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Menaces sur l’information

Author: RFI

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Chaque année, la liberté de la presse est soumise à une pression croissante à travers le monde. Selon le dernier rapport de l'ONG Reporter sans Frontière, publié en mai 2024, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des environnements extrêmement hostiles à la liberté d'expression journalistique, où exercer ce métier représente un danger pour la vie et la liberté. Pour illustrer ce constat alarmant, la chronique « Menaces sur l'Information » vous invite à découvrir les défis auxquels sont confrontés les journalistes dans le monde, à travers des portraits de ceux qui ont affronté la répression de la liberté d'expression et qui y ont parfois laissé la vie. Chaque récit met en lumière les enjeux cruciaux de notre époque pour une presse libre et indépendante. 

Diffusion : tous les samedis à 6h17, 7h53 et 18h17 TU. 

77 Episodes
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En Tanzanie, les violences post-électorales ont laissé des dizaines de familles sans nouvelles de leurs proches. Mais dans les médias du pays, presque rien : pas d’images, pas de chiffres et toujours aucun bilan officiel trois semaines après le scrutin. Entre coupures d’internet, pressions juridiques et autocensure, un véritable blackout s’est installé dans les rédactions au point que le travail d’enquête repose désormais sur les défenseurs des droits humains. À lire aussiViolences post-électorales en Tanzanie: plus d’une centaine de jeunes ont été libérés À lire aussiTanzanie: la présidente annonce une enquête sur les morts durant les violences électorales
Jambo Radio, un média communautaire de République démocratique du Congo a reçu le prix « Genre et solutions » à la COP30 qui joue les prolongations au Brésil. Cette année, l’ONG féministe WECF – Women engage for a common future -- , récompense ce média qui vise à informer des populations qui ont parfois un accès limité à l’information. Manque de moyens, menaces… Joseph Tsongo, co-fondateur de Jambo Radio, raconte à RFI le chemin pavé de difficultés de ce média mis en ligne en 2022. Exploitation du pétrole, de ressources minières, changement climatique… Les podcasts de Jambo Radio sont spécialisés dans l’information environnementale. Une évidence pour Joseph Tsongo, co-fondateur du média en ligne : « C'est déjà ça le nœud de tous les problèmes aujourd'hui. Des problèmes de conflits armés dans notre région, tous ces effets des changements climatiques, les inondations, les sécheresses, tout ça ! Nous sommes une population d'environ 89% rurale. Nous mangeons, nous devons produire, les enjeux environnementaux, climatiques, c'est toute la vie... » Le public visé ? En particulier, les jeunes et les femmes   « Malheureusement, elle est toujours laissée pour compte, elle est moins informée. » Joseph Tsongo ne se définit pas comme journaliste, mais comme organisateur communautaire, militant et podcasteur. La mission de Jambo Radio, c’est d’apporter l’information dans des communautés rurales, là où elle est difficile d’accès. Les émissions y sont parfois envoyées physiquement sur des cartes mémoires : « Ils n'ont besoin d'Internet, ils n'ont pas besoin d'ordinateurs ». Au-delà de ces émissions, le Jambo Lab propose un système d’alerte météo par SMS. Pour parler au plus grand monde, le média produit du contenu en Swahili, en Lingala et en français. Et pour apporter l’information au plus près : des débats sont organisés dans des « clubs d’auditeurs ». « Nous conduisons les débats, nous pouvons amener le spécialiste en personne pour répondre aux questions, au carrément, nous en savons un peu plus, qu'est-ce que nous avons mis dans le podcast, nous pouvons essayer d'orienter le débat, de répondre à certaines questions ». Parmi les thèmes chers à Joseph Tsongo : l’impact de la transition dite verte sur l’environnement et les populations locales, du fait de la course à certains minerais comme le cobalt.  Mais en mars dernier, il est parti de Goma pour s’exiler quelques mois à l’étranger. Et le conflit dans l’est de la RDC n’explique pas tout : « Je soulève très souvent les questions de justice sociale, environnementale, et donc, je suis menacé, je dois fuir... » Ces menaces n’étaient pas les premières « En 2022 ils sont venus chez-moi, ils ont vandalisé la maison, ils sont entrés, moi, je me suis caché au plafond. Ils sont pris mon ordinateur, ma carte bancaire, mon passeport, tout ça ! Après, ils ont piraté mon compte WhatsApp. Cela vient vient de ceux qui tirent profit de toute l'exploitation ».  Pas tous les jours et surtout pas depuis six mois. Conséquence entre autres de son exil. Même si Joseph Tsongo considère qu’il suffit de peu et ne se met pas la pression, la petite équipe doit aussi composer avec de tout petits moyens. Les 5000 euros du prix donneront un peu d’air à Jambo Radio.   ► L'Histoire de Jambo Radio est à retrouver dans un article plus complet de Géraud Bosman sur notre site internet : www.rfi.fr 
À la mi-temps de la trentième conférence des Nations unies sur le climat, qui se tient au Brésil, la société civile manifeste, ce samedi 15 novembre, à Belém. Un retour de la traditionnelle marche après plusieurs années d'absence faute d'autorisation dans les pays organisateurs. Militer pour les droits de l'environnement est parfois dangereux. Informer sur ce sujet peut l'être tout autant, comme l'illustre le cas d'Erastus Asare Donkor. Journaliste d'investigation au Ghana, il travaille pour The Multimedia group, une compagnie qui possède des stations radio et des chaînes de télévision.   Erastus Asare Donkor s'est spécialisé dans les documentaires sur les mines d'or illégales : leurs effets sur l'eau, les forêts et la vie des populations locales. Et c'est ce qui lui vaut des pressions et des menaces.  « Je couvre un domaine sensible, comme l’extraction illégale de l’or au Ghana. C'est un secteur qui pèse plusieurs milliards de dollars. Des personnes très riches et puissantes à tous les niveaux sont liées à ce secteur. Cela implique aussi beaucoup de corruption. Et donc ce que nous faisons est risqué », explique le journaliste.  Un de ses documentaires, tourné en 2021 pour JoyNews a failli ne pas voir le jour. Alors qu'il couvre l'action d'une force liée au ministère de l'Environnement sur une mine illégale, des hommes armés interviennent. Il raconte : « Mon équipe et moi, avons été détenus pendant cinq heures par des militaires protégeant des mineurs qui saccageaient l’une des principales forêts du Ghana. Nous avons été fouillés. Les images de nos caméras ont été effacées. Mon chauffeur a été agressé physiquement ». Il n'y a pas qu'en tournage qu'Erastus Asare Donkor est en danger. Lui et son entourage, parfois lointain, font l'objet de menaces.  « Quelqu’un qui commente mes publications sur Facebook et qui porte le même nom de famille, a reçu un message. Il disait que peut-être, il pourrait ne pas m’avoir, moi Erastus, mais qu'il me livrerait son corps décapité pour me servir de leçon. Deux semaines après avoir signalé ça aux agences de sécurité, ce monsieur a été poignardé sous les côtes par deux hommes. Heureusement, il a survécu », se désole Erastus Asare Donkor. Prendre des précautions face au danger  « Mon entreprise a pris un certain nombre de mesures. Des caméras de vidéosurveillance ont été installées dans ma résidence. Ils ont aussi dû trouver une maison sûre pour moi et ma famille pour un temps. J’ai aussi dû changer de véhicule », déclare le reporter.  Le journaliste de 49 ans est parti trois mois à l'étranger avec l'aide de Reporters sans frontière (RSF). Pas de quoi effacer la pression à son retour.  « C’est encore frais dans ma tête. C’est quelque chose qui vous fixe des limites. Cela vous amène à vous auto-censurer. Ces jours-ci, je dois employer d’autres personnes pour faire le tournage sur le terrain à ma place », nous confie-t-il.  Pour l'instant, Erastus Asare Donkor ne souhaite pas changer de spécialité. Il est essentiel pour lui d'informer sur ce qui se passe dans le pays, car « Au Ghana, 65 % de nos plans d’eau sont fortement pollués par des métaux lourds. 44 des 288 réserves forestières sont attaquées par des mineurs illégaux. Selon les recherches d'une agence pour la protection de l’environnement, les métaux lourds s’infiltrent dans notre chaîne alimentaire ». Alors son travail, il le perçoit comme un devoir pour « sauver les générations à venir ». 
