Discover
Questions d'environnement
Questions d'environnement
Author: RFI
Subscribed: 18Played: 782Subscribe
Share
© France Médias Monde
Description
La Terre est en surchauffe, l’ensemble du vivant chaque jour plus menacé et la science très claire : les activités humaines sont responsables de cette situation. Le temps compte pour agir afin de préserver nos conditions de vie sur la planète. Quels sont les bouleversements en cours ? Comment les décrypter ? Et quelles sont les solutions pour enrayer cette dégradation, pour adapter nos modes de vie et nos infrastructures au changement du climat, pour bâtir un avenir plus durable pour tous ? À tour de rôle, les spécialistes environnement de la rédaction de RFI ouvrent la fenêtre sur notre monde en pleine mutation.
433 Episodes
Reverse
C'est pendant les fêtes de fin d'année que l'on consomme le plus de chocolat, issu du cacaoyer, un petit arbre dont la culture est confrontée, en particulier en Afrique de l'Ouest, aux ravageurs et au changement climatique. Mais des solutions existent. Gare à la crise de foie. Noël est la période où l'on mange le plus de chocolat, surtout en Europe et en Amérique du Nord. Le cacaoyer fait en effet partie de ces plantes cultivées au sud et surtout consommées au nord. C'est en Suisse où l'on mange le plus de chocolat. La France n'est pas loin derrière, avec plus de 30 000 tonnes achetées au moment de Noël – et c'est peut-être pour ça qu'on grossit pendant les fêtes ! La consommation de chocolat a pourtant diminué ces derniers temps, avec l’explosion des prix, en raison de la loi de l'offre et de la demande. Il y a deux ans, la production de cacao a chuté en particulier en Afrique de l’Ouest, alors que la Côte d’Ivoire, le premier producteur mondial, et le Ghana représentent 70 % de la production mondiale de cacao. C'est une conséquence du changement climatique, mais pas dans le sens où on le redoutait. À lire aussiPâques: à cause du changement climatique, les prix des chocolats s'envolent Trop de pluie « On a craint pendant longtemps des sécheresses dans certaines zones de Côte d’Ivoire et du Ghana, explique Christian Cilas, chercheur et correspondant cacao au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Mais, en fait, la plus grosse crise est venue en 2023 par des excès de pluie qui ont entrainé des problèmes de floraison, de chute de fleurs, de manque de pollinisation et surtout la pourriture brune des cabosses, une maladie causée par un champignon qui s’est propagée de façon très importante avec les pluies. » Ça devient chaud pour le cacao qui doit aussi affronter outre le changement climatique d’autres menaces : des maladies, des ravageurs et en premier lieu le swollen shoot, un virus transmis par un insecte, la cochenille. « Ce virus existe dans la flore africaine sur d’autres espèces végétales et il y a eu ce qu’on appelle en épidémiologie un saut d’hôte : le virus est passé sur le cacao par l’intermédiaire d’un vecteur que sont les cochenilles. La maladie est en progression et provoque la mort de parcelles d’arbres », précise Christian Cilas. Solutions hybrides Mais face à ces menaces, la recherche agronomique n'est pas inerte et il existe des solutions. D'abord l'agroforesterie, qui a fait ses preuves : des cultures vivrières au milieu d'arbres, ce qui procure de nombreux avantages pour les cultures et pour le climat. Les scientifiques mettent aussi au point des cacaoyers hybrides. « Par le biais de croisements, il est possible d’avoir du matériel végétal qui soit plus résistant à certaines maladies notamment. C’est une solution, mais une solution à long terme parce que lorsqu’il y a des problèmes climatiques ou des maladies qui émergent, mettre au point des variétés plus résilientes prend un certain temps », souligne Christian Cilas. Mais pourrait-on imaginer à terme un Noël sans chocolat ? « A priori non, répond Christian Cilas, du Cirad. Ce qui se passe souvent, c’est que les zones de production bougent. Il y a des pays qui se mettent à faire plus de cacao maintenant, au Libéria, ou en Afrique centrale. Le Pérou a aussi augmenté sa production. Et des pays asiatiques sont également intéressés à produire du cacao. » Nous voilà rassurés : ce n’est pas encore cette année qu’on mangera moins de chocolat. À lire aussiPremière cotation d'une plantation de cacao
Fin novembre, deux tempêtes tropicales ont frappé l'Asie du Sud-Est. En quelques jours, des torrents de pluie ont dévasté le Sri Lanka, une partie de la Malaisie, de la Thaïlande et de l'Indonésie, faisant plus de 1 800 morts. C'est la catastrophe naturelle la plus meurtrière depuis le tsunami de 2004. L'île indonésienne de Sumatra a été particulièrement touchée, avec plus de 1 000 morts et des centaines de personnes toujours disparues. L'Homme est en partie responsable de ces évènements. Ditwah au Sri Lanka, Senyar en Indonésie. Deux tempêtes tropicales exceptionnelles qui ont déversé fin novembre de fortes pluies. Inondations, coulées de boue et glissements de terrain ont fait au moins 1 800 morts et des milliards de dollars de dégâts. Un groupe international de scientifiques vient de réaliser une analyse de tous les facteurs qui ont mené à la catastrophe. Si les pluies de mousson sont naturelles dans cette partie du globe, les chercheurs sont formels : leur intensité, elle, a été anormale. Ils assurent que les inondations meurtrières ont bien été favorisées par le dérèglement climatique. Or l'Homme est le responsable de la crise climatique. Mais notre responsabilité ne s’arrête pas là. En Indonésie notamment, de plus en plus de voix s'élèvent pour accuser la déforestation comme l'indique Mongabay. Mauvaise gestion de crise Salsabila est membre de l’association de femmes Solidaritas Perempuan à Sumatra. Elle revient tout juste de la région d'Aceh, l'une des plus touchées. Elle décrit une situation critique : l'accès à l'eau et à la nourriture est difficile, des maladies émergent et les rescapés manquent de médicaments. Selon elle, le gouvernement ne fait pas assez pour secourir les sinistrés : le président refuse de déclarer l’état de catastrophe naturelle, ce qui empêche le décaissement de fonds. « En tant que citoyenne indonésienne, je suis profondément déçue et honteuse de leur réaction, raconte Salsabila. Un village du district de Sekarat a même été déclaré complètement perdu. Toutes les maisons et les environs ont été emportés par les inondations. Je n'imagine même pas la peur que les habitants ont dû ressentir lorsque l'eau a atteint la hauteur des cocotiers, soit environ 6 mètres, et a dévasté tout leur village. » « Aceh Tamiang est l'un des endroits qui compte le plus grand nombre de plantations de palmiers à huile de la région, c'est l'une des principales raisons qui expliquent que les inondations ne se soient pas résorbées. » Les forêts sont des éponges Dans le pays, la déforestation est massive. L'île de Sumatra a perdu presque 4,5 hectares de forêt en 25 ans, une surface plus grande que la Suisse, pour l'exploitation minière et surtout pour l'agriculture industrielle de palmiers à huile et faire place à des villes qui s'étendent de manière anarchique. Pour Salsabila, « il ne s'agit pas seulement d'une catastrophe climatique, mais aussi d'une catastrophe environnementale et si cela continue, les conséquences dans le futur seront sans aucun doute bien pires. » Les forêts intactes agissent en effet comme des boucliers face aux inondations Les feuilles et les branches ralentissent la chute de la pluie, la couche de feuilles au sol protège la surface et les racines, avec tous les tunnels créés par les petits animaux comme les vers de terre, font de minuscules chemins qui permettent à l'eau de s'infiltrer. Les plantes absorbent aussi une partie de l'eau. Puissants lobbys industriels « Une forêt est une éponge naturelle », expliquent des chercheurs dans The Conversation. Si on la coupe, si on tue la vie du sol avec toute sorte de pesticides pour l'agriculture, alors le paysage perd sa capacité à absorber l'eau. La pluie s’accumule et fait déborder les rivières, l'eau qui ruisselle emporte le sol, ce qui engendre des inondations et des glissements de terrain. Au Parlement, le ministre indonésien des Forêts a bien mis en cause « une mauvaise gestion forestière ». Le ministre de l’Environnement a, lui, suspendu quelques permis d'exploitation à Sumatra. Ils promettent de mieux contrôler et de punir les entreprises qui ne respectent pas les permis. Mais il va falloir bien plus « face aux intérêts puissants » et à l'impunité des exploitants d'huiles de palme, de bois et de minerais, souligne l'Institut Lowy, un think tank australien, très critique lui aussi de la politique indonésienne. Changement climatique, destruction de la nature et destruction des sols : l'Homme est responsable de cette triple crise. Il faut donc agir sur ces trois facteurs pour éviter ces terribles catastrophes et ces milliers de morts.
