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Lignes de défense

Author: RFI

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Dans un système globalisé, où les menaces prennent des formes de plus en plus variées, la chronique de Franck Alexandre vous plonge chaque semaine, au cœur des enjeux et des problématiques de défense et de sécurité du XXIème siècle. Les acteurs d’un monde militaire en mutation et les meilleurs observateurs des questions de Défense répondent à Franck Alexandre tous les dimanches matins dans sa chronique.

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Volodymyr Zelensky a signé lundi 17 novembre, avec Emmanuel Macron à Paris une « déclaration d'intention » qu'il a qualifié d'« historique » en vue de l'achat futur de systèmes de défense aérienne et de cent avions de combat français Rafale. Si Kiev a sélectionné cet appareil, c'est qu'il a subi l'épreuve du feu avec succès mais aussi qu'il est un véritable couteau suisse du ciel.  Les pilotes disent du Rafale qu'il est « Combat proven », comprenez.: l'avion a connu l'engagement opérationnel. L'avion a connu l'épreuve du feu que ce soit en Afghanistan, en Libye ou en Syrie. Le Rafale est un chasseur omni-rôle, au cours d'un même vol, précise Jean Marc Tanguy, du journal spécialisé Air et Cosmos, l'appareil est taillé pour mener différents types de missions. « Il est capable de faire à la fois des missions air-air, c'est-à-dire de combattre d'autres aéronefs. Russes, en l'occurrence, si on se place dans le contexte ukrainien, il peut aussi abattre des drones de toutes sortes et de tailles. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui au dessus du territoire ukrainien, il y a aussi des missiles qui sont beaucoup plus complexes, des missiles de croisière par exemple, et bien les missiles du Rafale peuvent abattre ces missiles de croisière qui sont envoyés par les bombardiers russes. Mais il peut également faire des missions de reconnaissance. Il ne faut pas oublier aussi que le Rafale peut larguer des missiles de croisière Scalp G, qui sont très efficaces ». À lire aussiCent Rafale pour Kiev: Paris se positionne comme un fournisseur à long terme de l'Ukraine L'Ukraine veut des Rafale et des Gripen Outre le Rafale, l'Ukraine a récemment signé une lettre d'intention pour acquérir auprès de la Suède une centaine de Gripen, un mono-réacteur léger complémentaire du chasseur français. Et si ces deux contrats voient le jour, Kiev disposera alors d'une redoutable force aérienne: « En ayant deux fournisseurs différents de chasseurs. l'Ukraine se garantit en quelque sorte une forme de réactivité. Mais surtout, si jamais elle avait un problème structurel sur un de ces deux chasseurs par exemple, le Gripen a déjà connu des petits soucis, ils auront toujours une deuxième source. En ayant un petit chasseur très polyvalent et en ayant un chasseur bien plus complet, beaucoup plus polyvalent, beaucoup plus éprouvé au combat, l'Ukraine aura deux sources complémentaires ». Un défi industriel Mais pour Dassault Aviation, fournir à Kiev jusqu'à 100 Rafale sera un véritable défi industriel. Dassault ne fabrique que 25 appareils par an et doit d'abord honorer les contrats grecs, émiriens, indiens et ceux de l'Armée de l'Air française. Pour accélérer les cadences, la production sous licence du Rafale par un partenaire n'est donc pas à exclure, pointe Jean-Marc Tanguy. « Il va falloir prioriser un certain nombre de choses. Il va falloir mobiliser la supply chain, il y a en gros 400 partenaires majeurs qui sont un petit peu disséminés sur le territoire national. Donc il y a d'énormes défis logistiques pour faire converger toutes les pièces vers le site d'assemblage unique du Rafale. Le site de production, c'est Mérignac, c'est une usine historique de Dassault. Par contre, l'outil industriel français tel qu'il est aujourd'hui configuré, risque d'être asphyxié. Donc Dassault peut décider d'augmenter ses propres capacités en France, mais il peut également décider de travailler avec des partenaires qui ont une capacité à le faire. Et c'est vrai qu'en Inde, car c'est une nation industrielle, pourrait produire assez rapidement du Rafale ». Si le contrat se concrétise, Dassault pourrait s'enorgueillir de protéger le ciel ukrainien. Le Rafale deviendrait l'avion de la liberté. De très bon augure pour l'industrie tricolore. Car ce contrat majeur serait en mesure de consolider sa position, notamment dans le très délicat projet d'avions du futur européen. À lire aussiLe chasseur «Rafale», cœur battant de Dassault aviation
En Roumanie, l'Otan a montré sa solidarité stratégique face à la Russie. L'exercice « Dacian Fall » commencé le 20 octobre 2025 s'est achevé ce 13 novembre. Et c'est une première, une brigade multinationale sous commandement français a multiplié les manœuvres à grande échelle pour valider la capacité de l'armée française et de ses alliés à se déployer vite en cas de crise. Pour Lignes de défense, Franck Alexandre était en Roumanie, où dans la boue des Carpates, il a observé les soldats de l'Otan s'entraîner, comme en Ukraine, aux combats de tranchées. Exercices d'attaque et de défense. C'est à tour de rôle pour les 3 000 soldats déployés dans les montagnes du nord de la Roumanie. Dix nations sous commandement français pour un exercice de très grande ampleur, non loin de l'Ukraine. Nous sommes sur le camp de Cincu, à flanc de colline. Un front fictif avec le colonel Edward Dupleix : « Là, ils sont au contact. Les Français tiennent la crête et les Roumains qui mènent l'assaut se réarticulent et vont percer sur la défense du bataillon français. Nous allons rejoindre cette ligne de défense et voir comment le bataillon français manœuvre pour retarder ou empêcher cette attaque du bataillon ennemi. » Se préparer à la guerre de haute intensité, à la lumière du conflit ukrainien, c'est réapprendre le combat de tranchées. Nous entrons dans ce réseau solidement défendu par la compagnie du capitaine Benjamin : « Le réseau de tranchées qui est derrière moi, c'est un réseau qui fait environ 300 mètres de largeur sur 300 mètres de profondeur, qui est creusé à plus de deux mètres, ce qui permet de se protéger du risque artillerie. C'est une position qu'on peut tenir longtemps face à un ennemi qui arrive en masse et dans lequel on peut s'enterrer, si jamais les obus arrivent et que l'on est harcelé par la menace aérienne. On glisse beaucoup, beaucoup de boue, c'est très humide, surtout en ce moment avec l'hiver qui commence. » S'enterrer pour durer Des barbelés à foison, un boyau creusé en zig-zag. Nous voilà en première ligne. La section du lieutenant Sanson l'occupe depuis deux jours. « L'endroit est rustique. Mais il nous permet de durer. Vous voyez, on a des filets de camouflage pour tout ce qui est protection, lutte anti-aérienne et drone. Ça nous permet de nous camoufler, de nous disperser et surtout de durer sur le temps. Parce que l'objectif d'un réseau comme ça, c'est de rester plusieurs jours, plusieurs semaines pour pouvoir défendre un compartiment de terrain clé », explique-t-il. À intervalles réguliers, des créneaux de tir très camouflés équipés de minimi, des mitrailleuses à canon court. « Cette arme a une grosse puissance de feu, donc je ferai baisser les têtes. Ce sera difficile de passer », dit avec beaucoup d'assurance en soldat du 92e régiment d'Infanterie de Clermont-Ferrand. Un signalement stratégique de l'Otan Depuis 2022, la France est nation-cadre pour défendre en Roumanie le flanc est de l'Otan. Un signalement stratégique, car intégrer plusieurs nations dans une brigade otanienne est un défi militaire au niveau des procédures, mais aussi de la diffusion des ordres, souligne le général Maxime Do Tran, commandant la septième brigade blindée déployée pour Dacian Fall. « À partir de Cincu, je vais coordonner des tirs de plus de neuf nations européennes, des Piranhas portugais qui vont tirer avec des Leclerc français survolés par des F-16 roumains et montrer que, à la fois concernant la manœuvre et les tirs, il y a une vraie interopérabilité. C'était le message envoyé à nos compétiteurs que nous sommes prêts d'emblée. Nous sommes prêts au feu et rapidement si besoin se faisait sentir », clame-t-il. Projeter 3 000 hommes et leur équipement en quelques semaines seulement en Roumanie, ce fut l'autre défi de « Dacian Fall », exercice que l'Otan veut renouveler à une échelle plus large, celle d'une division multinationale, dès 2027. À lire aussiEn Suède, des bunkers pour se protéger en cas de guerre
« L’atmosphère sur le nucléaire est préoccupante » a jugé mercredi le plus haut gradé français, le général Mandon, pointant devant la commission de la défense du Sénat, « un niveau de discours et d’agressivité assez exceptionnel ». Washington tout comme le Kremlin menacent de reprendre les essais nucléaires et l’escalade a débuté il y a 15 jours avec le tir en Russie d’un missile à propulsion nucléaire, une arme invincible selon Vladimir Poutine. Code Otan Skyfall, mais les russes l’appellent Bourevestnik, ce qui littéralement signifie « annonciateur de tempête ». Et c'est vêtu d'un treillis militaire que le 26 octobre dernier, Vladimir Poutine a annoncé, le tir réussi de cette arme fatale. « Un missile de fin du monde », a précisé le maitre du Kremlin, un « Tchernobyl volant » ont corrigé de nombreux scientifiques. Car aucun autre pays au monde ne s'est jamais risqué à développer un missile à propulsion nucléaire, bien trop dangereux. À lire aussiRussie: essai final réussi d'un missile de croisière à propulsion nucléaire, le «Bourevestnik» Un missile aux trajectoires originales Le Bourevestnik, comme le missile hypersonique Kinjal ou l’Iskander fait partie des six projets d’armes stratégiques dévoilés par Moscou en 2018. S’il ne vole pas très vite, sous la vitesse du son, son moteur nucléaire lui permet en revanche de voler presque indéfiniment. Et c’est une nouvelle menace pour les États-Unis décrypte Héloïse Fayet chercheuse à l’Ifri, l’institut français des relations Internationales : « Il peut voler sur de très longues distances et avec des manœuvres et une trajectoire assez originale. Il pourrait arriver sur le territoire américain via le sud des États-Unis, alors que la majorité des radars et des systèmes de défense antimissile sont situés dans le nord des États-Unis et en Alaska. Parce qu'en fait, le chemin le plus court entre la Russie et les États-Unis, ce n'est évidemment pas via l'Amérique latine, ni même l'Atlantique Nord, c'est par l'Arctique ». Lors de l’essai, ce missile a volé plus d'une dizaine d'heure, « cela permet d'atteindre des distances extraordinaires » s'est inquiété le général Mandon devant les sénateurs, ajoutant « Un cœur nucléaire qui vole dans une arme, ce n'est pas anodin ». Un missile destiné à effrayer les Occidentaux « Un tir inapproprié », avait également rétorqué Donald Trump, au lendemain de l'annonce, laissant entendre en réponse que les États-Unis pourraient reprendre des essais nucléaires. L'heure est à l'escalade, à la compétition et à une atmosphère de guerre froide souligne Héloïse Fayet, « La Russie veut déjà démontrer qu'elle a toujours des capacités d'ingénierie malgré la guerre en Ukraine. Et puis il y a toujours eu un intérêt de la Russie pour des armes un peu exotiques. D'autant plus quand Poutine sait que ça va avoir des conséquences psychologiques, en Occident. Et puis également, ce missile est tout de même intéressant dans sa capacité à saturer potentiellement une défense anti-missile. On sait que Donald Trump est très intéressé par la défense antimissile avec son projet de Golden Dôme. Et donc en fait, on peut voir ce missile comme une façon d'encourager le projet de la défense antimissile de Donald Trump. Un projet qui, là aussi, est extrêmement coûteux, alors même que la modernisation de la dissuasion nucléaire américaine a pris du retard avec des budgets qui ont explosé ». Le Bourevestnik, toujours à l’état expérimental, est exclusivement destiné à armer la dissuasion nucléaire russe, il a aussi pour but d’effrayer les occidentaux. À lire aussiRussie: Vladimir Poutine répliquera par des mesures similaires si les États-Unis reprennent les essais nucléaires
Après les drones aériens, le prochain bouleversement viendra des robots terrestres. Les prototypes sont à l’essai et l’armée de Terre ambitionne de mettre sur pied dès l’an prochain une unité complétement robotisée. RFI est allée voir ces premières machines sur le plateau de Satory près de Versailles, où se trouve le service technique de l'armée de Terre.
