin est le triple sauteur burkinabè Hugues Fabrice Zango. Il a disputé hier à Tokyo aux Championnats du monde d'athlétisme le dernier concours de sa carrière. Il n'a pris que la septième place de la finale, loin du niveau qui l'avait porté au titre mondial il y a deux ans à Budapest lors des derniers Mondiaux. Mais l'essentiel est ailleurs, à 32 ans, Hugues Fabrice Zango qui est aussi docteur en ingéniérie électrique se retire des sautoirs l'esprit serein, déjà tourné vers l'avenir avec la volonté de faire profiter la jeunesse burkinabè de son expérience de champion Il répond aux questions de Frédéric Suteau.
Au Cameroun, l'opposant Joshua Osih annonce que, s'il se présente à la présidentielle du 12 octobre, ce n'est pas seulement pour mettre fin au long règne de Paul Biya, c'est aussi pour « en finir avec le régime hypercentralisé » dans son pays. Le président du Social Democratic Front (SDF), n'épargne pas non plus certains de ses partenaires de l'opposition, notamment le candidat Bello Bouba Maïgari. Pour lui, Paul Biya et Bello Bouba, « c'est blanc bonnet et bonnet blanc ». En ligne de Yaoundé, l'héritier de John Fru Ndi répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Joshua Osih, pourquoi êtes-vous hostile au principe d'un candidat consensuel de l'opposition ? Joshua Osih : Je ne suis pas hostile à un candidat consensuel. Je pense que les alliances devraient se faire avant le dépôt de candidature et pas après. Et donc, une fois que quelqu'un se porte candidat, il devrait aller jusqu'au bout. Je suis de ceux qui pensent que la démocratie est très importante et qu'il faut donner le choix aux Camerounaises et aux Camerounais de librement choisir leur candidat et de ne pas se faire imposer un candidat. Mais face au président sortant, Paul Biya, vous êtes onze candidats de l'opposition et il n'y a qu'un seul tour. Est-ce que mathématiquement, les voix de l'opposition ne vont pas se disperser ? Il n'y a pas d'opposition en tant que tel. Ce n'est pas un parti politique qui se présente, ni une famille politique. Il y a des gens qui votent à droite, d'autres qui votent à gauche, d'autres qui votent leur tribu, d'autres qui votent objectivement pour le meilleur projet politique. Et donc il faudrait respecter ces choix-là et laisser les gens faire le choix qui est le leur. Beaucoup disent que Paul Biya est trop âgé pour briguer un nouveau mandat de sept ans. Mais est-ce que de fait, il ne continue pas à gouverner, à signer des décrets, à recevoir des personnalités ? Je pense que vous avez vu, comme moi, que l'ensemble de l'oligarchie camerounaise est allé le voir pour le pousser à se présenter. Il n'a reçu personne. Il a fallu que l'ambassadeur de France arrive à la présidence pour qu'il sorte de sa chambre. Donc, si c'est comme ça qu'on gouverne un pays, je pense que ce n'est pas mon idée. Il est évident que, après 43 ans au pouvoir et surtout 65 ans aux affaires, il y a un burn-out qui existe. C'est inévitable, c'est biologique. Et donc, moi, je suis de ceux qui disent sans honte aucune qu'il n'a plus les capacités nécessaires à gouverner ce pays. Mais je ne suis pas dans cette course pour remplacer Monsieur Biya. Je suis dans cette course pour changer de système, parce que je pense que le problème fondamental du Cameroun, c'est celui d'un système hyper présidentialiste, hyper centralisé, qui tue toute opportunité au développement. Et donc il faudrait absolument revenir à ce que nous proposons depuis 1990, et c'est pour cela que je suis contre ce débat d'ailleurs, sur l'opportunité de mettre ensemble des candidatures, parce que je suis le seul qui porte le projet fédéral dans notre pays, c'est-à-dire un fédéralisme d'exécution où on remettrait le pouvoir au peuple et où le pouvoir irait du bas vers le haut et donc l'âge du président, son origine et les autres considérations des autres candidats ne m'intéressent que très peu, parce que je suis le seul candidat qui a cette offre sur la table. Alors, contre votre stratégie de rester candidat quoiqu'il arrive, jusqu'au 12 octobre, 27 cadres de votre parti SDF se sont regroupés et ont décidé de rallier le candidat UNDP Bello Bouba Maigari qui leur promet notamment s'il est élu, d'amnistier, tous les prisonniers de la crise anglophone. Est-ce que cela ne vous fragilise pas ? Alors j'aimerais bien qu'on me dise quand est-ce que ces cadres sont partis, parce que je me souviens que ce sont des gens qui n'ont pas pu gagner des élections locales et qui n’exercent aucune influence politique que ce soit. Et ça fait des années qu'ils ne sont plus dans le SDF. Et au moment où le Social Democratic Front, en mars 2023, présentait son programme politique et proposait l'amnistie dès le premier jour de tous les prisonniers liés à la crise anglophone qui n'ont pas du sang sur les mains, Monsieur Bello Bouba était encore un ministre d'État de Monsieur Biya. Et donc, c'est bien si avant même