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Nova Stories
Author: Radio Nova
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© Radio Nova
Description
Des récits avec, pour, par, autour de la musique. Une histoire des chansons de luttes francophones, les musiques de 1968, la Censure et la musique, Musique et Jeux Vidéos ou encore entre autres une histoire des drogues en musique…
32 Episodes
Reverse
En septembre 2011, la musique française se réveille orpheline. Le nom de DJ Mehdi est partout. Les hommages pleuvent, de A-Trak à Feadz, en passant par Drake, Pharrell, Disiz la Peste, Cut Killer, la Mafia k1 fry, Para-One, Brodinski, La Caution, Justice et toute la clique d’Ed Banger évidemment. Ce sont aussi des milliers de fans - des Hauts-de-Seine, du 94, du 11ème arrondissement, d’Ibiza, de Miami, de Londres, qui ont l’impression de perdre un proche tant sa musique leur était familière. Dans tous les médias musicaux, peu importe leur chapelle, mais aussi dans les journaux plus généralistes - on parle de Mehdi et ça fait drôle de voir Le Figaro parler de la Mafia K1 Fry ou mentionner, et je cite, les emblématiques Rim’K, AP et Mokobé du 113. Et depuis, à chaque anniversaire de sa mort, on a eu le sentiment que l’émotion était toujours aussi vive. C’était il y a 10 ans, et peu de choses ont changé. Enfin si, il y a quand même quelque chose qui a changé : la musique française elle-même. Aujourd’hui, en 2021, quand on entend du rap mâtiné de nappes et de sonorités électroniques, ça ne surprend personne. Que des artistes de hip hop croisent des DJ de techno ou de house sur une même scène de festival, encore moins. C’est comme si tout le monde avait fini par comprendre ce que DJ Mehdi avait compris à la fin des années 90 : que le hip-hop et les musiques électroniques étaient en fait une seule et même affaire de famille. Notamment quand elles cherchent à nous faire danser. En cela, bien sûr, il était un pionnier, un avant-gardiste, un visionnaire qui aimait le mouvement. Plus que ça, il nous a transmis cette idée généreuse de la musique : bien avant les autres il a préparé le terrain pour que la musique du futur soit moins cloisonnée. C’est un peu grâce à lui que les mélomanes du 21ème siècle sont prêts à danser sur tous les styles.Il est aussi la preuve qu’avec douceur, curiosité, gentillesse et sérénité on peut changer réellement les choses. Et mine de rien, dans cette époque où certaines valeurs vacillent - ça aussi c’est un exemple à suivre. Rest In Beats DJ Mehdi - en guise d’au revoir, on va écouter un hommage que A-Trak, son ami et collaborateur, lui avait rendu. Un mini-mix émouvant, qui va sans doute nous rappeler que DJ Mehdi aurait préféré nous faire danser plutôt que de nous faire pleurer.
