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Livres audio par Audiolude

Author: Alain Couchot

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Audiolude vous propose une sélection de livres audio classiques.

Narrateur : Alain Couchot.

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129 Episodes
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Nouvelle de Théophile Gautier proposée par audiolude.fr
Nouvelle de Guy de Maupassant lue par Alain Couchot proposée par audiolude.fr
Première partie - chapitre 22 : La foudre du capitaine Nemo Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Nous avions regardé du côté de la forêt, sans nous lever, ma main s’arrêtant dans son mouvement vers ma bouche, celle de Ned Land achevant son office.« Une pierre ne tombe pas du ciel, dit Conseil, ou bien elle mérite le nom d’aérolithe. »Une seconde pierre, soigneusement arrondie, qui enleva de la main de Conseil une savoureuse cuisse de ramier, donna encore plus de poids à son observation.Levés tous les trois, le fusil à l’épaule, nous étions prêts à répondre à toute attaque.« Sont-ce des singes ? s’écria Ned Land.— À peu près, répondit Conseil, ce sont des sauvages.— Au canot ! » dis-je en me dirigeant vers la mer.Il fallait, en effet, battre en retraite, car une vingtaine de naturels, armés d’arcs et de frondes, apparaissaient sur la lisière d’un taillis, qui masquait l’horizon de droite, à cent pas à peine.Notre canot était échoué à dix toises de nous.Les sauvages s’approchaient, sans courir, mais ils prodiguaient les démonstrations les plus hostiles. Les pierres et les flèches pleuvaient.Ned Land n’avait pas voulu abandonner ses provisions, et malgré l’imminence du danger, son cochon d’un côté, ses kangaroos de l’autre, il détalait avec une certaine rapidité.En deux minutes, nous étions sur la grève. Charger le canot des provisions et des armes, le pousser à la mer, armer les deux avirons, ce fut l’affaire d’un instant. Nous n’avions pas gagné deux encablures, que cent sauvages, hurlant et gesticulant, entrèrent dans l’eau jusqu’à la ceinture. Je regardais si leur apparition attirerait sur la plate-forme quelques hommes du Nautilus. Mais non. L’énorme engin, couché au large, demeurait absolument désert.Vingt minutes plus tard, nous montions à bord. Les panneaux étaient ouverts. Après avoir amarré le canot, nous rentrâmes à l’intérieur du Nautilus.Je descendis au salon, d’où s’échappaient quelques accords. Le capitaine Nemo était là, courbé sur son orgue et plongé dans une extase musicale.« Capitaine ! » lui dis-je.Il ne m’entendit pas.« Capitaine ! » repris-je en le touchant de la main.Il frissonna, et se retournant :« Ah ! c’est vous, monsieur le professeur ? me dit-il. Eh bien ! avez-vous fait bonne chasse, avez-vous herborisé avec succès ?— Oui, capitaine, répondis-je, mais nous avons malheureusement ramené une troupe de bipèdes dont le voisinage me paraît inquiétant.— Quels bipèdes ?— Des sauvages.— Des sauvages ! répondit le capitaine Nemo d’un ton ironique. Et vous vous étonnez, monsieur le professeur, qu’ayant mis le pied sur une des terres de ce globe, vous y trouviez des sauvages ? Des sauvages, où n’y en a-t-il pas ? Et d’ailleurs, sont-ils pires que les autres, ceux que vous appelez des sauvages ?
Première partie - chapitre 21 : Quelques jours à terre Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Je fus assez vivement impressionné en touchant terre. Ned Land essayait le sol du pied, comme pour en prendre possession. Il n’y avait pourtant que deux mois que nous étions, suivant l’expression du capitaine Nemo, les « passagers du Nautilus, » c’est-à-dire, en réalité, les prisonniers de son commandant.En quelques minutes, nous fûmes à une portée de fusil de la côte. Le sol était presque entièrement madréporique, mais certains lits de torrents desséchés, semés de débris granitiques, démontraient que cette île était due à une formation primordiale. Tout l’horizon se cachait derrière un rideau de forêts admirables. Des arbres énormes, dont la taille atteignait parfois deux cents pieds, se reliaient l’un à l’autre par des guirlandes de lianes, vrais hamacs naturels que berçait une brise légère. C’étaient des mimosas, des ficus, des casuarinas, des teks, des hibiscus, des pendanus, des palmiers, mélangés à profusion, et sous l’abri de leur voûte verdoyante, au pied de leur stipe gigantesque, croissaient des orchidées, des légumineuses et des fougères.Mais, sans remarquer tous ces beaux échantillons de la flore papouasienne, le Canadien abandonna l’agréable pour l’utile. Il aperçut un cocotier, abattit quelques-uns de ses fruits, les brisa, et nous bûmes leur lait, nous mangeâmes leur amande, avec une satisfaction qui protestait contre l’ordinaire du Nautilus.« Excellent ! disait Ned Land.— Exquis ! répondait Conseil.— Et je ne pense pas, dit le Canadien, que votre Nemo s’oppose à ce que nous introduisions une cargaison de cocos à son bord ?— Je ne le crois pas, répondis-je, mais il n’y voudra pas goûter !— Tant pis pour lui ! dit Conseil.— Et tant mieux pour nous ! riposta Ned Land. Il en restera davantage.— Un mot seulement, maître Land, dis-je au harponneur qui se disposait à ravager un autre cocotier, le coco est une bonne chose, mais avant d’en remplir le canot, il me paraît sage de reconnaître si l’île ne produit pas quelque substance non moins utile. Des légumes frais seraient bien reçus à l’office du Nautilus.— Monsieur a raison, répondit Conseil, et je propose de réserver trois places dans notre embarcation, l’une pour les fruits, l’autre pour les légumes, et la troisième pour la venaison, dont je n’ai pas encore entrevu le plus mince échantillon.— Conseil, il ne faut désespérer de rien, répondit le Canadien.— Continuons donc notre excursion, repris-je, mais ayons l’œil aux aguets. Quoique l’île paraisse inhabitée, elle pourrait renfermer, cependant, quelques individus qui seraient moins difficiles que nous sur la nature du gibier !— Hé ! hé ! fit Ned Land, avec un mouvement de mâchoire très-significatif.— Eh bien ! Ned ! s’écria Conseil.— Ma foi, riposta le Canadien, je commence à comprendre les charmes de l’anthropophagie !— Ned ! Ned ! que dites-vous là ! répliqua Conseil. Vous, anthropophage ! Mais je ne serai plus en sûreté près de vous, moi qui partage votre cabine ! Devrai-je donc me réveiller un jour à demi dévoré ?— Ami Conseil, je vous aime beaucoup, mais pas assez pour vous manger sans nécessité.