Arrivée en France il y a 18 ans avec un statut de réfugiée politique, Zehra Kurtay est aujourd'hui menacée d'expulsion vers la Turquie. Journaliste et militante d'extrême gauche d’origine kurde, elle avait fui les persécutions du régime d’Erdogan en 2007. Aujourd'hui, la voilà pourtant visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cela fait plus de 100 jours que Zehra Kurtay est installée jour et nuit sous ce qu'elle appelle « une tente de la résistance » dans le quartier de Strasbourg Saint-Denis, en plein Paris. Elle a entamé une grève de la faim.   Cette longue grève de la faim a creusé son visage, mais Zehra Kurtay offre un sourire généreux. C'est pour elle un signe de résistance. Elle vit sous une tente assez haute pour accueillir quelques camarades autour d'une tasse de thé. Quand elle est trop fatiguée, Zehra s'assoit dans un fauteuil roulant. « J'ai des difficultés à marcher, à parler. Je ne peux pas dormir bien à cause de ça. Je suis fatiguée », dit-elle. Réfugiée en France depuis 2007, l'opposante au régime d'Erdogan était journaliste en Turquie. Elle sera arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises. « Je suis dans la prison à cause de mes idées, à cause de mes écrits ». Considérée comme une terroriste, en 2000, Zehra Kurtay est incarcérée à la prison d'Ümraniye avec d'autres prisonniers politiques turcs. « On était côte à côte, on était tous ensemble. On avait le collectivisme, tous mes camarades. C'était super. C'était une école pour moi », raconte-t-elle. En signe de protestation, Zehra Kurtay et ses camarades entament alors une longue grève de la faim. Libérée au vu de son état de santé, la militante fuit vers la France et obtient le statut de refugiée politique. « Je veux être symbole de résistance » En 2012, elle est condamnée à cinq ans de prison pour son engagement politique passé. « Selon la France, je suis une terroriste. Je suis dangereuse. J'étais à Fleury-Mérogis. J'étais dans la cellule, toute seule. La cellule, c'était neuf mètres carrés. J'étais isolée. Il y avait la torture psychologiquement ». En 2021, elle découvre que son statut de refugiée politique lui a été retiré sans notification. Après une garde à vue et un placement en centre de rétention, la journaliste de 53 ans, est aujourd'hui visée par une obligation de quitter le territoire français. « J'ai décidé, pour protéger mes droits de papiers pour obtenir l'asile politique, j'ai commencé la grève de la faim pour obtenir l'asile politique ». Si elle retourne en Turquie, Zehra Kurtay s'expose selon ses dires à « la prison, la torture, la menace... ». La militante d'extrême gauche poursuit inlassablement sa grève de la faim. « J'ai résisté. Ça donne l'espoir de résister, ça donne la force. Je suis très heureuse parce que je résiste. Je veux être symbole de résistance ». Zehra Kurtay s'essuie le visage avec les mains pour reprendre un peu d'énergie, celle de continuer à se battre pour obtenir la protection de la France. Ces dernières années, plusieurs militants et militantes politiques kurdes, parfois réfugiés de longue date, ont reçu des OQTF ou ont été placés en centre de rétention.
Depuis le début de la guerre au Soudan, les paramilitaires des FSR, qui dominaient de larges parties de la capitale Khartoum, ont visé les bâtiments de la presse. Ils ont occupé le bâtiment de la Radio-télévision et détruit plusieurs bureaux de quotidiens. Ils ont pourchassé les journalistes dont la majorité a fui le pays. Avec la prise d’el Facher le 26 octobre par les FSR qui ont commis des massacres à l’encontre de cette ville assiégée et affamée, plusieurs journalistes ont disparu et seraient détenus par ces paramilitaires. Mouamar Ibrahim, qui travaillait pour la chaine al Jazeera est apparu dans une vidéo le montrant aux mains des FSR alors qu'il tentait de quitter la ville. Un autre, Mohamad Suleiman Chuaib, est arrivé jeudi dernier au camp de Tawila près d'el Facher, blessé et dans un état très grave. Le destin de trois autres journalistes reste inconnu. Les journalistes soudanais s'activent pour tenter de sauver la vie de leurs collègues restés dans el Facher assiégée et dont le destin est aujourd'hui inconnu. Naji al-Karachabi : « Nos confrères ont lancé sur les réseaux sociaux un Hashtag pour rechercher les journalistes disparus à el Facher, mais leurs recherches restent vaines. Je viens de lire un message du journaliste Abou Bakr Mukhtar, lui-même originaire du Darfour, il explique être contraint de visionner toutes les vidéos des atrocités commises par les milices des Forces de soutien rapide afin de tenter de retrouver ses collègues parmi les morts ou les blessés. À El Facher, chaque personne est une cible directe pour les FSR [Forces de soutien rapide, les paramilitaires qui s'opposent à l'armée régulière, NDLR], qui ne font aucune distinction entre citoyen ordinaire, journaliste ou malade, ni entre tribu, ou ethnie et ni entre religion ou affiliation politique. À leurs yeux, tous les Soudanais sont loyaux à l'armée. » Le syndicat national multiplie l'effort de libération Le bureau du Syndicat national des journalistes soudanais multiplie les efforts pour libérer les journalistes d'el Facher. « Le Syndicat des journalistes soudanais fournit de grands efforts pour libérer le journaliste Mouammar Ibrahim et ses quatre autres collègues disparus, a annoncé Taher el Moatassem, membre de ce bureau. Nous avons contacté les organisations internationales pour la liberté de la presse pour qu’elles rentrent en contact avec les FSR et les appeler à les libérer. À notre niveau, nous avons constitué une cellule d’urgence pour suivre les développements. » À lire aussiSoudan: après les exactions à El-Fasher, les FSR arrêtent un seul de leurs membres Les proches de Naji al Karachabi visés par les attaques ciblées des FSR Naji al Karachabi travaille pour la télévision et a un programme quotidien sur le Soudan, mais il est basé à l'étranger. Ce sont ses proches qui ont été inquiétés par les FSR : ces paramilitaires ont brûlé plusieurs de leurs maisons dans les zones qu’elles dominent.  Pourquoi les milices des Forces de soutien rapide ciblent-elles les journalistes de cette manière, alors qu'elles filment elles-mêmes des vidéos dans lesquelles elles tuent des gens et violent le droit humanitaire et international ? Cherchent-elles à transmettre des messages spécifiques aux journalistes, et s'opposent-elles à ce qu'ils relatent des faits les accablant ?  Aucune explication n'est disponible, étant donné qu'elles diffusent elles-mêmes les images de leurs exactions contre les civils dans de nombreuses régions du Soudan. « La première victime de la guerre est la vérité » Taher el-Moatassem, a lui, sa petite idée sur la question : « Il est certain que la première victime de la guerre est la vérité. Ceux qui pratiquent le journalisme sont des chercheurs de vérités, c’est pour cela qu’ils sont dans les premiers sacrifiés parmi les civils. Parce que la vérité est la première cible visée. Chaque partie de la lutte essaie d’avancer son récit du conflit, alors qu’un journaliste professionnel va effectuer son travail. Il montre la vérité. C’est pour cela que les journalistes sont visés au Soudan où ailleurs dans le monde, là où il y a des conflits. » Depuis le début de la guerre au Soudan, 32 journalistes ont été tués et nombreux sont ceux qui ont subi des exactions qui ont touché également leurs proches. À lire aussiSoudan: les exactions sur les civils «se multiplient» après la prise d'El-Fasher par les FSR
