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Pop Corn

Author: Alex Masson

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Description

Chaque semaine, Nova fait le tri pour vous dans les sorties en salles.  S’il n’y a qu’un seul film à voir, c’est celui-là.
299 Episodes
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On en aura décidément jamais fini avec les biopics de chanteurs. La liste de films revisitant en long, en large et en travers les parcours de stars iconiques ne cesse de s'allonger, souvent pour aligner les mêmes ficelles scénaristiques. Piece By Piece se distingue du lot. Sans doute parce que son sujet est, lui aussi, un cas singulier dans le monde de la musique : Pharrell Williams. Et plus encore par sa forme, puisque réalisé... en figurine Lego. Où en assumant d'être un documentaire, entre entretien central avec Williams et témoignages de ses proches. Le recours à l'animation essayant de traduire l'univers mental et philosophique de la star, tout en amenant une inattendue distance dans un registre souvent hagiographique. Pour autant, Piece By Piece passe souvent d'un rigolo trip Lego à un égotrip, quand il reste essentiellement à la gloire d'un artiste qui se considère comme un éternel outsider. Dès lors, les passages les plus intéressants mettent en parallèle des tubes aux mélodies et titres galvanisants, "de Get Lucky" à "Happy", et phases, à l'inverse quasi dépressives d'un Williams enchaînant les crises existentielles. Idem pour la peinture d'un music-business bouffi par l'argent et le cynisme, n'attendant des artistes que la répétition de recettes lucratives. Et même si à la longue, Piece By Piece se laisse gagner par une certaine monotonie - qu'il tente pourtant d'endiguer par un discours meta - ce drôle de biopic n'a de cesse, par son originalité formelle d'assumer son sujet profond, à savoir la préservation de la créativité dans un milieu qui ne jure que par le formatage.Autre personnalité atypique sur les écrans cette semaine : Béatrice Dalle. En surface, La Passion selon Béatrice l'emmène en périple mémoriel en Italie sur les traces d'une de ses idoles, Pier Paolo Pasolini. Le beau documentaire de Fabrice Du Welz prend rapidement un autre chemin : plus les rencontres avec de multiples intervenants esquissent un Pasolini comme le premier marxiste punk, plus la personnalité quasi jumelle de Dalle s'y superpose, plus c'est elle qui raconte sa philosophie de vie. Elle se propage autant dans la parole d'une femme à part que dans d'incroyables séquences sans mots, comme celle où Du Welz filme le visage de Dalle, lors d'une projection privée de L'Évangile selon Saint-Matthieu, où elle entre en état de quasi-fusion avec le film de Pasolini, le vivant littéralement dans sa chair, ses larmes. La Passion selon Béatrice est empli de ces moments à fleur de peau, observant Dalle dans une quête de soi sans concessions, mais allant à confession à cœur ouvert sur son parcours personnel. Le nôtre se serre définitivement dans une scène clôturant ce chassé-croisés entre deux âmes qui avaient tout pour être sœurs, où l'actrice en rencontre une autre, Rossano di Rocco, qui tenait le rôle d'un ange dans L'Évangile selon Saint-Matthieu. Leur étreinte, signe de reconnaissance mutuelle, d'une infinie tendresse, est une bouleversante épiphanie de cinéma.Piece By Piece / La Passion selon Béatrice. En salles le 20 novembre
Et si le cinéma français allait vers une certaine idée d'appellation contrôlée ? Depuis quelque temps maintenant, il est devenu acquis que le terme de territoire a quasiment remplacé celui de régions. Ça fait plus noble, mais surtout, ça commence à donner des idées à des cinéastes qui intègrent pleinement à leur récit, des endroits, une terre. Ainsi, le principe d'un cinéma made in Corscia creuse son sillon. Récemment, c'était À son image qui entremêlait parcours d'une photographe et histoire de l'île de beauté, aujourd'hui voici Le royaume, immersion dans un clan vu par le prisme de la fille d'un de ses parrains, qui va devoir accompagner son père dans une fuite en avant. Julien Colonna propose tout autant à son film de prendre le maquis en racontant la Corse et ses complexités sans jamais s'aventurer sur le terrain du politique. Le royaume se concentrant sur des liens du sang qui vont épaissir une vendetta. Et à travers ce duo père-fille qui s'apprivoise tout en voyant les cadavres s'amonceler autour d'eux, faire le constat d'un cycle de la violence qui se perpétue, devient un héritage tragique de générations en générations. Si Le royaume, film de gangsters antispectaculaire mais d'une rare puissance pour s'infiltrer dans l'intimité tient d'un requiem, il est aussi celui d'une naissance : celle de Ghjuvanna Benedetti, renversante apparition d'une actrice de caractère.Bien loin de la Corse, il y a un autre royaume, celui du cinéma hollywoodien. Où quelque chose est en train de pourrir. J'aurais adoré évoquer la sortie de Gladiator II, la sortie maousse de cette semaine, ce ne sera pas le cas, faute d'avoir eu accès à ses projections presse, verrouillées à l'extrême par son distributeur. Une tendance qui s'amplifie, les grands studios américains décrétant de plus en plus, comme un empereur romain selon son bon plaisir, quel média est digne ou non de voir leurs films, estimant qu'une campagne d'affichage maousse et des tapis rouges d'avant-premières commentés par des influenceurs sont plus profitables qu'une chronique. Paul Mescal est-il donc un successeur notable de Russell Crowe dans le nouveau néo-péplum signé Ridley Scott ? Cette suite était-elle nécessaire ? Aucune idée. À l'inverse, il est certain que les relations entre ces studios et la presse cinéma tiennent désormais de tristes jeux du cirque, ouvrant une arène où les combats vont être rudes.Le royaume / Gladiator II. En salles le 13 novembre