Première partie - chapitre 20 : Le détriot de Torrès Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Pendant la nuit du 27 au 28 décembre, le Nautilus abandonna les parages de Vanikoro avec une vitesse excessive. Sa direction était sud-ouest, et, en trois jours, il franchit les sept cent cinquante lieues qui séparent le groupe de La Pérouse de la pointe sud-est de la Papouasie.Le 1er janvier 1863, de grand matin, Conseil me rejoignit sur la plate-forme.« Monsieur, me dit ce brave garçon, monsieur me permettra-t-il de lui souhaiter une bonne année ?— Comment donc, Conseil, mais exactement comme si j’étais à Paris, dans mon cabinet du Jardin des Plantes. J’accepte tes vœux et je t’en remercie. Seulement, je te demanderai ce que tu entends par « une bonne année », dans les circonstances où nous nous trouvons. Est-ce l’année qui amènera la fin de notre emprisonnement, ou l’année qui verra se continuer cet étrange voyage ?— Ma foi, répondit Conseil, je ne sais trop que dire à monsieur. Il est certain que nous voyons de curieuses choses, et que, depuis deux mois, nous n’avons pas eu le temps de nous ennuyer. La dernière merveille est toujours la plus étonnante, et si cette progression se maintient, je ne sais pas comment cela finira. M’est avis que nous ne retrouverons jamais une occasion semblable.— Jamais, Conseil.— En outre, monsieur Nemo, qui justifie bien son nom latin, n’est pas plus gênant que s’il n’existait pas.— Comme tu le dis, Conseil.— Je pense donc, n’en déplaise à monsieur, qu’une bonne année serait une année qui nous permettrait de tout voir…— De tout voir, Conseil ? Ce serait peut-être long. Mais qu’en pense Ned Land ?— Ned Land pense exactement le contraire de moi, répondit Conseil. C’est un esprit positif et un estomac impérieux. Regarder les poissons et toujours en manger ne lui suffit pas. Le manque de vin, de pain, de viande, cela ne convient guère à un digne Saxon auquel les beefsteaks sont familiers, et que le brandy ou le gin, pris dans une proportion modérée, n’effrayent guère !— Pour mon compte, Conseil, ce n’est point là ce qui me tourmente, et je m’accommode très bien du régime du bord.— Moi de même, répondit Conseil. Aussi je pense autant à rester que maître Land à prendre la fuite. Donc, si l’année qui commence n’est pas bonne pour moi, elle le sera pour lui, et réciproquement. De cette façon, il y aura toujours quelqu’un de satisfait. Enfin, pour conclure, je souhaite à monsieur ce qui fera plaisir à monsieur.— Merci, Conseil. Seulement je te demanderai de remettre à plus tard la question des étrennes, et de les remplacer provisoirement par une bonne poignée de main. Je n’ai que cela sur moi.— Monsieur n’a jamais été si généreux, » répondit Conseil.Et là-dessus, le brave garçon s’en alla.
Première partie - chapitre 19 : Vanikoro Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Ce terrible spectacle inaugurait la série des catastrophes maritimes, que le Nautilus devait renconter sur sa route. Depuis qu’il suivait des mers plus fréquentées, nous apercevions souvent des coques naufragées qui achevaient de pourrir entre deux eaux, et, plus profondément, des canons, des boulets, des ancres, des chaînes, et mille autres objets de fer, que la rouille dévorait.Cependant, toujours entraînés par ce Nautilus, où nous vivions comme isolés, le 11 décembre, nous eûmes connaissance de l’archipel des Pomotou, ancien « groupe dangereux » de Bougainville, qui s’étend sur un espace de cinq cents lieues de l’est-sud-est à l’ouest-nord-ouest, entre 13° 30′ et 23° 50′ de latitude sud, et 125° 30′ et 151° 30′ de longitude ouest, depuis l’île Ducie jusqu’à l’île Lazareff. Cet archipel couvre une superficie de trois cent soixante-dix lieues carrées, et il est formé d’une soixantaine de groupes d’îles, parmi lesquels on remarque le groupe Gambier, auquel la France a imposé son protectorat. Ces îles sont coralligènes. Un soulèvement lent, mais continu, provoqué par le travail des polypes, les reliera un jour entre elles. Puis, cette nouvelle île se soudera plus tard aux archipels voisins, et un cinquième continent s’étendra depuis la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie jusqu’aux Marquises.Le jour où je développai cette théorie devant le capitaine Nemo, il me répondit froidement :« Ce ne sont pas de nouveaux continents qu’il faut à la terre, mais de nouveaux hommes ! »Les hasards de sa navigation avaient précisément conduit le Nautilus vers l’île Clermont-Tonnerre, l’une des plus curieuses du groupe, qui fut découvert en 1822, par le capitaine Bell, de la Minerve. Je pus alors étudier ce système madréporique auquel sont dues les îles de cet Océan.Les madrépores, qu’il faut se garder de confondre avec les coraux, ont un tissu revêtu d’un encroûtement calcaire, et les modifications de sa structure ont amené M. Milne-Edwards, mon illustre maître, à les classer en cinq sections. Les petits animalcules qui sécrètent ce polypier vivent par milliards au fond de leurs cellules. Ce sont leurs dépôts calcaires qui deviennent rochers, récifs, îlots, îles. Ici, ils forment un anneau circulaire, entourant un lagon ou un petit lac intérieur, que des brèches mettent en communication avec la mer. Là, ils figurent des barrières de récifs semblables à celles qui existent sur les côtes de la Nouvelle-Calédonie et de diverses îles des Pomotou. En d’autres endroits, comme à la Réunion et à Maurice, ils élèvent des récifs frangés, hautes murailles droites, près desquelles les profondeurs de l’Océan sont considérables.