Dès le lancement de son « opération militaire spéciale » (SVO) contre l’Ukraine, le 24 février 2022, le Kremlin, qui dispose de l’un des plus vastes arsenaux nucléaires au monde, a adopté des mesures de dissuasion agressives et une rhétorique résolument menaçante. Décryptage d’un possible emploi de l’arme nucléaire par Moscou, avec Dimitri Minic, chercheur à l’Institut français des Relations internationales, l’Ifri.  RFI : Dès les premiers jours de la guerre, Moscou adopte une rhétorique nucléaire agressive. Quelle est sa stratégie ? Dimitri Minic : Le 24 février 2022, sa stratégie, c'est de prendre Kiev en quelques heures et au pire quelques jours, et de soumettre politiquement l'Ukraine. Quand Vladimir Poutine fait son discours sur l'opération militaire spéciale le 24 février, qui annonce son déclenchement, il fait une allusion à un emploi possible de l'arme nucléaire, face à ceux qui voudraient s'impliquer directement dans ce conflit pour aider l'Ukraine. Ce qui, au fond, a permis à la Russie d'éviter effectivement une escalade de la guerre locale en guerre régionale, impliquant d'autres pays, d'autres puissances, mais qui n'a pas suffi non seulement à dissuader effectivement l'Ukraine de résister, mais surtout qui n'a pas permis d'éviter le début d'un flux d'aide militaire à l'Ukraine. Et par ailleurs, ces menaces nucléaires russes n'ont pas permis d'empêcher l'instauration de sanctions économiques très importantes de l'Occident contre la Russie. Donc, c'est un succès relatif de la stratégie nucléaire russe, mais qui, en réalité, ne permet pas à la Russie d'isoler l'Ukraine de l'Occident, ce qui était son principal objectif. Mais il y a quand même une véritable inquiétude qui plane en Occident, puisque le nucléaire tactique fait partie de l'arsenal russe. Le nucléaire a été étendu à la guerre conventionnelle, en quelque sorte ? Oui, absolument. En fait, à la chute de l'Union soviétique, les élites militaires russes héritent d'une doctrine de non-emploi en premier. Et progressivement, elles se rendent compte que la théorie de la dissuasion et ses mécanismes étaient peu développés par rapport à ce qui existait en Occident. Dans les années 90, vous avez une grande période d'élaboration conceptuelle, de théorisation qui conduit l'armée russe, au plan théorique et doctrinal, à effectivement étendre la dissuasion nucléaire aux guerres conventionnelles de toute ampleur, locales, régionales et à grande échelle. Il y a un emploi possible de l'arme nucléaire, un emploi démonstratif, limité, censé mettre fin aux combats dans des conditions favorables à la Russie. On aurait pu se dire, puisque l'opération militaire spéciale est un échec pour la Russie, il est possible que ces concepts soient appliqués. Mais en réalité, cette doctrine exigerait des conditions qui ne sont pas du tout réunies dans la guerre en Ukraine. Pour que Moscou prenne des mesures de dissuasion nucléaire très claires, il faudrait par exemple un transfert des têtes nucléaires depuis les entrepôts centraux vers les unités, vers les bases. Un transfert démonstratif médiatisé qui montrerait que la Russie commence à penser sérieusement à employer l'arme nucléaire ou un essai nucléaire réel, ou d'autres types de mesures qui montreraient qu'elle a vraiment la volonté de le faire. Mais il faudrait qu'elle se trouve dans des conditions extrêmement graves. Il faudrait qu'elle soit en passe de perdre de manière irrémédiable face à un ennemi conventionnel, aidé par des États d'ailleurs dotés de l'arme nucléaire, qui non seulement aient envie de conquérir des territoires russes ou bien aient envie de changer le régime russe. À lire aussiRussie: Vladimir Poutine annonce une révision de la doctrine nucléaire et menace les Occidentaux On le voit au début de la guerre, les Américains vont sonder les Russes afin de savoir dans quelles conditions ils pourraient utiliser l'arme nucléaire. Absolument. Et à l'époque, Valeri Guerassimov répond qu'il y a trois conditions : l'utilisation d'armes de destruction massive contre la Russie, une volonté, une tentative de changer le régime, une déstabilisation profonde du régime provoqué par un État étranger. Et la troisième condition serait des pertes catastrophiques sur le champ de bataille. Et c'est intéressant parce que, à l'époque, à l'automne 2022, la Russie subit des pertes et surtout des revers militaires importants en Ukraine, dans le Donbass. Valeri Guerassimov, à ce moment-là, en évoquant ces trois conditions, abuse de son interlocuteur parce qu'il est évident que la Russie aurait pu compenser ses pertes assez rapidement et qu'elle a de telles réserves matérielles et humaines qu'il est très peu probable qu'elle recourt au nucléaire dans ce type de conditions loin d'être inacceptable ou en tout cas catastrophique pour elle. Vous identifiez trois failles théoriques et pratiques révélées par cette guerre en Ukraine de la doctrine nucléaire russe. Et l'une d'elles, c'est la limite de la dissuasion stratégique conventionnelle, avec les fameux missiles Kalibr,  Kinjal, dont l’usage n’a pas produit l’effet escompté… Non, non, ça n'a pas fonctionné. Effectivement, la Russie débute la guerre en Ukraine avec une conception de la dissuasion qui est une conception très agressive, offensive, mais surtout inter-domaines. C'est à dire que la Russie ne conçoit pas la dissuasion comme quelque chose d'exclusivement nucléaire. La dissuasion russe concerne à la fois les domaines non militaires et subversifs, le domaine conventionnel, donc les forces conventionnelles et les armes conventionnelles et les forces nucléaires. Donc, la Russie n'a pas une vision exclusivement défensive de la dissuasion. Car, pour le dire rapidement, la Russie ne conçoit sa sécurité qu'à travers l’insécurité de ses voisins. Donc, cette situation stratégique échoue effectivement à trois niveaux. C’est d’abord l’échec du concept de contournement, pour permettre à l'État russe de gagner une guerre avant la guerre. En fait, il n'était pas question de déclencher une guerre à grande échelle, de longue durée et très meurtrière, mais plutôt de soumettre l'ennemi sans combat, ou en tout cas sans combat de grande ampleur. C'est aussi un échec des moyens et des méthodes psychologiques ou informationnelles, comme disent les Russes, puisqu'ils pensaient les Ukrainiens et les élites ukrainiennes complètement soumises, rendues apathiques par la Russie et ses manœuvres. Ça n'a pas été le cas. Ils pensaient que les Occidentaux avaient été anesthésiés par cette pratique psychologique ou informationnelle, qui vise non seulement à modifier la psyché des individus et des sociétés, mais en fait à transformer les individus et la société. Et donc surtout, ce que j'observe dans cette étude, c'est que la phase conventionnelle, a subi un échec important. Pourquoi : parce que les élites militaires russes et les élites politiques russes ont surestimé pendant 35 ans l'efficacité de ces moyens conventionnels. Parmi ces moyens conventionnels, effectivement, on a d'abord les forces générales, les exercices, les déploiements de forces aux frontières. Bon, ça n'a pas produit l'effet désiré. Ça n'a pas forcé l'Ukraine à capituler. Mais surtout, les armes modernes duales, donc, qui peuvent être à la fois équipées soit d'une tête nucléaire, soit d'une tête conventionnelle. Ces armes, le Kinjal, le Kalibr, l’Iskander, ont été utilisées sur le champ de bataille. On se rappelle le Kinjal, une arme hypersonique utilisée à un moment qui était censé être décisif pour la Russie, puisque c'était le moment des premières négociations entre l'Ukraine et la Russie en mars 2022, au moment où les Ukrainiens sont très réticents à accepter un accord très favorable à la Russie. Et la Russie emploie dans l'intervalle, au moment de ces discussions ultimes, le Kinjal sur le champ de bataille. C’était sa première utilisation opérationnelle, puis un deuxième deux jours plus tard, avant de se retirer du nord et de l'est de l'Ukraine. L'utilisation de ces missiles conventionnels confirmait en fait des vulnérabilités qui étaient identifiées par les militaires russes depuis les années 90 ! Il faut bien comprendre que la défense antimissile présente en Ukraine, d'origine occidentale notamment, a été efficace et a plutôt montré la surestimation que les élites militaires, russes et politiques russes avaient de l'efficacité de l'emploi de ces missiles contre des cibles stratégiques comme des bases aériennes, etc. Non seulement en termes d'ampleur, de nombre indispensable pour détruire une cible stratégique, mais en plus la vulnérabilité des vecteurs. On voit bien que la Russie a fait face à un ISR, c'est à dire un renseignement occidental qui a été puissant et efficace. Cette double vulnérabilité, à la fois la difficulté à détruire des cibles stratégiques avec ces missiles modernes et en même temps la difficulté à protéger leur plateforme de lancement, ça tend à remettre en question, même partiellement, cette stratégie de frappes nucléaires limitées dont je parlais tout à l'heure, avec un missile unique. Donc, on voit bien que d'un point de vue technique, c'est un affaiblissement. Et les excès rhétoriques de Dmitri Medvedev (vice-président du Conseil de Sécurité de Russie au discours violemment anti-occidental, ndlr), de Ramzan Kadyrov (président de la République de Tchétchénie, un proche de Vladimir Poutine, ndlr) également, ont abîmé la dissuasion nucléaire russe ? À force de crier au loup et à menacer d'hiver nucléaire, l'Occident, ça ne prend plus ? Absolument. Parce que la Russie, dès qu'elle entre dans le conflit, produit une rhétorique nucléaire extrêmement agressive, mais dans les faits, les mesures qu'elle prend concrètement pour accompagner cette rhétorique nucléaire sont très modérées. Donc, vous avez un décalage très fort entre ce que la Russie dit, et ce que la Russie fait vraiment. Ça n'est pas une nouveauté en Russie. Sur quoi s'appuie cette pratique, ce décalage ? Il est dû à une culture stratégique, c'est à d