Bien malin celui qui oserait dire que le cinéma d'horreur est resté domaine réservé au genre masculin. Depuis plusieurs années maintenant, les réalisatrices se sont emparées de ce genre. Normal, quand il peut être l'endroit où faire parler sa colère. Ainsi de The Substance, variation du Portrait de Dorian Gray, recontextualisée dans une époque contemporaine qui n'en a toujours pas fini avec l'objetisation des corps féminins. Voilà donc une présentatrice d'émission de fitness qui se fait virer du jour au lendemain parce que jugée trop vieille, à qui l'on propose un produit-miracle lui permettant de créer son double dans une version rajeunie. Seule contrainte, elles doivent partager leur temps, une semaine sur deux. La suite sera une fable gore sur le règne de l'image à outrance et des névroses profondes qui en découlent. The Substance se lit d'autant plus entre les lignes, que Coralie Fargeat a extirpé des limbes Demi Moore, actrice reine du box-office dans les années 80-90, quasi-portée disparue une fois la cinquantaine atteinte. C'est peu de dire que Demi ne fait pas les choses à moitié pour cette résurrection, pour une performance ahurissante, entre autocritique et règlement de comptes avec la sphère médiatique. The Substance tient de toute façon d'une cure de jouvence, en se ressourçant pleinement aux excès du cinéma d'horreur indépendant américain des années 80, parfois jusqu'à n'être que son recyclage. Dommage qu'en n'y apportant, à l'exception d'un final aussi débridé que dantesque, rien de plus en termes de transgression ou de propos, Fargeat se borne à une série B joyeusement malpolie, certes jouissive, mais donc au final sans autre substance dans son discours qu'une grosse gueulante, aussi roborative soit-elle.À sa manière, François Ruffin, raconte aussi une autre transformation au féminin avec Au boulot ! À partir du pari lancé à Sarah Saldmann, avocate muée en chroniqueuse chez Pascal Praud, de vivre dans les conditions de travailleurs smicards, Ruffin l'embarque au contact du prolétariat. Le projet se fait rapidement flou, Au boulot ! se limitant à un épisode de Vis ma vie. Plus intéressante que la confrontation entre la bourgeoise et les travailleurs précaires, ne laissant aucun doute sur le retour de Saldmann à son monde une fois cette parenthèse refermée, celle, moins démago, avec Ruffin pour un jeu de chat et de la souris où l'on ne sait pas qui finira par croquer l'autre. Jusqu'à ce que Saldmann craque et disparaisse de l'écran pour retourner à ses élucubrations sur les plateaux de CNews, laissant Ruffin avec un film certes en rade, mais surtout désabusé quand il confirme la séparation entre les France d'en haut et d'en bas, vestes pailletées à 2800€ pièce et Gilets jaunes rapiécés, chacun toujours plus proches d'un entre-soi. Et de fait qu'il y a encore beaucoup de boulot avant que leur réconciliation ne s'opère...The Substance / Au Boulot ! En salles le 5 novembre
Les biopics de chanteurs, c'est désormais un peu comme la fashion week : on ne sait jamais vraiment quand ça s'arrête. Après ceux d'Amy Winehouse et de Bob Marley au printemps, en attendant ceux, plus intrigants, de Pharrell Williams, en lego ou de Robbie Williams incarné par… un singe en images de synthèse (!!!), voici celui de Charles Aznavour. Ce n'est rien de dire que l'on était intrigué par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, jusque-là dépositaires de bonnes comédies sociales, aux commandes de ce projet. Et plus encore par Tahar Rahim, casté pour incarner l'auteur-interprète de "La Bohème" ou "Emmenez-moi". Malgré un maquillage un brin envahissant, comment pourtant ne pas clamer "vient voir le comédien" devant son impressionnante performance caméléon ? À l'inverse, la mise en scène, dans un même registre que La Môme, modèle clairement visé, souffre parfois d'un côté tape-à-l'œil. Sans doute pour éviter de regarder un peu trop près les raccourcis d'un scénario occultant nombre de moments clés de la vie d'Aznavour. Heureusement, c'est au profit d'une idée centrale, elle judicieuse, quand Monsieur Aznavour descelle un minimum une statue du commandeur de la chanson française par le portrait d'un homme avide de succès, quitte à y sacrifier sa vie de famille. Pas de quoi faire un film "formi-formi-formidable" – en dépit d'un casting de rôles secondaires, notamment Marie-Julie Baup, géniale en Edith Piaf qui lui l'est - mais au moins un biopic qui sort un minimum des clous pour ne pas être qu'une séance de karaoké.John Woo, lui y est retourné avec un auto-remake de The Killer. Le film qui avait fait connaître au monde entier le réalisateur hong-kongais est donc revu et corrigé 35 ans plus tard. Nathalie Emmanuel y reprend le rôle de tueur à gage tourmenté rendu iconique par Chow Yun Fat et Omar Sy celui du flic lui courant après. Woo pensait peut-être boucler la boucle en venant tourner à Paris ce remake d'un film originel en partie sous influence du Samouraï, le classique de Jean-Pierre Melville. Encore aurait-il fallu que cette nouvelle mouture ne soit pas sabrée par un scénario réduisant ses personnages à des caricatures, amplifiées par un casting unis dans un cabotinage digne d'un épisode de Capitaine Marleau. Il subsiste un savoir-faire dans les scènes d'action ou certains effets signatures de Woo, d'une vision romantique du Bien et du Mal ou un lâcher de colombes au ralenti. Rien qui n'évite cependant l'impression, d'être cette fois-ci pris pour des pigeons.Monsieur Aznavour/The Killer. En salles le 23 octobre
En mai dernier, Clint Eastwood fêtait ses 94 ans. Un âge ou même les légendes d'Hollywood ont généralement raccroché les gants. Mais pas lui. Quelques semaines avant de souffler ses bougies, il était en train de mettre les dernières touches à Juré n°2 son quarantième film de réalisateur. Si c'était - et ce sera probablement le cas - le dernier, ce serait une bonne manière de boucler la boucle. Juré n°2 revient sur le motif qui aura sans doute le plus traversé la carrière d'Eastwood, devant ou derrière la caméra : la justice et son fonctionnement. À travers la trajectoire morale d'un clampin lambda se retrouvant juré devant statuer du sort d'un accusé d'un crime dont il est peut-être responsable, Juré n°2 tient peut-être d'une introspection d'Eastwood, de ses propres dilemmes moraux. Sans renouer avec les très grands films que furent Impitoyable ou Un monde parfait autour de ces questions, ce film de procès au rythme pépère a quelque chose d'attachant par ce qu'il est sans doute le dernier aveu d'un Eastwood à l'opposé de l'image d'américain ultra-conservateur qu'on lui a toujours accolé. Il est d'autant plus crève-cœur que sa sortie américaine ne lui rend pas justice, car sacrifié là-bas par son distributeur qui condamne cet ultime plaidoyer à l'échec, ne le diffusant que sur une cinquantaine de salles dans tous les USA.Hundred of beavers n'a pas eu droit à beaucoup plus, mais a gagné sa visibilité dans la centaine de festivals où il a circulé à travers le monde pour devenir un mini-phénomène. À juste titre, pour ce film improbable sur le papier, entre hommage au cinéma muet et comédie loufoque. Soit les aventures de Jean Kayak, un trappeur novice découvrant comment chasser des castors qui vont lui donner beaucoup de fil à retordre. Le tout pour une succession de saynètes sans dialogue, empruntant autant aux bricolages géniaux des maîtres du burlesque qu'au chaos des cartoons, façon Bip-Bip et Vil Coyote quand Kayak se fait encore et encore piéger par ses propres tentatives de capturer son gibier. L'obstination de ce trappeur-loser comme celle d'un réalisateur s'échinant à trouver un gag absurde ou une idée surréaliste par scène tout en restant au premier degré font d'Hundred of beavers bien plus qu'un ovni, une comédie impressionnante dans son stakhanovisme jusqu'à l'épuisement par le rire ou la créativité.Juré N°2 en salles le 30 octobre / Hundred of beavers sur Filmotv.fr