Première partie - chapitre 18 : Quatre mille lieues sous le Pacifique Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Ce terrible spectacle inaugurait la série des catastrophes maritimes, que le Nautilus devait renconter sur sa route. Depuis qu’il suivait des mers plus fréquentées, nous apercevions souvent des coques naufragées qui achevaient de pourrir entre deux eaux, et, plus profondément, des canons, des boulets, des ancres, des chaînes, et mille autres objets de fer, que la rouille dévorait.Cependant, toujours entraînés par ce Nautilus, où nous vivions comme isolés, le 11 décembre, nous eûmes connaissance de l’archipel des Pomotou, ancien « groupe dangereux » de Bougainville, qui s’étend sur un espace de cinq cents lieues de l’est-sud-est à l’ouest-nord-ouest, entre 13° 30′ et 23° 50′ de latitude sud, et 125° 30′ et 151° 30′ de longitude ouest, depuis l’île Ducie jusqu’à l’île Lazareff. Cet archipel couvre une superficie de trois cent soixante-dix lieues carrées, et il est formé d’une soixantaine de groupes d’îles, parmi lesquels on remarque le groupe Gambier, auquel la France a imposé son protectorat. Ces îles sont coralligènes. Un soulèvement lent, mais continu, provoqué par le travail des polypes, les reliera un jour entre elles. Puis, cette nouvelle île se soudera plus tard aux archipels voisins, et un cinquième continent s’étendra depuis la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie jusqu’aux Marquises.Le jour où je développai cette théorie devant le capitaine Nemo, il me répondit froidement :« Ce ne sont pas de nouveaux continents qu’il faut à la terre, mais de nouveaux hommes ! »Les hasards de sa navigation avaient précisément conduit le Nautilus vers l’île Clermont-Tonnerre, l’une des plus curieuses du groupe, qui fut découvert en 1822, par le capitaine Bell, de la Minerve. Je pus alors étudier ce système madréporique auquel sont dues les îles de cet Océan.
Première partie - chapitre 17 : Une forêt sous-marine Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Nous étions enfin arrivés à la lisière de cette forêt, sans doute l’une des plus belles de l’immense domaine du capitaine Nemo. Il la considérait comme étant sienne, et s’attribuait sur elle les mêmes droits qu’avaient les premiers hommes aux premiers jours du monde. D’ailleurs, qui lui eût disputé la possession de cette propriété sous-marine ? Quel autre pionnier plus hardi serait venu, la hache à la main, en défricher les sombres taillis ?Cette forêt se composait de grandes plantes arborescentes, et, dès que nous eûmes pénétré sous ses vastes arceaux, mes regards furent tout d’abord frappés d’une singulière disposition de leurs ramures, — disposition que je n’avais pas encore observée jusqu’alors.Aucune des herbes qui tapissaient le sol, aucune des branches qui hérissaient les arbrisseaux, ne rampait, ni ne se courbait, ni ne s’étendait dans un plan horizontal. Toutes montaient vers la surface de l’Océan. Pas de filaments, pas de rubans, si minces qu’ils fussent, qui ne se tinssent droit comme des tiges de fer. Les fucus et les lianes se développaient suivant une ligne rigide et perpendiculaire, commandée par la densité de l’élément qui les avait produits. Immobiles, d’ailleurs, lorsque je les écartais de la main, ces plantes reprenaient aussitôt leur position première. C’était ici le règne de la verticalité.Bientôt, je m’habituai à cette disposition bizarre, ainsi qu’à l’obscurité relative qui nous enveloppait. Le sol de la forêt était semé de blocs aigus, difficiles à éviter. La flore sous-marine m’y parut être assez complète, plus riche même qu’elle ne l’eût été sous les zones arctiques ou tropicales, où ses produits sont moins nombreux. Mais, pendant quelques minutes, je confondis involontairement les règnes entre eux, prenant des zoophytes pour des hydrophytes, des animaux pour des plantes. Et qui ne s’y fût pas trompé ? La faune et la flore se touchent de si près dans ce monde sous-marin !J’observai que toutes ces productions du règne végétal ne tenaient au sol que par un empâtement superficiel. Dépourvues de racines, indifférentes au corps solide, sable, coquillage, test ou galet, qui les supporte, elles ne lui demandent qu’un point d’appui, non la vitalité. Ces plantes ne procèdent que d’elles-mêmes, et le principe de leur existence est dans cette eau qui les soutient, qui les nourrit. La plupart, au lieu de feuilles, poussaient des lamelles de formes capricieuses, circonscrites dans une gamme restreinte de couleurs, qui ne comprenait que le rose, le carmin, le vert, l’olivâtre, le fauve et le brun. Je revis là, mais non plus desséchées comme les échantillons du Nautilus, des padines-paons, déployées en éventails qui semblaient solliciter la brise, des céramies écarlates, des laminaires allongeant leurs jeunes pousses comestibles, des néréocystées filiformes et fluxueuses, qui s’épanouissaient à une hauteur de quinze mètres, des bouquets d’acétabules, dont les tiges grandissent par le sommet, et nombre d’autres plantes pélagiennes, toutes dépourvues de fleurs. « Curieuse anomalie, bizarre élément, a dit un spirituel naturaliste, où le règne animal fleurit, et où le règne végétal ne fleurit pas ! »