Aux États-Unis, un phénomène fait couler beaucoup d'encre et mobilise de nombreuses équipes de télévision : dans la baie du Cap Cod, sur la côte Est, des centaines de jeunes tortues marines s'échouent sur les plages. La baie du Cap Cod se situe au sud-est de la ville de Boston. Elle constitue l’extrémité sud du golfe du Maine dont les eaux chaudes attirent durant l'été des jeunes tortues marines qui y trouvent de la nourriture en abondance. Mais quand l'hiver arrive, la température chute. Les tortues se dirigent alors instinctivement vers le sud pour rejoindre les eaux plus chaudes. Seulement voilà : la baie du Cap Cod est délimitée au sud et à l'est par une presqu'île. La baie a de facto la forme d'un immense bassin dont la seule issue se situe au nord. Pour les jeunes tortues qui tentent de nager vers le sud, c'est un piège fatal. À lire aussiAllo docteur, c'est pour une tortue marine Quand la température chute en hiver, les tortues sont en hypothermie Quand la température chute avec l’arrivée de l’hiver, les tortues se retrouvent en hypothermie. En tant que reptiles, ces animaux ne peuvent pas auto-réguler leur température corporelle mais dépendent entièrement des sources externes de chaleur. Quand l'eau de mer passe en dessous de 10 degrés, la situation devient critique : les tortues sont alors comme paralysées. Elles n'arrivent plus à nager, sont désorientées et dérivent jusqu'à ce que les vagues rejettent certaines d'entre elles sur les plages. Un phénomène habituel aggravé par le changement climatique En hiver, les riverains ont l’habitude de sauver les tortues paralysées des plages glaciales autour de la baie du Cap Cod. Il y a trente ans, randonneurs et défenseurs de l'environnement retrouvaient en moyenne une centaine de tortues par saison, entre novembre et janvier. Mais cette année, les autorités comptabilisent jusqu’à cent tortues par jour ! Le changement climatique est en grande partie responsable de cette augmentation impressionnante. Durant les mois d'été, le Gulf Stream emporte les jeunes tortues des côtes du Texas et de la Floride vers le nord le long de la côte est américaine. Ces animaux marins se dirigent instinctivement vers les eaux les plus chaudes en quête de nourriture. Et la baie du Cap Cod se réchauffe plus rapidement que 99% des masses d'eau dans le monde, selon les données de la NOAA, l’agence américaine chargée de l’étude des océans et de l’atmosphère. La faute au changement climatique qui affaiblit le courant du Labrador, qui - normalement - devrait transporter les eaux froides de l'Arctique vers le sud et ainsi maintenir une certaine fraîcheur dans le Golfe du Maine. Donc plus la température de l'eau est au-dessus des normales en été et en automne, et plus de jeunes tortues débarquent dans la baie du Cap Cod. Opération de sauvetage de grande envergure Sur les plages du Massachusetts, une incroyable opération de sauvetage est en cours depuis plusieurs semaines déjà. Des centaines de bénévoles ratissent des plages jour et nuit pour retrouver ces animaux inertes. Les télévisions diffusent même des numéros d'urgence, joignables 24h sur 24, pour signaler des tortues en détresse. Elles sont ensuite prises en charge par des vétérinaires. Les soins sont longs. Les tortues doivent être réchauffées très lentement. Et il faut compter entre 6 et 8 mois avant qu'elles puissent regagner la mer. Or, les vétérinaires sont débordés par l'affluence autour du Cap Cod où l'on commence à manquer de place. Des chauffeurs et même des pilotes d'avion bénévoles ont donc commencé à transférer des tortues vers d'autres États américains. Parmi les espèces qui s'échouent sur les plages, on retrouve des tortues vertes et des tortues caouannes, mais dans la majeure partie des cas il s'agit de tortues de Kemp, classées « en danger critique d’extinction ». Dans ce contexte, chaque tortue sauvée est un espoir de reconstituer sa population et donc d'assurer la survie de l'espèce. À lire aussiQue nous enseignent les tortues marines ?
Dans la transition écologique, les universités se doivent d'être exemplaires. C'est en tout cas l'avis de nombreux étudiants à travers le monde qui mettent la pression sur leurs établissements de l'enseignement supérieur. Sous le slogan « Université sans fossiles », ils réclament que leurs facultés coupent les liens avec les grandes entreprises pétro-gazières, principales responsables du changement climatique. Et au Royaume-Uni de plus en plus d'universités y répondent favorablement. Après plus d'une décennie de mobilisation des étudiants, les résultats sont là : le plus important, c'est qu'une large majorité des 147 universités britanniques ont fini par retirer leur argent de l'industrie fossile. « Au Royaume-Uni, les études universitaires coûtent très cher aux étudiants. Cet argent est ensuite investi par l'université dans le but de générer davantage de profits. Et historiquement, beaucoup d'universités ont investi dans des entreprises du secteur des énergies fossiles », explique Josie Mizen, co-directrice de People & Planet, le plus grand réseau étudiant au Royaume-Uni dédié aux campagnes pour la justice sociale et environnementale. « Au cours des dix dernières années, les étudiants ont mené une campagne majeure pour que leurs universités retirent ces investissements des énergies fossiles. Aujourd'hui environ 80% des universités britanniques l'ont fait ou se sont engagées à le faire. Cela représente environ 23 milliards de livres britanniques (soit plus de 26 milliards d'euros, ndlr) qui sont désormais hors de portée de l'industrie des combustibles fossiles ». Des liens profonds C'est un pas important. Mais les imbrications entre industrie fossile et les universités ne s’arrêtent pas là. Le secteur des énergies fossiles a par exemple influencé pendant des décennies le contenu même de ce qui est enseigné aux étudiants. « Des universités comme celles d’Oxford, d’Edimbourg et d’autres ont toutes invité des entreprises du secteur des énergies fossiles à les conseiller dans la construction de leurs cursus universitaires. Ou elles ont invité des cadres supérieurs d'entreprises pétro-gazières à occuper carrément des postes d'enseignants dans leurs facultés », détaille Josie Mizen. L'industrie fossile a aussi pour habitude de profiter des salons de recrutement organisés par les universités pour attirer les jeunes diplômés. Un piège, estiment les étudiants britanniques mobilisés, car il s'agit là, selon eux, d'un secteur sans avenir. Les entreprises pétro-gazières exclues des salons de recrutement « Dix-huit universités britanniques ont donc décidé de ne plus publier d'offres d'emploi de l'industrie des combustibles fossiles. Huit de ces engagements ont été pris rien qu’au cours de l’année dernière. C'est un mouvement qui prend vraiment de l'ampleur ». Pourtant les universités britanniques ont encore du chemin à faire, estime Josie Mizen. Notamment en ce qui concerne les projets de recherches universitaires, dont bon nombre sont financés par l'industrie fossile. « Il est évident que de nombreuses universités britanniques connaissent des difficultés financières », fait remarquer la co-directrice du réseau étudiant People and Planet. « Par conséquent, il peut être difficile de leur demander de refuser ces financements pour la recherche. Mais nous savons que l'industrie des combustibles fossiles au Royaume-Uni investit des millions dans la recherche universitaire qui sert ses propres intérêts et objectifs. Ces financements ne sont pas neutres. L'industrie fossile s'achète ainsi une légitimité ! Les universités n'accepteraient jamais qu'une entreprise de tabac influence leurs recherches sur la santé publique. Il est donc assez suspect qu'une entreprise de combustibles fossiles finance par exemple les recherches sur le changement climatique ». Les étudiants : l’avant-garde dans la lutte pour la justice environnementale Les mesures déjà prises par les universités britanniques révèlent en tous les cas le rôle moteur des étudiants dans la transition écologique. « Historiquement, les étudiants ont souvent été à l'avant-garde des mouvements pour la justice, comme la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud », souligne encore Josie Mizen. Aujourd'hui leur mobilisation pour plus de justice sociale et environnementale s'inscrit dans cette tradition, et ceci dans de nombreux pays à travers le monde, pas qu’au Royaume-Uni.
Toute cette semaine, à l'occasion du dixième anniversaire de l'Accord de Paris sur le climat, conclu le 12 décembre 2015, notre Question d’environnement est consacrée aux grandes étapes qui ont conduit à cet accord historique. Hier, nous évoquions les enjeux précédant la signature de l’accord de Paris en 2015. Aujourd’hui, retour sur la période allant de Paris à la COP30 de Bélem. Et cette question : et après? Le 12 décembre 2015, 195 pays signent l’accord de Paris, un traité international qui oblige juridiquement ses signataires à agir contre le changement climatique. Objectifs : ne pas dépasser les 1,5° degré d'ici la fin du siècle. Atteindre le zéro émission nette et aider financièrement les pays vulnérables à s’adapter au nom de la solidarité. Dix ans après, quel est le bilan ? « L'action climatique a été modifiée par l'accord de Paris, nous explique Michel Colombier, directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales. On a aujourd'hui des institutions, des plans, des mesures dans la plupart des pays qu'on a regardés. Et il y a un changement de trajectoire d'émission. Après, on sait que, pour l'instant, les pays ne sont pas sur la fameuse trajectoire de neutralité carbone à partir de la 2ᵉ moitié du siècle. Nous n'y sommes pas, donc il y a du mieux, mais il y a encore beaucoup d'ambition à gagner. » Financer l’adaptation des pays du Sud au changement climatique. C’est l’article 9 de l’accord de l’Accord de Paris. Plus que de solidarité, il s’agit de morale, car les pays du Sud sont ceux qui subissent le plus durement les conséquences du changement climatique alors qu’ils n’en sont peu ou pas responsables. Une enveloppe de 40 milliards de dollars par an leur est alors octroyée, mais jusqu’à présent ils n’en ont touché que 26 alors que les besoins augmentent. Pour les pays du Sud, la COP30 de Bélem était donc l’occasion de réclamer un triplement du fonds pour l’adaptation. Mais ils n'ont obtenu qu'une vaste promesse de triplement de ce fonds d’ici 2035, au lieu de 2030, et surtout sans aucune obligation pour les pays du Nord car ces États ne veulent pas payer seuls l’addition depuis le retrait des États-Unis de Donald Trump de l’accord de Paris. Pour les observateurs, Bélem marque donc un recul sur la question de l’adaptation. La sortie progressive des énergies fossiles. Elle a été actée lors de la COP de Dubaï en 2023 mais sans aucune feuille de route précise. Cette question a donc fait l’objet d’âpres négociations à Bélem. Pour contrer les États pétro-gaziers et la Russie, qui ne veulent pas entendre parler de sortie des fossiles, 90 pays - dits ambitieux - ont formé une coalition pour obtenir cette fameuse feuille de route sur la sortie du charbon, du pétrole et du gaz. Mais sans succès. Alors peut-on parler d’échec de Bélem à ce niveau ? « Les COPs sont là pour mettre une pression politique sur les pays, reprend Michel Colombier:. Ce qui est intéressant à Bélem, c'est le fait qu'un groupe de pays se soit dit : les énergies fossiles, nous, nous sommes persuadés que la seule solution c'est d'en sortir. Et ce groupe de pays s'est dit : on va se rencontrer au début de l'année prochaine pour une action de coalition. Et c'est dans ce cadre, à l'extérieur des Nations unies, qu'on peut avancer sur les sujets concrets de mise en œuvre réelle des politiques, de transition énergétique, de sortie des fossiles etc. » À lire aussiClimat: «Nous avons besoin d'action politique pour atteindre l'objectif de 1,5°C» Les COPs sont les seules enceintes pour maintenir le climat en haut de l’agenda, un endroit où tous les pays peuvent faire entendre leur voix. Mais le revers de la médaille, c’est que chacun défend ses priorités nationales et son modèle de développement. Bélem en est la parfaite illustration. Mais d’autres modes de négociations voient désormais le jour, pour le climat pour le futur et le bien être de l’humanité.