de devenir président, il essaie déjà de copier notre programme, c'est une très bonne chose. On ne veut pas avoir l'exclusivité de nos propositions. Si toute la classe politique peut s'inspirer de ce que je propose, je pense que j'aurai déjà réussi un des paris de cette élection. Donc, Monsieur Bello Bouba et Monsieur Biya, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Monsieur Bello Bouba, nous savons très bien pourquoi il se présente à cette élection. Il veut faire passer son ami d'enfance, il veut absolument continuer comme ministre d'État. Nous avons dit que nous mettons fin à ce système politique là le 12 octobre, et nous sommes certains que nous allons vers une victoire le 12 octobre. Et quand vous dites que Bello Bouba est là pour faire gagner son ami d'enfance, vous voulez parler de Paul Biya, c'est ça ? C'est ce qu'il a fait en 1992. Et donc, en 2025, nous parlons d'un tout autre Cameroun qui a une maturité politique bien plus puissante que celle qu'on avait en 1992. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: «Je suis candidat pour gagner l'élection nationale», annonce Cabral Libii À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne
À 45 ans, Cabral Libii est l'un des candidats les plus jeunes à la présidentielle du 12 octobre au Cameroun. Mais ce n'est pas un néophyte. Il y a sept ans, à la précédente élection, il était arrivé troisième. Et aujourd'hui, pour lutter contre la fraude électorale, il appelle tous les électeurs à surveiller leur bureau de vote le jour du scrutin, comme au Sénégal il y a 18 mois. Que pense-t-il de l'initiative en faveur d'Issa Tchiroma, désigné par certains comme le « candidat consensuel de l'opposition » ? De passage à Paris, le chef du Parti Camerounais pour la Réconciliation nationale (PCRN), répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? Cabral Libii : Celle sans doute par laquelle je commencerai, c'est le recouvrement des 11,7 milliards que Glencore, qui a spolié le pétrole camerounais pendant dix ans, a accepté de payer. Le recouvrement est bloqué maintenant par la corruption de quelques agents publics qui empêchent le recouvrement de cet argent dont le peuple a besoin justement pour résoudre les urgences. Et ces urgences, elles sont de quatre ordres. Nous avons déjà annoncé qu'une fois élus, nous donnerions deux milliards de francs CFA à chaque commune du Cameroun pour régler les urgences, les infrastructures notamment routières, en permettant aux communes d'acquérir des engins pour le faire, les urgences hospitalières pour relever le plateau technique des hôpitaux dans les communes, les urgences numériques et scolaires, puis les urgences alimentaires. Face au président sortant Paul Biya et à la machine électorale de son parti RDPC, est-ce que vous ne partez pas battu ? Absolument pas. Cette fameuse machine n'est pas redoutable par son projet, son efficacité et ses résultats. Elle est redoutable par la fraude électorale qui s'est sophistiquée d'année en année. Il y a quelques jours, nous avons rendu publique et c'est encore visible sur notre site internet www.cabral2025.com, nous avons démontré qu'il y a une réserve de deux millions de voix qui a été fabriquée par des manipulations algorithmiques. Des voix fictives ? Des voix fictives par des manipulations numériques. Et pour contrecarrer cela, il y a une seule solution : engager la responsabilité individuelle des électeurs. Ce que le Sénégal nous a donné comme enseignement, c'est que c'est la responsabilité individuelle de l'électeur qui fait tomber de vieux régimes. Il faut que chacun fasse sa part. Faire sa part, c'est être dans le bureau de vote le jour de l'élection, voter et surtout que les uns et les autres se rendent disponibles bénévolement pour surveiller le vote. Parce que si on n'est pas dans les bureaux de vote, ils vont travestir le résultat des urnes. Samedi dernier, l'ancien ministre Issa Tchiroma Bakary a été désigné « candidat consensuel de l'opposition » par un regroupement de partis dénommé Union pour le changement. Qu'est-ce que vous pensez de cette démarche ? Rien du tout. Pour nous, c'est un non-événement. Le mot consensus est un mot français qui signifie accord de volonté. Donc, vous et moi, dans ce studio, on peut faire consensus sur ce que nous voulons, mais encore faut-il que cela ait un impact réel. Ce que moi je sais, c'est que le projet que je porte fait consensus. Voilà le type de consensus que nous avons appelé « la vague orange », que nous avons soulevé au grand meeting de Kribi et qui a déferlé. Vous savez, nous sommes douze candidats. Je fais partie des cadets et l'une des choses que nous entendons constamment, c'est que : « Oui, vous les cadets, vous devez vous aligner derrière les aînés ». Nous leur disons d'accord, que les trois septuagénaires qui viennent juste après le nonagénaire s'entendent déjà, se coalisent déjà entre eux et puis nous aviserons. Ce