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Reportage Afrique

Author: RFI

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Nos correspondants et envoyés spéciaux sur le continent africain vous proposent, chaque jour, en deux minutes une photographie sonore d'un évènement d'actualité ou de la vie de tous les jours. Ils vous emmènent dans les quartiers ou dans les campagnes pour vous faire découvrir l'Afrique au jour le jour.

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En février, le Bénin rouvrait sa frontière avec le Niger, fermée dans la foulée du coup d'État du 26 juillet à Niamey. Mais, à ce jour, le Niger la maintient fermée, des containers bloquent toujours le pont qui relie les deux voisins. La ville béninoise de Malanville, frontalière du Niger dont elle n'est séparée que par le fleuve du même nom, subit de plein fouet les conséquences de cette fermeture. Encore plus depuis que le Bénin a décidé, le mois dernier, d'interdire la traversée du fleuve. De notre envoyée spéciale à Malanville,Afin de contourner la fermeture de la frontière entre le Niger et le Bénin, passagers et marchandises traversaient le fleuve Niger en pirogue depuis Malanville, au Bénin, pour gagner la rive nigérienne, et ce, jusqu'au mois dernier. Alors, l'embarcadère était aussi animée qu'un marché et Ismaël, un zemidjan - un taxi-moto - à Malanville, venait souvent près du fleuve pour déposer des passagers. « Quand le fleuve travaille, le bus vient et s'arrête, il décharge les gens, les zemidjans prennent 500 par tête pour les amener au bord du fleuve. Arrivé là-bas, tu discutes avec le piroguier, il te dépose du côté Niger et vous partez. » Ismaël se désole : « Maintenant, ce n'est plus comme ça. Même pour aller au fleuve, c'est difficile. »Depuis plus d'un mois, la traversée du fleuve est interdite, ses rives sont surveillées et le brouhaha des passagers a laissé place aux seuls bruits des oiseaux. Ismaël a donc changé ses habitudes : « Je suis venu rendre visite à mes parents qui sont au bord du fleuve, je vais voir comment ils vont. » Le zemidjan explique qu'il a dû changer ses habitudes : « Souvent, je venais la nuit, tant que la frontière n'était pas fermée. Maintenant, il y a des militaires, la police est là la nuit, donc je préfère venir dans la journée. La nuit, ils vont te demander où tu vas. »Des activités économiques entravéesDix mois après la fermeture de la frontière, l'interdiction de la traversée du fleuve est vécue comme un vrai coup dur par les habitants de Malanville. Dans sa petite boutique, Abdou Yayi vend un peu de tout, le commerçant fait venir certains produits du Niger et de la ville de Gaya, les yaourts, le couscous... Cette interdiction complique grandement ses activités : « La fermeture de [la traversée du fleuve] amène beaucoup de problèmes. Ce qui arrive de Gaya est bloqué ou sinon, c'est cher. » Le commerçant ajoute que, même pendant la période du Covid, il n'a jamais vécu une telle situation.À lire aussiBénin: le marché de Malanville asphyxié par la fermeture de la frontière avec le NigerCes difficultés, les autorités locales en sont conscientes, mais Moussa Sambo Nouhoum, deuxième adjoint au maire de Malanville, justifie la décision d'interdire la traversée du fleuve, alors que le Niger bloque toujours le pont qui relie les deux pays : « Le Bénin avait fait le choix de ''fermer les yeux'', le passage sur l'eau était extrêmement dangereux compte tenu de la question sécuritaire. Et le passage sur l'eau n'était pas du tout aisé et était donc extrêmement dangereux. Le Bénin, après avoir ouvert sa frontière, a donc décidé d'interdire le passage sur l'eau. »Un enfant, un parent, une épouse au Niger, nombreux sont les habitants de Malanville à raconter leurs liens avec le pays voisin. À Malanville et à Gaya, nous sommes les mêmes, disent-ils, « on n'a pas envie de conflits, il faut qu'on s'entende. »
Libreville, la capitale du Gabon, fait face à des délestages récurrents d’électricité depuis le mois d'avril dernier. La faute à une sécheresse sévère qui a provoqué une pénurie d’eau pour faire tourner les turbines des deux principales usines de Tchimbelé et Kinguélé. Ces deux sites produisent à eux seuls plus de 40 % de l’électricité consommée à Libreville. Les populations, qui suffoquent, sont en colère. Un reportage de notre correspondant à Libreville. À lire aussiGabon: les fortes chaleurs entraînent des délestages et exaspèrent les habitants de Libreville