Au cours des six premiers mois de l'année, 43 journalistes ont quitté le pays d'après un décompte de l'Apes, l'association des journalistes du Salvador qui, elle aussi, a décidé de s'en aller. Elle l'a annoncé au début du mois d'octobre. C'est le dernier épisode d'une relation plus que houleuse entre les autorités du Salvador et les voix qui critiquent le très populaire président Nayib Bukele. Au Salvador, ces derniers mois, un cap a été franchi. Dans un rapport, l'Association des journalistes du Salvador (Apes) déclarait début octobre avoir recensé ces départs de journalistes entre le mois de janvier et le 9 juin 2025. « Les journalistes qui ont quitté le pays appartiennent, pour la plupart, à des médias indépendants et/ou numériques, qui sont restés critiques et rigoureux à l'égard du gouvernement actuel », a précisé l'Apes. En mai dernier, l'avocate Ruth Lopez spécialiste de la corruption au sein de l'ONG Cristosal était arrêtée. Quelques jours plus tard, une loi sur les agents étrangers est adoptée. Comme en Russie, les organisations, comme les médias indépendants, doivent payer une taxe de 30 % sur les fonds reçus de l'étranger. Circule également une rumeur selon laquelle le pouvoir aurait établi une liste noire de journalistes susceptibles d'être envoyés en prison. Jorge Beltrán Luna quitte alors son pays du jour au lendemain : « J'ai 55 ans, presque 56, et je dois recommencer ma vie à zéro. En ce moment, je suis en train de faire ma demande d'asile. On ne peut pas me renvoyer au Salvador. Mais pour l'instant, je ne peux pas travailler, ni conduire, ni ouvrir un compte en banque. Ce sera comme ça pendant plusieurs mois. Mais au moins, je suis en sécurité et j'ai recommencé à faire du journalisme avec ma chaîne YouTube. » Le départ a été très douloureux aussi pour Eric Lemus, journaliste d'investigation, qui s'est réfugié au début de l'année aux États-Unis : « Le plus difficile, c'est que ma mère qui a 90 ans, n'a pas pu venir avec nous. Alors, on s'est dit adieu. Elle m'a dit : 'Ne reviens pas. J'ai 90 ans. Je pense que nous ne nous reverrons jamais'. Et ça, ça a été vraiment dur ! C'est sûr, je ne retournerai jamais au Salvador. La situation est irréversible. Plus qu'une dictature, c'est une dynastie qui est en train de s'installer. La famille Bukele n'a aucune raison d'abandonner le pouvoir. Ils contrôlent l'armée, le pouvoir judiciaire, le parquet, l'Assemblée nationale... Ils ne vont donc pas rester au pouvoir cinq ans de plus, mais sans doute vingt ans ». À lire aussiLe Salvador permet au président Nayib Bukele de se représenter indéfiniment À l'Université de Notre-Dame, dans l'Indiana, qui l'accueille, Eric Lemus travaille à la création d'un Observatoire de la corruption. Jorge Beltran Luna, lui, continue de couvrir à distance l'actualité de son pays : « Au Salvador, les médias ont été décimés. Il ne reste quasiment plus de médias de communication ou de leaders d'opinions qui acceptent de s'exprimer. Ces derniers temps, j'ai constaté que plusieurs personnes qui commentaient d'habitude la situation du pays, refusent désormais de donner des interviews, car elles ont reçu des menaces. Dans mon cas, j'estime que ça vaut la peine de continuer, car je reçois toujours des informations de la part de mes sources, même en étant à l'étranger. Et puis je vois des gens qui se réveillent, qui font des vidéos de rues inondées, des quartiers pauvres. Moi, ça m'encourage à continuer à faire du journalisme ». Le Salvador occupe la 135ᵉ place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Le pays a perdu 61 places au cours des cinq dernières années. À lire aussiÀ la Une: plongée dans les prisons de l'horreur au Salvador
C'est le bras de fer aux États-Unis entre le ministère de la Défense et les journalistes spécialisés. Levée de bouclier des médias américains après les restrictions inédites imposées par le Pentagone qui cherche à cadenasser la presse. Et à empêcher les reporters d'avoir accès à leurs sources au sein des forces armées. Certaines de ces mesures ont même été assimilées à de la censure, car les autorités américaines menacent de poursuites judiciaires les journalistes qui sortiraient des informations confidentielles. Le contrat proposé par Pete Hegseth, le ministre nommé par Donald Trump, à la presse : signez cette nouvelle charte ou vous ne pourrez plus mettre les pieds au Pentagone. La quasi-totalité des médias, y compris les plus grandes signatures du New York Times, du Washington Post, de CNN, ainsi que plusieurs organes classés dans la sphère conservatrice, ont choisi de dire « non ». Et ont abandonné pour la première fois en l'espace de plusieurs décennies leur badge d'accès au ministère de la Défense. L’image de ces journalistes en train de quitter le Pentagone est saisissante. Une cinquantaine de reporters, tous médias confondus qui ont emporté dans leurs cartons quelques photos, une imprimante ou une horloge, reliquat de la vie d’avant. Celle où le ministère de la Défense laissait la presse faire son travail sans chercher à contrôler l’information. « Ça faisait 28 ans que je travaillais au Pentagone. J’y ai toujours eu accès et j’ai toujours pu me balader librement dans les couloirs. J’ai parlé à des gens comme le général Petraeus, l’ancien patron des forces américaines en Afghanistan ou des officiers que j’avais appris à connaître avec le temps. Maintenant, on nous dit que nous cherchons à collecter des infos confidentielles alors qu’on essaie simplement de se faire une idée de l’actualité. On peut juste avoir entendu quelque chose, demander confirmation à des gens, et eux sont capables de dire : "Ecoute, Tom, ce n’est pas 100% exact, je pense que tu ne suis pas la bonne piste". Très souvent, le métier, c'est de solliciter l’avis de gens que l’on connaît sur ce qui se passe en coulisses », explique Tom Bowman, l’une des figures de NPR, la radio publique américaine. À lire aussiÉtats-Unis: les médias américains rejettent des restrictions voulues par le Pentagone La liberté de la presse doit être protégée par le président, selon une ex-correspondante de CNN Certes, le ministère a clarifié ses intentions. Il n’est pas question de relire les articles avant publication. Mais les nouvelles procédures édictées par le gouvernement restent très restrictives. Au total, 21 pages d’instructions qui couvrent aussi bien la couleur des badges de presse que les lieux autorisés pour les liaisons en direct. Les journalistes n’ont plus le droit de se déplacer seuls à l’intérieur du Pentagone. Ils devront systématiquement être escortés. Et l’institution militaire insiste lourdement : les médias qui incitent des fonctionnaires à livrer des informations pourront faire l’objet de sanctions, voire de poursuites. Ce qui revient, qu’on le veuille ou non, à mettre la presse sous tutelle. « Souvenez-vous qu’aux États-Unis, lorsque le président prête serment, il jure de protéger la Constitution. Ce qui inclut le 1ᵉʳ amendement d’où découle la liberté de la presse. Et c’est aussi ce que les soldats s’engagent à protéger lorsqu’ils s’engagent. La liberté de la presse est un droit protégé par la Constitution. Avez-vous le droit de publier des informations confidentielles ? C’est à la justice de répondre à cette question », souligne Barbara Starr, correspondante de CNN au Pentagone pendant plus de 20 ans, entre 2001 et 2022. Tous les journalistes spécialisés dans les questions de défense promettent de continuer leur travail hors du Pentagone. Y compris des médias classés à droite comme Fox News qui ont, eux aussi, claqué la porte en signe de protestation. À lire aussiÉtats-Unis: le Pentagone resserre son contrôle sur les médias