d'autant que deux de ces septuagénaires sont issus pratiquement du même village, tout au moins du même département, celui de la Bénoué. À écouter aussi[Vos réactions] Présidentielle au Cameroun : quelle image vous renvoie l'opposition ? Vous pensez à Tchiroma et à Bello ? Absolument. Alors justement... Ils n'ont pas que ça en partage. Alors justement, cet appel que vous avez lancé aux trois septuagénaires, c'est-à-dire à Akere Mouna, Bello Bouba et Issa Tchiroma, ça n'a pas du tout plu à Issa Tchiroma, qui y a vu une façon de votre part de vouloir le mettre à la retraite. Il vous appelle à plus de respect, à plus d’humilité... Peut-on faire montre de plus d'humilité que de solliciter des aînés ? Qu'ils s'entendent déjà. C'est du respect. Tout ce que nous leur demandons, c'est que vous avez beaucoup de choses en partage. Certains d'entre eux ont servi le régime pendant 30 ans, d'autres durant 25 ans, puis ils décident à deux mois de l'élection présidentielle de se lancer. Ce n'est pas tout le temps que l'on voit des gens qui ont aussi servilement servi un régime se décider de le faire tomber deux mois avant une élection présidentielle. Et nous leur disons qu'il n'y a pas de soucis. Le peuple vous regarde parfois avec un regard suspicieux parce que ce n'est pas la première fois que vous allez de gauche à droite et que vous justifiez à chaque fois vos allées et venues. L'électeur camerounais, nous lui faisons confiance, est très lucide sur ce point. Mais vous le savez bien que Bello et Tchiroma, leur fief, c'est le nord et que le nord, ça compte un tiers des voix. Vous allez perdre des voix nécessairement, non, par rapport à 2018 où Bello et Tchiroma n'étaient pas candidats ? Écoutez, je sors de ce nord-là. Vous avez vu les milliers et les centaines de milliers de personnes qui sont venues à ma rencontre. Ces personnes-là ne suivent pas un nordiste. Ces gens-là m'ont dit : « Monsieur Libii, vous avez toujours été à nos côtés et à nos yeux, ce n'est pas parce que vous êtes né plus loin au sud que nous ne croyons pas en vous et pour nous, vous incarnez notre espérance et notre espoir ». Moi, je ne suis pas un ancien ministre avec de l'argent gardé ici ou là. Moi, je ne suis pas du vieux système où ils achètent des consciences et des voix, où ils payent des gens pour les réunir. Je suis donc conscient qu'il y a des gens qui sont candidats pour gagner le nord, mais moi, je suis candidat pour gagner l'élection nationale. À lire aussiÉlections au Cameroun: pour battre Paul Biya, «il faudra un raz-de-marée» de l'opposition, martèle Issa Tchiroma Bakary
L'opposant camerounais Issa Tchiroma Bakary connait bien le président sortant Paul Biya, puisqu'il a été son ministre pendant 16 ans, avant de démissionner au mois de juin dernier. Le chef du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a le vent en poupe, car il vient d'être désigné « candidat consensuel de l'opposition » par l'Union pour le Changement à la présidentielle du 12 octobre prochain. Mais aucun autre candidat de l'opposition ne l'a félicité : est-ce un trompe-l'œil ? En ligne de Yaoundé, l'ex-ministre Tchiroma Bakary répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Samedi dernier, une assemblée générale Upéciste vous a désigné comme « candidat consensuel de l'opposition » pour le 12 octobre. Quelle est votre première réaction ? Issa Tchiroma Bakary : Ma première réaction, c'est celle de la gratitude et des remerciements à ces hommes et femmes de la société civile comme de la classe politique, qui m'ont fait l'honneur et le plaisir de me désigner pour être le porteur du drapeau qui nous conduira vers l'élection présidentielle et puis vers la victoire inévitable du peuple. Le fait qu'aucun de vos dix partenaires, candidats de l'opposition, n'ait approuvé cette démarche de l'Union pour le changement et qu'aucun de vos partenaires ne vous ait félicité, est-ce que cela ne vous préoccupe pas ? Écoutez, les portes sont ouvertes, nous sommes en discussion. Nous demeurons ouverts et ma foi, j'annonce notre disponibilité à travailler avec tous ceux qui sont prêts pour que l'attente du peuple soit réalisée, à savoir la construction de ce changement. À écouter aussiAkere Muna: «Le Cameroun est dans un gouffre financier, moral, difficile à digérer» Donc, vous tendez la main aux dix autres candidats de l'opposition ? Je pense que non seulement je leur tends la main, mais je voudrais d'abord attirer l'attention des uns et des autres vers une vérité cardinale. C'est l'administration territoriale qui a la responsabilité de l'organisation de ces élections. Même si les dix autres candidats s'allient à Tchiroma pour que ça fasse onze, même si tous nous étions réunis, il est pratiquement impossible de penser que ce corps qui a la responsabilité d'organiser ces élections annonce des résultats différents de ce que le parti au pouvoir et son leader attendent. Donc, il faudrait que cette victoire soit un raz de marée comparable à rien d'autre, parce que la victoire sera massive, une victoire inexorable. Le candidat président de la République sortant face à la détermination du peuple. Je suis persuadé que le président ne fera pas 15 à 20%. C'est impensable. Pour qu'il y ait ce raz de marée, il ne faut pas qu'il y ait plusieurs candidats de l'opposition. Il faut qu'il n'y en ait qu'un seul et ce sera vous. C'est ça ? Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ensemble, nous sommes en mesure d'avoir cette victoire écrasante. Elle est inexorable, elle est inévitable. Issa Tchiroma Bakary, vous avez été ministre de Paul Biya pendant seize ans. Vous avez été aussi notamment son porte-parole. Et puis au mois de juin dernier, vous avez démissionné. Pourquoi cette volte-face ? Ce n'est pas une volte-face. Le président de la République, aujourd'hui, à 93 ans. Après 43 ans de règne sans partage, à cet âge, le président de la République, qui aime sa nation, devrait comprendre que la fin est arrivée. Et comme on dit, il est préférable de quitter les choses avant qu'elles ne vous quittent. Vous avez des icebergs partout. Le commandant doit être à la barre et non gouverner par procuration. Et qui c'est qui gouverne alors ? Si ce n'est pas lui ? Mystère. Mais aujourd'hui, on peut dire que c'est une espèce d'oligarchie invisible, mais d'une puissance d'autant plus redoutable que vous ne savez pas qui fait quoi. Je profite de l'occasion pour dire, moi qui vous parle aujourd'hui, que j'ai fait l'objet d'une menace et d'emprisonnement et existentielle de la part des collaborateurs du président de la République qui sont venus me dire que c'est de sa part qu'il me parlait de cette manière. Et quand vous parlez de menace existentielle, c'est-à-dire qu’un collaborateur du chef de l'État vous a menacé dans votre propre vie, c'est ça ? C'est-à-dire qu’il m’a menacé d'emprisonnement. Et puisqu’il sait que je suis malade. Il suffit simplement que l'on m'emprisonne et que je reste deux mois sans médicaments et la suite sera connue. En vertu de quoi doit-on me menacer ? Vous dites qu'il faudra compter avec plusieurs autres candidats de l'opposition. Est-ce à dire qu'avec l'autre grand candidat nordiste, par exemple, l'ancien Premier ministre Bello Bouba Maigari, vous n'arriverez pas à vous mettre ensemble d'ici le 12 octobre ? Mettez ensemble tous les opposants, pas seulement Bello et autres. Il faut d'abord une victoire immense. Il faut absolument un raz de marée. À lire aussiCameroun: le ministre d'État Bello Bouba annonce sa candidature à la présidentielle Est-ce que vous vous parlez avec Bello ? Bien entendu. Bello n'est pas mon ennemi, mais moi je suis Tchiroma, il est Bello. J'incarne l'espoir de la jeunesse. Vous dites que vous incarnez l'espoir de la jeunesse, mais vous avez plus de 70 ans. Et le candidat Cabral Libii appelle les trois septuagénaires que vous êtes, Akéré Mouna, Bello Bouba et vous-même, à vous mettre ensemble et ensuite à créer une dynamique de l'unité. Il est libre de dire ce qu'il veut, mais qu'il fasse preuve d'humilité et de respect pour ce que nous sommes. Vous savez, j'ai plus de 70 ans, mais il y a des gens qui gouvernent les plus grandes puissances de ce monde qui ont 79 ans. Suivez mon regard. En politique, quand vous parlez de l'âge, c'est parce que vous êtes à court d'arguments. 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Journée spéciale sur le commerce mondial de la drogue aujourd'hui sur RFI. Focus tout de suite sur l'Afrique avec Flore Berger, de L'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Elle est spécialiste du trafic de drogue en Afrique. Elle nous explique pourquoi les narcotrafiquants n'aiment pas les coups d'État. Et elle nous révèle quel rôle jouent ces trafiquants dans certaines libérations d'otages au Sahel. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pourquoi l'Afrique de l'Ouest est-elle devenue une plaque tournante pour la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe ? Flore Berger : Oui, alors géographiquement c'est intéressant pour lier les deux zones. Mais aussi il y a des vulnérabilités importantes qui font que c'est devenu un centre logistique. Donc il y a moins de surveillance dans les territoires, un manque de ressources dans les ports principaux d'Afrique de l'Ouest, évidemment, des niveaux de corruption élevés. Donc, tout ça explique le fait que l'Afrique de l'Ouest soit devenue un centre névralgique pour le trafic mondial. Est-ce que les réseaux jihadistes d'Afrique de l'Ouest et du Sahel sont impliqués dans ce trafic ou dans celui d'autres drogues ? Alors pas spécialement. Déjà, il faut dire que la plupart des flux de cocaïne arrivent en Afrique de l'Ouest par les voies maritimes et repartent vers l'Europe par les voies maritimes. Mais il y a une partie qui est déchargée et qui prend la route, qui traverse notamment le Mali