La province de l’Ituri dans l’est de la RDC est connue pour ses richesses aurifères. Des ressources convoitées par les groupes armés locaux et exploitées quasi exclusivement par des chercheurs d’or artisanaux. À Nizi, à une trentaine de kilomètres de Bunia est basée la Sokimo, l’entreprise publique congolaise de l’or. Début 2023, la société avait annoncé la relance de ses activités, à l’arrêt depuis une dizaine d’années, faute de moyens financiers. Mais la reprise de la production se fait attendre. De notre envoyée spéciale à Nizi,À droite de l’école construite par la Sokimo, l’entreprise publique congolaise aurifère de l’Ituri, des orpailleurs creusent au bord de la rivière. Sur la concession de la société, l’exploitation artisanale est tolérée. Celui que l’on surnomme « pasteur » tend une pépite grisâtre qu’il ira vendre dans le village voisin. « Son prix est variable en fonction de ce que les acheteurs voudront bien me donner. Tout ne sera pas pour moi, nous travaillons en groupe, il faudra que je partage avec mes coéquipiers et il faudra aussi payer les dépenses. »En moyenne, les chercheurs d’or gagnent moins de 10 000 francs congolais par jour, soit moins de 3 euros. Ici tout se fait à la pioche. Puis le minerai est lavé au mercure, un métal liquide qui permet à l’or de s’agglomérer. L'exploitation polluante a perturbé l’écosystème de la zone et provoqué des inondations, comme l’explique Francine Ouechi, une activiste de la société civile. « Il n’y avait pas de rivière ici, elle était de l’autre côté. Ces bâtiments inondés appartenaient à la Sokimo, c’est là qu’elle avait son activité. »L'insécurité perturbe la production La Sokimo, à l’arrêt depuis une dizaine d’années, avait annoncé la reprise de ses activités début 2023. L’usine de traitement des rejets des minerais a bien rouvert, selon les syndicalistes, mais le reste des objectifs tardent à se concrétiser.Au-delà des difficultés financières, l’insécurité perturbe l’entreprise et plus largement le secteur, explique Christophe Mukwa, le président de la Fédération des entreprises de l’Ituri : « Les activités aurifères fonctionnent au ralenti et pas comme ça le devrait. Pour normaliser la filière, nous allons demander au gouvernement de faire un effort pour éradiquer ce phénomène des groupes armés. Et les activités reviendront comme c’était avant. »Pour l’heure, l’objectif de la fonte de l’or pour obtenir des lingots n’est pas encore rempli. Tout comme le projet de l’exploitation du gisement du Mont Baluma qui n’a pas commencé. Aucune date n’a été annoncée, les dirigeants de la Sokimo n’ont pas donné suite à nos demandes d’entretien.À lire aussiRDC: à Bunia, certains quartiers restent épargnés par le conflit communautaire en Ituri [1/2]
Dans l’est de la RDC, l’Ituri est toujours en proie à des violences. Le conflit entre Hema et Lendu a repris en 2017 après une quinzaine d’années de paix relative. Les antagonismes sont anciens et les deux ethnies s’étaient déjà entretuées pendant la seconde guerre du Congo. Alors que l'Ituri semble submergé par le conflit, à Bunia, le chef-lieu de la province, certains quartiers mixtes résistent aux tensions communautaires.  De notre envoyée spéciale à Bunia,Autour de la table de billard, une petite dizaine de jeunes hommes entament une partie. Hema, Lendu, Alur ou encore Bira, toutes les communautés se retrouvent à Bankoko, un quartier de Bunia, la capitale de l’Ituri. Jérémy, la vingtaine, y habite depuis toujours. À ses côtés, Gloire Abasi, le président provincial du Parlement des jeunes et résidents de Bankoko : « J’aime aussi le billard, parce que le billard permet à tout le monde de se rassembler, pour qu’il y ait le vivre ensemble, ici en Ituri. »Car le conflit communautaire entre Hema et Lendu - qui s’affrontent par milices interposées depuis 2017 dans le reste de la province - déteint dans certaines zones de la ville de Bunia. Celle-ci est peuplée par une