Quand son album solo ‘Lucky Boy’ sort en 2006 sur Ed Banger, DJ Mehdi a déjà une aura à l’internationale. La BBC ou Pitchfork chroniquent son disque. Mais à chaque fois ils le présentent comme un ‘debut album’, et acclament son créateur fort prometteur. Ils ignorent tout du passé de Mehdi. Ils n’ont aucune idée de qui est Fabe, Diam’s ou Booba, de l’importance de la Mafia K1 Fry, ou de ces deux décennies de rap français qui ont été façonnées par leur “jeune découverte”. Ils ne savent même pas qu’il a sorti un premier disque 4 ans avant - (The Story of) Espion - passé relativement inaperçu. Mais Mehdi lui ne s’offusque pas de cette réécriture du passé - au contraire. Parfois, il le mentionne en interview, par exemple quand on lui demande comment il connaît le DJ A-Trak. A d’autres moments, DJ Mehdi ne le précise même plus. C’est que l’avenir est devant lui : dans la tournée mondiale de Justice, dont il fait les premières parties, ou avec A-Trak son ami qui est aussi l’ancien DJ de Kanye West avec qui il fait un ‘Walkie Talkie Tour’ à travers les Etats-Unis. Lui qui a connu les folies des tournées de la Mafia K1 fry dans les années 90, revit ça 10 ans plus tard. Dans le DVD Across The Universe, filmé par Romain Gavras, pendant la tournée de Justice - on l’aperçoit, timide, rieur, heureux de voir des milliers de personnes transpirer sous le gros son d’Ed Banger. Son son à lui d’ailleurs évolue, et un des morceaux qui incarne le mieux ça est son “Pocket Piano” qui sort en 2008 sur la compilation ED Rec, vol 3. C’est aussi le nom d’un EP qu’il sort la même année, et où on découvre le morceau Tunisia Bambaataa - et ça c’est tout lui. En 2009, il sort des compilations où l’on croise Architecture in Helsinki, Chromeo, Sébastien Tellier - et puis il monte avec Riton un nouveau groupe qu’il nomme Carte Blanche. Parce que c’est plus marrant la vie à deux, et parce que pour la première fois DJ Mehdi a envie de faire un projet qui n’a plus rien à voir avec le hip hop, il veut s’autoriser à commencer autre chose. Pour lui Carte Blanche n’a plus grand chose à voir avec le hip-hop et c’est sans doute comme ça qu’il envisageait une partie de son avenir musical. L’essentiel pour lui, c’était d’essayer des choses, sans oeillères, de traduire en son les idées qu’il avait dans sa tête. En 2011, c’est ce qu’il avait raconté à Isadora dans un bout de son Dans Les Oreilles jamais diffuséEn 2011, un soir du 13 septembre, DJ Mehdi fait une chute mortelle chez lui, entouré de ses amis. Le choc est immense, pour ses proches, pour ses amis, pour le public. Toute l’industrie musicale est en deuil. Il n’y a pas de mots pour dire l’injustice d’un tel accident, mais on peut tenter de raconter l’héritage qu’il a depuis laissé, et c’est ce qu’on fera dans le dernier épisode de cette nova story consacrée à DJ Mehdi.
En 2003, la Mafia k1 Fry sort son premier album collectif : La Cerise sur Le Ghetto. Tout le monde est là : Manu Key, le 113, Intouchable, Rohff, Teddy Corona. Même Kery James a fait le déplacement. Seul manque à l’appel DJ Mehdi. Dans le DVD qui accompagne l’album, le fameux Si Tu Roules avec la Mafia il s’en explique un peu : Après ça, la Mafia k1 fry se moque gentiment de lui, et de ses sons trop rock’n’roll. Mais c’est comme ça : l’énergie créative qui lui reste, Mehdi a envie de la mettre ailleurs. Il veut écrire sa vie avec une autre bande-originale et une autre bande de potes, qui sont les gars d’Ed Banger ou de Kourtrajmé. Entre eux, ils s’appellent entre eux les PDK (Professionnels du Kiff) et les PDV (Professionnels du Voyage) - et ils n’ont pas tort. Pour lui, les choses bougent vite au début des années 2000 : il bosse avec Keziah Jones, Matthieu Chedid, Asian Dub Foundation, il collabore avec Desplechin sur la bande-originale de Rois et Reines, compose celle de Sheitan, Taxi 3, Mégalopolis, il traîne avec la clique de Kourtrajmé. Et c’est grâce à un autre CD/DVD, qui sort 2 ans après celui de la Mafia k1 fry, qu’on peut mesurer la distance qu’il a parcouru. C’est l’époque ‘Des friandises pour ta bouche’ : une bande-son qu’il compose par pur plaisir, sans ambition commerciale, artistique, acoustique. Juste, Mehdi essaie de partager la musique qu’il a dans sa tête, et l’esthétique de Kourtrajmé ressemble davantage à sa vie.Et puis en 2006 - il sort un deuxième album en son nom. Cette fois il ne se considère plus comme un espion mais comme un type qui a eu une chance folle d’en arriver là. “Lucky Boy” : c’est le nom de ce disque dont la pochette, iconique, est dessinée par So-Me. Pendant 45 minutes, DJ Mehdi se présente tel qu’il est. Inclassable. On entend de la funk, des nappes digitales. Et quand les gens lui demandent comment il qualifierait ce disque, il l’affirme. C’est un disque de hip-hop, un disque de breakdance. Parce que, dit-il, le hip hop des années 2000 c’est ça, c’est un son nouveau. D’ailleurs, Booba ne s’y trompera pas en lui demandant de faire l’instru de ‘Couleur Ebène’ en 2006. Et c’est grâce à cette vision, cette modernité qu’on entendait peu en France à l’époque que DJ Mehdi va s’imposer aussi à l’internationale. Mais ça, c’est une autre histoire, qu’on vous raconte au prochain épisode.