Première partie - chapitre 16 : Promenade en plaine Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Cette cellule était, à proprement parler, l’arsenal et le vestiaire du Nautilus. Une douzaine d’appareils de scaphandres, suspendus à la paroi, attendaient les promeneurs.Ned Land, en les voyant, manifesta une répugnance évidente à s’en revêtir.« Mais, mon brave Ned, lui dis-je, les forêts de l’île de Crespo ne sont que des forêts sous-marines !— Bon ! fit le harponneur désappointé, qui voyait s’évanouir ses rêves de viande fraîche. Et vous, monsieur Aronnax, vous allez vous introduire dans ces habits-là ?— Il le faut bien, maître Ned.— Libre à vous, monsieur, répondit le harponneur, haussant les épaules, mais quant à moi, à moins qu’on ne m’y force, je n’entrerai jamais là-dedans.— On ne vous forcera pas, maître Ned, dit le capitaine Nemo.— Et Conseil va se risquer ? demanda Ned.— Je suis monsieur partout où va monsieur, » répondit Conseil.Sur un appel du capitaine, deux hommes de l’équipage vinrent nous aider à revêtir ces lourds vêtements imperméables, faits en caoutchouc sans couture, et préparés de manière à supporter des pressions considérables. On eût dit une armure à la fois souple et résistante. Ces vêtements formaient pantalon et veste. Le pantalon se terminait par d’épaisses chaussures, garnies de lourdes semelles de plomb. Le tissu de la veste était maintenu par des lamelles de cuivre qui cuirassaient la poitrine, la défendaient contre la poussée des eaux, et laissaient les poumons fonctionner librement ; ses manches finissaient en forme de gants assouplis, qui ne contrariaient aucunement les mouvements de la main.Il y avait loin, on le voit, de ces scaphandres perfectionnés aux vêtements informes, tels que les cuirasses de liège, les soubrevestes, les habits de mer, les coffres, etc., qui furent inventés et prônés dans le xviiie siècle.Le capitaine Nemo, un de ses compagnons, — sorte d’Hercule, qui devait être d’une force prodigieuse, — Conseil et moi, nous eûmes bientôt revêtu ces habits de scaphandres. Il ne s’agissait plus que d’emboîter notre tête dans sa sphère métallique. Mais, avant de procéder à cette opération, je demandai au capitaine la permission d’examiner les fusils qui nous étaient destinés.
Première partie - chapitre 15 : Une invitation par lettre Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Le lendemain, 9 novembre, je ne me réveillai qu’après un long sommeil de douze heures. Conseil vint, suivant son habitude, savoir « comment monsieur avait passé la nuit, » et lui offrir ses services. Il avait laissé son ami le Canadien dormant comme un homme qui n’aurait fait que cela toute sa vie.Je laissai le brave garçon babiller à sa fantaisie, sans trop lui répondre. J’étais préoccupé de l’absence du capitaine Nemo pendant notre séance de la veille, et j’espérais le revoir aujourd’hui.Bientôt j’eus revêtu mes vêtements de byssus. Leur nature provoqua plus d’une fois les réflexions de Conseil. Je lui appris qu’ils étaient fabriqués avec les filaments lustrés et soyeux qui rattachent aux rochers les « jambonneaux, » sortes de coquilles très abondantes sur les rivages de la Méditerranée. Autrefois, on en faisait de belles étoffes, des bas, des gants, car ils étaient à la fois très moelleux et très chauds. L’équipage du Nautilus pouvait donc se vêtir à bon compte, sans rien demander ni aux cotonniers, ni aux moutons, ni aux vers à soie de la terre.Lorsque je fus habillé, je me rendis au grand salon. Il était désert.Je me plongeai dans l’étude de ces trésors de conchyliologie, entassés sous les vitrines. Je fouillai aussi de vastes herbiers, emplis des plantes marines les plus rares, et qui, quoique desséchées, conservaient leurs admirables couleurs. Parmi ces précieuses hydrophytes, je remarquai des cladostèphes verticillées, des padines-paon, des caulerpes à feuilles de vigne, des callithamnes granifères, de délicates céramies à teintes écarlates, des agares disposées en éventails, des acétabules, semblables à des chapeaux de champignons très-déprimés, et qui furent longtemps classées parmi les zoophytes, enfin toute une série de varechs.La journée entière se passa, sans que je fusse honoré de la visite du capitaine Nemo. Les panneaux du salon ne s’ouvrirent pas. Peut-être ne voulait-on pas nous blaser sur ces belles choses.La direction du Nautilus se maintint à l’est-nord-est, sa vitesse à douze milles, sa profondeur entre cinquante et soixante mètres.Le lendemain, 10 novembre, même abandon, même solitude. Je ne vis personne de l’équipage. Ned et Conseil passèrent la plus grande partie de la journée avec moi. Ils s’étonnèrent de l’inexplicable absence du capitaine. Cet homme singulier était-il malade ? Voulait-il modifier ses projets à notre égard ?