Toute cette semaine, à l'occasion du dixième anniversaire de l'accord de Paris sur le climat, conclu le 12 décembre 2015, notre Question d’environnement est consacrée aux grandes étapes qui ont conduit à cet accord historique. Aujourd’hui gros plan sur les enjeux pour aboutir à l’accord de Paris en 2015. En décembre 1997, la COP3 adopte le protocole de Kyoto, premier texte qui introduit des engagements contraignants pour les pays développés et les pays de l’ex-bloc soviétique, qui doivent réduire de 5 % leurs émissions de GES d’ici à 2012. Mais, pour entrer en vigueur, le Protocole de Kyoto doit être ratifié par un nombre suffisant de pays représentant un certain volume d’émissions. Or, en mars 2001, Georges W. Bush est élu président des USA, et il annonce que les États-Unis ne ratifieront pas le protocole de Kyoto. Une question se pose alors : que signifie un tel protocole sans les États-Unis, à l'époque premier émetteur de GES ? Cette sortie entraîne une forte décrédibilisation du processus auprès des pays en développement. Finalement, le protocole de Kyoto entre en application début 2005. Il a le mérite de mettre le changement climatique à l'agenda politique, mais de nombreux problèmes restent à régler. Michel Colombier est le directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales: « Il y avait un problème particulier qui était l'absence dans ce groupe de pays de pays émergents, notamment la Chine, qui était à la fois une condition pour un certain nombre de pays industrialisés de reprendre des engagements et une condition aussi pour faire revenir les USA à la table des négociations, qu'ils avaient quittée précédemment. Donc, il y avait vraiment un double enjeu. Un enjeu de retrouver les négociations avec l'ensemble des participants et un enjeu d'avoir un accord climat après 2012 parce que sinon Kyoto ne fonctionnait pas. » De 2005 à 2009, l’Union européenne préconise d’élargir le protocole de Kyoto aux pays émergents Les États visent la COP de Copenhague, en 2009, pour trouver une suite à Kyoto. Les enjeux sont énormes. Formuler un objectif à long terme. Décider de la forme juridique de l'accord, afin qu’il soit accepté par le Congrès américain. Mais, entre temps, la donne a changé et certains pays que l’on appelait émergents à l’époque se sont développés. La Chine, avec sa croissance à deux chiffres, est devenue le premier émetteur mondial de GES. Les pays du Nord aimeraient donc les mettre à contribution, mais les pays du Sud rappellent leur droit au développement et la responsabilité historique des pays du Nord. Tous ces éléments contraires vont provoquer le naufrage de la COP à venir, celle de Copenhague. « Elle se termine par un échec parce qu'on n'arrive pas à trouver un accord permettant à la fois aux pays émergents de rentrer dans l'action climatique, et en même temps de trouver une méthode pour organiser cette action, explique Michel Colombier, directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales. À Copenhague, un certain nombre de pays trouvent un accord. Mais ils le trouvent en dehors des Nations unies. Ils le trouvent en petit groupe de pays et l'Europe est rattachée au dernier moment à cet accord. Et quand cet accord est présenté à l'ensemble des pays, ces pays disent : 'Non, nous n'acceptons pas un accord négocié en catimini par quelques-uns'. » L'échec de la COP de Copenhague en 2009 La COP de Copenhague se solde donc par un fiasco. Plusieurs chefs d'État et de gouvernement quittent Copenhague bien avant la fin comme le Russe Medvedev, le Brésilien Lula. De leur côté, les États-Unis et la Chine discutent en aparté pour déceler un accord qui leur permette de préserver leur souveraineté, et qui ne soit pas contraignant. On parlait alors de négociation du G2. Lorsque le président Obama annonce à la télévision qu'il a obtenu un accord, la plupart des autres délégations ne l'avaient même pas lu. C'est un terrible affront pour les délégués, et pour l'Europe, qui était normalement fer de lance des négociations. Fou de rage, le président vénézuélien Hugo Chávez tacle les pays industrialisés : « Si le climat était une banque, dit-il, vous l'auriez déjà sauvé ! » La COP de Copenhague lance les négociations vers l'accord de Paris en 2015 La Cop 21 à Paris est défendue par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, et Laurence Tubiana, qui coordonne les négociations. Leur tâche est ardue. Il faut redonner confiance aux pays qui se sentent trahis et faire revenir tout le monde à la table des négociations. Une mission difficile. Pourtant juste avant la conférence, l’espoir est bien là. « Quand on arrive à Paris, je dois dire qu'on était plutôt confiant parce que la présidence française avait fait un gros travail diplomatique et surtout, elle avait demandé aux pays de présenter avant même l'accord ce qu'on avait appelé des trajectoires d'action climatique intentionnelle, c'est-à-dire, si un accord est trouvé à Paris, que seriez-vous prêt à faire dans votre propre pays pour lutter contre le changement climatique ? », ajoute Michel Colombier, directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales. Résultat, la plupart des pays arrivent avec un plan d’action, ce qui va contribuer à faire avancer les négociations, jusqu’au 12 décembre 2015, jour de la signature de l'accord de Paris. À lire aussiClimat: cinq ans après l'accord de Paris, les résultats se font attendre
Toute la semaine, à l'occasion du dixième anniversaire de l'Accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015, la question d’environnement sera consacrée à de grandes étapes qui ont conduit à cet accord historique. Le premier épisode nous renvoie 35 ans en arrière avec le premier rapport du Giec. Le Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, est créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l'environnement. Mais ce sont des travaux des années 1970 qui ont indirectement enclenché le processus. Et « le rapport Charnay marque le début d'une mobilisation de la communauté scientifique dans les années 1980 », explique Jean Jouzel, vice-président du groupe 1 du Giec de 2002 à 2015. Ce rapport a établi un ratio d'augmentation des températures en fonction de la concentration de de CO2 dans l’atmosphère. Un rapport qui ne finit « pas dans un tiroir » Et finalement, le G7, en particulier la Première ministre britannique Margaret Thatcher et le président américain Ronald Reagan, suggèrent la création du Giec. « Les décideurs politiques sentaient bien qu'il y avait un problème », souligne Jean Jouzel. « Et la réponse des décideurs politiques dans ces cas, c’est de mettre en place des groupes de travail. Très souvent, ces groupes de travail produisent des rapports qui vont dans des tiroirs. Et là, le mécanisme qui fait que ces rapports ont une importance, c'est le mécanisme d'adoption des rapports du Giec », poursuit le paléoclimatologue. « Inventer la façon de travailler » Car le travail du Giec est très novateur. Parmi ses particularités, la validation du résumé pour les décideurs par tous les pays membres. Une validation politique donc, mais sans compromis assure Youba Sokona, expert malien des énergies et plus de trente ans de Giec au compteur : « Les scientifiques restent les gardiens de l'intégrité scientifique. Aucune phrase ne peut être modifiée si elle devient scientifiquement fausse ». À lire aussiL'histoire des COP climat de Rio à Charm el-Cheikh Youba Sokona arrive à la fin des travaux du premier rapport. Les scientifiques et les enjeux africains étaient alors peu représentés et les questions de développement n’étaient pas vraiment abordées. Alors des collègues font appel à lui. Au-delà du processus de validation qui lui a causé « des nuits sans sommeil » par la suite, Youba Sokona décrit un esprit pionnier : « rien n'existait encore qui ressemble à la méthodologie actuelle du Giec. Il a donc fallu inventer la façon de travailler presque en marchant. Les scientifiques venaient d'horizons très différents avec leurs propres méthodes, avec leur propre culture disciplinaire, et il fallait également construire une approche commune. Moi, quand je me suis retrouvé là-dedans, je me disais : "qu'est-ce que je fais ici ?". Et très vite, une logique s'est imposée, il fallait compiler l'état des connaissances existantes, les évaluer de manière critique et surtout séparer strictement la science de la politique ». Le rapport écrit rapidement, en deux ans contre cinq à sept ans actuellement, mais les grandes lignes sont déjà là. Il prévoit un réchauffement de la température mondiale d'environ 2°C en 2025 par rapport à l'époque préindustrielle et de 4°C d'ici 2100 par rapport à l'ère préindustrielle. Il prévoit aussi une hausse importante du niveau de la mer. Quant au lien entre réchauffement climatique et activité humaine. Le rapport pause la question plus qu'il n'y répond. Le Giec écrit que l'humanité est capable en augmentant la quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère de faire grimper le thermomètre. Mais dans ce premier rapport, la part de l'homme dans le réchauffement climatique reste encore incertaine. La certitude du lien de causalité « est venue progressivement. À la question : "est-ce qu'il y a vraiment un réchauffement climatique lié aux activités humaines ?" la réponse est peut-être dans le deuxième, très probablement dans le troisième et le quatrième. Plus de 95% de confiance dans le cinquième. Et c'est une certitude désormais, tel que le dit le sixième rapport du Giec », raconte Jean Jouzel. « Rapport déterminant » Ce premier rapport joue un rôle essentiel pour la suite. « Il y est pour beaucoup dans la mise sur pied de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques », estime le paléoclimatologue. Youba Sokona confirme : « Chaque rapport du Giec a été déterminant pour une action politique forte. Sans le rapport du GIEC, il n'y aurait pas l'Accord de Paris ». La création de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ce sera à Rio deux ans plus tard. Mais un peu de patience ! Du Sommet de la Terre, on vous en parlera demain. À lire aussiLes experts du Giec réunis à Paris: quels sont les enjeux?