NORAH

NORAH

2024-10-2202:22

Jusqu'en 2018, il n'y avait plus de salles de cinéma en Arabie Saoudite, fermées depuis 35 ans par le gouvernement religieux y voyant une source de divertissement impur. Paradoxe, il existe pourtant un cinéma saoudien, de tournages dans le pays à la production certes des plus minoritaires et contrôlées, de longs métrages.Norah est un exemple encore plus visible, pour avoir été le premier film issu de ce pays sélectionné au festival de Cannes. Un accessit valant passeport diplomatique pour le film de Tawfik Alzaidi d'autant plus nécessaire quand il s'attaque frontalement à un tabou religieux : la question de la représentation de l'art. Le tout dans un village reculé, en toutes logiques sous main mise du conservatisme, dans les années 90. Dernière transgression, le personnage déclencheur est un instituteur chargé d'apprendre à lire et écrire - autrement dit éduquer - des enfants dont la destinée était jusque-là toute tracée. En face de lui, voici Norah, jeune femme, qui justement ne veut pas de la vie qu'on lui impose via un mariage forcé. Lorsqu'elle apprend que l'instituteur dessine à ses heures perdues, elle lui commande un portrait, objet prohibé et donc forcément sacrilège qui pourrait leur valoir les pires ennuis. Alzaidi se concentre sur cette intrigue dans un cadre quasi-désertique, donc idéal pour faire place à un discours progressiste, jusque dans la figure de cet instituteur à la masculinité déconstruite face à une caste féminine aux racines inféodées. Comme le rappelle la tante de Norah "tu nais ici, tu meurs ici". De quoi nourrir un beau mélo pudique, la relation entre la jeune femme qui rêve d'ailleurs et ce professeur qui la conforte dans son envie d'émancipation, étant surtout pour Alzaidi, une manière de dire qu'une discussion est aujourd'hui ouverte, que les choses bougent, même de manière minime en Arabie Saoudite.Le portrait au cœur de ce film aussi inattendu que délicat tient d'une esquisse de lendemains meilleurs. Allez savoir, il se pourrait même que Norah finisse par être montré dans quelques-unes des quarante salles de cinéma aujourd'hui ouvertes en Arabie saoudite...Norah, en salles
2024 aura donc été pour le cinéma français, le retour aux ambitions. Et aux moyens accordés pour cela. Que ce soit pour rivaliser avec les blockbusters américains, en finançant Le Comte de Monte-Cristo, ou en alignant une trentaine de millions d'Euros pour L'Amour Ouf. Le nouveau film de Gilles Lellouche, est donc un film qui déborde. D'argent certes, mais surtout d'envies. De cinéma comme de romanesque ou de romantisme. L'épopée sentimentale de Clotaire le délinquant et Jackie la petite bourgeoise, revisite prolo de Roméo et Juliette dans le Nord français ouvrier des années 80 et 90 tient d'une boulimie, d'un surrégime volontaire. Au-delà de celui de ses personnages, L'Amour Ouf, c'est aussi celui de Lellouche pour le cinéma. Pour les réalisateurs, via une stylisation opératique, citant entre autres les Scorsese ou Coppola des grandes heures, comme pour les acteurs, au vu d'un casting offrant pléthores de seconds rôles – parfois jusqu'à la fugace apparition. Une générosité jusqu'au ras la gueule, parfois au détriment d'un film qui finit par s'essouffler ou à se perdre dans une sur-démonstration formelle, là où l'écriture aurait pu être moins éparpillée, mais qui pousse malgré tout à la sympathie par son envie de cinéma populaire ET spectaculaire ou celle d'entretenir pour mieux la porter la flamme d'une fureur de vivre adolescente.Des centaines de kilomètres séparent les Hauts-de-France de L'Amour Ouf de Barbès, Little Algérie, chronique de quartier qui venge au minimum des clichés ripolinés d'Emily in Paris. La redécouverte par un Franco-Algérien de retour à Paris de ses origines se débarasse de la sempiternelle vision pittoresque de Barbès pour en faire une enclave de solidarité méditerranéenne. Il y a quelque chose du cinéma néo-réaliste italien, en version blédarde, dans cette collection de vignettes socio-culturelles, par sa combinaison de truculence pour dépeindre une communauté pleine de vie et de gravité mélancolique via la peinture des affres identitaires des bi-nationaux. Sofiane Zermani (alias Fianso) y confirme sa mue de rappeur en acteur des plus doués pour incarner ces dualités. À travers lui, comme à travers une galerie d'attachants personnages se dépatouillant d'un système D, se diffuse un humanisme à la Ken Loach, mais aussi une passerelle inattendue avec L'Amour Ouf. Bien qu'à l'opposé économique ou de modestie. Barbès, Little Algérie s'y jumelle dans ce qu'ils dévoilent de leurs réalisateurs, Hassan Guerrar novice derrière la caméra, mais connu dans le milieu en tant qu'attaché de presse fort en gueule ou Gilles Lellouche se trimballant encore une étiquette de virilisme bourrin. Leurs films, autoportraits entre les lignes, tout en sensibilité et pudeur, sont aussi particulièrement touchants quand ils osent y tomber le masque, pour une même quête de reconnaissance. Voire d'amour.L'Amour Ouf / Barbès, Little Algérie. En salles le 16 octobre
Un mois. Le compte à rebours pour l'élection présidentielle américaine est lancée. Avec de vraies incertitudes sur le sort de Donald Trump. Au point que la sortie aux Etats-unis de The apprentice soit devenue un enjeu. La chronique des jeunes années de Trump auprès d'un mentor lui ayant enseigné la conquête du pouvoir serait-il trop partisan ? Pas si sur. La relation entre Roy Cohn, autre figure ultra-sulfureuse, grand prosécuteur du McCarthysme et son nouveau protégé est aussi un cours d'histoire américaine sur la transition entre deux générations, formées aux abus de pouvoir. A ce titre, The apprentice renoue avec les amers mais lucides constats de société que pouvait réaliser un Sidney Lumet dans les années 70. Dommage que la concision du scénario soit portée par une mise en scène scolaire de téléfilm pour HBO. A l'inverse le parfait casting, conforte bien l'idée d'un éternel cycle de la corruption morale : non seulement Sebastian Stan et Jeremy Strong sont exceptionnels en Trump et Cohn, mais surtout ce choix ricoche, sur leurs rôles précédents, Stan étant connu pour les Captain America, éloge Marvel de la démocratie et de la justice et Jeremy Strong pour son Roy Kendall, héritier aussi amoral qu' ultra tourmenté, dans la série Succession. Cette ironie mordante soutient l'idée centrale de The