Première partie - chapitre 14 : Le Fleuve noir Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot La portion du globe terrestre occupée par les eaux est évaluée à trois millions huit cent trente-deux milles cinq cent cinquante-huit myriamètres carrés, soit plus de trente-huit millions d’hectares. Cette masse liquide comprend deux milliards deux cent cinquante millions de milles cubes, et formerait une sphère d’un diamètre de soixante lieues dont le poids serait de trois quintillions de tonneaux. Et, pour comprendre ce nombre, il faut se dire que le quintillion est au milliard ce que le milliard est à l’unité, c’est-à-dire qu’il y a autant de milliards dans un quintillion que d’unités dans un milliard. Or, cette masse liquide, c’est à peu près la quantité d’eau que verseraient tous les fleuves de la terre pendant quarante mille ans.Durant les époques géologiques, à la période du feu succéda la période de l’eau. L’Océan fut d’abord universel. Puis, peu à peu, dans les temps siluriens, des sommets de montagnes apparurent, des îles émergèrent, disparurent sous des déluges partiels, se montrèrent à nouveau, se soudèrent, formèrent des continents et enfin les terres se fixèrent géographiquement telles que nous les voyons. Le solide avait conquis sur le liquide trente-sept millions six cent cinquante-sept milles carrés, soit douze mille neuf cent seize millions d’hectares.La configuration des continents permet de diviser les eaux en cinq grandes parties : l’Océan glacial arctique, l’Océan glacial antarctique, l’Océan indien, l’Océan atlantique, l’Océan pacifique.L’Océan pacifique s’étend du nord au sud entre les deux cercles polaires, et de l’ouest à l’est entre l’Asie et l’Amérique sur une étendue de cent quarante-cinq degrés en longitude. C’est la plus tranquille des mers ; ses courants sont larges et lents, ses marées médiocres, ses pluies abondantes. Tel était l’Océan que ma destinée m’appelait d’abord à parcourir dans les plus étranges conditions.
Une nouvelle de Guy de Maupassant Proposée par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot "M. Panard était un homme prudent qui avait peur de tout dans la vie. Il avait peur des tuiles, des chutes, des fiacres, des chemins de fer, de tous les accidents possibles, mais surtout des maladies.Il avait compris, avec une extrême prévoyance, combien notre existence est menacée sans cesse par tout ce qui nous entoure. La vue d’une marche le faisait penser aux entorses, aux bras et aux jambes cassés, la vue d’une vitre aux affreuses blessures par le verre, la vue d’un chat, aux yeux crevés ; et il vivait avec une prudence méticuleuse, une prudence réfléchie, patiente, complète.Il disait à sa femme, une brave femme qui se prêtait à ses manies : « Songe, ma bonne, comme il faut peu de chose pour estropier ou pour détruire un homme. C’est effrayant d’y penser. On sort bien portant ; on traverse une rue, une voiture arrive et vous passe dessus ; ou bien on s’arrête cinq minutes sous une porte cochère à causer avec un ami ; et on ne sent pas un petit courant d’air qui vous glisse le long du dos et vous flanque une fluxion de poitrine. Et cela suffit. C’en est fait de vous. »Il s’intéressait d’une façon particulière à l’article Santé publique, dans les journaux ; connaissait le chiffre normal des morts en temps ordinaire, suivant les saisons, la marche et les caprices des épidémies, leurs symptômes, leur durée probable, la manière de les prévenir, de les arrêter, de les soigner. Il possédait une bibliothèque médicale de tous les ouvrages relatifs aux traitements mis à la portée du public par les médecins vulgarisateurs et pratiques.Il avait cru à Raspail, à l’homéopathie, à la médecine dosimétrique, à la métallothérapie, à l’électricité, au massage, à tous les systèmes qu’on suppose infaillibles, pendant six mois, contre tous les maux. Aujourd’hui, il était un peu revenu de sa confiance, et il pensait avec sagesse que le meilleur moyen d’éviter les maladies consiste à les fuir."
Une nouvelle de Guy de Maupassant Proposée par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Dans cette nouvelle, un Allemand atteint de tuberculose attend la mort sur un banc, en lisant son maître Schopenhauer. Il se lie d'amitié avec le narrateur, un Français. Le narrateur admire Schopenhauer, qu'il considère comme "le plus grand saccageur de rêves" de l'humanité, mais il est aussi touché par la solitude et le désespoir du malade. Il assiste à ses derniers moments, où il exprime sa haine de la vie et son mépris des illusions. Cette nouvelle est un chef-d'œuvre de réalisme et de pessimisme, qui montre l'influence de Schopenhauer sur la pensée de Maupassant. Elle nous fait réfléchir sur le sens de l'existence, la souffrance, la mort et le bonheur.
Une nouvelle de Guy de Maupassant Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot La Chambre 11 est une nouvelle publiée en 1884 dans le journal Gil Blas, puis reprise dans le recueil Toine. Elle raconte l’histoire de Madame Amandon, une femme mariée à un haut fonctionnaire de province, qui mène une double vie sous le nom de Mademoiselle Clarisse. Elle choisit ses amants parmi les officiers de la garnison locale, qu’elle reçoit discrètement dans la chambre 11 de l’auberge du Cheval d’Or. Mais un jour, son stratagème va se retourner contre elle, lorsqu’un drame se produit dans la chambre où elle a rendez-vous avec son amant. La nouvelle met en scène le thème de l’adultère, cher à Maupassant, avec un ton ironique et cruel. L’auteur dépeint le caractère ardent, décidé et organisé de Madame Amandon, qui contraste avec son apparence modeste et chaste. Il montre aussi les risques et les conséquences de la tromperie, qui peut conduire au scandale et à la mort. La Chambre 11 est une œuvre qui mêle réalisme et suspense, et qui révèle la maîtrise narrative de Maupassant.