Les services secrets allemands ont mis en garde, lundi, contre la Russie, prête selon eux à entrer en conflit militaire direct avec l’Otan, menace qui pourrait se concrétiser avant 2029. Réaction ce jeudi du patron de l’armée de Terre française, le général Pierre Schill, à l’occasion de la présentation des capacités des forces terrestres à l’École militaire, qui a plaidé pour une démonstration de force et de crédibilité des armées européennes. Face à ces menaces, le mot d’ordre du chef d’état-major de l’armée de Terre est le suivant : être prêt et le faire savoir. « Il y a l'adversaire et il y a nous. On sait que depuis des années, la Russie s'arme. On sait que depuis des années, la Russie voulait faire peser cette intimidation de sa force sur son environnement et qu'elle veut structurellement s'étendre. Ça, c'est l'adversaire. Nous, c'est d'abord la coalition. Nous sommes membres d'une coalition, nous sommes un continent qui a quand même des ressources immenses. Et au sein de ce continent, il y a nous, la France. Nous avons un certain nombre de socles de notre défense qui sont solides. C'est une armée d'emploi, c'est la dissuasion nucléaire. Pour être libre dans le monde qui vient, il faut être craint. Et pour être craint, il faut être fort. Oui, il y a une menace, c'est clair, mais l'avenir n'est pas écrit, c'est à nous de l'écrire. Et pour écrire cet avenir, il faut que nous soyons forts. » Nous n’avons pas trouvé la martingale contre les drones Être fort signifie tracer des lignes rouges. Contre la flotte fantôme, contre les incursions de drones. L’Europe et l’Otan cherchent la parade, on n’a pas trouvé la martingale dit le général Schill, et la pertinence du mur anti-drones européen reste à ses yeux à démontrer : « Je pense que la question de la défense par le mur, et exclusivement par le mur, est vouée à l'échec parce qu'elle laisse à l'attaquant l'initiative et elle oblige le défenseur à être fort partout. Sur la question du mur anti-drones, il y a un élément positif qui est la volonté manifeste de répondre à des attaques potentielles et à une menace. Maintenant, tout va être dans les modalités. Qu'est-ce que veut dire le mur anti-drones ? Est-ce que c'est un mur étanche sur les milliers de kilomètres de frontière de l'Otan ? Est-ce que ce sera concentré sur certains points ? C'est dans les détails et la rapidité du déploiement que se jugera l'efficacité ou la pertinence de ce sujet, entre deux extrêmes qui pourraient être le fait que ça coûte très cher sans être étanche jusqu'à ne rien faire ». À lire aussiMur anti-drones: l'Union européenne veut aller vite Montrer sa force Face aux attaques hybrides menées par Moscou, l’armée de terre française a l’ambition de peser. De changer le cours de l’histoire par la puissance de l’action, c’est le socle de la dissuasion, martèle Pierre Schill, « La paix, de mon point de vue, est consubstantielle à la notion de force. Si tu veux la paix, prépare la guerre. C'est la base même de la dissuasion et du découragement. Je pense que c'est aujourd'hui le socle de notre défense. Tout ce qui peut être fait en amont pour prouver cette force par la démonstration, c'est-à-dire par les exercices, par la présentation de nos capacités pour que l'adversaire les jauge, c'est une dimension importante. Regardez comment la Chine a fait une démonstration de force à travers le défilé de Tiananmen, qui dit beaucoup ! » Et pour à son tour, en dire beaucoup, de février à avril 2026, l’armée française mènera l’exercice Orion 26. Vaste manœuvre interarmées incluant des alliés, et qui constituera pour le chef d’état-major de l’armée de Terre un signal adressé à nos adversaires et à nos partenaires : afin d’être redouté par les premiers et reconnu par les seconds. À lire aussiL’armée de terre engage une robotisation massive de ses forces
C’est un aspect du conflit ukrainien encore peu documenté. Les soldats russes, depuis bientôt quatre ans de guerre, ont multiplié les graffitis sur les murs des zones occupées. Wall Evidence, un collectif basé à Kiev, répertorie et classe les photos de ces graffitis, comme des pièces à conviction. À ce jour, le collectif Wall Evidence a compilé près de 800 graffitis. Paul Dza, photographe à l’agence Sipa, participe à ce projet initié dès les premiers jours de la guerre, juste après les massacres de Boutcha. « Au milieu des débris, au milieu des appartements, pillé et saccagé, on retrouve des messages, détaille-t-il. Ça peut être des messages qui sont adressés à la population ukrainienne. On retrouve par exemple, dans des appartements où les habitants ont été assassinés, des messages ironiques s'excusant pour le vacarme, s'excusant pour les dégâts qui ont été laissés. On retrouve des messages, par exemple, qui disent que l'Ukraine n'est pas un vrai pays. Il y a [aussi] des supermarchés dont les noms ukrainiens ont été barrés pour être remplacés par des noms russes. » Des graffitis comme outil de revendication Des graffitis omniprésents du Donbass au nord, à la région de Kherson au sud. « On imagine les soldats russes laisser des graffitis, poursuit Paul Dza. Pas dans un moment où l'assaut est en cours. Pas dans un moment où les combats font rage. C'est dans des moments d'entre-deux, des moments de latence, des moments d'attente, d'ennui. On les imagine en train de faire des graffitis en se disant "bon, il faut que je puisse dire à mes proches, à mon village, à ma région, que ce grand projet d'invasion de l'Ukraine, il faut que je le revendique". Donc, ils vont mettre la date, ils vont mettre la région d'où ils viennent. Et très souvent, ils sont pris en photo par les soldats russes et partagés sur des réseaux sociaux comme Telegram ». Un intérêt juridique et militaire Ces documents, accessibles aux chercheurs, éclairent sur le positionnement des unités russes et la temporalité du conflit. Grand reportageEst de l’Ukraine, lâcher du terrain ou combattre jusqu’au bout ? Et ceux retrouvés dans des lieux de tortures viennent aussi nourrir les dossiers des procureurs. Mais les graffitis russes, souligne Paul Dza, ont aussi un intérêt militaire : « Une unité qui va laisser beaucoup de graffitis - avec des noms, avec des pseudos, avec les villes d'origine - ce sont des informations tactiques qui sont utiles pour les soldats ukrainiens, qui vont en déduire que c'est une unité peu spécialisée, qui laisse beaucoup de traces, qui n'est pas discrète dans son avancée. »  « À l'inverse, continue le photographe, des soldats qui vont laisser de l'humour, des graffitis qui prennent énormément de temps à être faits comme des poèmes, des extraits de romans entiers qu'on peut retrouver parfois sur certains murs de zones occupées, les soldats ukrainiens peuvent en déduire qu'ils ont face à eux des soldats russes très confiants, sûrement expérimentés, et qui prennent le temps de laisser des graffitis élaborés sans pour autant donner d'informations tactiques. » Une plongée dans la tête des soldats russes Tag, signatures, les soldats russes laissent également sur les murs de nombreux dessins, indique Paul Dza : « Des dessins font des références à la Grande Guerre patriotique, et certains mettent en parallèle l'invasion de l'Ukraine avec la Seconde Guerre mondiale. On retrouve des étoiles rouges, on retrouve des faucilles et marteaux. On retrouve parfois des dessins avec des références à la culture pop, avec des références à des mangas. On peut retrouver des représentations plus élaborées comme des dessins de soldats représentés à échelle humaine. On retrouve par exemple des espèces d'envolées lyriques ou les soldats russes s'inspirent ou modifient les paroles d'une chanson, modifient le texte d'un poème qui parle de la mort, qui parle de la fin qui approche, mais que le but, le grand combat dans lequel ils sont lancés, continuera malgré leur perte. » Information brute, les graffitis offrent une plongée dans la tête des soldats russes, véritables reflets de la dynamique d’une armée d’occupation.
