En regardant de vieux films de science fiction qui imaginaient, il y a des décennies, l’époque dans laquelle nous vivons aujourd’hui, on s’amuse souvent en se disant “Comment ont-ils pu penser que ça allait se passer comme ça ?” Comment en 1980, on pouvait penser que 40 ans plus tard, les voitures voleraient, qu’on aurait colonisé des planètes ou que des robots-policiers nous assureraient un monde sans crime ? Ce qui nous amuse là dedans, c’est probablement le décalage entre le fantasme des artistes et ce qui pourrait être une vision réaliste et documentée de l’avenir des villes et de nos sociétés. En 1956, le philosophe Gaston Berger prononçait un discours dans lequel il parlait de la nécessité de repenser le monde. Il posa ainsi les bases d’une discipline nouvelle, la prospective, autrement dit “L’étude des futurs possibles”.
Le futur fascine. Il nous invite à rêver, à penser, à questionner notre humanité et nos constructions sociales. Mais depuis quelques décennies déjà et la prise de conscience de l’impact de nos activités sur la planète, notre vision du futur est devenue indissociable du devenir des espèces animales, végétales, des sols et des océans. Les menaces qui pèsent sur l’environnement inquiètent, mais elles mobilisent aussi les scientifiques, les activistes, les jeunes générations afin d’imaginer comment le futur pourrait être plus vert, moins gourmand en ressources naturelles et plus durable pour nos sociétés. Faire respirer les villes, c’est le défi majeur qui s’adresse aujourd’hui aux prospectivistes.
Inquiétant, dangereux, dystopique… le futur tel qu’on l’imagine n’est pas toujours rassurant. Mais il porte aussi en lui la possibilité de gommer les erreurs du passé, rectifier les injustices du présent. Le futur est un terrain de jeu pour l’imaginaire, dont se sont emparés de nombreux artistes, de Jules Verne à Ridley Scott. Tracer les scénarios des futurs possibles, tel que tente de le faire la prospective, c’est avant tout une histoire de récits. Poser les idées de ce qui sera, imaginer la suite de l’histoire d’une société qui cherche à contrôler sa mutation. Pas étonnant donc que la science flirte parfois avec l’art.
Imaginer le futur, c’est un exercice passionnant. Mais arrive un moment où il faut faire des choix, mettre en œuvre des chantiers. En bref, planifier les grandes transformations à venir. C’est ce que les prospectivistes appellent l'atterrissage. Autrement dit, le moment où les scénarios trouvent une forme concrète dans la réorganisation d’une ville ou d’un territoire. Alors on planifie. Comme dans une course d’orientation, avoir un plan c’est avoir une direction connue et maîtrisée pour l’avenir, des intentions claires et assumées. Alors pas de panique, on a un plan !
Que va-t-on laisser aux générations futures ? Quand on se pose cette question, on sous-entend que nous sommes, toutes et tous, responsables de l’avenir qui se crée dès aujourd’hui. Pourtant l’exercice de la prospective, cette étude des futurs possibles, peut sembler, quand on est profane, réservé à une élite intellectuelle. Une affaire d’experts qui se règlerait dans des bureaux d’étude ou des cabinets de mairies. Quel rôle pouvons nous jouer, vous et moi, dans le dessin des trajectoires du futur ?
Au cours de ce podcast, nous avons rencontré des urbanistes, des architectes, des chercheurs, des philosophes, des biologistes. Une cohorte d’experts qui travaillent toutes et tous à des projets prospectifs. Ils nous ont apporté leur éclairage sur les principes, les méthodes et les valeurs qui font de la prospective un outil redoutable pour concevoir l’avenir des villes. Mais soyons honnête, tout cela peut encore sembler très théorique, pour qui n’y a jamais participé. Alors, rien de tel qu’un cas pratique. Pour conclure, intéressons-nous à une étude prospective actuellement en cours. Et ça se passe au cœur des Alpes, sur le territoire du Grand Annecy.