La transition de DJ Mehdi vers la musique électronique, elle s'est faite de manière progressive, entre la fin des années 90 et le début des années 2000. Lui qui est pourtant réputé produire les choses à l’instinct et avec rapidité va mettre longtemps avant d’assumer sortir son premier album en son nom, sur son propre label, qu’il appelle Espionnage en hommage à John le Carré. Ce label pourtant c’était déjà un premier pas vers l’indépendance, en tout cas il l’imaginait comme une carte de visite pour présenter la variété de ses goûts et de ses productions. Un endroit où il osait déjà héberger des créations hybrides, surprenantes, certains vieux amis et d’autres choses plus futuristes. Mais oser passer de l’ombre à la lumière, pour de vrai, ce n’est pas simple. Et c’est finalement en 2002 que sort ce disque, The Story of Espion - qui est l’histoire d’un infiltré, d’un caméléon qui tente pour la première fois se montrer sous ses vraies couleurs pour dire son amour pour les mélodies, les entrelacs musicaux. Mais il n’avance pas seul, il s’arme de quelques featurings, avec Diam’s, Rim'k, Karlito. Et s’il se perd un peu, c’est peut-être parce qu’il essaie de concilier les deux publics, en espérant plaire à deux mondes qui à l’époque, à part dans quelques sphères un peu puristes, se tournent le dos : le hip hop et l’électro. Ce disque ne marche pas comme il l’espère, et lui restera longtemps en travers de la gorge. Pudiquement, DJ Mehdi l’évoquera comme un regret, sans préciser ce qu’il a regretté. Il dira à d’autres moments que malgré l’échec commercial cet album correspond à une époque de grand bonheur et de libération qui ne s’oublient pas. Et puis sans lui, Lucky Boy ou Megalopolis - qui feront sa joie et son succès quelques années plus tard - n'existeraient pas. Avec le recul, on peut aussi se demander si le public français n’était pas trop divisé pour aimer une œuvre de synthèse comme celle-ci. Mine de rien, réunir dans un seul et même disque deux univers musicaux à ce point étranger l’un à l’autre, c’était une démarche de pionnier. En tout cas, après ce premier album, Mehdi prend un peu de temps et la décision de se réinventer pour de vrai. Et c’est pas grave si ses amis du 113 se moquent de lui quand il porte une petite veste cintrée qui brille et une barbichette. Il apprend à assumer qu’il fait partie d’un nouveau monde, d’une hype qu’il a sans doute raillée quand il était plus jeune. C’est comme s’il était nécessaire pour lui de s’éloigner un peu de son passé. C’est en à partir de ce moment là, en tout cas qu’il commence sincèrement à prendre plaisir en tant que DJ de clubs, associé à Ed Banger. À même pas 25 ans, DJ Mehdi commence vraiment sa seconde vie, et s’apprête à devenir le Lucky Boy qui nous a tous fait danser. Mais ça on le raconte dans le prochain épisode. En attendant, on écoute un morceau évocateur de ce premier album : Breakaway qui parle de rupture et d’échappée belle.