apprentice, bien moins biopic de Trump que mode d'emploi de la création des monstres engendrés par le capitalisme made in USA.Roz est à sa manière une autre machine de guerre économique. Ce robot domestique échoué sur les côtes d'une forêt terrestre va apprendre à se reprogrammer au contact d'une faune qui va lui révéler conscience et sentiments. Avec Le robot sauvage, Chris Sanders poursuit sa thématique fétiche déjà abordée dans Dragons ou Les Croods, à savoir comment la famille peut aussi être une source d'émancipation, que l'on soit parent ou enfant. Tout en s'aventurant sur le terrain d'un Wall-E, du Géant de fer ou du Château dans le ciel, par une écriture subtile dans le soin donné au moindre personnage ou cette capacité folle à donner âme à une machine mécanique. Plus ahurissants encore, le graphisme et l'animation entre fluidité totale et immersion physique absolue tenant quasiment d'un relief naturel. Tout comme Roz, doit apprendre à trouver sa voie, dans tous les sens du terme, Sanders confirme plus que jamais la sienne, celle d'un auteur à part au sein de la production hollywoodienne industrielle de cinéma d'animation. Mise à jour des grands récits initiatiques d'aventures à la Jack London, Le robot sauvage est appelé à devenir un indémodable classique.
Joaquin Phoenix est une énigme. A la fois comédien impeccable impliqué dans des films généralement audacieux et boule de nerfs à vif, connu pour ses revirements et un caractère des plus introvertis. Ça en faisait peut-être l'acteur idéal pour jouer le Joker. Il y a cinq ans, il triomphait dans un film consacré à la genèse de l'ennemi juré de Batman. Revisite  du personnage de BD, ce premier opus, plus proche de Taxi Driver que d'un film de super-héros scrutait les névroses américaines, à travers la psychose d'un anti-héros poussé à bout, basculant dans la démence criminelle. Joker : folie à deux l'enferme dans un hopital psychiatrique et une salle de tribunal, décors quasi uniques de ce second volet. C'est étonamment, à la barre de danse que vont défiler les personnages, Joker : folie à deux délaissant la part de brûlot attendue pour se faire comédie musicale décalée autour d'un duo Phoenix/Lady Gaga, en psychopathes roucoulant une romance. L'idée est gonflée, mais la petite musique de Joker : folie à deux est désacordée jusqu'au dissonant. Il y est question de masques et de schizophrénie, mais en lieu et place de la tribune anarchiste haute en couleurs du premier film, celui-ci se fait toujours plus opaque, notamment autour du rôle tenu par Gaga, qui tient de l'attrape-gogos. 2h19 d'ennui chanté plus tard, plus que le rire cabossé du Joker, c'est l'impression d'une pénible et bien trop longue blague qui persiste.Autre duo , autre pas de danse avec Wolfs, lui aussi porté par un casting très séduisant sur le papier : Brad Pitt et George Clooney. Potes à la ville les voilà antagonistes à l'écran : ils sont ici deux nettoyeurs de scènes de crimes concurrents mais se retrouvant sur un seul et même job. Parti comme une comédie policière, Wolfs fait rapidement le ménage pour s'assumer comme un buddy movie rétro. Qu'importe les écarts de route d'un scénario foutraque, passant par une course poursuite après un gars en slip dans Chinatown ou une virée chez les mafias croates et albanaises, la seule chose qui compte ici est ce duo de loups solitaires qui s'apprivoisent et se reconnaissent. Clooney et Pitt rivalisant d'attitudes cools et dialogues croustillants pour ressusciter un cinéma d'acteurs américain  à l'ancienne. Et s'il y a de quoi hurler au loup devant l'écriture particulièrement nonchalente voire feignante de Wolfs, la jubilation de voir ces deux là retrouver la formule entre charisme et décontraction, qui fait les tandems les plus iconiques, jusqu'à un beau final façon Butch Cassidy et le Kid, n'est vraiment pas négligeable.Joker : folie à deux. En salles le 2 octobre. Wolfs sur Apple TV+ 
Forcément à entendre le titre Megalopolis, on en retient surtout le côté mégalo. Encore plus si c'est Francis Ford Coppola qui est aux commandes. Le réalisateur d'Apocalpyse Now et du Parrain a marqué l'histoire d'Hollywood par un caractère independant bien trempé, des projets insensés, et des tournages dantesques. Mais aussi par sa part d'expérimentateur, sa volonté de faire du cinéma un audacieux laboratoire mêlant avant-gardisme technologique et récits adultes. Megalopolis est, à l'écran comme en coulisses la synthèse de tout ça, d'une interminable gestation en ayant fait une arlésienne depuis quarante ans à un scénario fusionnant mythologie antique et considération sur le déclin du monde actuel. Soit donc l'affrontement entre un visionnaire sur le point de découvrir une matière révolutionnaire pouvant changer la société et le maire despote d'une cité rongée par la corruption et le libéralisme. Le tout dans un ton mi- péplum, mi-art contemporain, conte moderne et de tragédie shakespearienne revue par le Cirque du Soleil. Ça fait beaucoup ? Oui, surtout quand l'ensemble se perd dans ses circonvolutions ou une touffue galerie de personnages. Cet etouffant trop plein est pour autant compensé par les idées formelles ou la mise en scène, quasi-cure de jeunesse pour un Coppola octogénaire retrouvant son inventivité des années 80, pour un film traversé par tant de séquences extraordinaires. Le geste industriel – Coppola finance un budget pharaonique sur ses propres deniers – ajoutant au phénonémal panache de l'ensemble. De quoi faire de Megalopolis, une oeuvre de tous les excès, de sa grandiloquance à sa magnificence, mais surtout, un film titanesque jusqu'au fascinant comme on en voit très rarement.Bande annonce de Mégalopolis À son échelle, bien plus minime, Riverboom fait aussi se décrocher la mâchoire. Le périple de deux suisses et un hollandais s'improvisant correspondants de presse pour aller voir ce qui se passe en Afghanistan, en pleine intervention américaine pourrait n'être que les tribulations insensées d'un trio de pieds nickelés. Sauf que ce documentaire devient surtout une capsule temporelle quand il exhume des images du pays en 2002, coincé entre Talibans et G.I's. L'odyssée de ceux qui se fantasmaient Joseph Kessel mue en inattendu journal intime, carnet de bord d'une insouciance touchant à l'irresponsabilité. Aux images inédites, parce que prises sur le vif, d'un quotidien afghan, lui même révolu, se superpose un cahier de nostalgie et de regrets, Riverboom empruntant d'autres chemins de traverse quand son réalisateur livre alors son histoire familiale. Ce double chemin intérieur, d'un pays et d'un individu, mêlant intime et géopolitique se révèle n'être qu'un même processus de deuil, émouvant quand il mène à une renaissance à soi.Bande annonce RiverboomMegalopolis / Riverboom. En salles le 25 septembre