Une nouvelle de Guy de Maupassant Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Cette nouvelle, publiée en 1884 dans la revue Gil Blas, raconte la rencontre fortuite du narrateur avec un ancien camarade de collège, le comte Jean des Barrets, dans une brasserie parisienne. Le narrateur est surpris de voir à quel point son ami a changé : il est devenu un bockeur, un habitué de brasserie qui passe ses journées à boire des bocks de bière et à fumer une pipe. Il apprend que des Barrets a sombré dans cette déchéance volontaire à cause d’un traumatisme d’enfance : il a assisté à une scène violente entre ses parents, où son père, ruiné par ses frasques, a battu sa mère pour obtenir sa fortune. Depuis, des Barrets n’a plus goût à la vie et se laisse mourir à petit feu.La nouvelle est une peinture réaliste et pessimiste de la société du XIXe siècle, où l’argent, le vice et la violence dominent. Maupassant montre la misère morale et physique d’un homme qui a renoncé à son rang, à son honneur et à son avenir, et qui s’enferme dans une routine monotone et dégradante. Le contraste entre le passé brillant et le présent sordide de des Barrets est accentué par le souvenir du narrateur, qui se rappelle de lui comme d’un élève doué et joyeux. Le style de Maupassant est sobre et efficace, il utilise des dialogues vifs et des descriptions précises pour faire vivre les personnages et les lieux. Il crée une atmosphère sombre et oppressante, où le rire se mêle à la tristesse et à l’horreur.
Première partie - chapitre 13 : Quelques chiffres Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Un instant après, nous étions assis sur un divan du salon, le cigare aux lèvres. Le capitaine mit sous mes yeux une épure qui donnait les plan, coupe et élévation du Nautilus . Puis il commença sa description en ces termes :« Voici, monsieur Aronnax, les diverses dimensions du bateau qui vous porte. C’est un cylindre très-allongé, à bouts coniques. Il affecte sensiblement la forme d’un cigare, forme déjà adoptée à Londres dans plusieurs constructions du même genre. La longueur de ce cylindre, de tête en tête, est exactement de soixante-dix mètres, et son bau, à sa plus grande largeur, est de huit mètres. Il n’est donc pas construit tout à fait au dixième comme vos steamers de grande marche, mais ses lignes sont suffisamment longues et sa coulée assez prolongée, pour que l’eau déplacée s’échappe aisément et n’oppose aucun obstacle a sa marche.« Ces deux dimensions vous permettent d’obtenir par un simple calcul la surface et le volume du Nautilus . Sa surface comprend mille onze mètres carrés et quarante-cinq centièmes ; son volume, quinze cents mètres cubes et deux dixièmes, — ce qui revient à dire qu’entièrement immergé, il déplace ou pèse quinze cents mètres cubes ou tonneaux.« Lorsque j’ai fait les plans de ce navire destiné à une navigation sous-marine, j’ai voulu, qu’en équilibre dans l’eau il plongeât des neuf dixièmes, et qu’il émergeât d’un dixième seulement. Par conséquent, il ne devait déplacer dans ces conditions que les neuf dixièmes de son volume, soit treize cent cinquante-six mètres cubes et quarante-huit centièmes, c’est-à-dire ne peser que ce même nombre de tonneaux. J’ai donc dû ne pas dépasser ce poids en le construisant suivant les dimensions sus-dites.« Le Nautilus se compose de deux coques, l’une intérieure, l’autre extérieure, réunies entre elles par des fers en T qui lui donnent une rigidité extrême. En effet, grâce à cette disposition cellulaire, il résiste comme un bloc, comme s’il était plein. Son bordé ne peut céder ; il adhère par lui-même et non par le serrage des rivets, et l’homogénéité de sa construction, due au parfait assemblage des matériaux, lui permet de défier les mers les plus violentes.« Ces deux coques sont fabriquées en tôle d’acier dont la densité par rapport à l’eau est de sept, huit dixièmes. La première n’a pas moins de cinq centimètres d’épaisseur, et pèse trois cent quatre-vingt-quatorze tonneaux quatre-vingt-seize centièmes. La seconde enveloppe, la quille, haute de cinquante centimètres et large de vingt-cinq, pesant, à elle seule, soixante-deux tonneaux, la machine, le lest, les divers accessoires et aménagements, les cloisons et les étrésillons intérieurs, ont un poids de neuf cent soixante et un tonneaux soixante-deux centièmes, qui, ajoutés aux trois cent quatre-vingt-quatorze tonneaux et quatre-vingt-seize centièmes, forment le total exigé de treize cent cinquante-six tonneaux et quarante-huit centièmes. Est-ce entendu ?