population traumatisée par ces violences qui durent depuis des décennies. « Il y a par exemple certains quartiers de Bunia où les Lendu ne peuvent pas habiter à cause de conflits qui ont eu lieu de 1998 à 2003 », explique Gloire Abasi.Historiquement, le quartier Bankoko (« les anciens » ou « les ancêtres » en lingala, l’une des langues locales) devait recevoir les militaires retraités. Il est aujourd’hui l’un des quartiers résidentiels des hauts fonctionnaires de la région. Ses quelques rues commerçantes sont traversées par des chars de l’armée congolaise et des casques bleus de l’ONU en raison de la proximité de leur caserne.Ce quartier est réputé calme et sécurisé... sauf lorsque les tensions surgissent dans les territoires limitrophes. François Kasereka est le coordinateur provincial des jeunes intercommunautaire de l’Ituri : « Chacun s’occupe de ses affaires. Il y a surtout des tensions entre jeunes qui n’essaient pas de comprendre la situation générale qui génère ce conflit. »Le 26 avril dernier, les principaux groupes armés ont signé un nouvel accord de paix. Depuis, les violences ont diminué, mais n’ont pas pour autant disparu, notamment dans les sites miniers.À lire aussiRDC: en Ituri, les signataires d’un accord de paix sceptiques malgré une baisse des violences intercommunautaires
Nous poursuivons notre petite série sur le taekwondo en Côte d’Ivoire. Ces derniers jours vous avez pu entendre un Grand reportage dédié au parcours des champions ivoiriens Cheick Cissé et Ruth Gbagbi. Nous vous avons parlé de l’importance de ce sport dans la société ivoirienne, de l’étonnante greffe de ce sport sud-coréen en Côte d’Ivoire et ce matin notre correspondant à Abidjan, Youenn Gourlay, nous parle de l’important vivier de futurs champions qui existe aujourd’hui dans le pays…  À lire aussiCôte d’Ivoire: les enfants séduits par les vertus du taekwondo [1/3]À lire aussiCôte d'Ivoire: comment le taekwondo est devenu l'art martial préféré des Ivoiriens [2/3]À lire aussiJO 2024: la Côte d’Ivoire et le taekwondo, une histoire d’amour olympique
Depuis les premiers succès des champions ivoiriens de taekwondo, Cheick Cissé, médaillé d'or à Rio en 2016, et Ruth Gbagbi, médaillé de bronze à Rio puis à Tokyo en 2021, le nombre de licenciés ne cesse d’augmenter en Côte d’Ivoire. L’un des plus grands connaisseurs de taekwondo du pays, l’ancien président de la fédération ivoirienne, Daniel Cheick Bamba raconte comment ce sport est devenu un phénomène social en Côte d’Ivoire. À lire aussiCôte d’Ivoire: les enfants séduits par les vertus du taekwondo [1/3] À lire aussiJO 2024: la Côte d’Ivoire et le taekwondo, une histoire d’amour olympique  
Depuis les premiers succès des champions ivoiriens de taekwondo, Cheick Cissé, médaillé d'or à Rio en 2016 et Ruth Gbagbi, médaillé de bronze à Rio puis à Tokyo en 2021, le nombre de licenciés ne cesse d’augmenter en Côte d’Ivoire. Ce sport sud-coréen est devenu un phénomène social et des milliers d’enfants s’inscrivent dès leur plus jeune âge. À lire aussiJO 2024: la Côte d’Ivoire et le taekwondo, une histoire d’amour olympique
En Tunisie, il n’existe qu’une trentaine de salles de cinémas dont la majorité se trouve dans la capitale. Depuis 2017, l’association Sentiers-Massarib, éduque à l’image et à la culture cinématographique enfants et adolescents. Elle travaille en partenariat avec une autre association, l’Art Rue, et des écoles de quartiers populaires, où les projections de films sont devenues un rituel hebdomadaire. Cette découverte du 7ᵉ art est aussi l’occasion d’ouvrir les enfants à l’art du débat et la prise de parole en public. De notre correspondante à Tunis,C’est dans une école primaire, nichée dans une ruelle du centre-ville de Tunis, que résonne la voix d’Antoine Doinel, héros des Quatre Cents Coups de François Truffaut. Devant le mur où est projeté ce classique du cinéma, un groupe d’enfants suit l’action et les bêtises du jeune Antoine.Pour Insaf Machta, enseignante universitaire et cofondatrice de l’association Sentiers, le choix du film n’est pas juste destiné au divertissement. « La représentation de l’enfance revient souvent dans notre programmation, et puis, c’est un film aussi où