Faire une bonne comédie est une gageure. Faire une bonne comédie sociale tient encore plus du pari. Il se résout souvent en prenant le parti pris de faire rire du malheur des autres. Où en essayant de prendre à rebours les vertus de l'époque. Avec Les barbares, Julie Delpy réunit ces deux axes. À savoir raconter la crise migratoire et une chronique de mœurs. Le postulat : faire débarquer dans un petit village de bretagne des réfugiés qui auraient du être ukrainiens mais s'avèrent syriens, soit rescapés d'un conflit oublié, mais qui va faire remonter les préjugés et la peur de l'étranger. Les barbares est donc une histoire de délit de faciès. Mais aussi celle, tout aussi éternelle, des lachetés ordinaires. Delpy renoue avec une galerie de personnages empêtrés dans leur médiocrité ou leur ignorance, quelque part entre le Joel Seria et le Mocky des années 70, par son portrait d'une France profonde. À la différence près qu'elle parle d'aujourd'hui, du pays de ceux qui sont biberonnés aux intox des chaînes d'infos comme de celles qui confondent bonne volonté et bonne conscience. Ça pourrait être d'une redoutable franchouillardise façon comptoir de café du commerce, entre les histoires de couple adultère et les petites magouilles des uns et des autres, c'est bien plus une vision en coupe caustique d'une réalité. Et plus encore un appel à la réconciliation avant qu'il ne soit trop tard pour le vivre ensemble. À rire collectivement pour conjurer la crainte qu'il ne reste demain que les yeux pour pleurer.Bande annonce Les barbaresCe fameux vivre ensemble est aussi en filigrane des Graines du figuier sauvage. De manière encore plus intime quand la femme et les filles d'un juge iranien fraîchement promu se comprennent de moins en moins. Lui devient un rouage d'une machine à écraser en confondant promotion et servilité en étant réduit à signer à la chaine des mandats d'éxecution ; elles, en se ralliant de plus en plus à la cause de femmes en lutte contre l'oppression du régime théocratique. Mohammad Rasoulof s'émancipe de la fiction, en intégrant des réelles images des répréssions des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini. C'est le conflit qui anime toute la société iranienne qui s'incarne dans ce huis-clos familial aussi explosif qu'étouffant, virant au champ de bataille entre deux camps. À la fois thriller électrique et courageux, puisque très frontal, manifeste de la défiance envers les dirigeants du pays, Les Graines du figuier sauvage croient en l'ensemencement d'une révolution qui continue à secouer l'Iran. Son final dans le labyrinthe d'un village quasi-abandonné, prenant définitivement les choses par les cornes, en prophétisant la chute prochaine du pouvoir envisagé comme un minotaure désormais fragilisé.Bande annonce Les Graines du figuier sauvage Les barbares / Les graines du figuier sauvage. En salles le 18 septembre.
Il y a trente-six ans, beaucoup ont découvert Tim Burton avec Beetlejuice. L'ex animateur de chez Disney y plantait son décor naturel, entre décorum gothique, fantaisie débridée, bricolages rigolos et passions pour les freaks et marginaux en tout genre. Burton aura donc eu une place à part, celle d'un gamin aussi effronté que créatif, mais aussi véritable anomalie dans le cinéma de studio américain. Pendant plusieurs années, ce bras de fer s'est engagé, Burton parvenant à conserver sa patte sur des projets de commandes, avant de se voir formater pour des films aussi mercantiles qu'à grand succès comme son Alice au pays des merveilles ou sa relecture de La planète des singes mais totalement dévitalisés. La nouvelle aventure de Beetlejuice est une bonne nouvelle quand le cinéaste revient à ses racines. Evidemment à sa manière avec le retour d'un trublion prêt à tout pour revenir du monde des morts vers celui des vivants. Difficile de ne pas y voir une envie de renaissance pour Burton. On parlera plutôt de convalescence, ce nouveau Beetlejuice a beau avoir retrouvé le tonus et l'esprit des débuts, son plus grand fantôme reste un scénario tout raplapla, dispersé entre trame confuse et galerie de personnages secondaires inutiles. Pour autant, on y trouve parmi les séquences les plus inventives et poétiques tournées depuis longtemps par son auteur. Notamment une où sa nouvelle muse, Monica Bellucci doit rassembler les membres de son corps et les rafistoler à coup d'agrafeuse. Si cette séquence est aussi somptueuse que touchante, c'est sans doute parce qu'elle incarne les cicatrices d'un Burton qui commence à reprendre pied.Bande annonce Beetlejuice BeeteljuiceDes cicatrices, il n'y en a pas dans Kill, film de castagne venu d'Inde. Au premier abord cette affrontement en huis clos entre un militaire et une inépuisable armée de bandits dans un train semble essentiellement empiéter sur les plates-bandes de John Wick et consorts, avec son héros invincible qui remplit les wagons de cadavres. L'objectif de cette série B musclée est pourtant moins bourrin, quand il bastonne les codes du cinéma d'action, jusqu'à casser certaines de ses règles, que ce soit avec un sidérant twist à mi-parcours ou en évitant à son extrême d'être gratuite, en l'étoffant d'une vision acide d'une Inde sociale à deux vitesses ou en incarnant pleinement certaines victimes du carnage. Confirmant l'avènement d'un nouveau cinéma indien populaire survitaminé, Kill décroche aussi la mâchoire par son envie d'en découdre avec les blockbusters usuels. En résumé : Kill, ça tue !Bande annonce KillBeetlejuice Beetlejuice / Kill. En salles le 11 septembre
L’Étrange Festival a 30 ans, un rendez-vous toujours réussi des bobines "bizarres". Du 3 au 15 septembre, au forum des images à Paris, le festival met à l'honneur les films déviants, hors normes, louches, les thrillers, et films d'horreurs.On y retrouve ceux que l'on connaît déjà, comme Enter the void de Gaspar Noé, mais aussi des inédits, comme une version “director’s cut” du film Tusk d'Alejandro Jodorowsky. Sont également à l'affiche La colline a des yeux de Wes Craven, ou le mythique Freaks de Tod Browning. Ces deux derniers ont été sélectionnés par Noémie Merlant, qui a carte blanche pour le festival. L’actrice, vue aux cotés d’Adèle Haenel dans Portrait de la jeune fille en feu, ou plus récemment dans l’Innocent de Louis Garrel.Au micro de Nova, elle raconte sa passion pour l’étrange, une bizarrerie qui sera à l’oeuvre dans ses deux prochains films : Emmanuelle, en salles le 25 septembre et Les Femmes au balcon, qui verra le jour en décembre. Noémie Merlant est souvent associée au female gaze, et pourtant, elle a choisi trois films réalisés par des hommes, elle nous explique son choix au micro d'Alex Masson.