Première partie - chapitre 12 : Tout par l'électricité Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot « Monsieur, dit le capitaine Nemo, me montrant les instruments suspendus aux parois de sa chambre, voici les appareils exigés par la navigation du Nautilus . Ici comme dans le salon, je les ai toujours sous les yeux, et ils m’indiquent ma situation et ma direction exacte au milieu de l’Océan. Les uns vous sont connus, tels que le thermomètre qui donne la température intérieure du Nautilus ; le baromètre, qui pèse le poids de l’air et prédit les changements de temps ; l’hygromètre, qui marque le degré de sécheresse de l’atmosphère ; le storm-glass, dont le mélange, en se décomposant, annonce l’arrivée des tempêtes ; la boussole, qui dirige ma route ; le sextant, qui par la hauteur du soleil m’apprend ma latitude ; les chronomètres, qui me permettent de calculer ma longitude ; et enfin des lunettes de jour et de nuit, qui me servent à scruter tous les points de l’horizon, quand le Nautilus est remonté à la surface des flots.— Ce sont les instruments habituels au navigateur, répondis-je, et j’en connais l’usage. Mais en voici d’autres qui répondent sans doute aux exigences particulières du Nautilus . Ce cadran que j’aperçois et que parcourt une aiguille mobile, n’est-ce pas un manomètre ?— C’est un manomètre, en effet. Mis en communication avec l’eau dont il indique la pression extérieure, il me donne par là même la profondeur à laquelle se maintient mon appareil.— Et ces sondes d’une nouvelle espèce ?— Ce sont des sondes thermométriques qui rapportent la température des diverses couches d’eau.— Et ces autres instruments dont je ne devine pas l’emploi ?— Ici, monsieur le professeur, je dois vous donner quelques explications, dit le capitaine Nemo. Veuillez donc m’écouter. »Il garda le silence pendant quelques instants, puis il dit :« Il est un agent puissant, obéissant, rapide, facile, qui se plie à tous les usages et qui règne en maître à mon bord. Tout se fait par lui. Il m’éclaire, il m’échauffe, il est l’âme de mes appareils mécaniques. Cet agent, c’est l’électricité.— L’électricité ! m’écriai-je assez surpris.— Oui, monsieur.
Première partie - chapitre 11 : Le Nautilus Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Le capitaine Nemo se leva. Je le suivis. Une double porte, ménagée à l’arrière de la salle, s’ouvrit, et j’entrai dans une chambre de dimension égale à celle que je venais de quitter. C’était une bibliothèque.C’était une bibliothèque. De hauts meubles en palissandre noir, incrustés de cuivres, supportaient sur leurs larges rayons un grand nombre de livres uniformément reliés. Ils suivaient le contour de la salle et se terminaient à leur partie inférieure par de vastes divans, capitonnés de cuir marron, qui offraient les courbes les plus confortables. De légers pupitres mobiles, en s’écartant ou se rapprochant à volonté, permettaient d’y poser le livre en lecture. Au centre se dressait une vaste table, couverte de brochures, entre lesquelles apparaissaient quelques journaux déjà vieux. La lumière électrique inondait tout cet harmonieux ensemble, et tombait de quatre globes dépolis à demi engagés dans les volutes du plafond. Je regardais avec une admiration réelle cette salle si ingénieusement aménagée, et je ne pouvais en croire mes yeux.« Capitaine Nemo, dis-je à mon hôte, qui venait de s’étendre sur un divan, voilà une bibliothèque qui ferait honneur à plus d’un palais des continents, et je suis vraiment émerveillé, quand je songe qu’elle peut vous suivre au plus profond des mers.— Où trouverait-on plus de solitude, plus de silence, monsieur le professeur ? répondit le capitaine Nemo. Votre cabinet du Muséum vous offre-t-il un repos aussi complet ?— Non, monsieur, et je dois ajouter qu’il est bien pauvre auprès du vôtre. Vous possédez là six ou sept mille volumes…— Douze mille, monsieur Aronnax. Ce sont les seuls liens qui me rattachent à la terre. Mais le monde a fini pour moi le jour où mon Nautilus s’est plongé pour la première fois sous les eaux. Ce jour-là, j’ai acheté mes derniers volumes, mes dernières brochures, mes derniers journaux, et depuis lors, je veux croire que l’humanité n’a plus ni pensé, ni écrit. Ces livres, monsieur le professeur, sont d’ailleurs à votre disposition, et vous pourrez en user librement. »
Première partie - chapitre 10 : L'homme des eauxProposé par audiolude.frNarrateur : Alain CouchotC’était le commandant du bord qui parlait ainsi.À ces mots, Ned Land se releva subitement. Le stewart, presque étranglé sortit en chancelant sur un signe de son maître ; mais tel était l’empire du commandant à son bord, que pas un geste ne trahit le ressentiment dont cet homme devait être animé contre le Canadien. Conseil, intéressé malgré lui, moi stupéfait, nous attendions en silence le dénouement de cette scène.Le commandant, appuyé sur l’angle de la table, les bras croisés, nous observait avec une profonde attention. Hésitait-il à parler ? Regrettait-il ces mots qu’il venait de prononcer en français ? On pouvait le croire.Après quelques instants d’un silence qu’aucun de nous ne songea à interrompre :« Messieurs, dit-il d’une voix calme et pénétrante, je parle également le français, l’anglais, l’allemand et le latin. J’aurais donc pu vous répondre dès notre première entrevue, mais je voulais vous connaître d’abord, réfléchir ensuite. Votre quadruple récit, absolument semblable au fond, m’a affirmé l’identité de vos personnes. Je sais maintenant que le hasard a mis en ma présence monsieur Pierre Aronnax, professeur d’histoire naturelle au Muséum de Paris, chargé d’une mission scientifique à l’étranger, Conseil son domestique, et Ned Land, d’origine canadienne, harponneur à bord de la frégate l’Abraham-Lincoln, de la marine nationale des États-Unis d’Amérique. »Je m’inclinai d’un air d’assentiment. Ce n’était pas une question que me posait le commandant. Donc, pas de réponse à faire. Cet homme s’exprimait avec une aisance parfaite, sans aucun accent. Sa phrase était nette, ses mots justes, sa facilité d’élocution remarquable. Et cependant, je ne « sentais » pas en lui un compatriote.Il reprit la conversation en ces termes :« Vous avez trouvé sans doute, monsieur, que j’ai longtemps tardé à vous rendre cette seconde visite. C’est que, votre identité reconnue, je voulais peser mûrement le parti à prendre envers vous. J’ai beaucoup hésité. Les plus fâcheuses circonstances vous ont mis en présence d’un homme qui a rompu avec l’humanité. Vous êtes venu troubler mon existence…— Involontairement, dis-je.