il y a une représentation de l’institution scolaire. Et c’est aussi pour amener les élèves à réfléchir sur l’école, sur la représentation de l’école dans le film, explique-t-elle. C’est l’occasion aussi de réfléchir sur la question de la discipline et également sur tout ce qui est considéré comme une délinquance dans le film et qui est à relativiser. »Autant de pistes de réflexion qui servent ensuite à alimenter un débat entre cinéphiles novices après la projection.Démocratiser le cinéma chez les jeunesOutre la compréhension du film, Insaf tente aussi d’amener les enfants à s’interroger sur les thématiques de la liberté, de l’enfance, dans un cadre de prise de parole égalitaire. À rebours du côté encore très scolaire des écoles.« À partir des réponses, on apporte des précisions. D’abord, on leur demande de répondre à la question d’un camarade. Ce n'est pas nous qui répondons en premier lieu pour ne pas être justement la seule source du savoir et de la connaissance », poursuit l'enseignante.Si les enfants échangent facilement après une année de projection, les débuts n’ont pas toujours été faciles pour des petits, qui, pour la plupart, ne sont jamais allés dans une salle de cinéma.« L’expérience a montré qu’au tout début de l’année, les élèves sont incapables de regarder un film sans chahuter et on travaille sur ça, justement, sur l’intériorisation progressive du rituel d’une projection », témoigne Insaf Machta.Malgré l’ouverture de multiplexes après la révolution, le cinéma n’est pas une pratique culturelle très répandue. L’association Sentiers aide à sa démocratisation en offrant aussi des ateliers d’introduction à l’analyse de film pour les adolescents, l’accompagnement de la création de ciné-clubs et une ouverture sur les cinémas d’Afrique.À lire aussiComment réduire l’impact environnemental de la production d’un film ?
Suite et fin de notre série consacrée aux Burkinabè qui fuient les violences dans leur pays. Depuis 2021, la Côte d’Ivoire accueille de nombreux Burkinabè, qui fuient les violences dans leur pays. Il y a à ce stade 59 136 arrivées estimées par le HCR. Près de 12 000 sont actuellement pris en charge dans deux sites d’accueil, construit par le gouvernement ivoirien dans le nord, dans les régions du Bounkani et du Tchologo. Mais la majorité des Burkinabè trouve refuge dans des familles ivoiriennes, qui n’hésitent pas à les intégrer à leur quotidien. Reportage dans le village de Ouangolodougou, situé à moins d’une trentaine de kilomètres de la frontière. De notre envoyée spéciale de retour de Ouangolodougou,« Les hommes dorment ici et les femmes dans l’autre bâtiment au fond. » Demba accueille actuellement 34 demandeurs d’asile. Avec ses deux co-épouses, il a totalement réaménagé sa concession pour faire de la place aussi aux moutons que ses hôtes ont réussi à préserver en fuyant les violences dans leur pays.« J’ai d’abord hébergé une grande sœur éloignée du Burkina Faso, qui était en difficulté. Elle est venue avec beaucoup de monde. Rapidement, d’autres gens, que je ne connaissais pas, ont emboîté le pas. J’ai pu accueillir jusqu’à 100 personnes l’année dernière, témoigne-t-il. Parmi eux, 70 ont été admis dans le site accueil de Niornigué. J’ai bénéficié d’un soutien de l’État : cela m’a permis de tenir. Mais sinon, je m’occupe de tout financer à la maison pour aider les réfugiés. »Plusieurs habitants du quartier Koko ont également poussé les murs pour faire de la place aux demandeurs d’asile burkinabè.À lire aussiBurkina Faso: Témoignages de victimes de violences par des jihadistes [1/3]Deux sites d'accueilIbrahima Touré est agriculteur. Il partage tout : son logement, ses deux magasins et ses récoltes. « Si tu vois quelqu'un en difficulté, il faut l'aider. » Pourtant, Ibrahima Touré, n’avait aucun lien de parenté avec ces personnes. Mais son geste lui a permis de tisser de nouvelles amitiés. « Aujourd'hui, on est devenus une famille. Ils m'ont pris comme leur frère. On cause bien, on s'appelle. »Bien avant l’ouverture des deux sites d’accueil, les familles ont été les premières à recevoir les demandeurs d’asile. Chaque foyer a contribué, dans la mesure du possible, à recenser ces arrivées. Ces flux varient, constate Siaka Ouattara, le chef du village de Ouangolodougou.