Il n'aura échappé à personne que les Jeux Olympiques et Paralympiques parisiens auront été aussi un marathon de la récupération politique, quitte à envoyer valser une demande présidentielle souhaitant que le sport ne soit pas politisé. Tatami se déroule loin de la Tour Eiffel en Georgie, pendant des championnats du monde de judo et met plus que pleinement sur le tapis ses enjeux. Quand la meilleure judokate iranienne risque de finir en finale face à son équivalente israélienne, les mollahs se mettent à faire pression sur l'athlète et son entraineuse pour qu'elle simule un désistement afin d'éviter un éventuel déshonneur à la république islamique. Tatami se déroule bien plus dans les vestiaires que pendant les matches. Logique pour un film qui veut parler de l'oppression qui se trame dans l'ombre. Et plus encore quand il est, chose impensable pour leurs gouvernements respectifs, co-réalisé par une iranienne et un israélien. Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv se révèlent pour autant parfaits sparring partners, ce tandem inattendu procurant à Tatami à la fois un sens électrisant de thriller à suspense qu'un parfait cours de realpolitik.Bande annonce TatamiIl faudra être particulièrement sportif pour pouvoir cavaler entre les séances de L'étrange festival, qui réouvre ses portes cette semaine. La manifestation qui fête ses trente ans a depuis longtemps démontré son endurance dans l'envie de montrer et partager des cinémas hors des clous. Cette édition est donc à nouveau l'occasion de parcourir une cartographie de productions méconnues ou transgressives. Polar turc ou kazakh, science-fiction chinoise, actioner indien, animation australienne, film d'horreur autrichien, film fantastique français et bien d'autres encore sont conviés dans cette désormais rituelle sarabande, gargantuesque festin pour qui serait affamé d'images et pensées « différentes » du cinéma mainstream. Au delà de ce panorama d'inédits, on notera, parmi la floraison d'invités, les deux cartes blanches données à deux voix féminines françaises singulières, Coralie Fargeat et Noémie Merlant. La réalisatrice et la comédienne, ayant en commun, au moins dans leurs films, une volonté de parole émancipatrice des codes, y présenteront des films de leur choix, en phase avec l'essence de L'étrange festival : pousser les curseurs pour mieux ouvrir les yeux sur le monde. Et pour ceux qui ne seraient pas rassasiés, le bonus d'un livre édité pour les trente ans, revenant sur l'aventure de ce festival vraiment pas comme les autres, sera une manière supplémentaire de souffler les bougies.Tatami. En salles / L'étrange festival du 3 au 15 septembre au Forum des images, Paris
Soyons lucides, la rentrée cinéma dans les salles n'est pas pour cette dernière semaine d'août, encore un peu mollassonne du côté des sorties. L'actu se fait bien plus trépidante du côté des sorties vidéo avec au minimum une découverte singulière venue de Taïwan. Là bas le studio Pili est une institution qui s'échine depuis quarante ans à entretenir deux traditions asiatiques, le film de sabre et le théâtre de marionnettes. En 2000, la structure familiale décide de transposer au cinéma une série télé très populaire. Legend of the sacred stone organise une rencontre inespérée. La trame autour de la quête d'une très convoitée pierre aux pouvoirs mirifiques est l'occasion de scènes aussi graphiques que dynamiques, invoquant autant les classiques du cinéma d'art martiaux des années 70 que ses expérimentations formelles dans la décennie suivante. En émane l'étonnante sensation d'une chair vibrante (parfois jusqu'à exploser dans des gerbes de sang) chez ces marionnettes sous speed. Impression confirmée par Demigod, un second film Pili inclus dans le même coffret de blu-ray. Plus récente, cette autre saga épique intègre à la perfection les progrès établis par les effets-spéciaux entre temps, au profit d'une mise en scène encore plus inventive comme d'un goût pour les séquences spectaculaires jusqu'au délirant. De quoi donner un sacré coup de vieux à nos séances de Guignol.  Bande annonce Legend of the sacred stone - Spectrum Films Autre variation sur un registre asiatique, Gamera aura agrandi le bestiaire initié avec Godzilla. Initialement apparue au milieu des années 60, pour séduire un public enfant, cette tortue atomique géante est devenue beaucoup moins inoffensive lors d'un reboot pour célébrer son trentième anniversaire. Une nouvelle trilogie de films aura envoyé bouler gâteau et bougies pour une étonnante résurrection prenant un ton bien plus réaliste, réinventant l'interaction entre la bestiole et les humains. Gamera s'y débarrasse de son statut d'iconique mascotte doudou pour concentrer les inquiétudes terrestres, d'une imprégnation écolo aux cas de conscience des victimes collatérales causées par les affrontements dantesques entre créatures belliqueuses. Au moment où Godzilla s'empêtre dans les filets de remakes américains de plus en plus ineptes, la réapparition de cette remarquable trilogie rend grâce aux Kaiju, ces films de monstres géants japonais, en rappelant que le plaisir des blockbusters n'est pas incompatible avec une écriture d'une rare maturité. Bande annonce Gamera - Roboto fims