et le Niger en particulier, la Libye aussi. Et donc c'est sur ces routes de trafic qu'on a aussi la présence de réseaux jihadistes. Donc ce ne sont pas les acteurs principaux du trafic, ce ne sont pas ceux qui organisent ou ce ne sont pas les logisticiens, les intermédiaires… Mais comme ils ont une forte présence dans ces zones de transit, le long des routes, on sait qu'ils taxent la marchandise et taxent les trafiquants pour que ceux-ci puissent utiliser les routes qu'ils contrôlent. Donc on sait que les groupes jihadistes font ça pour tout type de biens licites et illicites. Donc les commerçants de carburant, les compagnies de transport, les éleveurs avec leurs animaux. Donc tout le monde qui veut utiliser leur territoire doit les payer. Donc, ce n'est pas spécifique au trafic de drogue. À lire aussiEn Afrique de l’Ouest, le trafic de drogues s'accompagne désormais d'une consommation hors de contrôle Est-ce que le trafic de drogue en Afrique est plus important dans les pays instables et en guerre civile ? Pas forcément. Et on voit qu'il y a certains trafics, comme on vient de parler du vol de bétail, qui sont renforcés, qui augmentent lors de périodes d'intense violence ou d'instabilité. C'est aussi le cas du trafic d'armes ou de carburant, par exemple, qui sont des ressources clés pour les groupes armés. Mais pour la cocaïne, c'est différent dans le sens où ce trafic prospère plutôt dans des zones où il y a un équilibre assez délicat, c'est-à-dire que trop d'instabilité va compliquer les flux et désorganiser les réseaux. C'est quelque chose qu'on a vu après, par exemple, le coup d'État au Niger en juillet 2023. Il y avait des réseaux de protection établis entre les autorités et les trafiquants. Et donc ces réseaux ont été éclatés du jour au lendemain. Aussi avec les périodes de grands conflits comme on a vu au nord du Mali dans la deuxième partie de 2023. Toutes ces périodes d'instabilité ne sont pas très bonnes pour le business, parce que les réseaux doivent soit trouver de nouveaux itinéraires, soit de nouveaux intermédiaires, recréer des relations de protection, et donc trop d'instabilité n'est pas forcément bon pour ce trafic-là. C'est-à-dire que les trafiquants de drogue du Niger ont été déstabilisés par le putsch de juillet 2023 ? Oui, oui. Donc, on a vu une diminution du trafic au Niger après le coup d'État, notamment de certains intermédiaires clés qui étaient impliqués dans le trafic de drogue depuis longtemps. Donc, avec la protection des autorités, il y a même des trafiquants, par exemple un en particulier qui s'est reconverti, on va dire, dans l'orpaillage, le trafic de l'or, parce que voilà, les protections au niveau de l'État pour le trafic de cocaïne n'étaient plus en place. À lire aussiTrafic de drogues: le Kenya, de plateforme logistique à marché de consommation émergent Quelle est la répression la plus efficace ? Pour la répression, donc, on sait spécifiquement pour le trafic de cocaïne qu'il y a vraiment des intermédiaires clés qui souvent sont connus de tous, qui opèrent depuis des décennies, par exemple au Mali ou au Niger, et puis des réseaux étrangers qui viennent des Balkans, qui s'implantent en Afrique de l'Ouest. Et donc eux sont vraiment les acteurs clés de cet écosystème et ils sont difficiles à remplacer parce que ce sont eux qui ont les connexions, ce sont eux qui ont les relations haut placées, ce sont eux qui sont au cœur de la logistique et des opérations. Et donc si on focalise la répression sur eux, donc il y aura clairement un impact sur ce marché illicite, au moins dans le moyen terme, jusqu'à ce que d'autres prennent leur place. Vous parlez des chefs de réseau, notamment de ces réseaux balkaniques qui viennent de Bosnie, d'Albanie, du Monténégro. C'est ça ? Voilà. Et qui ont évidemment des interlocuteurs, par exemple au Mali, au Niger ou les pays côtiers. Et est-ce qu'il y a déjà eu des arrestations du côté de ces chefs de réseaux ou pas ? Alors c'est un peu ça le souci principal, c'est que ce sont souvent eux qui ont établi des liens de protection avec l'accord des autorités. Par exemple, au Mali, ce sont des personnalités qui sont bien connues des services de renseignement et qui sont même parfois utilisés par les autorités, par exemple, quand il y a des otages et qu'il faut se lier ou faire des négociations entre groupes armés et autorités. Donc ce sont ces mêmes personnes-là qui sont appelées, du fait de leurs capacités à parler et aux groupes armés sur le terrain et aux autorités. Et donc c'est assez rare que des poursuites à leur encontre voient le jour. À lire aussiDe la culture de la coca au dealer européen, qui contrôle le trafic de cocaïne?