Un hommage lui sera rendu ce samedi à Bayeux, lors de la remise des prix des correspondants de guerre. Antoni Lallican a été tué, la semaine dernière, par un drone dans le Donbass, dans l'est de l'Ukraine. Ce photoreporter de 37 ans est le quatrième journaliste français à avoir perdu la vie dans ce conflit. Une nouvelle mort tragique qui met l'accent sur les difficiles conditions des journalistes sur les terrains de guerre. Une femme âgée caresse un chat dans un abri de fortune, des soldats à l'air grave s'octroient une pause cigarette à la frontière du Haut-Karabakh, des migrants tentent de traverser à pied les Alpes enneigées... L'humain était au centre des photos d'Antoni Lallican. « C'était quelqu'un qui était très sensible à ce qu'il voyait. Ce n'était pas quelqu'un qui allait sur le terrain pour prendre sa photo et puis partait. Il avait à cœur d'aider les gens qu'il voyait, il prenait souvent des nouvelles », raconte son amie, Manon Chapelain, correspondante de RFI en Syrie. « Antoni c'est quelqu'un qui était une référence pour nous, parce que ça faisait, en tout cas pour moi, plus longtemps qu'il travaillait sur des terrains sensibles. C'était quelqu'un à qui on arrivait à beaucoup se confier quand on revenait d'un terrain difficile et qu'on était un peu chamboulé, il avait toujours les mots justes pour en parler et il était très à l'écoute ». Un journaliste expérimenté et respecté Les proches d'Antoni Lallican le décrivent comme un journaliste expérimenté et précautionneux. Le contraire d'une tête brûlée. Rafael Yaghobzadeh est lui aussi photojournaliste. Il couvre depuis longtemps le conflit en Ukraine et était l'ami d'Antoni. « Antoni malheureusement est le troisième collègue qui ne revient plus du Donbass en l'espace de dix ans. En 2014, j'ai eu un premier ami italien, Andrea Rocchelli, qui est mort à Slaviansk. Il y a eu aussi Arman Soldin de l'AFP. Pour me préserver et en étant pas mal entouré de fantômes dans cette région, je ne me suis pas concentré sur cette région, mais j'étais ravi que d'autres comme Antoni s'engagent et s'investissent à couvrir ce qui se passe dans le Donbass ». De nouveaux dangers pour les reporters en Ukraine Toutes nationalités confondues, 14 journalistes ont été tués en Ukraine depuis 2022. Ceux qui continuent de travailler dans la région doivent faire face à un nouveau type de danger : les drones, comme celui qui a causé la mort d'Antoni Lallican. « Des drones FPV, qui sont de petits appareils télécommandés avec un opérateur qui transportent des charges explosives », indique Pauline Maufrais, chargée de mission Ukraine pour l'ONG Reporters sans frontières. « Cette attaque de drone ciblée, qui est une attaque odieuse, elle a eu lieu à 20 km de la première ligne de front. Les risques pour les journalistes c'est que ces frappes soient beaucoup plus en profondeur et plus uniquement sur la ligne de front ». Ce nouveau type de menace peut-il pousser les journalistes à se détourner du terrain ukrainien ? « C'est sans doute l'un des objectifs visés par la Russie : de dissuader une couverture médiatique », répond Pauline Maufrais. Reporters sans frontières et les amis d'Antoni Lallican insistent pourtant : les médias doivent continuer de couvrir le conflit ukrainien. En offrant à leurs journalistes toutes les garanties de sécurité possible. À lire aussiUkraine: le photographe français Antoni Lallican tué dans une attaque de drone
À 24 ans, Golali Karimi, journaliste afghane, a dû abandonner pour la troisième fois son métier. Partie d’Afghanistan en 2021 après la prise de pouvoir des Talibans, elle raconte une pression insupportable de la communauté pachtoune en France. Menaces de mort, intimidations et cyberharcèlement l’ont poussée à quitter son travail de présentatrice à Begum TV. Assise à la terrasse d’un café, Golali Karimi a retiré le masque chirurgical qui l’accompagne sur chacun de ses trajets. Maigre protection qu’elle a trouvée pour affronter la peur qui l’escorte au quotidien. Il y a encore quelques semaines, elle a été agressée verbalement par un groupe d’hommes dans le métro. « Dès mon arrivée en France, lorsque je suis sortie de mon hôtel dans lequel j’habitais provisoirement, on m’interpellait dans la rue », raconte la jeune femme. « Pourquoi tu n’as pas de hijab ici alors que tu le portes en Afghanistan ? Et ça ne m’est pas arrivé une ou deux fois, c’est très fréquent… » Sa célébrité précoce, acquise dans son pays d’origine, l’accompagne aussi en France, tout comme la haine qui l’a poussée à quitter de nouveau son métier de présentatrice pour Begum TV, chaîne de télévision afghane qui diffuse depuis Paris. Lorsqu’elle ouvre son compte Instagram où elle est suivie par près de 80.000 abonné(e)s, sa messagerie est remplie de messages haineux. Chaque jour, les insultes défilent. Parfois des menaces de mort. « J’étais une des rares femmes pachtounes à m’exprimer aussi librement » Devenue journaliste très jeune en Afghanistan, dans la province de Zābol, elle gravit les échelons rapidement. « J’étais une des rares femmes pachtounes à m’exprimer aussi librement, à parler du droit des femmes », se rappelle-t-elle. Son identité pachtoune, ethnie la plus importante du pays (NDLR : il existe aussi des pachtounes au Pakistan), explique selon elle en partie l'intensité du harcèlement qu’elle a toujours subi. Elle estime que les hommes pachtounes sont plus conservateurs. Dès ses débuts, elle raconte les menaces reçues par sa mère. Un climat qui la suit à Kandahar, puis à Kaboul où elle poursuit sa carrière notamment à la télévision pour Shamshad TV. Mais en août 2021, son destin, comme celui de son pays, bascule. Elle poursuit brièvement sa carrière, à tel point qu’elle décroche la première interview du porte-parole des Talibans fraîchement arrivé au pouvoir, Zabihullah Mujahid. « À ma deuxième question, je lui dis : mais le hijab ça n’est pas afghan, on l’a importé de l’étranger, se rappelle en souriant la jeune femme. Il me répond que non, que ça vient d’Afghanistan que sa mère et sa grand-mère le portaient ». Un échange qui intensifie la campagne de harcèlement et de menace, alors elle quitte cette chaîne de télé pour une autre. Mais pour elle, comme pour les 28 millions de femmes afghanes, la vie devient impossible. Golali Karimi part pour la France. « Cela fait plus de quatre ans que j’habite en France et c’est toujours la même chose, dans la rue, dans le métro ». Ses premières années sur le territoire, elle les passe dans différentes villes, notamment Dijon. Mais le calme des premières semaines ne dure jamais. Certains viennent même frapper à sa porte. « C’est un esprit libre, une jeune femme qui ne rentre pas dans les cases et c’est cela qui est combattu », estime Hamida Aman, fondatrice de Bégum TV, ex-employeuse de Golali. Un combat mené par des opposants à sa liberté, sa féminité décomplexée et son style : cheveux courts, maquillage et large sourire. « 3.000 messages » À plusieurs reprises, Golali Karimi va au commissariat, mais rien n’arrête ses détracteurs. Alors, elle reprend son métier, et devient présentatrice pour une émission culturelle en pachto de Bégum TV à Paris. « J’aime mon métier et j’aurais aimé le continuer, pour les femmes en Afghanistan » soupire-t-elle. Car une nouvelle fois, une émission va faire basculer les choses. Début août, elle déclame un poème et critique l’ex-président afghan Ashraf Ghani à l’antenne. Le harcèlement se décuple. « J’ai ouvert mon compte Instagram et j’avais reçu 3.000 messages sur la journée… ». Fragile après la perte de son père, elle abandonne le métier. « Mon travail se trouvait dans le quartier de la Chapelle à Paris où il y a une importante communauté afghane, j’avais trop peur ». Pour la troisième fois, deux fois en Afghanistan et une fois en France, elle abandonne le micro. « En tant qu’employeur, j'avais peur pour sa sécurité depuis longtemps, raconte Hamida Aman, elle a préféré partir parce que la pression était trop forte, et c’est malheureux ». Pour Golali Karimi, cette campagne de haine, physique comme numérique, est organisée ou incitée par des hommes. Dans certaines vidéos, sur Tiktok notamment, des influenceurs appellent, drapeau de l’Afghanistan en fond, pour m’empêcher d’agir, raconte-t-elle. « Ils disent, si nos filles vont à l’école, elles finiront comme Golali Karimi, qui donne des conseils » soupire-t-elle en finissant son café. « Ce sont des soutiens des Talibans, ils disent sur les réseaux sociaux que les talibans sont positifs pour les femmes ». Des accusations impossibles à vérifier. Mais certains l’attaquent ouvertement comme sur ce compte Tiktok, intitulé @Barbad_paktiwal. Fatiguée, usée, elle espère qu’un placement temporaire sous protection policière pourrait lui offrir un sentiment de sécurité. Triste d’avoir abandonnée son métier, elle se tourne maintenant vers la mode et le cinéma. Mais elle explore également la possibilité de quitter une nouvelle fois un pays.