Alors que 1400 centres d’hébergement d’urgence ont été ouverts au Sri Lanka pour accueillir les populations déplacées par les inondations dévastatrices, la question des réfugiés climatiques revient sur le devant de la scène. Une expression largement utilisée, mais trompeuse, car sans existence juridique. Le terme « réfugié climatique » n’a aucune reconnaissance légale. La Convention de Genève de 1951 encadre strictement le statut des réfugiés politiques, mais ne couvre en effet pas les déplacements liés à des facteurs environnementaux ou climatiques. Cela ne veut pas dire que ces situations ne nécessitent pas de protection, souligne Benoit Mayer, professeur de droit du changement climatique à l’université de Reading, au Royaume-Uni. Mais il précise : « il est très difficile de déterminer si une personne est déplacée à cause d’un changement environnemental et a fortiori à cause du changement climatique ». La dégradation graduelle des conditions de vie jouent souvent un rôle indirect, mêlée à des facteurs socio-économiques. Dans des cas exceptionnels, comme les inondations au Sri Lanka, le lien avec le désastre est plus clair. Mais, « le concept de réfugié ne serait pas forcément pertinent, puisqu’en droit international, il indique un déplacement forcé au travers des frontières internationales ». Les personnes concernées relèvent ici d’un autre régime : celui des déplacés internes. À écouter aussiRéfugiés climatiques : le droit international est-il prêt pour leur accueil ? Des millions de déplacés internes, mais peu de migrations internationales En 2024, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait que plus de 46 millions de personnes dans le monde ont été déplacées par des catastrophes climatiques. Un chiffre à manier cependant avec prudence : mesurer précisément la part du climat dans un exil reste extrêmement complexe. Les déplacements internationaux, eux, restent marginaux. Ils pourraient augmenter dans les décennies à venir pour certains États insulaires du Pacifique — Tuvalu ou Kiribati — menacés par la montée des eaux. Mais l’horizon est encore lointain, et les incertitudes nombreuses : ces territoires disparaîtront-ils totalement ? Quelles solutions d’accueil prévoir ? Des négociations existent déjà avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande pour organiser des migrations de travail ou des mécanismes de protection. Mais cela demeure limité et très éloigné de l'ampleur des crises internes, insiste Benoit Mayer : « Quand on parle du Bangladesh, on parle de centaines de millions de personnes. Ça me semble être un problème beaucoup plus important ». Le cas des îles du Pacifique pose aussi des questions existentielles: comment préserver des patrimoines immatériels — langues, mémoires, paysages, odeurs — menacés de disparition avec le territoire lui-même ? Ces enjeux dépassent cependant le strict cadre du droit international. En réalité, la quasi-totalité de la question des réfugiés climatiques relève du droit interne des États, puisqu’il s’agit majoritairement de déplacés dans leur propre pays. Quant à la Convention de Genève, aucun bouleversement n’est envisagé. Outre les difficultés conceptuelles, aucun État ne souhaite rouvrir un texte fondamental dans un contexte géopolitique tendu avec le risque de se retrouver avec un régime moins protecteur qu’en 1951. À écouter aussiDisparition des Tuvalu avant 2100: le compte à rebours a commencé
L'année 2025 marque les dix ans de l’accord de Paris, mais un autre anniversaire, presque aussi déterminant pour la lutte contre le réchauffement, passe plus discrètement : celui de la première grande victoire de la justice climatique. En 2015, aux Pays-Bas, l’ONG Urgenda obtenait d’un tribunal une décision inédite : obliger un État à rehausser son ambition climatique. Éclairage. Dix ans après cette décision prise par la cour de la Haye, aux Pays-Bas, c'est une véritable architecture juridique internationale. Des juges en Allemagne, en Colombie, en France ou en Corée du Sud, mais aussi des juridictions régionales comme la Cour européenne et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, jusqu’à la Cour internationale de Justice, appuient désormais la même idées : les États ont l’obligation légale de protéger leurs populations contre les impacts du changement climatique. Cette obligation implique qu’ils se fixent des objectifs cohérents avec la science, qu’ils prennent des mesures réelles pour les atteindre et qu’ils répondent de leurs manquements. Dix ans après l’affaire Urgenda, ces décisions ont façonné une sorte de « droit global du climat » construite affaire après affaire. Ces décisions produisent en effet des résultats très concrets : en Allemagne, la Cour constitutionnelle a jugé que les politiques climatiques prévues ne suffisaient pas à protéger les générations futures, ce qui a conduit le gouvernement à réécrire son plan climat et à renforcer les mesures dans les secteurs du transport et du bâtiment. Au Brésil, une décision de la Cour suprême a forcé l’exécutif à réactiver le Fonds climat, resté inopérant pendant plusieurs années et à y consacrer de nouvelles ressources. Aux Pays-Bas, le gouvernement, sommé de respecter les objectifs imposés par l’affaire Urgenda, a accéléré la fermeture des centrales à charbon. Et dans plusieurs pays comme l’Australie ou le Royaume-Uni, des tribunaux ont suspendu ou annulé des projets d’exploitation fossile après avoir jugé leurs impacts climatiques incompatibles avec les engagements internationaux. Des conséquences pour les investissements privés La justice climatique ne concerne toutefois plus seulement les États, mais également le secteur privé. De plus en plus de communautés affectées par le réchauffement climatique tentent d’engager la responsabilité de grands groupes émetteurs. Selon Sarah Mead, codirectrice du Climate Litigation Network, qui vient de publier un rapport sur le sujet : Laying the foundations for our shared future - Climate Litigation Network ONLINE.pdf - Google Drive, « on voit apparaître de nouveaux cas partout dans le monde ». En Allemagne, des agriculteurs pakistanais ont récemment assigné l’énergéticien RWE, estimant que ses émissions ont contribué aux inondations qui ont dévasté leurs terres. Cette affaire s’inscrit dans la continuité d’un autre dossier emblématique : celui de Saúl Luciano Lliuya, un fermier péruvien qui a obtenu d’un tribunal allemand la reconnaissance du principe selon lequel une entreprise peut être tenue responsable des conséquences ses émissions, même lorsque les dommages surviennent à l’autre bout du monde. « Ces cas illustrent le fait que de plus en plus de communautés touchées par les conséquences du réchauffement veulent être dédommagées par le siège de grandes entreprises des pays occidentaux. Je pense que ça change la donne », poursuit Sarah Meade. La multiplication de ces litiges judiciaires et la menace de lourds dommages et intérêts à acquitter par les entreprises visées font en effet peser un risque financier non négligeable quant à la poursuite de leurs activités. « La Banque centrale européenne commence à considérer ces affaires comme un risque financier réel pour ces entreprises », ajoute-t-elle. Plusieurs groupes du secteur des énergies fossiles ont ainsi augmenté leurs provisions pour risques climatiques, sous la pression de ces procédures et de leurs investisseurs. Selon la dernière étude des Nations unies publiée en 2023, le nombre d’affaires judiciaires liées au changement climatique a plus que doublé depuis 2017. Plus de deux mille dossiers sont aujourd’hui ouverts dans le monde. Un chiffre en croissance constante, en particulier depuis cinq ans.