Légende de la musique en Afrique et bien au-delà, Cheikh Lô fête ce week-end ses 50 ans de carrière et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, puisque son nouveau disque Maame sera publié le 26 septembre. Mais avant cette sortie, le chanteur, batteur et guitariste sénégalais a accepté de revenir sur des anecdotes de sa vie artistique. RFI : Vous célébrez 50 ans de carrière, 50 ans d'exploration musicale. Vous êtes un éternel optimiste. Quel est votre secret pour garder cette fraîcheur ? Cheikh Lô : Je vais fêter mes 70 ans ! Mais actuellement, j'ai 26 ans. Je me suis rendu compte que la musique nourrit l'âme. Ça te tient. Tu ne vieillis pas. C'est un environnement. Je ne sais pas comment l'expliquer. Va par exemple aux îles des Caraïbes ou Cuba, tu trouveras des vieux chanteurs qui jouent jusqu'à présent, parce que leur musique est positive, immortelle. Vous êtes né à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, de parents sénégalais en 1955. Comment est-ce que la musique vous a attrapé ? Au moment où je suis né, ce n'était pas le Burkina Faso, c'était la Haute-Volta. Je suis né là-bas. J'ai grandi là-bas. J'avais la chance, car à l'époque mon grand frère avait un tourne-disque. Il avait pratiquement toutes les musiques d'Afrique de l'Ouest avec les bagages et les ressources du Congo. Et en même temps, il y avait la radio à la maison. Donc, on écoutait beaucoup de Volta Jazz, l'orchestre de renommée à Bobo-Dioulasso qui était le plus grand orchestre de l'époque. Vous y avez commencé votre carrière en tant que batteur... À l'âge de 20 ans, j'avais des amis dans le même quartier qui avaient des guitares. On passait des heures là-bas. Un jour, à ma grande surprise, le bassiste même du Volta Jazz est venu. Il grattait vraiment bien. Il a commencé à jouer et j'ai commencé à chanter. Dans la foulée, vous allez passer une audition et intégrer le groupe... Pour une soirée. Mais avant que la salle soit pleine, j'avais un peu le stress. Mes pieds tremblaient un peu. J'avais chanté un morceau de Laba Sosseh qui s'appelle « Seyni ». Après avoir fini de chanter, le chef d'orchestre et saxophoniste Mustapha Maïga me dit : « Petit, tu es intégré dans le groupe à partir d'aujourd'hui. » Vous aimez tellement cette chanson que vous l'avez enregistrée des années plus tard. Votre carrière est immense. Vous avez joué dans des clubs, dans des hôtels. Vous avez été batteur dans des studios d'enregistrement en France. Mais arrêtons-nous sur un moment important, la sortie de l'album Né La Thiass. Ce n'est qu'après, en 1995, que j'ai réalisé l'album Né La Thiass en collaboration avec Youssou N'Dour. Né La Thiass, c'est la destinée. Youssou N'Dour était amoureux de ce morceau. Tout de suite, j'ai fait une tournée pour la promotion de cet album avec le groupe Né La Thiass, parce que je n'avais pas encore fondé mon propre groupe. Avec le Super Étoile de Youssou N'Dour, on a fait les répétitions à Dakar et puis une tournée européenne un mois plus tard. Quand les nouvelles générations viennent vous voir, que leur répondez-vous ? Qu'il ne faut jamais rien lâcher dans la vie ? Si ce sont des jeunes qui viennent, je leur dis : « Allez faire une formation ». Dans tout métier, pour savoir où tu poses les pieds. Tout est possible. Impossible n'est pas français, mais tout est possible aujourd'hui. Il faut y croire pour y arriver. Dernière question : dans un monde en tension, à quoi sert la musique ? À quoi sert votre musique ? La musique rapproche et même les montagnes. C'est un médicament. Cela adoucit les mœurs. La musique, elle est sacrée pour moi. On pourrait même dire que c'est une religion aussi. Il n'y a pas de mensonge en musique. À l'au-delà, nul ne peut mentir. Tu ne peux pas tricher avec la musique parce qu'il y a des conventions. C'est divin. Cheikh Lô Maame (World Circuit Limited) 2025 Facebook / Instagram / YouTube
Au Cameroun, c'est dans un mois, le 12 octobre, que les douze candidats s'affronteront dans les urnes pour briguer la présidence de la République. Onze candidats de l'opposition vont donc défier le président sortant Paul Biya, mais il n'y aura qu'un seul tour. Du coup, le candidat Akere Muna propose à ses partenaires de l'opposition de créer un collectif pour trouver un candidat consensuel. Et il s'adresse plus particulièrement à Maurice Kamto, l'opposant dont la candidature a été rejetée. Pourquoi ce choix ? En ligne de Yaoundé, maître Muna répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a trois semaines, vous avez défrayé la chronique en demandant au Conseil constitutionnel de déclarer Paul Biya inéligible à cause de sa supposée dépendance physique et cognitive. Mais vous avez été débouté. Est-ce que vous n'êtes pas déçu par cet échec ? Akere Muna : Non, pas du tout parce que tous ceux qui pensent qu'à 92 ans et après 42 ans d'exercice, on est, n'est-ce pas, aussi frais que quelqu'un de 49 ans, mais tant pis, je pense qu’on a pu démontrer au monde entier la situation qui prévaut au Cameroun. Tout le monde l'a vu, le président, dans ses sorties. Nous avons fourni des vidéos qui montrent le président à Washington. Il ne sait pas où il est, il ne sait pas ce qu'il doit faire. On doit tout lui dire. Et puis on l'a montré complètement embrouillé devant Mo Ibrahim. Et puis on l'a montré, il y a beaucoup d'incidents. Sa femme qui lui demande de lever la main pour saluer, on lui rappelle ce qu'il faut faire. On a même montré un rapport fait par des experts américains sur ce que l'on doit attendre d'un monsieur de 92 ans. C'est un rapport de douze pages quand même. On est devant le destin de 30 millions de Camerounais. Le Cameroun est dans un gouffre financier et moral, difficile à digérer. Vous êtes originaire du nord-ouest du Cameroun. Vous avez été bâtonnier des avocats du Cameroun. Vous êtes l'une des grandes figures de l'ONG Transparency International. Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? La lutte contre la corruption et la crise du nord-ouest et du sud-ouest. Parlant de la lutte contre la corruption, je vous dis que moi président de la République, dans les cinq jours, je ferai sortir des caisses de Glencore [une société minière, NLDR] 800 milliards. Je ferai payer par Glencore à l'État du Cameroun 800 milliards de francs CFA. C’est le résultant de ventes de pétrole à un prix décoté, le résultant de trafics de toutes sortes, de la corruption reconnue par Glencore lui-même. Et dites-vous bien, personne n'est poursuivi. Donc ça, ce serait votre première priorité ? Oui, la première. La seconde, c'est la crise du nord-ouest et du sud-ouest car je connais les racines de ce problème. Moi, originaire du nord-ouest, je connais le problème. Vous êtes onze candidats face à Paul Biya. Mais il n'y a qu'un seul tour. À un mois du scrutin, est-ce que vous croyez encore à la possibilité d'un candidat consensuel de l’opposition ? Je crois que les onze candidats savent qu'il faut donner l'espoir aux Camerounais. Et sur cette base-là, je pense qu'il y a toujours une solution. Moi, j'y travaille et je pense qu’un candidat consensuel, ça peut être deux ou trois ou quatre, mais je pense qu'au final, il faudra attendre que la campagne officielle commence, donc le 27 septembre, pour voir ce qu'il va se passer. Je pense que l’on peut être optimiste du fait que l'on va trouver des candidats qui pourront… Parce qu'en fait, ces élections, c'est un référendum sur pour Biya ou contre Biya. C'est aussi simple que ça. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l’armée» de Paul Biya pour la campagne En 2018, le principal challenger de Paul Biya était Maurice Kamto, mais aujourd'hui, il est déclaré inéligible. Quel rôle peut-il jouer dans la recherche d'un candidat consensuel de l'opposition ? Je pense qu’il peut être vraiment la personne qui demande à tous les candidats : « Mettons-nous ensemble et sortons un candidat qui va mener le lot », pour la simple raison que lui, il sera quelqu'un de désintéressé puisqu'il n'est pas candidat. Donc ce rôle-là, il peut le jouer. Il peut proposer une réunion à vous tous, les onze candidats, pour que vous vous mettiez d'accord, c'est ça qu'il pourrait faire ? Oui mais voilà, comme je dis souvent, le problème de ce côté du monde, c'est ce qu'il y a beaucoup de chefs, mais pas assez d'Indiens. Donc peut-être que lors d'une séance comme ça, il faudrait quand même faire un gouvernement, je n'en sais rien, mais je pense qu'il a… Lors d'une séance comme ça, il faudrait quoi dites-vous ? Il faudrait peut-être penser à déjà faire un « shadow government ». Un gouvernement fantôme… Oui. À écouter aussiCameroun: «Après l’échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir» Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prêt à renoncer à votre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Mais cette question trouve sa réponse en 2018. Je l'ai déjà fait. Pour Maurice Kamto… Ça c'est vrai, je l'ai déjà fait. Avec une seule différence que maintenant, je fais dans le cadre d'un collectif. On est tous ensemble, voilà la direction qu'on va prendre. Et dans ce cadre-là, je pense que c'est plus facile de le faire. Et pour quel candidat vous pourriez vous désister ? Mais je vous dis que ça sortirait d'un collectif, donc je ne peux pas maintenant commencer à dire tel ou tel autre. Mais pour l'instant, ce collectif, on ne le voit pas… Peut-être qu’on ne le voit pas. Mais le fait que vous n'entendez pas la radio ne veut pas dire qu'elle n’émet pas. Il y a des signes annonciateurs d'un tel collectif ou pas ? Moi j'en vois. Et le secret pour l'efficacité de cette stratégie, c'est la discrétion. Vous conviendrez avec moi. Donc pour l'instant, vous ne pouvez pas en parler sur l'antenne ? Voilà. À lire aussiCameroun: l'opposition partagée sur la désignation d'un candidat consensuel à la présidentielle