Dans une lettre ouverte, 250 journalistes du monde entier demandent la libération de Frenchie Mae Cumpio. Cette jeune journaliste est en détention provisoire depuis cinq ans. Son procès doit reprendre ce lundi 29 septembre aux Philippines. À 21 ans, Frenchie Mae Cumpio animait des émissions de radio et dirigeait le média d'investigation philippin Eastern Vista. C'est également à cet âge qu'elle a été arrêtée et jetée en prison : elle a aujourd'hui 26 ans. Elle doit ces cinq années de détention provisoire à des accusations de financement du terrorisme et de port d'arme illégal. Pour Reporters sans Frontières (RSF), il s’agit d’un emprisonnement « politique ». Des preuves fabriquées par la police, selon un comité Beh Lih Yi, directrice du Comité pour la protection des journalistes en Asie, évoque également des accusations sans fondement : « Frenchie Mae Cumpio affirme que ses droits juridiques ont été violés. Lors de son arrestation, la police l'a tirée elle et ses co-accusés hors de leur chambre. Pendant ce temps, des armes ont été déposées par la police sur son lit. On les a ensuite interrogés sur ces pièces à conviction une fois ramenés dans la chambre. » Une des nombreuses irrégularités que l'enquête de RSF confirme. Cette dernière découvre même que Frenchie Mae Cumpio est désormais accusée d'un double meurtre. « Notre enquêteur sur place confirme en plus que les versions des témoins se contredisent avec ce qu’ils ont dit au tribunal, assène Aleksandra Bielakowska, porte-parole au bureau de RSF à Taipei et qui a piloté le cas. Ce seul élément devrait valoir l’arrêt des poursuites. » Frenchie Mae Cumpio enquêtait sur les abus de la police et de l’armée Avant son arrestation, la jeune journaliste a également été harcelée et surveillée pendant plusieurs mois. Il s’agit là d’une pratique récurrente de la police philippine, selon Beh Lih Yi : plusieurs cas de « red-tagging » (« étiquetage rouge », littéralement, qui qualifie les opposants politiques de « communistes », « subversifs » ou « terroristes »), concernent aussi les journalistes. Or, les reportages de Frenchie Mae Cumpio avaient toutes les raisons de déranger l'administration Rodrigo Duterte au pouvoir à l'époque. Elle enquêtait notamment sur les abus de la police et de l'armée. « Elle écrivait aussi beaucoup sur des enjeux locaux, abonde Beh Lih Yi du Comité de Protection des Journalistes. Elle vient de Tacloban, la ville la plus touchée par le typhon Hayian, l'un des plus gros de l'histoire. Elle faisait son travail de journaliste pour couvrir la reconstruction et mettre en lumière certains des problèmes qui en découlaient pour la communauté. » « Parodie de justice » L'instruction de son dossier est donc une « parodie de justice », s'exclame la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la liberté d'expression. Entre-temps, le nouveau président philippin Ferdinand Marcos Jr. a pris ses fonctions. Les associations de journalistes attendent qu'il tienne ses promesses pour améliorer la liberté de la presse dans le pays. « Il y a certes un nouveau gouvernement central, mais les institutions locales sont plus résistantes au changement et peuvent être mi-démocratique mi-autoritaire, décrit Jos Bartman, responsable des enquêtes chez l'ONG Free Press Unlimited. C'est maintenant plus facile pour la société civile de parler aux autorités de ces sujets-là. Mais on voit que les cas comme ceux de Frenchie Mae Cumpio peuvent encore arriver sous la nouvelle administration, donc nous sommes un peu déçus. » Le procès de Frenchie Mae Cumpio reprend lundi 29 septembre. Les organisations internationales espèrent que les poursuites seront abandonnées. ►Reporters sans frontières
Au Malawi, enquêter sur la corruption coûte cher. Le journaliste Gregory Gondwe en a fait l’amère expérience. Une fragilité structurelle qui a pesé sur la couverture de la présidentielle. « La première enquête qui m’a mis en difficulté, c’est celle où nous avons tenté d’exposer une affaire de corruption facilitée au sein du bureau du procureur général ». En 2020, Gregory Gondwe, journaliste d'investigation révèle un document secret liant le procureur général au sulfureux homme d’affaires Zuneth Sattar, accusé d’avoir corrompu de nombreux ministres. La riposte est brutale. « Le procureur général a envoyé les forces de l’ordre perquisitionner nos bureaux. Ils les ont mis à sac, m’ont arrêté, et ils ont aussi saisi mes téléphones et mes ordinateurs pour essayer de découvrir qui était ma source », dit-il. Un témoignage qui illustre la persistance des menaces contre la presse au Malawi. Gregory a dû fuir le pays sous la menace des services de renseignement. Il dénonce une culture d’impunité inchangée, quel que soit le régime en place. « En tant que plateforme pour le journalisme d’investigation, nous sommes presque les seuls à révéler des malversations au sein du gouvernement, donc c’est nous qui en faisons les frais… La plupart des autres médias diraient le contraire car eux préfèrent garder un ton consensuel. Sur le papier, on pourrait croire que la presse est libre, mais si elle n’a pas d’ennuis avec le gouvernement, c’est parce qu’elle évite de lui poser les questions qui fâchent », explique-t-il. Cette autocensure a pesé sur la campagne présidentielle « Le gouvernement a réitéré les mêmes promesses qu’il avait faites il y a cinq ans et jamais tenues. Mais les journalistes n’ont pas posé la question difficile : comment être sûrs que ce n'est pas un mensonge ? ». Officiellement, la couverture médiatique est présentée comme un succès. Le Conseil des médias du Malawi met en avant la formation de centaines de journalistes et l’absence de plaintes majeures durant le scrutin. Mais pour son directeur, Moses Kaufa, la pression est avant tout économique : certains annonceurs, souvent proches de partis politiques, menacent de couper leurs financements si la couverture médiatique leur déplaît. « La publicité a été utilisée comme une arme pour attaquer ou museler les médias au Malawi. Nous voyons comment le monde politique ou économique a essayé d’influencer les journalistes avec des incitations financières. Cela a créé des conflits d’intérêts, empêchant les journalistes de servir pleinement le public. Comme les journalistes sont très mal payés au Malawi, ils essaient de compléter leurs revenus avec ce qu’on leur propose, et cela les rend vulnérables ». Beaucoup de rédactions restent dépendantes des financements politiques ou privés. Gregory Gondwe, lui, a cofondé une plateforme non lucrative avec d’autres médias indépendants d’Afrique australe, pour solliciter l'aide des fondations internationales. Une piste encore fragile, mais qui incarne l’espoir d’une presse plus libre et indépendante au Malawi. 
Mario Guevara, arrêté alors qu’il couvrait une manifestation contre Donald Trump, passe son troisième mois en prison sans aucune accusation contre lui. Un dangereux précédent pour la liberté de la presse et la démocratie aux États-Unis. Il est le seul journaliste en prison aux États-Unis. Mario Guevara, journaliste salvadorien primé, présent légalement sur le territoire depuis 2004, a été arrêté en juin dernier en plein reportage. Il approche aujourd’hui des cent jours d’incarcération alors que toutes les poursuites ont été abandonnées. Le 14 juin 2025 était l'une des plus grandes journées de manifestation de l'histoire américaine. Environ cinq millions de personnes descendent dans les rues contre les politiques de Donald Trump. Ils scandent qu'ils ne répondent à aucun roi, aucun tyran. Parmi eux, des journalistes en reportage. Dont Mario Guevara. « Il suivait un cortège en Géorgie, dans une petite banlieue d'Atlanta », raconte Nora Benevidez, avocate chez l'organisation Free Press. « Il était clairement identifié comme journaliste grâce à son gilet avec le mot "Presse" écrit dessus. Et les policiers ont commencé à l'entourer. Ils lui ont demandé de quitter la rue. Rue où il n'était pas initialement. Mais en se repliant pour contourner la police, il a fini par emprunter cette rue ». À lire aussiÉtats-Unis: des manifestations anti-Trump à travers tout le pays, parade militaire pour le président « Un danger pour la société » Voilà Mario Guevara en garde à vue. Heureusement, toutes les poursuites sont rapidement abandonnées. C'est déjà une atteinte à la liberté de la presse, mais ça aurait pu s'arrêter là. Aurait pu car Mario Guevara reste incarcéré... La police de l'immigration intervient. « La raison invoquée par le gouvernement, c'est qu'il serait un danger pour la société. Et que ses diffusions en direct reviennent à surveiller illégalement la police, précise Nora Benevidez. Sauf que ce n'est contraire ni à la loi en Géorgie ni à la Constitution ». Ce journaliste qui a fui la censure du Salvador et réside légalement aux États-Unis fait désormais des allers-retours entre prisons locales et fédérales à cause de son métier. Mario Guevara se retrouve en fait pris entre deux feux. « Il y a deux tendances en jeu, estime Caroline Hendrie, directrice de la Société des journalistes professionnels : d'un côté, il y a une campagne anti-presse. De l'autre, il y a une campagne anti-migrants illégaux. Mario Guevara, même s'il est ici légalement, coche les deux cases ». Bascule autoritaire Les associations pour la liberté s'inquiètent en tout cas du précédent que cela crée. « Je pense que l'exceptionnalisme américain en ce qui concerne la liberté de la presse n'existe plus, assène Katherine Jacobsen, coordinatrice du Comité pour la protection des journalistes. Ce qui est le plus inquiétant, c'est pourquoi le gouvernement voudrait avoir Mario Guevara derrière les barreaux : tant qu'il y reste, il ne peut plus couvrir une communauté dont on parle déjà très peu ». Mario Guevara s'est construit une audience de centaine de milliers d'abonnés en documentant les raids de l'ICE contre les Latino-Américains. L'avocate Nora Benevidez va même plus loin : « Ce sont des signes avant-coureurs d'une bascule autoritaire. Les gens ont du mal à croire que ça puisse arriver aux États-Unis, mais nous y sommes déjà ». Les défenseurs de Mario Guevara s'attendent encore à de nombreux rebondissements judiciaires avant de le voir sortir de prison.