— Involontairement ? répondit l’inconnu, en forçant un peu sa voix. Est-ce involontairement que l’Abraham-Lincoln me chasse sur toutes les mers ? Est-ce involontairement que vous avez pris passage à bord de cette frégate ? Est-ce involontairement que vos boulets ont rebondi sur la coque de mon navire ? Est-ce involontairement que maître Ned Land m’a frappé de son harpon ? »Je surpris dans ces paroles une irritation contenue. Mais, à ces récriminations j’avais une réponse toute naturelle à faire, et je la fis.« Monsieur, dis-je, vous ignorez sans doute les discussions qui ont eu lieu à votre sujet en Amérique et en Europe. Vous ne savez pas que divers accidents, provoqués par le choc de votre appareil sous-marin, ont ému l’opinion publique dans les deux continents. Je vous fais grâce des hypothèses sans nombre par lesquelles on cherchait à expliquer l’inexplicable phénomène dont seul vous aviez le secret. Mais sachez qu’en vous poursuivant jusque sur les hautes mers du Pacifique, l’Abraham-Lincoln croyait chasser quelque puissant monstre marin dont il fallait à tout prix délivrer l’Océan. »Un demi-sourire détendit les lèvres du commandant, puis, d’un ton plus calme :« Monsieur Aronnax, répondit-il, oseriez-vous affirmer que votre frégate n’aurait pas poursuivi et canonné un bateau sous-marin aussi bien qu’un monstre ? »Cette question m’embarrassa, car certainement le commandant Farragut n’eût pas hésité. Il eût cru de son devoir de détruire un appareil de ce genre tout comme un narwal gigantesque.« Vous comprenez donc, monsieur, reprit l’inconnu, que j’ai le droit de vous traiter en ennemis. »Je ne répondis rien, et pour cause. À quoi bon discuter une proposition semblable, quand la...
Première partie - chapitre 9 : Les colères de Ned land Proposé par audiolude.fr Narrateur : Alain Couchot Quelle fut la durée de ce sommeil, je l’ignore ; mais il dut être long, car il nous reposa complètement de nos fatigues. Je me réveillai le premier. Mes compagnons n’avaient pas encore bougé, et demeuraient étendus dans leur coin comme des masses inertes.À peine relevé de cette couche passablement dure, je sentis mon cerveau dégagé, mon esprit net. Je recommençai alors un examen attentif de notre cellule.Rien n’était changé à ses dispositions intérieures. La prison était restée prison, et les prisonniers, prisonniers. Cependant le stewart, profitant de notre sommeil, avait desservi la table. Rien n’indiquait donc une modification prochaine dans cette situation, et je me demandai sérieusement si nous étions destinés à vivre indéfiniment dans cette cage.Cette perspective me sembla d’autant plus pénible que, si mon cerveau était libre de ses obsessions de la veille, je me sentais la poitrine singulièrement oppressée. Ma respiration se faisait difficilement. L’air lourd ne suffisait plus au jeu de mes poumons. Bien que la cellule fût vaste, il était évident que nous avions consommé en grande partie l’oxygène qu’elle contenait. En effet, chaque homme dépense en une heure, l’oxygène renfermé dans cent litres d’air et cet air, chargé alors d’une quantité presque égale d’acide carbonique, devient irrespirable.Il était donc urgent de renouveler l’atmosphère de notre prison, et, sans doute aussi, l’atmosphère du bateau sous-marin.Là se posait une question à mon esprit. Comment procédait le commandant de cette demeure flottante ? Obtenait-il de l’air par des moyens chimiques, en dégageant par la chaleur l’oxygène contenu dans du chlorate de potasse, et en absorbant l’acide carbonique par la potasse caustique ? Dans ce cas, il devait avoir conservé quelques relations avec les continents, afin de se procurer les matières nécessaires à cette opération. Se bornait-il seulement à emmagasiner l’air sous de hautes pressions dans des réservoirs, puis à le répandre suivant les besoins de son équipage ? Peut-être. Ou, procédé plus commode, plus économique, et par conséquent plus probable, se contentait-il de revenir respirer à la surface des eaux, comme un cétacé, et de renouveler pour vingt-quatre heures sa provision d’atmosphère ? Quoi qu’il en soit, et quelle que fût la méthode, il me paraissait prudent de l’employer sans retard.En effet, j’étais déjà réduit à multiplier mes inspirations pour extraire de cette cellule le peu d’oxygène qu’elle renfermait, quand, soudain, je fus rafraîchi par un courant d’air pur et tout parfumé d’émanations salines. C’était bien la brise de mer, vivifiante et chargée d’iode ! J’ouvris largement la bouche, et mes poumons se saturèrent de fraîches molécules. En même temps, je sentis un balancement, un roulis de médiocre amplitude, mais parfaitement déterminable. Le bateau, le monstre de tôle venait évidemment de remonter à la surface de l’Océan pour y respirer à la façon des baleines. Le mode de ventilation du navire était donc parfaitement reconnu.Lorsque j’eus absorbé cet air pur à pleine poitrine, je cherchai le conduit, « l’aérifère », si l’on veut, qui laissait arriver jusqu’à nous cette bienfaisante effluve, et je ne tardai pas à le trouver. Au-dessus de la porte s’ouvrait un trou d’aérage laissant passer une fraîche colonne d’air, qui renouvelait ainsi l’atmosphère appauvrie de la cellule.J’en étais là de mes observations, quand Ned et Conseil s’éveillèrent presque en même temps, sous l’influence de cette aération revivifiante. Ils se frottèrent les yeux, se détirèrent les bras et furent sur pied en un instant.« Monsieur a bien dormi ? me demanda Conseil avec sa politesse quotidienne.
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