La France accueille toute la semaine près de 600 scientifiques du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Les auteurs principaux du rapport se réunissent pour entamer les travaux en vue du 7ᵉ rapport d'évaluation du Giec. Et pour la première fois, les trois groupes de travail se réunissent en même temps en ce début de cycle. Le Giec est constitué de trois groupes de chercheurs. Le premier se consacre aux études physiques, c'est-à-dire à l'évolution du climat et aux causes du réchauffement, le deuxième s'occupe de son impact et des questions d'adaptation et le troisième se penche sur l'atténuation du réchauffement. Habituellement, les travaux sont menés par groupe de travail. Cette fois, le processus a changé. À quelques jours du 10ᵉ anniversaire de l'accord de Paris, la France dit ainsi vouloir apporter une « forme de soutien politique » aux travaux du Giec. Une marque de soutien à une période où les sciences du climat subissent des attaques, décochées notamment par Donald Trump, le président américain. Cela n'empêche pas des scientifiques américains — nommés par des observateurs — de participer à cette réunion. Selon l’AFP, plus d’une cinquantaine de scientifiques américains auraient fait le déplacement. Pour les scientifiques précisément, l'objectif de cette semaine, c'est de mieux se coordonner sur certaines thématiques et de gagner ainsi en efficacité et de fournir « des éléments qui aideront » nos dirigeants « à prendre des décisions plus justes », espère un chercheur. De nouvelles données Plusieurs sujets doivent être étudiés de manière transversale. C'est le cas de la question du dépassement de certains seuils climatiques. La question de savoir comment on pourrait faire baisser la température devrait être posée et cela aurait des implications dans divers groupes. À lire aussiL’IPBES, «Giec de la biodiversité», prône des réponses globales et décloisonnées aux crises Par ailleurs, il devrait y avoir un certain nombre de mises à jour. Les rapports du Giec font une sorte de synthèse des avancées scientifiques. Depuis le précédent rapport, de nombreux événements climatiques extrêmes se sont produits dans le monde et les connaissances s'affinent. Par ailleurs, les chercheurs disposaient de peu de données sur les événements extrêmes survenus dans certaines régions du monde. Elles sont désormais plus fournies, notamment pour l'Afrique. La littérature scientifique s’est également étoffée sur le dossier de l’adaptation. Calendrier incertain Mais pour connaître le résultat, il faudra être patient. Le rapport devrait paraître en 2028 ou 2029. Le compte rendu scientifique devra être approuvé par consensus de l'ensemble des pays membres. « Et si un pays, quel qu'il soit, s'oppose au compte rendu, il ne peut pas être approuvé. Chaque pays a une sorte de droit de veto », expliquait vendredi le coprésident du Groupe 1 du Giec, Robert Vautard, lors d'une visioconférence avec la presse. Mais de préciser qu’il existe des procédures pour approuver le texte si le pays en question est isolé. Il serait alors précisé qu’un pays n’est pas d’accord et pourquoi il ne l’est pas.
Alors que la biodiversité s'effondre et que de nombreux écosystèmes sont menacés, 117 scientifiques et experts du monde entier se réunissent à Paris. Ils ont été choisis par l'IPBES (la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, aussi appelé le « GIEC de la biodiversité »). Et ils ont une tâche cruciale à accomplir, à savoir : écrire la deuxième évaluation mondiale sur la biodiversité et les services que nous rendent les écosystèmes. En 2019, la publication par l’IPBES de la toute première évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques avait réveillé les consciences : l'opinion publique mondiale apprenait alors que plus d'un million d'espèces végétales et animales étaient menacées d'extinction et qu'un tiers des écosystèmes ne pouvaient plus abriter leur faune et flore originelles. Et tout cela à cause de l'activité humaine. Depuis, de nombreux pays ont mis en place des stratégies et politiques publiques pour renverser ce déclin dramatique. Au niveau international aussi, les pays tentent de coopérer davantage pour protéger le vivant. Mais force est de constater que ce n'est pas encore suffisant. « Nous consommons toujours plus » « Nous ne prenons toujours pas les bonnes décisions », déplore le Kényan David Obura, président de l’IPBES et lui-même scientifique reconnu pour ses travaux sur les écosystèmes marins. « Ces dernières années, les pressions sur la nature ont continué d'augmenter. Principalement parce que nous continuons de consommer toujours plus. Nous ne changeons pas encore suffisamment nos habitudes. Nous devons absolument comprendre comment aligner nos comportements sur la durabilité de la planète ». C’est précisément l’objectif du deuxième bilan mondial sur la biodiversité sur lequel ont commencé de travailler cette semaine à Paris des centaines de scientifiques et experts du monde entier. Ils ne doivent pas seulement faire un état de lieu des espèces animales et végétales sur notre planète, souligne le Sud-Africain Luthando Dziba, le secrétaire exécutif de la plateforme, mais aussi « examiner les facteurs directs et indirects responsables de la perte de biodiversité et rendre compréhensibles les services de la nature qui améliorent notre qualité de vie. Un chapitre sera aussi consacré aux scénarios basés sur les mesures déjà prises, et encore un autre explorera les futures options politiques ». À écouter aussiIPBES : nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas... L’accès aux données scientifiques s’est amélioré Les experts auront près de trois ans pour synthétiser des données scientifiques du monde. Cette synthèse doit être fiable et surtout compréhensible car elle servira à faire des recommandations pour les décideurs politiques et les acteurs locaux à travers le monde entier. C’est un travail titanesque. D’autant plus que « la disponibilité des données sur la biodiversité s'est nettement améliorée », constate David Obura. « Le nombre de données a doublé en cinq ans, notamment grâce au déploiement des systèmes à distance comme les drones, les satellites ou les capteurs. Il y a donc bien plus d'informations, mais nous devons maintenant les traiter et les comprendre ». Les connaissances autochtones prennent toute leur place Ces informations disponibles ne proviennent d’ailleurs plus seulement des sciences dures. « Un chapitre entier sera consacré aux connaissances autochtones, qui se sont développées au fil des millénaires et qui permettent aux peuples autochtones de tirer profit des ressources que leur offre la nature sans l'abimer », annonce Luthando Dziba qui prédit que ces connaissances autochtones vont « enrichir notre compréhension de nos écosystèmes et améliorer notre capacité à mieux les gérer ». Une publication en 2028 La deuxième évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques sortira en 2028. D'ici là, l'IPBES s'apprête à publier un autre document qui fera couler beaucoup d'encre. Ce sera en février de l'année prochaine. Un travail scientifique de premier plan qui démontrera l'impact des entreprises sur la biodiversité, alors que plus de la moitié du produit intérieur brut mondial dépend de la nature. À lire aussiL’IPBES, «Giec de la biodiversité», prône des réponses globales et décloisonnées aux crises
Depuis 2022, la plus grande vague de ce virus jamais documentée sévit sur plusieurs continents. Le H5N1, de son nom scientifique, ne touche pas seulement les oiseaux sauvages et la volaille, car ces derniers sont capables de le transmettre à des mammifères. Le dernier épisode qui fait couler beaucoup d'encre, c'est celui qui ravage les populations d'éléphants de mer dans l'Atlantique Sud. Les éléphants de mer sont la plus grande espèce de phoques. Les mâles peuvent atteindre une longueur de six mètres et demi et peser plus de trois tonnes. Ce sont habituellement des animaux solitaires, sauf au moment de la reproduction. Et c'est là que le H5N1 a frappé. « Il s'agit d'un virus transmis par voie aérienne », explique Connor Bamford, écologiste marin au Centre de recherche britannique en Antarctique. « Les gouttelettes infectées se propagent d'un animal à un autre. C'est particulièrement problématique au moment de la reproduction en octobre, quand les éléphants de mer viennent à terre et forment d'immenses colonies très denses. Ce sont les conditions idéales pour que le virus se propage facilement au sein de leur population ». En Géorgie du Sud, la moitié des femelles reproductrices manquent à l'appel Le territoire étudié par Connor Bamford, c'est la Géorgie du Sud. Cette île de 3 700 km2, à 1 700 kilomètres de la Terre de Feu au large de l'Argentine, abrite plusieurs colonies d'éléphants de mer. Des dizaines de milliers de femelles y viennent chaque année pour mettre bas puis s'accoupler de nouveau avant de reprendre la mer. Le premier oiseau migrateur porteur du H5N1 y était découvert en septembre 2023. Les scientifiques s'attendaient alors à un fort impact de la grippe aviaire sur les grands mammifères. Mais ils étaient loin de s'imaginer ce qu'ils allaient découvrir un an plus tard. « Quand nous sommes arrivés sur les plages, il était évident qu'il y avait quelque chose de différent. Quelque chose n'allait pas du tout ! Normalement, quand on marche le long de la ligne de déferlement des vagues, on a du mal à se frayer un chemin entre les animaux pour arriver jusqu'au fond de la plage. Mais en 2024, il y en avait tellement moins que ça sautait aux yeux ! Alors nous avons recommencé les vols de drones qu'on avait déjà entrepris en 2022. Et nous avons constaté qu'en moyenne 47% des femelles reproductrices manquaient à l'appel ». 47% cela correspond à 53 000 femelles. La population mondiale des éléphants de mer affectée L'impact à long terme est encore difficile à évaluer pour les scientifiques. Puisque « la population d'éléphant de mer en Géorgie du Sud est la plus grande au monde » souligne Connor Bamford. « Lors du dernier recensement en 1995, elle représentait un peu plus de la moitié de la population mondiale. Et donc la moitié de ces éléphants de mer sont morts à cause de la grippe aviaire entre 2023 et 2024, ce qui fait un nombre considérable d'animaux ! La population mondiale d'éléphants de mer va en souffrir au moins jusqu'à la fin du siècle ». D'autant plus que les nouvelles en provenance d'autres territoires ne sont guère encourageantes. Sur la presqu'île de Valdès en Argentine, 97% des bébés éléphants de mer ont été décimés par le virus l'an dernier. Et ces jours-ci, les scientifiques français rapportent une mortalité inhabituelle des éléphants de mer sur les îles Kuerguelen. L'impact sur l'écosystème marin pas encore mesurable Une véritable hécatombe qui touchera inévitablement d'autres espèces. En tant que prédateurs redoutables, les éléphants de mer se placent tout en haut de la chaine alimentaire. Mais ils jouent aussi un rôle nourricier : comme ils plongent jusqu'à deux kilomètres de profondeur, ils répandent leurs matières fécales dans les différentes couches des océans, ce qui profite aux autres organismes. Un déclin brutal des éléphants de mer aura donc un impact sur l'ensemble de l'écosystème marin, dont on peine encore à mesurer l'ampleur.