Menaces quotidiennes, agressions, censure : les journalistes de Guinée-Bissau et leurs invités sont régulièrement la cible d'intimidations à l'approche du scrutin, présidentiel et législatif, prévu le 23 novembre. Dernier exemple, deux médias publics de l'ancienne puissance coloniale, le Portugal, ont été expulsés en août. Dans ce climat, certaines radios paient un lourd tribut à leur indépendance éditoriale. Capital FM, l'une des plus écoutées du pays, a été attaquée à deux reprises   La Guinée-Bissau abrite de nombreuses radios privées et communautaires, avec pas moins de 88 stations. La plus populaire, Radio Capital FM, a été attaquée à deux reprises. « Les menaces que l’on reçoit sont fréquentes, nous en recevons presque tous les jours, raconte Lancuba Danso, directeur de l’information de la station. Mais nous avons aussi été physiquement attaqués. En 2020, des hommes ont envahi nos locaux, à l’aube, et ils ont tout saccagé. En 2022, à nouveau, des hommes armés et cagoulés sont rentrés dans notre rédaction, on les a vus casser tout le matériel et ils ont blessé sept de nos collègues ».  Mais les journalistes ne sont pas les seuls à être menacés. Toute personne prenant publiquement la parole à la radio s’expose à de potentielles intimidations ou menaces, ce qui complique évidemment le travail des journalistes. « Quand on invite des chercheurs ou spécialistes, souvent, ils refusent, de peur de ce qui pourrait leur arriver. Et ceci parce que, malheureusement, en Guinée-Bissau, tout est politique, poursuit Lancuba Danso. La santé, par exemple. Le secteur a vécu plusieurs périodes de grèves cette année. L’invité ne pourra pas analyser la question sans mentionner l’inaction du gouvernement. Et s’il le dit, il aura des problèmes. » À lire aussiGuinée-Bissau: les autorités ordonnent la fermeture des médias internationaux portugais À l’approche des élections présidentielles et législatives prévues le 23 novembre la situation semble se tendre un peu plus. En août, les autorités bissau-guinéennes ont ordonné l’expulsion de deux médias publics portugais, fermant leurs bureaux et leurs émissions. Lorsqu'elle a pris connaissance de cette décision, la journaliste portugaise de l'agence de presse Lusa, Helena Fidalgo s'est dite « surprise » : « Je ne m’y attendais pas du tout ! Les autorités ne nous ont donné aucune explication claire et officielle. On attend de savoir ce qui va se passer. » Le Premier-ministre Braima Camará a rompu le silence des autorités autour de cette expulsion, en invoquant une question de « souveraineté nationale » pour justifier la décision. La veille, un autre journaliste de la chaine portugaise RTP, le Bissau-guinéeen Waldir Araújo, a été violemment battu en plein cœur de la capitale. La photo de son visage, tuméfié et ensanglanté, a rapidement circulé sur les réseaux sociaux, et Reporters sans Frontières a dénoncé cette agression. Les assaillants, masqués, auraient dit à Araújo qu’il mérite cette punition pour avoir terni l’image de la Guinée-Bissau. À lire aussiGuinée-Bissau: le président Embalo limoge le gouvernement à l'approche des élections
Le journal Daily Nation en a fait les frais après avoir révélé un scandale impliquant le gouvernement et l’opérateur Safaricom. En juin 2024, au plus fort des manifestations contre la loi de finances, des citoyens dénoncent des disparitions forcées. Le Daily Nation, journal indépendant fondé par le puissant groupe Nation Media, enquête et met en cause Safaricom. En riposte, l’opérateur suspend ses publicités. Une sanction économique qui pèse lourd — et qui devient une arme pour museler la presse. Éclairages Ce sont des plaintes venues de la rue qui ont alerté les journalistes. Des familles ont dénoncé des disparitions inexpliquées de leurs membres après les manifestations contre la loi de finances. Le Daily Nation, décide alors d’enquêter. Très vite, leurs révélations dérangent. L’opérateur Safaricom, au cœur de l’affaire, est accusé d'avoir transmis des données privées des abonnées aux forces de sécurité, facilitant l’identification des manifestants, des organisateurs et de leurs soutiens financiers. Un travail essentiel, mais qui va coûter cher au journal Safaricom suspend ses publicités. Privée de ressources, la rédaction se retrouve fragilisée. À lire aussiKenya: l'opérateur télécom Safaricom dans le collimateur de Reporters sans frontières « Quand il n’y a plus d’argent, la première solution, c’est de réduire les effectifs et renvoyer le personnel. Déjà l'année dernière, Nation Media a licencié beaucoup de journalistes. Y compris, moi-même », raconte Eric Oduor, secrétaire général du syndicat national des journalistes kenyans. Ces pressions économiques, déjà pointées par Reporters Sans Frontières dans son dernier classement, ne viennent pas seulement des entreprises au Kenya. « Ce n'est pas que Safaricom, poursuit Eric Oduor. Le gouvernement aussi a suspendu ses publicités pour sanctionner des médias critiques. Ce sont des tactiques employées par des groupes privés tout comme par le gouvernement pour faire taire les médias simplement parce qu'ils ont fait leur travail ». Dans ce contexte, l’autocensure s’installe Pour beaucoup de journalistes, choisir le silence devient parfois... une question de survie. « Certains journalistes préfèrent éviter certains sujets, de peur d’être poursuivis en diffamation. Le risque de perdre son emploi ou de devoir assumer seul des frais d’avocat suffit à dissuader d'enquêter — même les plus déterminés », regrette encore le secrétaire général du syndicat national des journalistes kenyans. La répression ne s’arrête pas là Récemment, quatre journalistes travaillant sur un documentaire de la BBC, qui dénonçait la répression sanglante des manifestations, ont été arrêtés. Ils demandaient au gouvernement de rendre des comptes. Libérés depuis, leurs ordinateurs et téléphones sont toujours confisqués. « Un avertissement clair adressé à toute la profession, selon Eric Oduor, C’est de l’intimidation. C'est un message adressé aux journalistes. Si vous touchez à des sujets sensibles, on viendra vous chercher ».  Pour lui, cette spirale ne doit pas devenir la norme. Il plaide pour un sursaut collectif afin de défendre la liberté de la presse au Kenya : « Il faut défendre nos droits, offrir une assistance juridique, former les journalistes à travailler en environnement hostile, et faire appliquer les lois qui protègent la liberté de la presse. Il faut aussi interpeller les employeurs : garantir un climat de travail digne et sécurisé, c’est leur responsabilité ». Un bras de fer désormais porté devant la justice Safaricom a déposé plainte contre Nation Media Group le 3 avril dernier pour diffusion de fausses informations. L’affaire est toujours en cours.