En 1997, les Daft Punk sortent l’album Homework. Comme beaucoup, DJ Mehdi tombe sous le charme. Qui sont ces deux types qui samplent Barry White, les Bar Kays, Billy Joel et qui dans la chanson ‘Teachers’ citent Dr Dre et George Clinton à côté de Paul Johnson ou Lil Louis ? Eux qui produisent sur le même genre de machines n’en arrivent pas du tout au même résultat. Mais alors à quel moment leurs chemins divergent ? Cette question là, Mehdi commence à se la poser à la fin des années 90, et quand il réalise que c’est notamment une question de tempo il propose à Manu Key de produire des instru qui ne vont plus à 96 bpm mais qui montent à 120 battements par minutes. Mais il y a plus de 20 ans, en France, ce n’est pas le genre de truc qui se faisait. Alors Mehdi commence à composer dans son coin des morceaux instrumentaux, ultra filtrés, pour le plaisir de la nouveauté et parce qu’il a envie de les faire écouter aux DJ qu’il fréquente. Zdar, Bangalter, Boombass les trouvent super. Mais ils ne sont pas les seuls : quand Mokobé et Rim’k du 113 les découvrent, ils veulent rapper dessus, parce qu’ils aiment cette manière très digitale de découper les samples. Pour leur premier album, ils veulent sortir un disque de rap qui surprend et ce sera le cas avec Les Princes de La Ville. Quand on disait à DJ Mehdi qu’il avait eu cette idée géniale de mélanger le rap et les sonorités électro, il tenait à préciser que ce n’était pas de son fait, mais de celui du 113. C’est comme ça qu’est né l’album des Princes de la Ville, qu’on peut écouter comme une sorte de testament laissé par DJ Mehdi au rap français. Quand le disque du 113 sort, et que le groupe déboule aux victoires de la musique en peugeot 504 break chargé, DJ Mehdi est évidemment heureux de partager ce succès avec ses amis d’enfance. Mais il a déjà un pied ailleurs, il aime traîner aux soirées Respect au Queen, il rêve sincèrement de jouer à Ibiza et devant un public de fêtards. C’est ce chemin qu’il a parcouru qui va causer la fin d’Ideal J ; il n’y a pas eu de fâcherie, il y a simplement eu un fossé qui n’a cessé de se creuser avec le temps. Au bout d’un moment, quand des rappeurs lui demandaient des instrus, il leur présentait des morceaux rapides, syncopés, filtrés. Le genre de trucs qu’il avait envie de produire à l’aube de l’an 2000, mais qu’aucun rappeur français de l’époque n’avait vraiment envie d’assumer. C’est comme ça que les choses arrivent et que les pages se tournent. Après ça, la seconde vie de DJ Mehdi a commencé, et on en parlera dans la suite de cette nova story.