Après les incursions de drones au Danemark, mais aussi en Allemagne, les Européens cherchent la parade, et le mur anti-drones était au menu des discussions des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne réunis cette semaine au Danemark. Pour aller vite, et disposer d'ici un an d'un système de détection efficace, les Européens veulent apprendre de l’Ukraine. L’Ukraine, devenue experte en matière de drones, veut monter à bord du projet européen et elle partage dès aujourd’hui son expérience. À la lumière de l’expérience ukrainienne, un mur anti-drones se bâtit sur une bonne détection, rappelle l’expert aéronautique Xavier Tytelman : « Ce qu'on appelle le mur anti-drone, en réalité, c'est une accumulation de technologies à la fois pour détecter les drones qui vont arriver avec des radars de basse altitude, mais surtout avec des capteurs acoustiques tels que les Ukrainiens les ont développés avec beaucoup d'efficacité. Et ensuite, il y a toute la question des effecteurs, c'est-à-dire comment les détruire. En Ukraine, je ne veux pas dire que c'est facile, mais on peut se permettre de les détruire en tirant dessus, en entrant en collision avec des drones anti-drones. Mais nous, on ne peut pas forcément se permettre de faire ça au-dessus de zones habitées. » À lire aussiUkraine: des dizaines de blessés dans la gare de Chostka, après une attaque de drones russes 16 000 micros pour entendre arriver les drones russes Pour stopper une incursion de drones, il faut avoir un coup d’avance. La détection acoustique rapide et précise permet de déterminer le type d’engin auquel on est confronté. Kiev a déployé plus de 16 000 micros sur son territoire, une solution qui intéresse le général Olivier Poncet, chef d’état-major du Commandement de la défense aérienne de l’armée de l’air française : « Il y a différents dispositifs de détection ; il y a des radars classiques, il y a des radars de type passif ou autres. Mais bien évidemment, la détection acoustique, c'est une voie très intéressante et sur laquelle on travaille. Vous parlez du système Sky Fortress des Ukrainiens, c'est quelque chose qui nous intéresse fortement et qu'on pourrait tout à fait imaginer, bien évidemment chez nous. » « Nous avons toute amplitude pour détruire un drone » La neutralisation des drones sur des zones habitées soulève des questions complexes d’ordres techniques, mais aussi légales. Un mur anti-drones européen nécessite d’harmoniser les règles d’engagement. Dans l’espace aérien français, pointe le général Poncet, l’interception d’objets volant, par exemple, est à la main de l’armée de l’Air. « Nous avons toute amplitude pour détruire un drone comme nous l'avons vis-à-vis d'autres aéronefs, dès lors qu'ils représentent une menace caractérisée et suffisamment imminente ou importante par rapport aux sites qui seraient menacés. Oui, aujourd'hui, nous avons juridiquement et nous nous sommes organisés dans notre chaîne de décision pour pouvoir détruire les drones s'il le faut. » À lire aussiDrones russes en Pologne: «Un important changement de donne géopolitique», selon l'ex-ambassadrice de France à l'Otan Reste que les capacités d’interceptions, sont souvent lourdes et coûteuses. Il est nécessaire de disposer d’alternatives aux traditionnels missiles, comme le laser : « Oui, le laser, c'est quelque chose qu'on possède déjà et qui a des gros avantages, poursuit Olivier Poncet. Le laser permet un ciblage très précis de la partie d'un drone. On l'a déjà mis en œuvre pendant les Jeux olympiques. On travaille à améliorer sa portée typiquement, et puis on travaille aussi à l'intégrer au mieux dans notre système de commandement et de conduite, pour en faire un effecteur comme un autre. Parce qu'aujourd'hui, on travaille aussi beaucoup sur du brouillage. Ça, c'est quelque chose de très intéressant. Les armes à énergie dirigée au sens bien plus large. Nous avons donc à disposition des moyens multicouches : les gros drones sont pris en compte par nos chasseurs qui sont en alerte 24 heures sur 24. Et puis les moyens que nous avons spécifiquement dédiés à la lutte contre les petits drones, là, ce sont des systèmes complets, des systèmes souverains avec des détections autonomes du style Milad, Parade, Basalt et autres. » Drones anti-drones munis de filets, de brouilleurs, ou drones percutants, les solutions sont nombreuses et l’écosystème industriel bouillonne. Mais cela a un coût. Plusieurs milliards d’euros pour pouvoir disposer d’ici un an d’un système de détection, puis d’un système complet soit un mur anti-drones, estime la Commission européenne. À lire aussiLes drones dans la guerre du XXIè siècle
Jeudi 25 septembre, l’armée de terre française a présenté ses objectifs pour les mois et années à venir. À la lumière des combats en Ukraine, elle se prépare à un champ de bataille plus contesté, plus étendu et plus transparent, où robots et drones seront omniprésents. Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre s’appuie sur les chiffres : chaque jour, sur le front ukrainien, 1 500 soldats russes sont mis hors de combat, dit-il. Une attrition vertigineuse qui ne serait pas supportable pour l’armée française. Sur le champ de bataille, les machines seront donc bientôt dédiées à subir les chocs les plus rudes, analyse le général Bruno Baratz en charge du commandement du combat futur.  « Le champ de bataille de demain ressemble curieusement à celui d'aujourd'hui, mais avec plus de robotisation et de "dronisation". L'augmentation de la transparence du champ de bataille, rendue possible par la multiplication des capteurs spatiaux, acoustiques, terrestres et avec l'exploitation de ces données par l'intelligence artificielle, crée une forme de transparence du champ de bataille, explique-t-il. On voit bien que c'est un univers qui est devenu très hostile pour la présence des soldats et des êtres humains, et qu'on arrive à compenser cela aujourd'hui par plus de robots, ce qui amènera un peu de masse et surtout protègera beaucoup plus nos hommes ». Deux capacités ont été rapidement développées pour durcir les forces : le canon antidrones Proteus et le Mepac, un mortier embarqué et non plus tracté, qui démultiplie la puissance de feu des unités d’infanterie, précise le général Schill : « S'agissant des Mepac, c'est-à-dire ce mortier de 120 mm embarqué à bord d'un Griffon [véhicule blindé médian - NDLR], nous en avons commandé 54. Les premiers arrivent. Ils ont été déployés au sein du troisième régiment d'artillerie de marine à Canjuers. Mon objectif est que tout début 2026, je sois en mesure de déployer en opération une première unité avec ces mortiers. S'agissant du Proteus, c'est-à-dire ce canon de 20 mm auquel nous avons adjoint une couche d'intelligence artificielle de façon à pouvoir lutter contre les drones, les premiers sont déjà déployés dans l'armée de terre, au sein notamment du 35ème régiment d'artillerie parachutiste de Tarbes. On va monter l'an prochain à un volume d’une cinquantaine de canons. Ils peuvent être déployés en opération dès aujourd'hui, si c'était nécessaire ». À lire aussiAu Salon des forces spéciales, les drones militaires s'imposent pour tous types de missions « Il faudrait 77 000 opérateurs de drones » La robotique terrestre fait son apparition : Pandragon, une première unité, composée de 20 robots d’abord utilisés pour les taches logistiques, sera opérationnelle à l’été 2026. Un escadron de drones va également voir le jour. La doctrine d’emploi s’écrit maintenant, les drones d’attaque vont venir compléter la traditionnelle artillerie et donner de l’allonge aux troupes au sol, insiste Bruno Baratz : « L'objectif pour nous, c'est d'éviter que l'ennemi se concentre sur la zone de front et donc d'être en mesure de le frapper le plus loin possible et d'éviter justement les concentrations de force à proximité de nos brigades, de façon à leur faciliter la manœuvre. La tendance générale, c'est bien le développement de ces feux dans la profondeur, même pour une unité d'infanterie qui ira tirer au-delà des vues directes. On voit arriver les munitions téléopérées, ces drones qui sont capables d'amener des charges à différentes distances et qui vont venir compléter finalement le travail de l'artillerie. » Il faut désormais des soldats, à la fois plus durcis et plus innovants, martèle le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill : « Nous devons recruter une partie de nos soldats ou de nos cadres dans ces nouvelles techniques, de manière à avoir des soldats pour le brouillage, pour l'emploi des drones, pour l'emploi des communications. La montée en technique de l'armée de terre est une réalité. J'ai 77 000 soldats dans la force opérationnelle terrestre, donc il me faudrait 77 000 opérateurs de drones, chacun dans son domaine. » L’armée de terre vit une révolution, avec l’usage illimité des drones et de la robotique, elle est en passe de devenir une armée de combattants techniciens. À lire aussiLes robots sur le champ de bataille
L’exercice Saphir a débuté le 8 septembre 2025 sur la base aérienne 702 d’Avord dans le centre de la France. Objectif : mettre la défense sol-air sous pression. Les équipes n’avaient que dix jours pour mettre en ordre de marche le maximum de batteries de missiles prêtes à défendre l’espace aérien ; reportage sur la base d’Avord qui abrite l’escadre de la défense sol-air.