Qu’est-il arrivé à Yonas Amare, journaliste chevronné en Éthiopie ? Le rédacteur en chef du quotidien The Reporter a été enlevé par des hommes masqués le 13 août 2025. Dix jours plus tard, toujours aucune nouvelle. Deux autres journalistes ont, eux aussi, disparu, dans le silence total des autorités. Une omerta inédite, qui inquiète à l’approche des élections générales de 2026. Reporters sans frontières (RSF) confirme ce durcissement : l’Éthiopie a perdu quatre places dans son dernier classement mondial de la liberté de la presse. Un contraste spectaculaire avec les promesses d’ouverture du Premier ministre Abiy Ahmed. Le 5 août, Khadar Mohammed Ismael, journaliste à la Somali Regional Television, est arrêté pour un simple post sur facebook, sans chef d’accusation. Six jours plus tard, Abdulsemed Mohammed, animateur radio, disparaît et ne réapparaît que trois jours après, accompagné des policiers. Le 13 août enfin, Yonas Amare, rédacteur en chef du quotidien The Reporter, est enlevé devant son domicile par des hommes masqués. Depuis, plus aucune nouvelle.  La répression contre la presse n’est pas nouvelle en Éthiopie, mais elle a franchi un nouveau cap ces derniers mois, explique Muthoki Mumo, coordinatrice Afrique au Comité pour la protection des journalistes (CPJ). « Les journalistes étaient souvent arrêtés en Éthiopie, mais en général, au bout de quelques jours, on savait où ils se trouvaient, dans quel commissariat. Ou bien, ils étaient présentés devant un juge. Même pendant la guerre civile, lorsque certains disparaissaient, il y avait au moins une information sur le lieu de détention. Dans le cas de Yonas, on ne sait ni qui l’a enlevé, ni où il est. Que cela dure aussi longtemps, sans aucune nouvelle, est profondément inhabituel et extrêmement inquiétant », alerte-t-elle. Pour le CPJ, ce vide d’information installe la peur dans les rédactions et menace la qualité de l’information. « Cela envoie un message de peur très fort. On ne sait pas qui l’a enlevé ni pourquoi. Alors chacun se dit : "est-ce que ça pourrait m’arriver demain ?" C’est un très mauvais signe, car en période électorale, la population a plus que jamais besoin de journalistes au meilleur de leur forme, capables d’informer sur ce qui se passe », estime sa coordinatrice. Pour l'ONG Reporters sans frontières (RSF), ces disparitions reflètent une tendance plus large, l’Éthiopie ayant en effet perdu quatre places dans son classement mondial et figure désormais parmi les pays les plus répressifs. « S’ils ne sont pas enlevés, ils sont détenus sur la base de motifs fallacieux : accusations de terrorisme, d’incitation à la violence, de menaces contre l’ordre constitutionnel… Certains ont même été accusés de vouloir renverser le régime, notamment dans la région d’Amhara », détaille Sadibou Marong, directeur Afrique subsaharienne de RSF. Une autre stratégie d'intimidation, selon RSF : contrôler le narratif politique, à l’approche des élections législatives : « On est dans une phase où les autorités veulent verrouiller le récit autour des enjeux cruciaux du scrutin. Pour cela, elles arrêtent et emprisonnent des journalistes qui ne font que leur travail. » Une dérive d’autant plus paradoxale que l’arrivée d’Abiy Ahmed en 2018 avait suscité de grands espoirs d’ouverture démocratique. « Il y avait beaucoup d’espoir à son arrivée. Mais tout cela s’est effondré : arrestations arbitraires, enlèvements, surveillance inouïe. Les journalistes ne peuvent plus se sentir en sécurité dans le pays », regrette Sadibou Marong. Pour les ONG, si les journalistes sont réduits au silence, c’est la crédibilité même du scrutin de 2026 qui sera menacée. À lire aussiÉthiopie: Amnesty dénonce une réforme qui risque de «réduire à néant l'espace civique»
Les cafés littéraires ont longtemps été une tradition française. Au XVIIIe siècle, on s’y retrouvait pour élaborer des idées. Menaces sur l’information nous emmène aujourd’hui dans une sorte de café littéraire... Un établissement très original. The Dissident Club a été lancé il y a cinq ans par un journaliste pakistanais exilé politique. On y parle français et anglais. On peut débattre de l’actualité internationale ou de religion. Aucun sujet n’est interdit.  C’est dans le centre de Paris que The Dissident Club accueille militants, journalistes ou anonymes, que ce soit pour débattre, écouter du jazz ou assister à une projection… « On est venu parce qu’on travaille dans le quartier et qu’on était intrigué par le thème et la devanture. Maintenant, notre curiosité est aiguisée. On ne sait pas encore de quoi parle le film, mais en tout cas, je vais aller chercher sur internet et probablement acheter la BD à terme ». La BD, qui, elle aussi s’appelle Dissident Club, c’est l’histoire de la jeunesse du patron. Taha Siddiqui est un journaliste pakistanais, prix Albert-Londres en 2014. Il a survécu à un enlèvement des services secrets de son pays en 2018. Son réseau d’amis journalistes l’aide à venir en France. Chapeau sur la tête malgré la chaleur, Taha Siddiqui raconte qu’à son arrivée, il était un peu perdu. « On est très seul dans l’exil. Vous perdez tout : votre maison, votre travail, votre famille et vos amis ». Un endroit unique Au début Taha Siddiqui pense rester quelques mois et rentrer au pays. Mais les autorités françaises le préviennent. Son nom figure sur une liste noire. Il est en danger de mort au Pakistan et va devoir vivre en France. Il décide alors de créer ce bar ouvert aux dissidents du monde entier. C’est sa nouvelle famille. « Pour moi c’est un endroit unique. Et beaucoup de gens m’ont dit la même chose. Aujourd’hui, un bar qui organise des évènements intellectuels avec des dissidents en exil, c’est très exceptionnel ». Être réfugié politique ne signifie pas être totalement protégé, dit-il notamment à cause de ce que l’on appelle la répression transnationale – autrement dit la surveillance par certains gouvernements de leurs opposants politiques à l’étranger. « Ici, en France, j’ai reçu des menaces sur mon portable. Il y a quelqu’un qui surveille mon bar, et qui est connecté avec l’ambassade du Pakistan et l’ambassade de Chine. Mes amis chinois ont reçu de nombreuses menaces. Mes amis russes et iraniens m’ont dit la même chose. La répression transnationale nous inquiète beaucoup. Plusieurs exilés pakistanais sont morts dans des conditions suspectes. Il y en a eu un en Suède en 2020. Un autre, au Canada. Aux Pays-Bas, un homme a été arrêté alors qu'il se préparait à tuer un militant actif sur les réseaux sociaux ». Transformer la colère en énergie positive Taha Siddiqui ne fait plus de reportages. Il écrit des analyses, et défend la liberté de la presse. Il s’est aussi occupé de sa santé mentale. Il avait une grande colère en lui, parce qu’il n’avait plus le droit de retourner dans son pays. Il était puni, pas pour avoir fait quelque chose de mal, mais pour avoir fait son travail. Pour avoir essayé d’améliorer les choses dans son pays. « Je reste en colère. Mais j’ai canalisé ma colère dans une énergie positive ». Cette énergie positive c’est l’établissement The Dissident Club et la bande dessinée Dissident Club sur sa vie qui est sortie en 2023 et a été déjà traduite en quatre langues. Taha Siddiqui vient d’assurer la promotion de la sortie au Royaume-Uni. Le journaliste apprend actuellement la langue française. C’est l’une des conditions à remplir pour pouvoir demander la nationalité française.