À en croire ses proches, et celles et ceux qui l’ont côtoyé, DJ Mehdi était quelqu’un de très généreux et de très curieux. Il allait vers les autres ; les autres gens, les autres musiciens et les autres musiques aussi. Comme il nous l’avait raconté, c’est autant Prince que Nono le Robot ou Cheb Khaled qui ont fait son éducation musicale. Alors quand il rencontre au milieu des années 90 Philipp Zdar et Boombass du groupe Cassius très vite, il réalise qu’ils ont commun la passion des sons produits au scalpel et l’absence d'œillères en matière de musique. Enfin, DJ Mehdi qui s’est un peu resserré sur le rap depuis quelques années reprend conscience qu’à l’origine il aime toutes les musiques. Il admire que le duo puisse produire pour MC Solaar et en même temps sortir des disques de house, de trip hop, ou de techno en tant que la Funk Mob. Jusqu’ici pour lui la musique électronique était synonyme d’eurodance un peu trash. Mais dans nos studios il croise Gilb R ou Loïk Dury qui vont lui glisser quelques vinyles de house de Chicago ou de techno de Détroit, qu’il va écouter avec beaucoup de sérieux. Mehdi réalise surtout qu’avec les mêmes machines dont il se sert tous les jours, on peut produire un son totalement différent. Déjà, les goûts musicaux de Mehdi ont évolué. Mais il lui reste encore à faire ce chemin en tant que producteur. Et c’est en une nuit, en une soirée que tout va changer. En 1997, les Cassius l’invitent à une soirée Respect à New York où jouent notamment les Daft Punk. Et forcément, leur manager Pedro Winter, est là. Ensemble, ils se marrent, Pedro raconte combien il aime l’EP Truc de Fou du 113 qui vient de sortir, ils discutent de la Mafia k1 Fry et ils deviennent meilleurs amis. C’est d’ailleurs pour ça que Pedro Winter est ce soir l’invité du Nova Club avec notamment Mokobé. Mais cette nuit-là de 1997, on peut la visualiser comme un virage artistique. Par amitié, mais aussi par profond respect de son travail, Pedro propose à DJ Mehdi de le signer sur son tout nouveau label : Head Banger. Il lui propose aussi de continuer à produire du rap, mais lui fait écouter les disques phares des Masters At Work, de Jeff Mills, des Neptunes. Sans trop hésiter, il dit oui. Mais il ne sait pas comment ses amis d’enfance vont réagir. A propos de ce virage, qui va finalement prendre plus de temps que prévu, Manu Key racontera que quand ils surprenaient DJ Mehdi en train de produire des trucs, et je cite, plus boom boom - Dj Mehdi répondait : “vous inquiétez pas, c’est pas pour vous ça, c’est un truc que je fais pour moi”. C’est vrai qu’il a même commencé à travailler sur un album entier d’instrumentaux bien plus électroniques que ses précédents beats. Et qu’il a envie de le sortir en son nom propre. Mais, ça ne va pas se passer comme ça. Et c’est tant mieux puisque ce sera son plus grand succès - avec le 113. Et ça c’est le sujet du prochain épisode. En attendant, on écoute parmi ses premières productions électroniques, en 1999. C’est la première fois qu’il se sert de ce sample de Kraftwerk, c’est signé sous l’alias Cambridge Circus avec le 113. C’est Camille Groult Starr sur Nova
Quand DJ Mehdi racontait ses premiers passages à Radio Nova, on ressentait une fierté qui ne s’était jamais éteinte. Lionel D et Dee Nasty, c'étaient des passeurs du rap en France. C’est grâce à eux que Assassin, NTM, Le Ministère AMER, Mc Solaar s’étaient fait entendre à travers le pays. Alors reprendre le flambeau, et incarner une deuxième génération après eux, c’était quelque chose. Autour d’Ideal J, il y a tout un monde qui va devenir celui de DJ Mehdi. Il y a Rohff qui danse à l’époque, le 113, Different Teep - bref la Mafia k1 fry en devenir. C’est avec eux que Mehdi va vivre une première vie, musicale mais surtout très très humaine. Ensemble, ils produisent énormément de sons, ils ont accès à des studios, ils voient les choses en grand. Même quand ils ont des galères avec leur maison de disques, qu’ils tournent peu, qu’ils doutent. A vrai dire c’est Kery James qui a une énergie et une persévérance infinies et qui pousse le groupe à se dépasser. Grâce aux premiers albums et maxi d’Ideal J, Mehdi commence à rencontrer d’autres gens, il collabore à la bande-originale de Raï en 1994 et sur des sons avec les Sages Poètes de la rue, un an plus tard.En 1995, Mehdi décroche son BAC. Tous ses