Le changement climatique, la destruction des habitats, les pollutions mais aussi les pesticides mettent la biodiversité à rude épreuve. Dans ce contexte, l'interdiction d'un seul insecticide peut déjà avoir des résultats positifs et pas seulement sur les insectes eux-mêmes mais aussi sur leurs prédateurs. En France il y a ainsi une bonne nouvelle : les chercheurs ont constaté que depuis l'interdiction de l'un de ces pesticides, les populations de certains oiseaux vont mieux. L'imidaclopride est un puissant insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Il s’agit d’une molécule qui s'attaquent au système nerveux central des insectes. On l’appelle « tueur d'abeilles », l'imidaclopride a également des conséquences néfastes pour les oiseaux. « Il y a d’abord l’effet direct : l'oiseau va se nourrir de graines qui sont enrobées de cet insecticide et qui auront un effet toxique sur les oiseaux, soit un effet sublétal, qui perturbera par exemple la migration, soit un effet létal qui entraine la mort de l’oiseau suit à l’ingestion de ces molécules », explique l'agro-écologue Thomas Perrot, l’auteur principal de l'étude publiée sur le site de la revue Environmental Pollution. La deuxième conséquence de l’Imidaclopride sur les populations d’oiseau « est la déplétion des ressources. Les oiseaux vont se trouver dans des milieux où il n'y a plus d'insectes ou plus suffisamment pour qu'ils puissent se nourrir ou pour qu'ils puissent nourrir leur descendance ». L'imidaclopride a été interdit dans l'Union européenne en 2018 L’imidaclopride est interdite dans l'Union européenne depuis 2018. Thomas Perrot et ses collègues à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité ont donc comparé les populations d'oiseaux sur les parcelles contaminées par cet insecticide avant et après cette interdiction. Résultat : les espèces comme la fauvette à tête noire, le merle ou encore le pinson des arbres sont de retour. En 2022, donc quatre ans après l'interdiction, leurs populations étaient en hausse de 2 à 3%. C'est une excellente nouvelle, mais la reprise reste encore faible. Probablement parce que « les néonicotinoïdes sont persistants dans le sol et que les insectes sont donc toujours en contact avec ces pesticides », avance l’agro-écologue Thomas Perrot. « Et la deuxième explication c'est qu'il faut un certain temps pour que les populations d’oiseaux se reproduisent et réatteignent leur niveau d'origine ». Le rétablissement total des populations d’oiseaux prend du temps Peu de recherches ont été pour l’instant dédiées au temps de rétablissement des populations d’oiseaux après l’interdiction d’insecticides. « À l’exception du DDT », souligne Thomas Perrot, un puissant insecticide, utilisé massivement pendant la seconde guerre mondiale et ensuite dans l'agriculture mais aussi pour lutter contre les insectes transmetteurs de maladies comme le paludisme. Le DDT a été interdit dans les années 1970 pour ses effets néfastes sur l'environnement et la santé humaine. « Et à l'époque, les études avaient montré qu'il fallait entre dix et 20 ans avant un rétablissement total des populations d'oiseaux ». Il est d'ailleurs fort probable que la même dynamique opère chez d'autres animaux insectivores, comme les chauves-souris ou encore les hérissons. Mais là encore, les études scientifiques doivent en apporter les preuves. L’agriculture a un rôle dans la préservation de la biodiversité L’étude de Thomas Perrot et ses collègues en France « confirme que les néonicotinoïdes ont un impact sur la biodiversité là où on ne s'y attend pas : sur les oiseaux. Alors qu’initialement ce sont des molécules faites pour supprimer les insectes. Cela montre que les interdictions d’insecticides ont des bénéfices pour la biodiversité et que l'agriculture a un rôle à jouer pour la conserver ». Et Thomas Perrot de conclure : « si on veut à la fois maintenir la biodiversité et la production agricole, il faut développer de nouveaux systèmes agraires qui se basent sur d'autres principes que l'agro-chimie ».
La COP30 sur le changement climatique vient à peine de fermer ses portes ce week-end à Belém au Brésil qu’une autre COP s’ouvre déjà : la COP20 de la CITES démarre ce lundi à Samarkand en Ouzbékistan. La CITES est bien moins connue que les conventions de l’ONU sur le climat, la biodiversité ou la désertification. Et pourtant, il s’agit d’un organe crucial de la diplomatie environnementale. La CITES, c’est un traité international signé par 184 pays et l’Union européenne. Il fête ses cinquante ans cette année, puisqu’il est entré en vigueur en 1975. L’objectif de la CITES est de protéger les espèces de la flore et de la faune sauvages qui sont menacées par le commerce. « Je crois que tout le monde a déjà entendu parler du commerce illégal des tigres ou bien de l’ivoire ou encore de la corne de rhinocéros », avance Ilaria di Silvestre, directrice des politiques et du plaidoyer pour l’Europe au Fonds international pour la protection des animaux (IFAW). « Et bien l’organe qui établit que ce commerce est illégal au niveau international, c’est justement la CITES ». Les annexes de la CITES des plantes et animaux menacées Tous les trois ans, les pays signataires de la CITES se retrouvent pour une grande conférence, une COP. Deux semaines durant lesquelles les pays décident pour quelles espèces le commerce doit être règlementé. Les animaux et plantes sont répartis en trois groupes, appelés annexes et qui correspondent à trois niveaux de protection : l’annexe 1, ce sont les animaux et plantes menacés d’extinction. Pour les espèces de ce groupe, le commerce est complètement interdit. Car quand on est surpêche les requins - parce que leurs ailerons se vendent plusieurs centaines d'euros le kilo - ou quand on coupe sans compter un bois tropical - parce qu'il est particulièrement résistant aux tempêtes hivernales sur les terrasses des Européens - tôt ou tard ces espèces disparaissent. À lire aussiBilan de la CITES: de nombreuses espèces mieux protégées, malgré des mécontents L’annexe 2 inclut les espèces qui ne sont pas encore menacées d’extinction mais pour lesquelles le commerce est strictement limité et règlementé pour éviter qu’elles le soient. Et l’annexe 3 regroupent toutes les espèces pour lesquelles certains pays membres demandent la protection. Aujourd’hui, plus de 40 milles espèces d'animaux et de plantes sont déjà inscrites dans les annexes de la CITES. Certaines décisions font l'objet d'âpres négociations Comme pour toute décision multilatérale, certaines font l’objet d’âpres négociations. Il y a par exemple des pays qui voudraient rouvrir le commerce de l'ivoire. D'autres s'opposent au classement du Pernambouc, une essence du Brésil, parce que cela compliquerait la vie des musiciens à cordes : leurs archers sont souvent fabriqués avec ce bois. Les enjeux sont aussi divers que les espèces concernées. Mais « en comparaison avec d’autres conventions, celle de la CITES est plus technique que politique », explique Ilaria di Silvestre, « parce que les décisions doivent être prises sur des bases scientifiques, des données disponibles. Et les discussions sont menées par des experts des différents pays ». Des difficultés dans la mise en œuvre des mesures de protection Pour mettre en œuvre des mesures de protection, la CITES a instauré un système international de permis obligatoires pour toutes les importations ou exportation d’espèces protégées. Mais la responsabilité en revient aux autorités nationales, et les pays en développement réclament davantage de soutien financier des pays riches pour pouvoir remplir ce rôle. Cette aide est d'autant plus nécessaire, souligne Ilaria di Silvestre de l’IFAW, qu'il devient de plus en plus complexe de contrôler le commerce des espèces sauvages. « Ce commerce se fait aujourd’hui essentiellement sur le net. Et les cybercriminels inventent toujours de nouvelles pour échapper aux contrôles. C’est extrêmement compliquer de pouvoir distinguer ce qui est légal de ce qui est illégal, et de contrôler ce marché énorme qui travaille sept jours sur sept, 24 heures sur 24 ». Le trafic illégal d’animaux et de plantes sauvages pèse 100 milliards de dollars par an. Il est le quatrième marché noir le plus lucratif au monde et avec le changement climatique, les pollutions et la destruction des habitats, l'un des responsables de l'effondrement de la biodiversité. Dans ce contexte, « il est crucial de garantir la survie des espèces dans leur milieu naturel et ainsi de maintenir nos écosystèmes en bonne santé », a souligné la Secrétaire générale de la CITES, Ivonne Higuero, lors d’une conférence de presse en amont de la COP20. « Ces espèces d’animaux et de plantes nous rendent de précieux services à nous, les humains. Elles assurent notre alimentation, notre santé, soutiennent nos industries et nos économies. La mission de la CITES est plus importante que jamais ». À lire aussiCOP19 de la Cites: une décision «historique» et saluée sur la protection des requins