Parcours d’une transgenre chez les narcos ou comédie conjugale loufoque, les sorties de la semaine ne sont qu’amour. Passé un certain âge, certains cinéastes s'installent dans une routine. Un axiome réfuté par Jacques Audiard, cinéaste septuagénaire qui n'a cessé de prendre des chemins de traverse. Du moins formellement. Pour ce qui est des sujets, il reste arrimé à une vision profondément romantique et sentimentale des rapports amoureux. L'enveloppe, elle change à chaque film. Au point de devenir un pitch en soi pour Emilia Perez, film sur la transition d'un narco-trafiquant en femme, épousant son principe jusqu'à lui même faire différentes mues, passant de la comédie musicale au mélo façon télénovela. Vous avez dit film transgenre ? Oui, dans son épiderme. Sa chair elle reste la matrice même du cinéma d'Audiard, cette envie de déconstruction des valeurs morales des personnages ou au minimum des valeurs virilistes. Cette fois-ci pour une vision baroque – et parfois roccoco – des choses, assez estomaquante en terme de spectacle ou dans un questionnement identitaire, superposant ceux de son personnage-titre et d'un cinéaste chercheur de formes. Ça a ses limites quand Emilia Perez laisse rapidement de côté certaines questions, du maelström qu'est un Mexique écartelé entre l'ordre et la violence à certaines fractures sociales, mais n'en reste pas moins surprenant et inédit dans sa proposition de cinéma transformiste.  Bande annonce Emilia Perez  Des limites, Zénithal n'en connait pas beaucoup. Il est aussi question d'une altérité homme-femme dans cette comédie secouée mêlant machiavélique complot masculiniste pour asservir la gent féminine, combats de kung-fu et greffe de cerveau dans... des pénis géants ! Foutraque ? Oui, assurément mais surtout totalement assumé par l'alliance entre premier degré de la croisade d'un loser pour reconquérir son couple et un concept de base loufoque. Le potentiel de nanardisation asphyxie souvent la réflexion sur la conjugalité moderne, mais l'entrain d'un casting à fond les ballons pour accompagner ce franc délire a quelque chose de réjouissant. Au minimum par une désinhibition totale pour s'essayer à une réécriture, malgré tout sensible, de la rom-com ou en tordant le cou à la pensée Incel en assurant définitivement qu'elle est con comme une bite.  Bande annonce Zénithal Emilia Perez / Zénithal. En salles le 21 août.
Certaines mythologies de cinéma sont increvables. En l'occurence celles d'Alien et du film d'action hong-kongais des années 90, qui font leur retour en salles cette semaine. En 1979, lorsque le premier Alien sort et révolutionne le cinéma de science-fiction, personne n'aurait cru qu'il donnerait lieu à une franchise qui perdurerait quarante-cinq ans plus tard. Qui plus est une des plus passionnantes dans sa gestion, où se sont entrechoquées entre autres les visions de David Fincher, James Cameron ou Jean-Pierre Jeunet avant que Ridley Scott ne se la réapproprie pour aller sur un terrain plus ésotérique avec Prometheus ou Alien : Convenant. Avec Alien : Romulus il a confié les commandes à un réalisateur uruguayen qui a déjà relifté d'autres franchises, d'un pertinent remake d'Evil dead à une solide suite à Millenium. Fede Alvarez revient aux sources, que ce soit en situant ce nouvel opus entre le premier Alien et Aliens mais surtout en renouant avec une part purement organique . En ayant recours à minima aux effets numériques, Alien : Romulus ressuscite l'essence même de la saga, cette incarnation ultra-physique de la peur, a travers une course poursuite entre la créature et une poignées d'humains. C'est du moins la promesse faite par les très efficaces et alléchantes quelques séquences montrées en amont de la sortie, laissant penser que ce nouvel épisode n'est pas un vain raval de façade , mais plutôt un inespéré retour aux racines.  Bande annonce Alien : Romulus Celui de City of darkness l'était tout autant. A partir d'une immersion dans la citadelle de Kowloon, authentique cour des miracles ayant accueilli tous les parias hong-kongais avant sa destruction dans les années 90, Soi Cheang réinvestit le thriller d'action de l'ex-colonie Britannique. A l'époque, Kowloon avait été démoli dans le cadre de la rétrocession à la Chine, dans un esprit de nettoyage. City of darkness lui restitue un sentiment de fourmilière tant par la profusion de personnages que par de dantesques décors arachnéens se resserrant autour d'une guerre des gangs. De quoi édifier un paradis perdu de cinéma kinétique, entre générosité des scènes de combats et participation de légendes d'un âge d'or révolu, de Sammo Hung, compagnon de Bruce Lee et Jackie Chan, imposant en super méchant à Philip Ng, émérite chorégraphe d'art martiaux. Au delà des phénoménales prouesses physiques, City of darkness fait l'éloge de la transmission d'un code de valeurs, ravivant celui d'un cinéma voyou incroyablement revigoré, tout en fureur et chaos soufflant sur les braises incendiaires d'une identité culturelle hong-kongaise qu'on pensait dissoute dans une production chinoise désormais aux ordres du gouvernement. Et si le personnage central de ce film ultra- épique est un clandestin cherchant asile, City of darkness s'impose clairement comme un refuge sanctuarisé pour tout les nostalgiques du cinéma urbain made in Hong-Kong.  Bande annonce City of Darkness Alien : Romulus/ City of Darkness. En salles le 14 août.