Vendredi 12 septembre a débuté l’exercice Zapad-25, démonstration de force de la Russie et de son proche allié Biélorusse. Cette manœuvre majeure de l’armée russe se déroule tous les quatre ans, mais il intervient cette fois dans un contexte particulièrement tendu après l’incursion d’un raid massif de drones dans l’espace aérien polonais. Il sera par conséquent scruté de près par les militaires occidentaux. L'opération spéciale en Ukraine n'y change rien : Zapad est au rendez-vous, avec la précision d’un métronome. 30 000 soldats sur le papier, on est loin des 100 000 soldats déployés par le passé, guerre en Ukraine oblige. Cette fois l'exercice se déroule en Biélorussie. Il faudra donc regarder de près l’articulation entre armée russe et biélorusse pointe Vincent Tourret chercheur à l’Université de Montréal. « C'est d'abord le renforcement ou non de l'alliance avec la Biélorussie. À quel point les deux pays réussissent à rapprocher leurs deux outils de défense. Le message que ces deux pays envoient au reste de l'Europe. Cela permet de nous indiquer un peu les modes d'opération que russes et biélorusses envisagent, comment ils se préparent. C'est un signalement ». Scénario retenu : une attaque de l'Otan Le scénario retenu c'est l'attaque par l'Otan de ce pays satellite. Ainsi, la Russie entretien le mythe d'une invasion venue de l'Ouest. Et sur le plan purement militaire, l’exercice peut être riche d'enseignements, sur les modes opératoires que l’armée russe cherche à réinvestir. « Est-ce qu'elle va réintroduire, par exemple, des modes opératoires basés sur des hélicoptères ? Depuis qu'elle a raté son assaut sur l'aéroport d' Hostomel au début du conflit (bataille de l'aéroport d'Hostomel 24 et 25 février 2022), c'est plutôt un mode opératoire qui a complètement disparu. Ensuite, c'est le déploiement de son système de frappes. Comment ces frappes seront articulées ? Quel est le ratio qu'ils vont établir entre missiles et drones ? Mais aussi, est-ce que cette artillerie sera mieux intégrée avec les forces au sol ? Clairement, on pourrait avoir en fait un scénario de comment envahir les pays baltes. C'est ce qui est intéressant à regarder », explique Vincent Tourret. Une dimension nucléaire La dimension nucléaire sera également observée. Depuis deux ans Moscou a déployé des têtes nucléaires en Biélorussie, l’exercice Zapad devrait y faire référence. Car c'est l'opportunité pour l'armée russe de crédibiliser l'épaulement qu'elle a théorisé entre les armes nucléaires tactiques et les forces conventionnelles sur un théâtre européen, souligne Thibault Fouillet de la fondation pour la recherche stratégique : « Forcément. Oui, c'est un exercice qui envisage bien un affrontement en Europe, donc on comprend très bien vers qui il est porté : vers l'Otan. Un affrontement majeur en Europe, qui serait forcément porté sous ombre nucléaire puisque déjà l'Ukraine a eu de forts signalements stratégiques nucléaires, que ce soit pour dissuader les Européens, mais même dans le dialogue vis-à-vis de l'Ukraine, pour éviter l'escalade, pour éviter certaines choses. Donc forcément, un exercice qui cette fois postule à un affrontement contre des États dotés, aura une dimension stratégique nucléaire. Quand on regarde déjà les exercices post 2014 qui avaient tant inquiété les Occidentaux avec les scénarios des pays baltes qui tombent en 72 heures, vous aviez déjà une très forte dimension nucléaire. Donc fondamentalement, c'est plus une continuité qu'une surprise. Ce serait plutôt une surprise si on n'avait aucun signalement stratégique nucléaire plutôt que d'en avoir ». Moscou annonce la présence de 26 pays partenaires, ce n'est pas sans rappeler les 26 pays de la coalition des volontaires en soutien à l'Ukraine, car Zapad c'est aussi un exercice de communication. Mais le contexte de guerre en Ukraine et de tensions avec l'Otan, lui donne cette année une gravité particulière. À lire aussiOuverture des Zapad, ces manœuvres militaires russes tournées vers l’Occident
Après les discussions jeudi 4 septembre avec les membres de la coalition des volontaires, le président français Emmanuel Macron a affirmé que 26 pays étaient prêts à assurer des garanties de sécurité à l’Ukraine. Premier pilier de ces garanties de sécurité : apporter à Kiev une aide militaire massive et durable, mais Kiev entend également développer ses propres armements stratégiques, et c’est le cas avec le missile de croisière Flamingo, testé avec succès cet été. « Flamingo » car les missiles FP5 testés il y a quelques semaines avaient tout simplement une livrée rosée. Le Flamingo c’est une bête de combat et il est aujourd’hui opérationnel, pointe l’expert aéronautique Xavier Tytelman : « C'est un missile qui va porter à 3 000 km avec une tonne de charge utile. C'est dix fois plus loin et deux fois plus lourd, par exemple, que le missile scalp qui a été fourni par la France. L’autre avantage, c'est qu'il est tiré depuis le sol. Il n'est pas nécessaire d'avoir un avion de chasse qui va se mettre en danger en se rapprochant de la ligne de front. Là, c'est simplement un camion qui va être au sol, donc beaucoup plus difficile à intercepter, à détecter pour les Russes. » Produit par l’entreprise Fire point, le FP5 Flamingo est le fruit d’une collaboration avec l’industriel britannique Milanion. Aux yeux d’Elie Tenenbaum, directeur de recherche à l'Institut français de relations internationales (Ifri), c’est une étape clé pour accéder à une certaine autonomie stratégique. « Cela illustre d'abord le dynamisme de l'industrie de défense ukrainienne, sa capacité d'innovation, de montée en gamme dans une logique de juste suffisance capacitaire. Ça illustre aussi le besoin ukrainien d'une certaine autonomie en matière de frappe dans la profondeur. On se souvient que les Américains avaient à plusieurs reprises bloqué les frappes contre le territoire russe, avec un système de contrôle à l'usage sur les armements qui leur avait été délivré. Non seulement les missiles de facture américaine, mais même certains matériels de facture européenne qui pouvaient inclure des composants américains et donc une volonté de gagner en souveraineté là-dessus. » Une arme pour frapper l’industrie russe L’objectif attribué à ce missile Flamingo : des cibles plutôt étendues, comme des sites industriels, des raffineries, car la précision précise Xavier Tytelman, ce n’est pas le point fort du Flamingo : « En termes de précision, a priori, il n'est pas aussi efficace qu'un missile occidental, mais on ne lui demande pas la même chose. Un missile avec grande précision, c'est nécessaire pour taper sur un bunker ou sur un véhicule quand on va être en ville. Mais là, pour un missile qui va avoir une tonne de charge utile, on est capable de détruire une usine. Et finalement, quand on tape sur une infrastructure assez large comme des dépôts de carburant ou des dépôts de munitions, si on est 50 mètres à droite ou à gauche, logiquement, on va toucher son objectif. » Un « game changer » ? Un seul équipement ne permet jamais de modifier complétement le cours d’un conflit. Ce missile peut-il néanmoins changer le cours de la guerre ? Si le Flamingo n’est pas l’arme magique, c’est en tout cas un atout de taille, insiste Xavier Tytelman :  « Aujourd'hui, il y a déjà un Flamingo produit par jour. En mois d'octobre, ça doit être sept par jour. Ça veut dire que peut être potentiellement, il aurait la possibilité de détruire chaque jour soit une usine importante, soit une raffinerie de carburant sur la très, très grande profondeur russe. Et ça, réellement, c'est ce qui doit permettre d'obtenir l'effondrement économique de la Russie. Ça peut contraindre Poutine à accepter une négociation pour une vraie paix. » Le président français Emmanuel Macron soutient que l'une des garanties de sécurité pour l'Ukraine sera une armée ukrainienne assez « robuste » pour empêcher une éventuelle nouvelle attaque de Moscou. Le Flamingo pourrait bien y contribuer. À lire aussiFrappes de drones et tirs de missiles: la Russie et l'Ukraine en pleine escalade
Dans un contexte international marqué par une augmentation des dépenses de défense, le réarmement de l'Otan, dans la prochaine décennie, pourrait générer en France, un marché annuel de 45 milliards d'euros et entrainer la création de plus de 500 000 emplois. Mais la capacité industrielle tricolore est aujourd'hui sous-dimensionnée pour répondre à l'accroissement de la demande. Un immense défi capacitaire doit être relevé si Paris veut conserver la deuxième place mondiale en matière d'exportations d'armes. [Rediffusion] La France est-elle prête à répondre aux enjeux du réarmement ? La question donne des sueurs froides aux acteurs de la Base industrielle et technologique (BITD) de défense tricolore dont les outils de production sont déjà occupés à plus de 90%. La Caisse des dépôts, bras armé de l'État pour les questions économiques et industrielles, met en exergue - dans un rapport publié fin juin - les faiblesses d'un tissu industriel, qui n'est pas calibré pour faire face à un saut d'échelle. Or c'est maintenant que tout se joue, pointe Romain Lucazeau du groupe SCET, le cabinet de conseil de la Caisse des dépôts, auteur du rapport : « La problématique de la BITD française est de passer d'un modèle artisanal, adapté aux besoins de la France qui est une petite-grande puissance, à une BITD capable de servir les besoins de nos partenaires de l'Otan, notamment les marchés allemands et polonais. Il y a une opportunité à ne pas rater et cela demande une montée en puissance, une prise de risques, mais aussi la capacité à s'internationaliser et donc la capacité à mener des stratégies commerciales et cela coûte de l'argent cela implique des compétences que les acteurs français n'ont pas forcément, notamment les PME (petites et moyennes entreprises) et certaines ETI (entreprises de taille intermédiaire) ». L'industrie doit parvenir à s'ancrer dans les territoires L'Otan a officialisé les 5% de PIB pour la défense. Les financements arrivent, note la Caisse des dépôts et la clé du succès, insiste Romain Lucazeau, repose sur l'attractivité des territoires. « Les acteurs de la défense sont à l'orée d'une transformation massive de leur processus interne, de leurs gestes métiers, de leur manière d'organiser leur production. Il va falloir passer de la petite série à un monde industriel. Les écosystèmes industriels français sont confrontés à un certain nombre de difficultés. Il y a une géographie de la défense qui hérite du 19e siècle et donc les entreprises sont situées plutôt à l'ouest et au sud, c'est-à-dire loin de la frontière allemande. Sauf que nos capacités manufacturières ne sont pas forcément là. La question est de savoir si nous aurons assez d'ingénieurs, de techniciens supérieurs, est-ce qu'on a les bons programmes de recherche et développement collaboratifs dans lesquels plusieurs entreprises s'associent avec une université, un centre de formation pour construire des solutions avancer ensemble, chasser en meute... Tout cela demande que la mayonnaise prenne dans un territoire donné. Ce ne sont pas des solutions nationales, mais bien territoriales. Le risque est que l'on ait les financements, la meilleure technologie, une armée d'emploi qui valorise la production, mais que l'on ne trouve pas les employés et les projets qui permettent à ces écosystèmes d'être performants ». Des centaines de milliers d'emplois sont en jeu Rester le deuxième exportateur mondial, c'est le défi français, un objectif atteignable à la condition de se concentrer dans certains secteurs clés comme les équipements de pointe, souligne Romain Lucazeau : « Vous avez deux niveaux d'exportation, vous avez des choses qui relèvent de la plateforme. Exemple : je vends des Rafale, et vous avez des équipements. Les équipements, c'est beaucoup moins visible, moins spectaculaire, mais la question de notre capacité à fournir des équipements, c'est-à-dire ce que l'on retrouve dans les plateformes, les chars et les avions, c'est quand même de la valeur ajoutée forte qui est créée. Notre sujet, c'est bien d'arriver à exporter et dans ces secteurs très porteurs, il existe des retombées en matière de création de richesse et d'emplois qui peuvent être massives ». La BITD répartie au sein de plus de 4 000 entreprises pourrait ainsi dans les dix prochaines années créer de 500 000 à 800 000 emplois, qu'ils soient directs, indirects ou induits.