La COP30 se déroule à Belém. Dans cette ville d'Amazonie brésilienne le rôle de la forêt, essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique, est mis en avant. Or la déforestation s'accélère. En 2024, les régions tropicales ont perdu 6,7 millions d’hectares de forêts primaires principalement pour les besoins de l'agriculture. Mais au lieu détruire la forêt pour planter des monocultures un autre modèle est possible. L'agroforesterie consiste à associer les arbres et les plantations. Quelques chants d’oiseaux et le crissement des insectes en bruit de fond, Domingos Da Silva se souvient de la forêt avant l’intervention de sa famille. « C'était très beau quand je suis arrivé. Il n’y avait que de la forêt et puis j'ai dû mettre le feu pour déboiser », reconnait-il. Il y a 40 ans, Domingos Da Silva et sa famille ont commencé à défricher la forêt, la brûler pour pouvoir planter du manioc. Aujourd'hui, certaines de ses terres sont toujours stériles. « Un sol lessivé » « Ici, il y a sans doute eu plusieurs feux successifs dans le passé. Et donc la zone est dégradée », analyse René Poccard Chapuis chercheur au CIRAD. À lire aussiCOP30: bataille pour une sortie des énergies fossiles et dernière ligne droite pour sauver l’accord climatique Car sans la protection d'une couverture végétale, le sol meurt. « La pluie emporte tous les nutriments et cela donne ça, du pur sable. Le sol est tellement dégradé, tellement lessivé. Il n’y a plus de matière organique. Il n’y a même pas d’arbre qui arrive à pousser tellement le sol est trop appauvri », explique-t-il. Il faut de longues années pour que la végétation s'enracine à nouveau. Un temps qui a aussi permis à Domingos da Silva de prendre conscience de l'impact de ses pratiques et d'apprendre. À lire aussiLa COP30 s'ouvre à Belém avec l'espoir de sauver ce qui peut l’être du multilatéralisme climatique « Il faut changer sinon ça ne fonctionnera pas, ni au Brésil ni ailleurs. Et ceux qui en souffriront ce sont nos petits-enfants », estime l’agriculteur. Il évoque le climat dans le futur et se désole : « Personne ne le supportera ! » Alors il a changé ses pratiques : « Maintenant, on gagne notre vie en plantant sous les arbres, dans le sous-bois. On a arrêté le manioc et on plante du cacao et de l'açaï, des légumes. C'est mieux pour le climat et pour nous. Il y a tant de façon de cultiver sans abîmer l'environnement, il faut en prendre conscience. » Diversifier les plantations La forêt apporte de l'ombre, de l'humidité, de la fertilité et héberge des insectes pollinisateurs essentiels. Elle protège donc les cultures. Elle contribue aussi à absorber le dioxyde de carbone, ce qui lutte contre le changement climatique. Pedro Cassio Alves est agronome à la mairie Abeatetuba. En quatre ans, il a accompagné des dizaines de familles dans leur transition vers l'agroforesterie. Le principe, c'est aussi, comme l'a fait Domingos da Silva, de varier les cultures. « On avait des agriculteurs qui déboisaient pour pratiquer la monoculture. Ils comprennent maintenant l'importance de diversifier les plantations, car cela leur permet aussi de diversifier leurs revenus et de mieux vivre. L'agroforesterie prouve qu'on peut développer une activité économique tout en protégeant l'environnement, » souligne Pedro Cassio Alves. Particulièrement adaptée à l'agriculture familiale, l'agroforesterie permettrait selon les scientifiques du GIEC de restaurer les terres dégradées et d'améliorer la sécurité alimentaire de 1,3 milliard de personnes dans le monde. À lire aussiSommet des peuples: la mobilisation massive en marge de la COP30
Toute la semaine, Questions d’environnement est à la COP30 au Brésil. La COP30 où sont présentes des multinationales très polluantes, accusées de greenwashing et d’influencer les négociations. Elles comptent de nombreux représentants et sponsorisent même l’évènement. Vale est l’un des principaux sponsors de la COP. L’entreprise d’extraction minière est la troisième plus importante du Brésil en bourse. C’est aussi l’entreprise à l’origine de la plus grave catastrophe environnementale du pays. « Il y a 5 ans, comme l’entreprise n’entretenait pas les bassins de stockage des déchets miniers, un barrage a cédé », explique Nicole Oliveira de l’ONG Arayara. « Tous les résidus miniers ont inondé plusieurs villes et des centaines de personnes sont mortes. La pollution aux métaux lourds a atteint une rivière où tous les poissons sont morts. C’était un crime environnemental grave, le pire ! », précise-t-elle. Vale, comme d’autres multinationales, parraine plusieurs tables rondes et organise des évènements à la COP30. « Comment voulez-vous parler de justice climatique et de changement climatique avec la présence de ces entreprises qui sponsorisent et influencent les négociations ? », se scandalise Nicole Oliveira. Agro-industrie Outre les négociations, plusieurs grands évènements sont organisés en ville en marge de la COP30. L’Agrizone se veut être un salon de l’agriculture durable. Mais c’est plutôt l’inverse, explique Marie Cosquer, d’Action contre la faim, devant le salon : « Sur le panneau d’entrée, on voit tous les sponsors, dont le plus gros qui a le statut de sponsor diamant, c’est Bayer, une multinationale de l’agro-industrie qui vend des pesticides et des OGM. Ils entretiennent donc les systèmes industriels dans l’agriculture et l’alimentation. » Bayer est accusé de promouvoir un modèle agricole qui engendre déforestation et accaparement des terres en Amérique latine. Et le groupe aurait déboursé plus de 160 000 euros pour sponsoriser l’Agrizone selon le média d’investigation britannique Unearthed qui a eu accès à un projet de contrat. À l’intérieur, les organisateurs promettent aux sponsors « une visibilité » et « une amélioration de leur image » grâce à leur « association avec des entreprises engagées dans la lutte contre le changement climatique ». Sur le stand de Bayer, la demande d’interview de RFI reste sans réponse. À la COP, la société civile dénonce aussi la présence de ces entreprises. « L’agriculture industrielle assassine notre terre avec ses poisons. Et dimanche, un leader autochtone a été tué sur nos terres en essayant de les défendre », témoigne Janio Kaiowa du peuple autochtone guarani kaiowa. Un participant sur 4 Mardi 18 novembre 2025, les ONG ont compté 300 lobbyistes de l’agriculture industrielle à la COP30. L’agriculture est responsable de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Il y a quelques jours, les ONG avaient également dénoncé la participation à la COP de lobbyistes des énergies fossiles. Un participant sur quatre serait un représentant des industries du charbon, du gaz ou du pétrole.
Questions d’environnement est toute cette semaine au Brésil où se tient la COP30. Avec des reportages de nos envoyés spéciaux. Après trois COP dans des pays autoritaires qui répriment la société civile, le Brésil montre la différence en ce moment dans la ville amazonienne de Belém qui accueille les négociations internationales sur le climat. Le Sommet des peuples, grande réunion des mouvements sociaux, des peuples autochtones et des défenseurs de l’environnement, organisé en marge du sommet de l’ONU, s’est clôt ce dimanche 16 novembre. 20 000 personnes y ont participé. Le cacique Raoni, 93 ans, acclamé lors de la clôture du Sommet des peuples à Belém. Et ses mots : « Vous voyez la chaleur aujourd’hui, de vos propres yeux, vous voyez les rivières toujours plus sèches, l’air de plus en plus difficile à respirer. Ce n’est que le début. Si nous ne défendons pas ce qui reste, il y aura un grand chaos sur la Terre ». Pour ce défenseur de l’environnement depuis des décennies, les peuples autochtones doivent continuer à dialoguer avec les chefs d’État. Après quatre jours d’échanges sur le campus de l’Université Fédérale du Para, de manifestations, et même un blocage temporaire de la COP par certains, militants et représentants autochtones des cinq continents ont remis au président des négociations climatiques en cours, le brésilien André Correa do Lago, la déclaration finale des peuples et l’ont lu sur scène : « Les multinationales, en complicité avec les gouvernements du nord global, sont les acteurs qui causent et tirent le plus parti des crises multiples que nous affrontons. Les industries minières, énergétiques, les fabricants d’armes, l’agrobusiness et les big tech sont les principales responsables de la catastrophe climatique que nous vivons ». Une lettre qui dénonce aussi le racisme environnemental, l’échec du multilatéralisme, et promeut les solutions venues des territoires et des populations ancestrales. Le président de la COP s’est engagé à porter ces revendications jusqu’à la COP30. À lire aussiBrésil: des manifestants autochtones bloquent pacifiquement la COP30 La ministre des peuples autochtones Sonia Guajajara, a, quant à elle, fait valoir que les communautés ancestrales sont mieux représentées cette année que lors de la COP de Dubaï il y a deux ans: « Nous étions alors à peine un autochtone pour sept lobbyistes du pétrole et des mines. La COP ne peut pas continuer avec cette structure excluante. Nous devons construire la participation du peuple dans la zone des négociations… Et nous sommes en train de le faire ! » Mais cette lutte environnementale et autochtone, qui s’organise depuis des décennies au Brésil, expose toujours certains à de graves dangers, rappelle Melisanda Trentin, de l’ONG Justice Climatique : « On parle de menaces de tout type mais aussi de mort… Souvent le public pense que le Brésil a dépassé cette situation mais non… ». À lire aussiLe cacique Raoni à la COP30: «Si la déforestation se poursuit, nous aurons tous de très graves problèmes»
Le financement de l'adaptation des pays du Sud au changement climatique aurait dû être réglé lors de la dernière COP à Bakou, en Azerbaïdjan. Mais cette dernière s'est soldée par un terrible échec. Alors que les pays du Sud demandaient 1 300 milliards de dollars par an pour leur adaptation, ils n'ont obtenu qu'une vague promesse de financement de 300 milliards de dollars, un chiffre dérisoire pour répondre aux énormes besoins. La question du financement de l'adaptation est donc, à nouveau, un enjeu majeur de cette COP brésilienne. Les experts, présents à Belém au Brésil pour la COP30, parlent du « Fantôme de Bakou » pour parler de ce terrible échec de la dernière COP en Azerbaïdjan. Mais pour Mathieu Paris, chargé de plaidoyer Dette au CCFD Terre solidaire, impossible de parler de financement de l'adaptation sans parler de la dette des pays du Sud. « En 2024, les pays du Sud ont payé plus de 900 milliards de dollars pour rembourser les intérêts de leur dette. Là, on parle de 300 milliards de dollars de financement climat, mais une grande partie de cet argent va juste servir à payer la dette et ne sera pas investi dans la lutte contre le changement climatique », analyse-t-il. Et comme les financements climats sont sous forme de prêt en grande majorité, cela vient alourdir davantage la dette de pays déjà surendettés. Moralité : certains États dépensent 40% de leur budget à rembourser leur dette. De l'argent qui ne sert donc ni au développement, ni à l'adaptation. Annulation de la dette Devant cette situation inextricable, il semblerait