potes viennent fêter ça chez sa mère à Gennevilliers. La fête est un joyeux bordel, et elle est à l’image des années qui vont suivre. Finalement, DJ Mehdi renonce à la fac, et préfère accompagner Ideal J, le 113, Manu Key sur les routes. Et il ne le regrettera jamais. Il y a quelques histoires dingues qu’ils ont racontées : les nuits où ils ont débarqué à 50 dans un hôtel Formule 1 après un concert, le jour où Kery James a invité 25 personnes en studio pour enregistrer les choeurs de ‘Hardcore’, les grosses bagarres, les convois qui excortaient la Mafia k1 Fry pendant leurs tournées en France, les nuits passées dans la discothèque de Nova ou à dormir sur des bancs de Paris parce que la vie est plus belle comme ça. Pendant un temps, ça a été la folie. Petit à petit, DJ Mehdi devient un élément central du rap français : MC Solaar, les Petits Boss, Pit Baccardi, Rocé veulent bosser avec lui. Le label Night & Day lui confie la coordination artistique de la compilation ‘Invasion’ avec la Cliqua, Soul Swing, Expression Direkt ou Nap. Tout le monde commence à réaliser qu’il a un sens du sample très particulier, qu’il connaît très bien ce qui se passe aux Etats-Unis mais qu’il est aussi très inspiré quand il s’agit de piocher dans de la funk ou de la musique orientale. D’ailleurs, il commence à trouver de l’inspiration ailleurs que dans le rap. Dans nos studios il croise la route de DJ, d’animateurs, de musiciens qui savent très bien qui il est. Des gens qui aiment le rap. Mais qui aiment aussi la techno ou la house. Et ce genre de grand-écart va tout changer pour lui. Mais ça, c’est le sujet du prochain épisode.
En 1990, dans une chambre d’ado et avec des sampleurs bidouillés, Mehdi est devenu DJ. Mais il y a plusieurs rencontres grâce auxquelles il va devenir DJ Mehdi. La première c’est avec Dee Nasty. Comme beaucoup de fans de hip hop, Mehdi écoute Radio Nova les dimanche soir, avec un magnétophone à la main pour tout enregistrer. Mais un jour, il le croise pour de bon - à une fête de quartier. Alors Mehdi lui raconte comment il a commencé à bricoler des instru et Dee Nasty lui suggère de couper les bandes et de les recoller. Et c’est comme ça qu’il se met à sampler. Un soir du nouvel an 1991, Dee Nasty l’invite même à jouer de 23 à minuit dans une fête. C’est la première fois qu’il joue devant un public qu’il ne connaît pas. Et il réalise qu’il aime ce lien avec la foule. La deuxième rencontre, c’est avec Kery James et sa clique. C’est sur les conseils de Dee Nasty, que Manu Key, manager du groupe qui s’appelle déjà Ideal Junior et qui recherche un beatmaker, le contacte. Il lui donne rendez-vous à la Défense, ne vient pas. Lui redonne rendez-vous, ne vient toujours pas. Et finalement, une après-midi de 1992, il finit par les rencontrer : le groupe, dont le morceau ‘La Vie est Brutale’ connaît un petit succès, a un concert prévu pour la semaine suivante mais pas de DJ pour les accompagner. Manu Key a déjà vu Dj Mehdi jouer des disques, Kery et lui se sont aussi croisés à un concert à la Maison des jeunes de Clichy, alors ça peut le faire. Et ça le fait. Enfin. Humainement, amicalement, musicalement, c’est le début d’une grande histoire. Mais pour ce premier concert, la première partie du Ministère AMER dans le 18ème arrondissement de Paris, rien ne se passe comme prévu. Mehdi qui a 15 ans et à qui on a promis qu’il serait rentré chez lui à 20h comprend que dans le rap comme avec sa future bande d’amis, c’est le bordel. Il finit par rentrer chez lui à 21h, sans avoir joué, et se fait punir par sa mère. Reste qu’il a rencontré Manu Key et Ideal J, et que le groupe veut bien bosser avec lui. Ils se retrouvent plusieurs fois par semaine, chez les uns, chez les autres. Ils s’échangent des disques des Blacksheep, de Bone Thugs & Harmony et réalisent qu’ils rêvent de produire le même genre d’instru. Ils commencent à sortir des morceaux, à faire quelques shows entre Vitry et Orly et un jour, ils sont invités sur Radio Nova pour faire un freestyle dont tout le monde se souviendra - parce qu’à même pas 17 ans, ce groupe a quelque chose que les autres n’ont pas. Après ça, le groupe va connaître des jours heureux. Mais surtout, ils vont devenir amis. Et faire partie d’une grande famille et d’un âge d’or du rap français. Mais ça c’est le sujet du prochain épisode de cette Nova Story.