Au Cameroun, Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya est la seule femme parmi les douze candidats à la présidentielle du 12 octobre. Mais les Camerounais connaissent bien cette opposante politique, qui a repris les rênes de l'UDC, l'Union démocratique du Cameroun, après le décès en 2020 de son mari, Adamou Ndam Njoya. Longtemps députée nationale, Madame Tomaïno Ndam Njoya est aujourd'hui la maire de Foumban, la grande cité de l'ouest du Cameroun. Quelle est son ambition pour son pays ? RFI : Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, si vous êtes élue, quelles seront vos deux priorités ? Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya : C'est la crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui est la toute première des premières. Parce que le Cameroun aujourd'hui est en guerre contre les Camerounais. Et évidemment, la grande deuxième priorité serait les réformes institutionnelles. Parce que depuis 2021, nous avons demandé que le code électoral soit modifié. Nous avons fait un travail de fond. Malheureusement, le pouvoir en place, comme il sait que c'est à travers des fraudes électorales qu'il s'en sort, c'est un problème d'arbitraire. Cette réforme du code électoral, vous l'avez demandée en direct au président Paul Biya lors de ses vœux du Nouvel An. C'était il y a quelques mois. Qu'est-ce qu’il vous a répondu ? Le président a dit qu'il n'était pas au courant que nous avions fait ce travail, et je lui ai répondu que nous allons mettre ce travail à sa disposition, ce que nous avons fait. Et jusqu'aujourd'hui, nous n'avons pas eu un retour. Vous êtes la seule femme candidate à ce scrutin. Si vous êtes élue, qu'est-ce qui changera pour les femmes camerounaises ? Les femmes camerounaises disent : aujourd'hui, 65 ans, ça suffit. Parce que c'est depuis les indépendances au Cameroun que les femmes sont discriminées. Nous n'avons pas de lois qui protègent les femmes, la famille, les enfants. Les femmes sont celles qu'il faut au Cameroun pour apporter la paix. Parce que le Cameroun est divisé. Aujourd'hui, il y a un manque de confiance entre Camerounais, entre les Camerounais et les institutions. Et donc après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir et elles sont prêtes. Voilà 43 ans que Paul Biya gouverne et il est candidat pour un huitième mandat. Face au système Biya, est-ce que vous ne partez pas battue d'avance ? Pas du tout. Le système Biya est là parce qu’il a les moyens de l'État, il a le confort. Mais dans la grande majorité, les Camerounais veulent des élections justes et transparentes. Donc quand on voit le bilan des 43 années de Monsieur Paul Biya, on comprend très vite pourquoi les Camerounais aspirent au changement. La guerre du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, c'est inadmissible. Quelle est la fonction d'un président de la République ? D'abord, incarner l'unité nationale, ce qu’il ne fait pas. Il doit arbitrer le fonctionnement des institutions républicaines, ce qui n'est pas le cas. Tout le monde voit que le régime n'apporte plus rien. Nous sortons d'une grande tournée au niveau national et nous ramenons que les Camerounais veulent le changement, mais par la paix. Qu'est-ce qui vous rend optimiste ? Est-ce que c'est le fait qu'il y ait des fissures au sein du parti au pouvoir et du gouvernement ? Est-ce que c'est l'âge du capitaine ? Normalement, c'est autant de signes qui montrent que si on était vraiment dans une République, l'âge n'aurait pas été un problème parce que nécessairement on aurait compris qu’il faut un mandat renouvelable une seule fois. Donc ça fera partie de nos résolutions urgentes de limiter le mandat présidentiel. Et maintenant, le fait qu'il y ait des problèmes dans la maison, c'est tout à fait normal aussi. C'est-à-dire que, dans le fond, c'est un régime qui a trop duré et les Camerounais souhaitent pouvoir prendre les rênes pour que le Cameroun redevienne cette Afrique en miniature, ce pays respecté dans la sous-région et dans le monde. Et c'est pour ça que nous parlons d'une nouvelle ère. Nous, on est là pour la rupture, c'est-à-dire un nouveau Cameroun, l'ère de la liberté, l'ère de la responsabilité… Parce qu’il y a tribalisme, détournement de fonds publics, corruption, qui laissent de côté la valorisation du travail, l'effort, la méritocratie. Ce sont des valeurs que nous devons retrouver au Cameroun. Les Camerounais sont prêts pour cette rupture. Alors face à Paul Biya, il y a onze candidats de l'opposition et un seul tour. Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prête à renoncer à votre propre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Bien sûr, c'est le principe. Parce que, quand on dit consensus, c'est une personne, mais qui est là dans le cadre d'une équipe, par rapport à un plan d'action commun consensuel. Et parmi les dix autres candidats de l'opposition, vous avez déjà en tête l'une ou l'autre de ces personnes pour qui vous pourriez vous rallier ? Celui qui va recueillir le plus de consensus, suivant des critères objectifs qui sont défendables devant le peuple, aura la confiance de l'Union démocratique du Cameroun.