La Russie a identifié la France comme étant son principal adversaire en Europe, a indiqué le général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées, à l'occasion d'une très rare conférence de presse qui s'est tenue le vendredi 11 juillet dernier. Le plus haut gradé de l'armée française brosse un sombre tableau de l'état de la menace et souligne que la Russie constitue désormais un risque durable pour le continent européen. (Rediffusion du 13 juillet 2025)  Guerre en Ukraine, terrorisme, attaques hybrides, délitement de l'ordre international ou encore conséquences du réchauffement climatique, les crises se multiplient et se superposent, sans amélioration visible estime le général Burkhard : « On est bien face à un changement de référentiel stratégique. Je peine à discerner quelles pourraient être les portes de sortie ou de stabilisation à court terme. J'estime qu'on est plutôt face à quelque chose que j'appelle les effets cliquets. Il ne faut pas s'attendre à horizon visible, à un retour en arrière et donc ce n'est pas la peine de se dire : je vais faire le dos rond. Il faut plutôt se préparer à gérer le monde tel qu'il est aujourd'hui face à nous, c'est la réalité. » Et dans le monde tel qu'il est, la Russie est partie prenante de presque toutes les menaces, dit le chef d'état-major des armées. C'est une puissance de nuisance y compris en mer et sous les mers, « Donc ce sont d'abord les sous-marins nucléaires d'attaque russes qui régulièrement pénètrent en Atlantique Nord et ensuite descendent quelquefois en Méditerranée, et qui cherchent évidemment à surveiller les zones qui sont importantes pour nous, mais également chez les Britanniques, éventuellement aussi sur les côtes américaines. C'est une présence gênante. Il y a aussi des moyens spécialisés d'action sous la mer pour conduire des actions plus précises le long des câbles sous-marins. » Frictions dans les airs et dans l'espace aussi, la Russie malgré des pertes considérables en Ukraine, dispose toujours, estime le général Burkhard, d'une armée de premier plan : « La Russie est un modèle d'armée complet, mais jusqu'au bout des ongles ! Je ne vois pas de capacité qui manquent depuis les capacités de brouillage, de guerre électronique, aux systèmes de défense sol air, aux systèmes d'artillerie/feu dans la profondeur, avec un étagement. L'armée russe dispose de tout. La puissance nucléaire aussi. Avec des vecteurs terrestres, des vecteurs sous-marins, des vecteurs aviation à long rayon d'action, des armes stratégiques, des armes tactiques, avec une doctrine et une chaîne de commandement qui est extrêmement robuste, testée, sondée. » À lire aussiLa Russie est une «menace durable», affirme le chef d'état-major des armées françaises La Russie, une menace durable  L'objectif de Moscou est de déstabiliser la France, mais aussi la Grande-Bretagne, les deux puissances européennes dotées de l'arme nucléaire, considère le général Burkhard, avec l'ambition, par effet domino, de contraindre le reste du continent, « La guerre en Ukraine pour la Russie est existentielle et elle veut absolument obtenir ce qu'elle a fixé comme objectif ou du moins ce que Poutine a fixé comme objectif, avec probablement comme état final recherché, affaiblir l'Europe et démanteler l'Otan. C'est l'objectif de la Russie, c'est l'objectif de Poutine. Pour y arriver, elle a mis en place une économie de guerre qui tourne à plein régime aujourd'hui, ça veut dire que la Russie va continuer à se réarmer à ce rythme-là. Et donc on estime qu'avant 2030, elle constituera à nouveau une vraie menace à nos frontières, sur le flanc est de l'Europe. »  La sécurité de l'Europe se joue donc en Ukraine et la défaite de Kiev, martèle le général Burkhard, serait une défaite européenne. Il y a urgence, le temps est désormais compté. À lire aussiGénéral Thierry Burkhard: «La France et l'Otan sont prêtes à faire face à toute agression»
Les drones Shahed se sont imposés en Ukraine tout comme lors de la guerre des douze jours qui vient d'opposer l'Iran à Israël. Ces drones qui ont la capacité de saturer les défenses sol-air sont devenus incontournables. Les Shahed produits par l'Iran inspirent désormais les industriels occidentaux à commencer par le missilier français MBDA. Rediffusion du 6 juillet 2025. Plus proche d'un missile à bas coût que d'une munition téléopérée, le One Way Effector de MBDA n'est pas un drone classique. Il a l'apparence du Shahed 136 iranien mais il ne peut pas être classé dans la même catégorie, précise Hugo Coqueret ingénieur de ce programme chez MBDA, « C'est une munition qui se veut une munition d'artillerie, qui a la forme d'une aile volante qui fait environ 3 mètres d'envergure sur 3 mètres de longueur, qui permettra d'emmener une charge militaire d'une quarantaine de kilos à des portées d'environ 500 km. Elle sera utilisée depuis le sol pour aller frapper des cibles au sol. Elle sera tirée depuis une rampe ou depuis un Shelter, un véhicule intégré. C'est une munition qui a été pensée dès le début pour être peu onéreuse et de ce fait adapté à la haute intensité, au nécessaire retour à la masse dans les forces armées. On a vu à la lumière des différents conflits en Ukraine, au Moyen-Orient, qu'il y avait une pénurie dans les munitions longues portées et c'est ce que le One Way Effector cherche à résoudre pour envisager des capacités de production jusqu'à 1000 munitions par mois ».  À lire aussiUkraine: les drones prennent l'ascendant sur les autres armements Le drone doit permettre aux missiles de croisières de passer au travers des défenses antiaériennes Au début de la guerre de 12 jours, le 13 juin dernier, les raids de missiles balistiques iraniens sur Israël étaient accompagnés d'une nuée de drones Shahed. Malgré un système de défense très efficace, la seule présence des Shahed permettait à une dizaine de missiles balistiques iraniens de passer à travers les mailles du filet. Le drone de MBDA vole très vite, 400 km/h, bien plus vite qu'un Shahed, il sera donc confondu avec un missile par les défenses antiaériennes, souligne l'ingénieur de MBDA: « Le fait que cette munition soit engagée par la DCA ennemie révélera la position de ces batteries sol-air adverses pour permettre leur destruction. Il y a aussi un autre effet: puisque le One Way Effector est une arme d'usure, d'attrition qui va épuiser la défense ennemie, il aura vraiment une mission complémentaire, de véritables synergies avec ce qu'on appelle les armes de décision à haute valeur ajoutée, avec beaucoup de technologies qui seront capables de passer par tout temps en toutes conditions pour aller frapper leur cible. Le One Way Effector est là pour créer l'usure dans la défense ennemie et faciliter le passage d'un missile de croisière ». MBDA s'associe avec l'industrie automobile Le combo missiles de précisions et drones à bas coûts s'est imposé dans les doctrines militaires. L'ambition du missilier français est donc d'être capable de produire ce système d'armes, en masse, rapidement et en France. « On est parti d'une feuille blanche en décembre 2024 » affirme Hugo Coqueret, « Aujourd'hui on a un démonstrateur qui est en cours de préparation. En l'espace de 10 mois, on sera passé de la feuille blanche, à l'ingénierie puis aux travaux de démonstration. Un calendrier extrêmement compressé et qui nous permettra même d'envisager les premières séries de production de cette munition à l'horizon 2027. C'est un système qui est pensé pour un besoin français, mais avec une capacité d'évolution future très élevée et qui pourra tout à fait être adapté pour des pays exports plus tard ».  Le coût unitaire de ce drone n'est pas encore connu, mais il sera plus proche du prix d'un drone Shahed soit 50 000 dollars que de celui d'un missile de croisière qui peut dépasser un million de dollars. Il devrait être produit par un industriel de l'automobile habitué aux grandes séries et dont le nom, à ce jour, n'a pas été révélé. À lire aussiPeer de Jong: «Le drone aujourd'hui trouve toute sa place pour les pays qui sont en tension»
L’armée de terre française a reçu pour mission de se préparer à la guerre de haute intensité. Le conflit ukrainien a changé la donne pour les soldats français et les ordres se modifient et c’est toute une stratégie qui se durcit, avec l’ambition du commandement par l’intention. Entretien avec Pierre Schill, chef d’état-major de l’Armée de Terre. Rediffusion du 20 avril 2024 Le commandement par l’intention n’a rien d’une formule creuse, dit le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Le commandement par l’intention est au cœur de la réforme à l’œuvre pour le modèle d’armée de terre de combat 2025 : « Mon ordre principal, c'est, penser opération, penser effets opérationnels. D'où cette injonction vers l'armée de terre d'ajuster son style de commandement, ses méthodes de commandement, vers ce commandement par l'intention. C'est-à-dire donner le sens, laisser le pari de l'intelligence et puis être au rendez-vous sur l'objectif. » Le commandement par l’intention à tous les niveaux L’intention est de dire les choses de manière claire et courte pour donner le cadre de l’action, mais chaque subordonné conserve une prise d’initiative possible pour atteindre l’effet majeur de son chef. « C'est clair que c'est une méthode qui doit s'appliquer à tous les niveaux. Cette notion de sens à donner, la façon dont on attend que tout soldat, quel que soit son niveau, puisse inscrire son action dans une action plus large, plus ample, qui est l'atteinte de l'intention de son niveau supérieur. Cela me semble primordial. C'est clairement une façon de gagner de la vitesse. C'est surtout une façon de gagner de l'adaptabilité, de prendre acte du fait que dans la complexité de la bataille, le plan peut difficilement être posé définitivement d'emblée et qu’il sera important que chaque niveau puisse exercer son intelligence, son initiative. De façon à contribuer à l'atteinte de l'objectif collectif en ayant compris l'intention, le pourquoi de l'action et de la mission qu'il a reçu. » À lire