Dj Mehdi grandit dans un monde où la musique est une affaire de famille. Et si tout commence grâce à ses oncles et à ses parents, il doit aussi beaucoup à ses cousins qui vont lui ouvrir les portes du hip hop et avec qui il va bidouiller ses premières instru. Mais avant de faire du rap, Mehdi en écoute. On est à la fin des années 80, les gars de chez lui, qu’il croise à la MJC, lui font tourner des disques qu’ils ont chipés, des albums de Boogie Down Productions ou Big Daddy Kane. Et puis un jour sort un album qui va tout changer pour lui : It Takes A Nation to Hold Us Back. Par hasard, il a entendu le morceau ‘Rebel Without a Pause’ et, comme beaucoup, il y a eu un avant et un après. Alors quand sa mère lui donne 40 francs, il se rend à la FNAC et achète la cassette. On est en 1988, Mehdi, qui n’est pas encore DJ a 11 ans, et ce disque va devenir un de ses albums préférés. Peu de temps après, ses cousins lui proposent de monter un groupe : Légitime Défense. Le nom est cool, et l’idée c’est d’écrire du rap, de faire du beatbox et surtout de composer des instru originales. Sauf qu’à l’époque, il faut tout un tas de matériel pour produire. Un sampleur coûte 30 000 francs. Alors Mehdi découvre le système D. Dans une longue interview pour le magazine Snatch, il a décrit sa méthode pour bidouiller des boucles : sur une platine de gauche, il lançait un vinyle avec des rythmiques. Sur sa platine de droite, il jouait un maxi de Barry White ou James Brown. Toutes les 8 mesures, il lançait une boucle. Après ça, il se servait de deux lecteurs cassettes sur lesquels il enregistrait, gravait, regravait ses instru. Il le raconte aussi dans un documentaire consacré aux homes studio Bref : en 1990, depuis sa chambre d’ado, sans matériel, avec juste un sacré sens de la débrouille, quelques conseils et des bons vinyles, Mehdi improvise et devient DJ. Il tiendra souvent à préciser qu’autour de lui, il y avait d’autres passionnés qui auraient pu devenir des super DJ, si cela n’avait pas coûté tant d’énergie et d’argent. Et c’est donc à force de persévérance et avec un peu chance, que DJ Mehdi met un pied à l’étrier.Rapidement, les choses vont s'accélérer pour lui. En croisant Dee Nasty, en rencontrant Kery James, Manu Key ou les DJ de Radio Nova. Mais ça c’est la suite de cette histoire, qu’on vous raconte toute la journée sur nos ondes. Pour l’instant, replongeons dans le disque par lequel tout a commencé, le premier album que DJ Mehdi a acheté, celui avec lequel il a compris que l’on pouvait faire de la musique même sans savoir jouer d’un instrument, le disque aussi qu’il dira avoir le plus écouté dans sa vie : It Takes A Nation to Hold Us Back.