Le 19 juin dernier, le Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix Rouge (CICR) a été attribué au photojournaliste palestinien Saher Alghorra. Un prix qu’il recevra officiellement le 3 septembre à Perpignan lors du festival Visa pour l’Image. Depuis plus de 21 mois, ce Gazaoui documente la vie quotidienne de la population prise au piège dans la bande de Gaza. Il capture ainsi des scènes de survie, de douleur, mais aussi de résilience, au plus près des familles dans une série intitulée We Have No Escape (Sans Issue, en français) « Je serai exposé cette année et j’espère pouvoir être présent à la cérémonie de remise des prix, si Dieu le veut. C’est extrêmement important pour moi que les photos de Gaza soient exposées devant un large public, surtout devant ceux qui prennent les décisions. Dans l’espoir que ces images puissent contribuer à faire cesser le génocide dont nous sommes victimes », avance le lauréat du Visa d’or humanitaire du CICR. Saher Alghorra a 28 ans. Il travaille comme photojournaliste depuis 2018, il collabore avec le New York Times et habite dans la ville de Gaza. Du moins actuellement. Parce qu'à cause des frappes israéliennes incessantes, des demandes d’évacuations en cascade, du manque de nourriture, d’eau, d’électricité ou d’internet, du manque de vie dans cette enclave ravagée et massacrée par plus 21 mois de guerre, il a été déplacé plus de cinq fois.  La vie classique d’un journaliste, d’un photographe n’existe plus à Gaza depuis longtemps, précise-t-il. « Il n’y a pas un seul jour “normal”. Depuis le début de la guerre et jusqu'à maintenant, nous n’avons pas connu un seul jour banal. Par exemple, on n'a même jamais réussi à prendre un jour de repos, on est constamment en "stand by”, en état d’alerte, prêt à intervenir s’il se passe quelque chose. Parfois, on meurt d’envie de se poser, de se reposer, de s’éloigner un peu de ce qu’on voit, de changer d’air. Mais avec la rapidité et l’intensité de tout ce qui se passe, c’est impossible. On a même plus le temps de s’asseoir avec nos amis, notre famille, tous les gens qu’on aime. Donc rien n’est normal ici. On s’endort et on se réveille avec ces mêmes scènes de mort, de destruction, d’adieux. » « Nous sommes un peuple attaché à la vie » Saher Alghorra raconte ce quotidien, celui de tous les Gazaouis. Des femmes compressées, visage crispées, pour essayer d’obtenir à manger dans des takiya, ces cantines communautaires, aux masses de civils déplacés qui tentent de rejoindre le nord de l’enclave côtière.   Ses photos sont fines, justes, emplies d’humanité et ne cachent pas la misère, mais la raconte sans misérabilisme. Car c’est ça aussi Gaza. « Nous sommes un peuple attaché à la vie, un peuple qui aime la vie. À travers mes photos, j’essaie justement de trouver une part de positif, la part d’espoir à laquelle les gens s’accrochent encore malgré toutes les difficultés. Mon message au monde, c’est que nous sommes un peuple qui mérite de vivre. Qu’on s’accroche. Et si Dieu le veut, un jour viendra, on aura enfin le droit à cette stabilité et de vivre normalement. » Car aujourd’hui, en tant que photojournaliste à Gaza, on ne peut plus que rêver, précise-t-il, avant d’ajouter que même rêver est devenu un luxe dont tous les Gazaouis sont privés. À lire aussiAbdulmonam Eassa, photographe syrien, Visa d’or humanitaire du CICR
Début juillet, la journaliste indienne Sneha Barve enquêtait sur la construction illégale d'un terrain proche d'une rivière, quand elle a été attaquée par l'accusé, un homme d'affaires proche de politiciens locaux. Tombée inconsciente, hospitalisée pendant plusieurs jours, elle se bat aujourd'hui pour continuer son enquête et faire arrêter son agresseur, qui est toujours libre. Sneha Barve est en train d'enquêter sur la construction apparemment illégale d'un bâtiment qui empiète sur les bords d'une rivière, dans un village près de Pune, à l'ouest de l'Inde. Devant la caméra, la journaliste explique que cela pourrait entraîner l'inondation du marché local, quand l'accusé s'en prend à elle.  « J'ai demandé à lui parler, mais il m'a repoussé. J'ai donc parlé aux voisins de ce problème, et il a pris peur, raconte-t-elle. Il a alors pris un bâton et m'a frappé violemment sur la tête. Je suis tombée inconsciente, et je me suis réveillée deux jours après à l'hôpital. » Deux semaines après l'attaque, Sneha porte toujours une minerve. Elle souffre de fractures au dos et d'une commotion cérébrale et a d'horribles maux de tête quand elle parle pendant plus d'une minute. Mais alors que l'attaque a été filmée, la police n'a enregistré qu'une plainte pour intimidation et n'a même pas arrêté l'accusé. Ce dernier est un homme d'affaires important dans la région, proche d'un parti influent et la police chercherait à le protéger, dénonce Geeta Seshu, co-fondatrice de l'association Free Speech Collective, qui soutient la journaliste : « Le message est très clair : les autorités n'ont aucun respect pour le travail des journalistes. Et leurs membres ou partisans peuvent faire la loi eux-mêmes et il n'y aura aucunes représailles. » À lire aussiInde: une journaliste d'une chaîne de télévision en ligne violemment attaquée dans la ville de Pune « La police doit le poursuivre pour tentative de meurtre » Cette situation met Sneha en danger. Pendant que nous lui parlons, elle reçoit un message de ses parents : des proches de l'accusé se trouvent dans son village et demandent où elle habite. Cela n'intimide cependant pas la journaliste de 29 ans, fondatrice de ce média local, Samarth Bharat Pariwar.  « Je ne vais pas m'arrêter. Je vais me rétablir et continuer à me battre pour que cette information soit connue, et que l'accusé soit condamné. La police doit le poursuivre pour tentative de meurtre et l'arrêter. » C'est la deuxième fois que Sneha Barve est victime d'une tentative de meurtre liée à son travail. La dernière fois, Sneha a failli se faire écraser, mais la police n'avait pas pris sa plainte au sérieux. Dans cette région du Maharashtra, un autre journaliste n'a pas eu autant de chance : il y a deux ans, Shashikant Warishe avait dénoncé l'accaparement de terres par un homme louche, pour la construction d'une raffinerie. L'agent immobilier accusé, furieux, a alors tué le journaliste en lui roulant dessus. Il est aujourd'hui accusé d'assassinat et se trouve en détention provisoire.
En Géorgie, la journaliste Mzia Amaghlobeli, arrêtée le 11 janvier dernier, est en détention provisoire depuis plus de six mois. Son procès aura lieu le 1er août prochain. Cette figure réputée du journalisme indépendant est accusée d’avoir giflé un policier lors d’une manifestation contre le pouvoir. Elle risque jusqu’à sept ans de prison.  Mzia Amaghlobeli a été arrêtée une première fois à Batoumi dans l’ouest de la Géorgie pour avoir tenté d’apposer un autocollant annonçant une manifestation contre le gouvernement. Puis une deuxième fois à sa sortie pour avoir giflé un membre des forces de l’ordre. C’est cette altercation qui lui vaut aujourd’hui une vie en cellule. Une arrestation symbolique dans une Géorgie sous pression Cette journaliste de 50 ans a fondé deux sites d’information respectés : Batoumelebi et Netgazeti. C’est la première fois dans l’histoire de la Géorgie indépendante qu’une journaliste est ainsi ciblés. Caoilfhionn Gallagher est une avocate internationale spécialisée dans les droits humains. Elle s’occupe de cette affaire. « Je m’occupe de l'affaire Mzia, car elle est d'une importance capitale... Pour Mzia elle-même, pour la Géorgie et pour le journalisme international. C'est un nouvel exemple d'un régime autoritaire qui tente d'instrumentaliser la loi pour faire taire une journaliste qui dit la vérité au pouvoir. Je suis très préoccupée par cette affaire. Cette affaire est montée de toutes pièces, injustifiée et disproportionnée. C'est une instrumentalisation de la loi contre elle. Tous les outils juridiques de la Géorgie sont utilisés pour tenter de réduire cette femme au silence. Le monde devrait regarder ce qu’il se passe parce que c'est un véritable test pour le système géorgien. Mais c'est aussi un test pour la communauté internationale. On verra comment elle réagit à la situation actuelle en Géorgie ». La communauté internationale regarde. Quatorze pays, dont la France, demandent la libération de Mzia Amaghlobeli. Sans compter que des représentants de pays européens assistent régulièrement aux audiences, ce qui est rarissime. Le pouvoir en Géorgie est aux mains d’un parti : le rêve géorgien qui ne cesse de s’éloigner de l’Union européenne pour se rapprocher de la Russie et de réduire les libertés individuelles. La population, elle, continue de manifester quotidiennement depuis 241 jours maintenant. Les attaques contre la presse se multiplient depuis plusieurs mois. Le gouvernement a adopté quatre lois pour entraver le travail des journalistes. La dernière en date interdit tout financement étranger des médias audiovisuels et élargit le pouvoir de censure de l’autorité qui chapeaute les médias. Mzia Amaghlobeli, figure de la résistance journalistique en Géorgie Déterminée et résistante, Mzia Amaghlobeli a fait de son emprisonnement un combat. Lors de la première audience, le 14 janvier, elle avait brandi le livre Résistez aux dictateurs, de la journaliste philippine Maria Ressa, Prix Nobel de la paix. Elle a aussi mené une grève de la faim pendant 38 jours, avant de l’interrompre à la demande de ses proches. Le procès de Mzia Amaghlobeli aura lieu le 1er août.
Menaces sur l’information nous emmène en RDC aujourd’hui. À la rencontre de Amisi Musada Émérite. Rédacteur en chef du site d’information « Debout RDC » à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, dans l’est du pays, théâtre des hostilités entre l’armée congolaise et le groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda. Amisi Musada Émérite a été enlevé, le 15 avril dernier, à cause d’un de ses articles publiés sur la guerre dans l’est de la RDC. Quatre jours de séquestrations, de tortures, il a même subi des agressions sexuelles, avant d’être libéré et de s’exiler pour sa sécurité. Reporters sans frontières dénonce l’impunité autour des agressions contre les journalistes dans l’est de la RDC. 
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