ainsi logique que certains États, dans une situation économique très fragile, demandent l'annulation de leur dette. Mais cela est très risqué, prévient Mathieu Paris : « Quand un pays va venir réclamer une annulation de dette, le pays va être puni par les marchés financiers derrière. Parce que le risque, c'est de voir les agences de notation dire : "Si ce pays demande une annulation de dette, c'est que la situation économique de ce pays est compliquée et qu'il ne s'agit donc pas d'un pays où faire des investissements". » Or, avec une note dégradée par les agences de notation, les intérêts augmentent encore. Voilà comment se referme le piège de la dette dont ont été victimes des pays comme le Kenya ou le Sénégal, qui avaient réclamé une annulation de leur dette. De nombreux économistes n'ont pas la même lecture des faits Entre la dette écologique, les modes de production occidentaux et les ajustements structurels imposés aux États africains par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1980, de nombreux économistes internationaux estiment que ce sont au contraire les pays du Nord qui ont une dette envers les pays du Sud. Une dette qu'ils ont chiffrée à 21 000 milliards de dollars. « Je suis tout à fait d'accord avec ce positionnement-là. Ces mesures, qui ont été imposées aux pays du Sud, reposaient sur des modèles extractivistes de l'économie. C'est historiquement le Sud qui a financé le développement des pays du Nord. Donc en effet, il y a cette dette des pays européens qu'il faut reconnaitre aujourd'hui pour que les pays du Sud puissent faire leur propre développement », affirme Mathieu Paris. Le refus des pays du Nord à financer l'adaptation au changement climatique des pays du Sud est, par conséquent, scandaleux et immoral. Car la seule question à se poser est : qui est endetté vis-à-vis de qui ? À lire aussiAdaptation aux effets du climat: les besoins pour les pays en développement largement sous-financés, selon l'ONU
L'empreinte carbone de la deuxième boisson la plus consommée au monde est élevée. Mais il existe des modes de culture plus durables que d'autres. C'est un rituel quotidien, dès le matin, pour des milliards de personnes. Le café est la deuxième boisson la plus consommée au monde, après l'eau. Mais son coût écologique est important. L'empreinte carbone d'une tasse de café atteint en moyenne 150 g de CO2. Si vous buvez quatre cafés par jour, cela fait donc plus de 200 kg de CO2 chaque année, ce qui est environ l'empreinte carbone d'un ordinateur portable. Ce n'est pas rien. Première cause : la déforestation qu'entraîne le café, comme la plupart des cultures tropicales. « Ces cultures se développent dans des zones dans lesquelles on a encore, à l'heure actuelle, des forêts naturelles qui ont des stocks de carbone importants. La conversion de ces surfaces en cultures entraine un relargage de carbone de la biomasse. Cela peut constituer jusqu'à 75 % de l'empreinte carbone du café », explique Cécile Bessou, directrice de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD. Le poids de la culture D'une manière générale, c'est la phase de production qui alourdit le bilan environnemental du café. En moyenne, la culture du café pèse pour 60 % dans l'empreinte carbone d'une tasse. Contrairement à une idée reçue, le transport, des zones tropicales vers les pays du nord par exemple, par bateau, ne représente qu'entre 3 et 10 % des émissions de CO2. À lire aussiLe café, un produit bientôt indisponible ? La culture du café se répartit en deux modes de production : la culture plein champ, ou plein soleil, qui utilise beaucoup d'engrais, et l'agroforesterie, la culture traditionnelle des caféiers qui poussent à l'ombre des arbres. Mais aucune solution n'est parfaite. « La culture plein champ est très intensive. Souvent la récolte est mécanisée, donc on a un coût carbone de cette mécanisation. Mais les rendements très élevés compensent certains coûts de production, nuance Cécile Bessou. L'agroforesterie est quand même moins productive qu'un système plein soleil. Il faut aussi faire de la place pour les caféiers. Donc il y a de toute façon un peu de déforestation. » Café en capsule Une fois le café vert torréfié – une opération qui émet également du CO2 –, il s'agit d'utiliser une machine à café pour se servir une tasse, et là encore, rien n'est simple. Bien sûr, une cafetière manuelle, à piston, est la solution la plus écologique. Les cafetières à capsule, elles, ont le défaut de produire des déchets. « L'emballage n'a pas d'impact significatif (en termes d'émission de CO2), précise Cécile Bessou. Mais si on a des capsules individuelles, l'impact est plus important, malgré les processus de recyclage. Le meilleur déchet est celui qui n'en produit pas. » Mais les capsules évitent de gaspiller du café en fournissant la dose exacte. Les machines à capsules utilisent aussi très peu d'électricité, si bien qu'elles sont finalement plus écologiques que la bonne vieille cafetière à filtre. Faut-il pour autant renoncer à son café pour être exemplaire ? « Si on veut avoir une vie exemplaire, il ne faudrait pas boire de café ou de vin, sourit Cécile Bessou. Je travaille dans des pays où il y a des cultures tropicales avec des populations qui en dépendent. Si on veut être exemplaire, il faut aussi permettre à tout le monde de vivre de son travail. » La solution la plus écologique reste finalement le choix d'un café responsable, « d'un café bio, produit dans des systèmes qui ne dépendent pas d'intrants chimiques externes et de mécanisation. On réduit son empreinte environnementale si on choisit des cafés produits de manière plus durable que d'autres. » Mais il arrivera peut-être un jour où il n'y aura plus de café. L'arabica est directement menacé par le réchauffement climatique, si les nuits ne sont plus assez fraîches. On pourra toujours se rabattre sur le thé : son empreinte carbone est 15 fois moins élevée que celle du café. À lire aussiBientôt la fin du café ?
Les arbres sont des puits de carbone indispensables face à la crise climatique. Mais certaines forêts captent moins de CO2 qu'avant, et en rejettent même plus qu'elles n'en absorbent. Elle est la star de la COP30. Mais la star est capricieuse et pourrait bien nous laisser en plan. L'immense forêt amazonienne, immense puits de carbone pour lutter contre la crise climatique, est au cœur du sommet mondial pour le climat, qui se tient à Belém, au Brésil, aux portes de l’Amazonie. Entre espoirs et craintes. En dix ans, l’Amazonie a stocké 30 % de carbone en moins. On le sait grâce aux tours à flux installées en forêts (qui mesurent les échanges gazeux entre l’atmosphère et la végétation) et les observations satellitaires. On le sait aussi en mesurant tout simplement le diamètre des troncs – plus un arbre est gros, plus il absorbe du CO2. Mais avec le réchauffement climatique, les arbres grandissent moins. « Pendant la sécheresse, il y a un arrêt de la croissance. Aujourd’hui, on observe des saisons sèches beaucoup plus longues et beaucoup plus intenses, et le temps d’arrêt de la croissance des arbres est beaucoup plus long. Ce qui peut parfois mener à une augmentation du taux de mortalité de certaines espèces », explique Ariane Mirabel, chercheuse en écologie forestière tropicale au Centre international de recherche pour l’agronomie et le développement (Cirad), actuellement basée en Guyane française, à la station de recherche tropicale de Paracou. À cela s’ajoutent les incendies, qui libèrent le CO2 stocké par les arbres. Résultat, certaines zones de l’Amazonie peuvent émettre aujourd’hui plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. C’est le cas aussi, par exemple, de la forêt tropicale australienne, comme vient de le révéler une étude scientifique. Points de bascule Moins de pluie, c’est moins de forêts, et moins de forêts, c’est aussi moins de pluie. « La forêt amazonienne régule tout le fonctionnement hydrique de l’Amérique du Sud, précise Géraldine Derroire, écologue forestière au Cirad et à l'université de Brasilia. Donc sans forêt, on a aussi une dérégulation du climat local. Ce qui peut conduire à des points de bascule dont on a peur. En Amazonie, si la déforestation continue, conjuguée aux effets des changements climatiques, on pourrait voir la forêt remplacée par un écosystème de savane. » Encore moins de forêts, c’est encore moins de carbone stocké. Un cercle parfaitement vicieux. Mais toutes les forêts tropicales ne réagissent pas de la même manière face au réchauffement climatique. Le Bassin du Congo, l’autre grande forêt tropicale de la planète, en Afrique centrale, résiste. Elle continue de stocker du CO2 comme avant, presque insensible aux sécheresses. « Les espèces du Bassin du Congo ont évolué pour s’adapter à des conditions climatiques plus sèches. Elles vont donc réagir moins fortement à l’augmentation des épisodes secs – c’est l’une des hypothèses. Et puis il y a aussi moins de déforestation sur la partie la plus proche de l’océan. Ces forêts continuent donc de jouer leur rôle dans la régulation du climat local et du régime des pluies », rapporte Géraldine Derroire. Ravageurs En milieu tempéré, les forêts sont à la peine. Selon une dernière étude, les forêts européennes ont absorbé 27 % de CO2 en moins en 12 ans. La forêt française est emblématique : la surface forestière s’est considérablement étendue ces dernières décennies, mais elle est en mauvais état, victime de la sécheresse, des incendies et des maladies. Un arbre affaibli par la sécheresse aura moins de résistance face aux parasites. En revanche, dans les forêts tropicales, l’immense diversité des arbres et des plantes les protège des ravageurs. « Une forêt tropicale, ce sont 200 espèces à l’hectare, souligne Ariane Mirabel. C’est donc un écosystème qui reste encore aujourd’hui assez résistant à ces ravageurs, pas encore problématiques pour la santé des forêts. » C'est une petite note d’espoir face à ce paradoxe : les forêts, nos alliées du climat, sont aussi victimes de la crise climatique. À lire aussiCOP30: le fonds TFFF du président Lula est-il taillé pour sauver les forêts tropicales?