aussiL'arrivée rapide des drones de combat au sein de l'armée de terre française Un état-major ne sera jamais omniscient Les ruptures technologiques, la multiplication des capteurs ne permettront jamais aux états-majors d’être omniscient, estime Pierre Schill. Face au déluge de feu d’un conflit moderne, les troupes auront toujours l’absolue nécessité de se disperser : « Il pourrait y avoir une illusion qu’un jour, on aura des systèmes de commandement tellement puissants qu'on saura en permanence où se trouve chacun, et qu’un commandement tout à fait central pourrait donner des ordres à chacun des soldats sur le champ de bataille, un peu comme on le ferait dans une équipe cycliste. Je pense que c'est une illusion fondamentale. C'est une illusion parce que les unités militaires, et surtout dans les guerres qui sont potentiellement celles auxquelles nous aurons à faire face, appellent des unités de plus en plus nombreuses. Ce paradoxe va plus loin, le brouillard de la guerre, la rugosité du terrain, de l'adversité, de la peur, de la pluie, des tranchées font qu’on ne pourra jamais diriger et avoir la totalité de la perception des sentiments de chacun. Et donc des échelons de responsabilité de commandement intermédiaire devront continuer à exister : le régiment, la compagnie, la section, les brigades et cetera. » Pour emporter la victoire : le dernier des soldats, comme le premier des généraux, doit avoir la compréhension de la mission de l’échelon supérieur, l’initiative individuelle, insiste le général Pierre Schill, passe donc par le commandement par l’intention. À lire aussiLa révolution robotique de l'armée de Terre
Le 22 avril dernier, l’armée de l’Air et de l’Espace a procédé à un exercice inédit, la dispersion d’une escadre de chasse comme elle le ferait en temps de guerre. Dans le contexte d’un entraînement des forces armées à la guerre de haute intensité, les pilotes de chasse réapprennent à se diluer pour éviter d’être ciblés. Rediffusion du 4 mai 2025 Sur la base aérienne 133 Nancy-Ochey, siège de la 3e escadre de chasse, personne n’avait été prévenu. Soudainement, en début de journée, le Général Pierre Gaudillière patron de l’aviation de chasse, a donné le « Go » de l’opération « Jade », pour « Jaillissement d’Escadre » : « Ils ont été prévenus à 8 h 30 quand j'ai donné l'ordre de la dispersion. Donc, vous aviez des pilotes dans les avions qui ont mis en route, qui n’avaient pas encore leur terrain de destination et qui l'ont appris au roulage lorsqu'ils quittaient leurs hangars ». Agilité, rusticité, adaptation Destination Orléans, Salon-de-Provence, Rochefort, Luxeuil - à l’exception de cette dernière - 25 Mirage 2000 D de la 3e escadre de chasse ont pris le large, par petits groupes de cinq appareils, vers des pistes qui d’ordinaire n’accueillent jamais ce type d’avions, « ce n'est pas banal, parce que c'est quelque chose qui nous permet d'entraîner et de se plonger dans un contexte qui demande de plus en plus d'agilité, de rusticité, d'adaptation. Attention, là je vous parle des pilotes et des avions. Vous vous doutez bien que derrière, il faut aussi déployer des mécaniciens pour pouvoir réceptionner les avions et puis faire la maintenance avant de les faire redécoller. Et le fait de déployer ces avions de chasse sur des bases aériennes qui ne sont pas habituées à une activité quotidienne d'avions de chasse, évidemment que ça faisait partie de l'exercice ». Un retour d’expérience de la guerre d’Ukraine La dispersion d’avion de chasse s’inspire directement de ce qui a pu être observé en Ukraine. Préparation à la guerre de haute intensité oblige, l’armée de l’air sait que l’aviation de chasse est la première cible des bombardements, il faut donc renouer avec une pratique courante, en cas de conflit : la dispersion sur tous les terrains possibles, Pierre Gaudillière : « La survivabilité d'une capacité militaire, elle passe également par sa capacité à se reconfigurer et donc ici en l'occurrence, à se redéployer avec des moyens qui sont ceux qu'on trouve lorsqu'on se déploie et qu'il faut continuer l'activité aérienne et repréparer des missions, et remettre en œuvre des avions, les réparer le cas échéant. Il est évident qu'on peut très bien être amené à envisager cette activité dans d'autres contextes, à partir de terrains disponibles, donc civils. Bien sûr que c'est quelque chose qui intéresse grandement le commandement ». 30 % de missions en plus en trois jours Trois jours durant, les pilotes de la 3ᵉ escadre de chasse ont donc opéré depuis cinq bases différentes, et dans ce contexte inhabituel, ils sont parvenus, à augmenter significativement le rythme des missions, « à chaque fois qu'on met ces mondes sous tension, on constate que non seulement ils arrivent à réaliser l'activité qui est prévue, mais ils la dépassent même. J'ai eu à peu près sur les trois jours, 30% de plus d'activités que ce que nous pourrions réaliser lors d'une activité quotidienne à partir d'une base chasse. Ce n'est pas un hasard, le réseau des bases aériennes a parfaitement fonctionné alors que nous mettons à la fois les équipages et les mécaniciens sous tension ». Après plusieurs décennies d’engagement sur des théâtres d’opération où la supériorité aérienne était acquise, l’aviation de chasse se prépare à des conflits plus durs. Très prochainement, une autre escadre de chasse, sera, elle aussi, amenée à se disperser, sans préavis. À lire aussiLa montée en cadence de l'usine KNDS, fabricant du canon Caesar, symbole de l'économie de guerre
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a montré le rôle primordial de l’artillerie pour frapper loin de la ligne de front en l’absence de maîtrise ciel. L’armée française fait le constat qu’elle doit rapidement se doter de systèmes d’artillerie à longue portée. Car les systèmes qui équipent les forces seront bientôt obsolètes, pointe une mission d’information menée par l’Assemblée nationale. Rediffusion du 18 mai 2025. Un trou capacitaire est à redouter, disent les députés. Jusqu’à présent, les feux dans la profondeur étaient l’apanage de l’armée de l’Air. Grâce à leurs missiles de croisières, les chasseurs bombardiers avaient pour mission d’attaquer les cibles stratégiques, à plusieurs centaines de kilomètres derrière les lignes ennemies. Mais la démocratisation des défenses antiaériennes, fait planer un véritable doute sur les chances de l’aviation à pouvoir franchir les bulles de déni d’accès. Pour s’affranchir de ces barrières, l’artillerie roquette est donc redevenue centrale, souligne Vincent Tourret, chercheur à l’Université de Montréal : « On a besoin à la fois d'une puissance de feu dans la profondeur qui ne soit pas aérienne, mais en plus de ça, on a besoin d'une puissance de feu qui soit en fait beaucoup plus cheap, ou du moins qui a des effets de neutralisation qui sont plus vastes. Tout notre modèle quand même depuis la guerre froide, c'est comment on arrête des chars russes. On passe là, de trois ou quatre cibles bien identifiées, à une centaine de fantassins qui courent dans tous les et sens ou qui circulent sur des motos ! Jamais on aura le volume de feu pour traiter ça ! Et donc c'est pour ça qu'on revient à une logique roquette » Foudre, un système proposé par Turgis et Gaillard Armé par le 1er Régiment d’Artillerie de Belfort, les 9 derniers systèmes LRU (pour lances roquettes unitaires), arriveront en fin de vie en 2027. Ce trou capacitaire, Turgis et Gaillard l’a identifié il y a deux ans. En mode agile, cette entreprise de taille intermédiaire, vient donc proposer un système appelé Foudre : c’est-à-dire un châssis, un panier de guidage et un système de conduite de tir capable de recevoir tous les missiles existants de 75 à 1000 kilomètres de portée. L’entreprise s’est déjà fait remarquer avec l’Aarok, un prototype de drone de reconnaissance et d’attaque longue distance, rappelle la présidente de l’entreprise, Fanny Turgis. « On a une capacité à effectivement fabriquer rapidement les choses, mais ça, c'est inhérent à la configuration de notre société. On a des capacités qui sont duales, du personnel civil qui peut aller vers le militaire et nous on était déjà prêt il y a quelques années à cette économie de guerre. On est à l'avant-garde du combat connecté, donc en présentant, à la fois notre drone Aarok et également ce lance-roquettes qui est sorti très rapidement, on veut démontrer qu’on a la capacité de pouvoir faire de la reconnaissance avec un système aérien, et de la frappe dans la profondeur et que toutes ces plateformes peuvent communiquer entre elles. »  À lire aussiL’armée de terre française à l’heure de la guerre totale Deux consortiums, Safran-MBDA d’un côté et Thales-Arianegroup de l’autre, développent également des projets de systèmes d’artillerie roquette. Les drones d’attaque longue portée comme alternative Mais les premiers tirs de démonstration n’auront lieu que l’an prochain, et si l’un des projets n’aboutit pas, à un coût raisonnable, les armées seront contraintes d’acheter ce matériel sur étagère, à l’étranger, alerte le député Jean-Louis Thiériot, « Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est qu'aujourd'hui, on a un 'time to market' avant de mise sur le marché qui n’est pas bon puisque la plupart des pays européens ont déjà passé des commandes, que ce soit d’HIMARS américain, de PULS israélien ou encore les Polonais qui ont acheté coréen. Ça veut dire que les chances de succès commercial sont limitées. Donc il faut vraiment se poser la question : qu'est-ce qui est stratégique ? C’est d'être capable de produire de la roquette sur le territoire national, éventuellement sous licence et qu'est-ce qu'il l'est moins ? C'est le châssis, le panier, la conduite de tirs à partir du moment où elle est interopérable puisque ça, il n’y a aucun saut technologique dedans. »  La roquette n’est pas non plus l’alpha et l’omega de l’artillerie longue portée, souligne Vincent Tourret et le chercheur de rappeler qu’en Ukraine, les drones d’attaque longue distance ont prouvé leur efficacité à moindre coût.