Les années 80 ne sont pas mortes. La preuve avec une revisite musclée des slahsers urbains et un film de zombies. Finalement, le cinéma c'est peut-être plus qu'autre chose une question de codes, de règles narratives. Et surtout de savoir comment les contourner, les détourner, pour mieux y revenir, rappeler qu'ils sont une base, un pilier. Encore plus quand il s'agit de films de genre. Ainsi MaXXXine et We are Zombies s'élancent comme des variations nourries d'envies de pas de côté et de références mais sans trop se perdre dans un discours meta de petit malin, lui préférant un premier degré à peine teinté d'ironie.  Ainsi MaXXXine, dernier volet d'une trilogie dédiée à l'empouvoirement féminin revisite - après les univers du porno américain, du cinéma d'horreur indépendant ou du mélo dans les deux premiers films)-, celui des séries B urbaines des années 80 à travers une actrice prête à tout pour devenir vedette, quitte à être rattrapée par son passé et un tueur qui se met à dézinguer les starlettes. Hommage à la production américaine déviante MaXXXine s'évertue pourtant à raconter des évolutions parallèles, celle d'une femme désireuse de s'émanciper et d'un cinéma essayant de ne pas s'aseptiser, de maintenir une certaine rébellion. Soit quelque part, quelque chose qui n'est pas si loin du chant nostalgique d'un Tarantino et son Once upon a time in Hollywood. MaXXXine se rapprochant d'une version plus réaliste du rêve américain, parce que portrait plus rugueux, plus crasseux de son quotidien et ses désillusions.  Bande annonce MaXXXine De son côté We are zombies s'assume en version ludique du film (donc) de zombies, tout en brocardant une époque libérale ayant anesthésié les valeurs : les cadavres ambulants étant sur le point de surpasser numérairement les vivants, ils sont devenus un nouveau prolétariat exploité, y compris par un trio de crevards réduits au trafic de morts-vivants devenus cobayes de l'industrie pharmaceutique. Plus anar que contestataire, We are zombies s'essaie à la comédie sociale, où la pulsion de dévoration serait issue du virus capitaliste. Pas de militantisme pour autant dans cette pochade canadienne, le ton est plus à la déconnade. Un petit filet de bile amère sinuant parmi les moments de bravoure gore ne laisse pour autant pas de doute sur l'idée d'un monde où ce serait aux vivants de se réveiller plutôt qu'aux morts. Du fond de sa tombe, George Romero, le fondateur de films de zombies ayant autant de cervelle que de tripaille, doit être ravi de cette descendance potache.  Bande annonce We are zombies MaXXXine / We are zombies. En salles.
Le milieu du cinéma français n'a jamais trop su comment traduire ni s'approprier le Blockbuster. Pas par défiance des anglicismes, mais sans doute par complexe culturel. Enfin ça, c'était avant que le grand public ne sature des films de superhéros, ouvrant une brèche pour un retour du héros à la française.  Et pourquoi pas alors aller piocher dans le creuset de la littérature populaire ? Après une tentative peu concluante avec un patapouf Les 3 mousquetaires l'an dernier, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, qui l'avaient écrite, ont pris les choses en main pour réaliser une nouvelle version du Comte de Monte-Cristo. Alexandre Dumas ne se retournera pas dans sa tombe devant cette version tout en panache, updatant le classique patrimonial en récit de vengeance. Edmond Dantès y devient quasiment un personnage à la Bruce Wayne/Batman, justicier toxique par ses proches, dévoré par le masque de sa croisade personnelle. De La Patellière et Delaporte retournent eux aux valeurs d'un formidable cinéma de cape et d'épée à l'ancienne : pas de temps mort, des personnages pleinement incarnés par un casting uniformément impeccable et ne pas lésiner sur la direction artistique. Et si les bons « Comtes » font les bons amis, ce Monte-Cristo, évidente réussite, devrait rameuter dans les salles bon nombre de spectateurs.  Bande-annonce Les 3 mousquetaires  Bien qu'à l'opposé absolu en termes de budget et d'ampleur, Camping du lac cultive lui aussi un sens de l'épique. Les tribulations d'une jeune femme au gré de ses rencontres dans un camping breton où vivrait une créature millénaire parvient lui aussi à prendre le large. Avec trois bouts de ficelles, Eleonore Saintagnan tisse son monde, pour y faire se côtoyer, entre autres, légendes celtes et blues américain. Du cinéma façon histoires qu'on se raconte au coin d'un feu de camp. Minimaliste sur la forme, cette élégie du fantasque ravive la force des folklores comme autant d'inépuisables boîtes à contes et a des airs de baignade en eaux douces : une fois qu'on est dedans, aucune envie d'en sortir. Juste celle de se laisser flotter, porter par le puissant charme d'un film petit par la taille, grand par son imaginaire.  Bande-annonce Camping du lac  Le comte de Monte-Cristo / Camping du lac. En salles le 19 juin. 
Bientôt l'été, forcément la saison des chaleurs, donc moment propice pour aller à la plage se débrailler un peu.  Demos, le personnage central de The summer with Carmen, passe beaucoup de temps sur celles d'Athènes. C'est là-bas qu'il cherche l'inspiration avec un ami de longue date pour écrire un scénario lui permettant de faire le deuil de sa dernière rupture amoureuse. Sur les rochers alentours, les hommes se dénudent très facilement, lui lutte pour se mettre psychologiquement à poil. The summer with Carmen réinvente la comédie romantique queer pour y ajouter de multiples tiroirs, où viendraient se ranger les cinémas de Xavier Dolan, Pedro Almodóvar ou Éric Rohmer. Le tout sans devenir une auberge espagnole, plutôt une salade grecque aux ingrédients idéalement dosés. L'identité gay en ressort solaire, d'un érotisme assumé à un discours déculpabilisant, plus dans une idée de déconstruction des clichés, y compris dans son alliance de fantaisie débridée et d'introspection existentielle. En 1979, l'ambition de Bob Guccione et Tinto Brass était tout autre quand ils se lancent dans Caligula. L'alliance d'un patron de la presse porno américaine et du plus érotomane des cinéastes italiens aura accouché d'un film monstre. Autant dans son idée folle d'un péplum de luxe ultra-désinhibé, excessif jusque dans son casting haut de gamme, réunissant autour de Malcolm Mc Dowell la crème de la crème britannique que dans sa Genèse des plus tumultueuses. Aux deux versions précédemment exploitées, celle de Brass déjà pas piquée des hannetons, et celle de Guccione encore plus dépravée, s'ajoute désormais une troisième, baptisée The ultimate cut. Elle est conçue à partir d'une centaine d'heures de rushes qui n'avaient pas été utilisées. Les scènes les plus trash des deux versions précédentes, qu'elles soient gores ou pornographiques en sont excisées, mais Caligula : the ultimate cut n'en est pas moins fou dans sa peinture d'un empire Romain en pleine dégénérescence. La décadence pointée du doigt par Brass et Guccione fait place à une vision quasi putride des enjeux de pouvoir autour d'un empereur aveuglé par l'amour incestueux pour sa sœur, retrouvant sa part de tragédie shakespearienne. Le stupre des films de départ s'est quelque peu dissout dans cet Ultimate cut, pas la démesure. Mieux que d'éviter à cette version-là un statut de curiosité, elle démontre la vertu principale du projet initial : transformer l'exploration d'un des plus grands cas de folie de l'histoire en monument de cinéma. The summer with Carmen et Caligula : the ultimate cut, en salles le 19 juin.
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