Quand Mehdi Favéris-Essadi naît, en 1977, ce qui cartonne en France c’est Boney M, Michel Sardou ou Gérard Lenorman. Mais lui voit le jour loin de tout ça. Depuis Colombes et Gennevilliers, dans le 92, il a la chance d’être entouré de gens qui vont lui faire découvrir des continents de musique : Prince, Madonna, Gainsbourg, de la musique orientale. Son père collectionne les vinyles de soul ou de rock. Ses oncles, ses cousins aussi ont des tas de disques de disco et de funk à lui faire entendre. D’ailleurs, certains sont aussi musiciens, et s’ils n’ont pas fait carrière, ils permettent à Mehdi de jouer avec leur basse, leur guitare, leur batterie. Tout petit, la musique c’est déjà un jeu pour lui. Et puis à cette époque là, dans le quartier aussi Mehdi croise des jeunes, des grands-frères qui sont passionnés. En fait, Mehdi dira souvent qu’il a aimé la musique parce qu’il a baigné dedans - et que sa vocation n'est pas née en idéalisant des méga stars à l’autre bout du monde, mais en écoutant des histoires pointues, exaltées, fascinantes racontées par ses proches et ses aînés. C’est un peu la passion des autres qui lui a donné envie d’en être, lui aussi. Cette enfance, DJ Mehdi l’a racontée dans une double mixtape : 7 Kings, vol 1 - hommage d’abord aux producteurs comme DJ Premier, les Soulquarians, Large Professor ou Dre qu’il a toujours admirés. Mais c’est le volume 2 qui semble encore plus intime. Sur cette cassette on entend Rufus & Chaka Khan, Curtis Mayfield, Bootsy Collins, George Clinton ou les Beatles. Ces 7 rois de la musique, ce sont ses influences, les artistes qu’il a souvent samplé. Ce sont surtout ces Rois qui ont fait de lui un Prince, des musiciens qu’il a découvert dans sa famille, en héritant de la discothèque immense familiale et de la culture collective qui l’a accompagné toute son enfance. Et si on fouille ses tous premiers souvenirs musicaux, les premiers disques qu’il s’était approprié, c’est un album de Cheb Khaled produit par Safy Boutella et un best of de Charles Aznavour. C’étaient ses madeleines qui le renvoyaient, dès les premières notes, à son enfance, passée dans le salon de ses parents ou dans sa cité de Gennevilliers. Ça il l’avait raconté à Isadora Dartial qui s’était plongée dans ses Oreilles en 2011. Cet épisode, cette interview qui dresse un portrait musical, on le rediffuse ce soir sur Radio Nova à partir de 21h.Et en attendant, on écoute un des artistes dont il a su tirer le meilleur. Curtis Mayfield, son tout premier sample. Mehdi disait qu’il avait une voix magnifique, que c’était un caresseur de Fender, et que c’était la perfection. D’ailleurs ses premiers samples, ce sera le sujet du prochain épisode de cette Nova Story, et sur Nova voici Curtis Mayfield avec ‘Make Me Believe in You’.
En 2012 dans “Nova Stories”, Isadora Dartial nous racontait l’histoire Lee “Scratch” Perry, ce musicien possédé dont les techniques de productions ont révolutionné le reggae et lancé le dub. De ses débuts à la création de son label “The Upsetters”, jusqu’à sa rencontre avec les Wailers puis son départ en Europe, Nova vous propose un Rewind sur sa carrière.
Dans Nova Stories, Isadora Dartial revient sur le parcours de celui que le critique rock Nik Cohn décrivait comme le "prince de la pop, fou et insupportable", mais capable de donner à cette même pop des allures wagnériennes, Phil Spector.Né dans le Bronx, la vie le transporte à Los Angeles après le décès de son père, où il entamera sa carrière musicale. D'abord sur les devants de la scène, il passera vite en coulisses, une zone d'expertise qui saura révéler tous ses talents. Travailleur acharné dans le studio, il croisera la route de The Ronettes, Ike et Tina Turner, les Ramones et même The Beatles.Si le producteur est connu pour son impact sur la pop culture, il est aussi tristement célèbre pour son tempérament, colérique, violent et imprévisible, qui lui vaudra de nombreux démêlés avec la justice. Jusqu'à son ultime dérapage en 2003...Visuel © Getty Images / Mark Wexler
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