Dans un contexte international marqué par une augmentation des dépenses de défense, le réarmement de l'Otan, dans la prochaine décennie, pourrait générer en France, un marché annuel de 45 milliards d'euros et entrainer la création de plus de 500 000 emplois. Mais la capacité industrielle tricolore est aujourd'hui sous-dimensionnée pour répondre à l'accroissement de la demande. Un immense défi capacitaire doit être relevé si Paris veut conserver la deuxième place mondiale d'exportations d'armes.  La France est-elle prête à répondre aux enjeux du réarmement ? La question donne des sueurs froides aux acteurs de la Base industrielle et technologique de défense tricolore dont les outils de production sont déjà occupés à plus de 90%. La Caisse des dépôts, bras armé de l'État pour les questions économiques et industrielles, met en exergue dans un rapport publié fin juin les faiblesses d'un tissu industriel, qui n'est pas calibré pour faire face à un saut d'échelle. Or c'est maintenant que tout se joue, pointe Romain Lucazeaux du SCET, le cabinet de conseil de la Caisse des dépôts, auteur du rapport : « La problématique de la BITD (base industrielle et technologique de défense) française est de passer d'un modèle artisanal, adapté aux besoins de la France qui est une petite-grande puissance, à une BITD capable de servir les besoins de nos partenaires de l'Otan, notamment les marchés allemands et polonais. Il y a une opportunité à ne pas rater et cela demande une montée en puissance, une prise de risques, mais aussi la capacité à s'internationaliser et donc la capacité à mener des stratégies commerciales et cela coûte de l'argent cela implique des compétences que les acteurs français n'ont pas forcément, notamment les PME (petites et moyennes entreprises) et certaines ETI (entreprises de taille intermédiaire) ». L'industrie doit parvenir à s'ancrer dans les territoires L'Otan a officialisé les 5% de PIB pour la défense. Les financements arrivent, note la Caisse des dépôts et la clé du succès, insiste Romain Lucazeaux, repose sur l'attractivité des territoires. « Les acteurs de la défense sont à l'orée d'une transformation massive de leur processus interne, de leurs gestes métiers, de leur manière d'organiser leur production. Il va falloir passer de la petite série à un monde industriel. Les écosystèmes industriels français sont confrontés à un certain nombre de difficultés. Il y a une géographie de la défense qui hérite du 19e siècle et donc les entreprises sont situées plutôt à l'ouest et au sud, c'est-à-dire loin de la frontière allemande. Sauf que nos capacités manufacturières ne sont pas forcément là. La question est de savoir si nous aurons assez d'ingénieurs, de techniciens supérieurs, est-ce qu'on a les bons programmes de recherche et développement collaboratifs dans lesquels plusieurs entreprises s'associent avec une université, un centre de formation pour construire des solutions avancer ensemble, chasser en meute... Tout cela demande que la mayonnaise prenne dans un territoire donné. Ce ne sont pas des solutions nationales, mais bien territoriales. Le risque est que l'on ait les financements, la meilleure technologie, une armée d'emploi qui valorise la production, mais que l'on ne trouve pas les employés et les projets qui permettent à ces écosystèmes d'être performants ». Des centaines de milliers d'emplois sont en jeu Rester le deuxième exportateur mondial, c'est le défi français, un objectif atteignable à la condition de se concentrer dans certains secteurs clés comme les équipements de pointe, souligne Romain Lucazeaux : « Vous avez deux niveaux d'exportation, vous avez des choses qui relèvent de la plateforme. Exemple : je vends des Rafale, et vous avez des équipements. Les équipements, c'est beaucoup moins visible, moins spectaculaire, mais la question de notre capacité à fournir des équipements, c'est-à-dire ce que l'on retrouve dans les plateformes, les chars et les avions, c'est quand même de la valeur ajoutée forte qui est créée. Notre sujet, c'est bien d'arriver à exporter et dans ces secteurs très porteurs, il existe des retombées en matière de création de richesse et d'emplois qui peuvent être massives ». La BITD répartie au sein de plus de 4 000 entreprises pourrait ainsi dans les dix prochaines années créer de 500 000 à 800 000 emplois, qu'ils soient directs, indirects ou induits.
La Russie a identifié la France comme étant son principal adversaire en Europe, a indiqué ce vendredi le général Thierry Burkhard, chef d'état-major des Armées à l'occasion d'une très rare conférence de presse. Le plus haut gradé de l'armée française brosse un sombre tableau de l'état de la menace et souligné que la Russie constitue désormais un risque durable pour le continent européen. Guerre en Ukraine, terrorisme, attaques hybrides, délitement de l'ordre international ou encore conséquences du réchauffement climatique, les crises se multiplient et se superposent... sans amélioration visible estime le général Burkhard: « On est bien face à un changement de référentiel stratégique. Je peine à discerner quelles pourraient être les portes de sortie ou de stabilisation à court terme. J'estime qu'on est plutôt face à quelque chose que j'appelle les effets cliquets. Il ne faut pas s'attendre à horizon visible, à un retour en arrière et donc ce n'est pas la peine de se dire : je vais faire le dos rond. Il faut plutôt se préparer à gérer le monde tel qu'il est aujourd'hui face à nous, c'est la réalité. » Et dans le monde tel qu'il est, la Russie est partie prenante de presque toutes les menaces, dit le chef d'état-major des armées. C'est une puissance de nuisance y compris en mer et sous les mers, « Donc c'est d'abord les sous-marins nucléaires d'attaque russes qui régulièrement pénètrent en Atlantique Nord et ensuite descendent quelquefois en Méditerranée, et qui cherchent évidemment à surveiller les zones qui sont importantes pour nous, mais également chez les Britanniques, éventuellement aussi sur les côtes américaines. C'est une présence gênante. Il y a aussi des moyens spécialisés d'action sous la mer pour conduire des actions plus précises le long des câbles sous-marins. » Frictions dans les airs et dans l'espace aussi, la Russie malgré des pertes considérables en Ukraine, dispose toujours, estime le général Burkhard, d'une armée de premier plan: « La Russie est un modèle d'armée complet, mais jusqu'au bout des ongles ! Je ne vois pas de capacité qui manquent depuis les capacités de brouillage, de guerre électronique aux systèmes de défense sol air, aux systèmes d'artillerie/feu dans la profondeur, avec un étagement. L'armée russe dispose de tout. La puissance nucléaire aussi. Avec des vecteurs terrestres, des vecteurs sous-marins, des vecteurs aviation à long rayon d'action, des armes stratégiques, des armes tactiques, avec une doctrine et une chaîne de commandement qui est extrêmement robuste, testée, sondée. » À lire aussiLa Russie est une «menace durable», affirme le chef d'état-major des armées françaises La Russie, une menace durable  L'objectif de Moscou est de déstabiliser la France, mais aussi la Grande-Bretagne, les deux puissances européennes dotées de l'arme nucléaire, estime le général Burkhard, avec l'ambition, par effet domino, de contraindre le reste du continent, « La guerre en Ukraine pour la Russie est existentielle et elle veut absolument obtenir ce qu'elle a fixé comme objectif ou du moins ce que Poutine a fixé comme objectif, avec probablement comme état final recherché, affaiblir l'Europe et démanteler l'Otan. C'est l'objectif de la Russie, c'est l'objectif de Poutine. Pour y arriver, elle a mis en place une économie de guerre qui tourne à plein régime aujourd'hui, ça veut dire que la Russie va continuer à se réarmer à ce rythme-là. Et donc on estime qu'avant 2030, elle constituera à nouveau une vraie menace à nos frontières, sur le flanc est de l'Europe. »  La sécurité de l'Europe se joue donc en Ukraine et la défaite de Kiev, martèle le général Burkhard, serait une défaite européenne. Il y a urgence, le temps est désormais compté. À lire aussiGénéral Thierry Burkhard: «La France et l'Otan sont prêtes à faire face à toute agression»
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