« Il y en a qui viennent, il y en a qui repartent. Jusqu'à hier, on me faisait comprendre qu'il y a des nouveaux qui sont arrivés, mais par contre, il y en a d'autres qui étaient dans les familles ici et qui sont repartis dans leur village au Burkina. Donc, il y a des nouveaux arrivants, mais il y en a qui repartent aussi », explique Siaka Ouattara.La plupart des demandeurs d’asile tentent de poursuivre des activités, notamment dans les domaines de l’agriculture ou du commerce.À lire aussiBurkina Faso: témoignages de victimes de violences des Volontaires pour la Défense de la Patrie [2/3]
La situation sécuritaire pousse plus de deux millions de Burkinabè à quitter leurs foyers. Bon nombre sont des déplacés internes, et d’autres se retrouvent dans les pays voisins, comme le Mali, le Ghana ou la Côte d’Ivoire. Plusieurs personnes affirment avoir été victimes de violences commises par des supplétifs de l’armée burkinabè, les Volontaires pour la Défense de la Patrie. Bon nombre de personnes fuient par anticipation, à cause d’un climat marqué, selon elles, par la suspicion d’appartenir ou non aux groupes armés terroristes. Ramata* est originaire d’un village proche de Ouahigouyia. Sa localité a été attaquée il y a plus d’un an, dit-elle, par des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Avec sa co-épouse, son mari et leurs dix enfants, Ramata fuit de village en village. Et à chaque étape, cette femme d’âge mûr décrit un climat de suspicion et de violence, entretenu, notamment, par ceux-là mêmes censés protéger les populations.« À notre arrivée à Tanlili, on a découvert que des Volontaires pour la Défense de la Patrie venaient de tuer neuf hommes. Les corps gisaient par terre. Ma co-épouse s’est mise à hurler en voyant ces corps. Puis les VDP ont arrêté quatre de nos villageois. Ils nous ont fouillé et ont pris nos téléphones. On a préféré partir », témoigne-t-elle.Ramata et sa famille marchent pendant plusieurs jours. Au fil du temps, le groupe de villageois, en quête d’un lieu sûr, s’amenuise. « Au village de Bissiga, les VDP nous ont arrêtés, comptés et gardés jusqu’au crépuscule. Le chef de la localité a refusé qu’on dorme sur place. Nous avons marché, campé ailleurs et là encore, les villageois se sont opposés à notre présence. On les a suppliés et nous avons pu dormir dehors. Nous étions tous très fatigués. »« Sur la route, nous avons perdu 19 villageois... »Après plusieurs mois de marche, Ramata trouve refuge en Côte d’Ivoire. Mais des proches manquent à l’appel, dont son mari. Ramata peine encore à évoquer sa disparition.« Sur la route, au total, nous avons perdu 19 villageois : deux ont été tués sous notre nez par les VDP. Et les 17 autres ont été arrêtés à divers endroits. Ils sont portés disparus jusqu’à présent. Mon mari est parmi eux », déplore Ramata.Plusieurs personnes décrivent des arrestations qui leur paraissent sans fondement. À l’image de Samira*, une jeune originaire de Gorom-Gorom. Cette femme a perdu son cousin, décapité par de présumés terroristes. Apeurée, elle fuit, avec son père âgé de 91 ans. Mais à leur tour, ils font l’objet de contrôles musclés.« On a quitté les mains vides. Le VDP ont arrêté nos hommes. Ils les ont ligotés et déshabillés. Ils voulaient les décapiter. Et nous, on leur a expliqué de ne pas les tuer parce que les djihadistes ont déjà tué une tante, explique-t-elle. Les VDP nous accusent d’être de connivence avec les groupes armés, mais on n’a rien à voir avec eux. Les VDP utilisent des détecteurs de métaux pour contrôler les gens : l’engin a sonné et ils ont arrêté mon père, pensant qu’il est un jihadiste. Mon papa a été enfermé pendant trois jours. »À sa libération, le vieil homme raconte être pris entre deux réalités : d'un côté, la peur de nouvelles agressions par des groupes armés terroristes. De l'autre, la contrainte de collaborer avec l'armée... Le vieil homme a choisi de fuir cette situation.* Pour des raisons de sécurité, les prénoms ont été modifiésÀ lire aussiBurkina Faso: Témoignages de victimes de violences par des jihadistes [1/3]
RFI vous propose une série de reportages sur la situation des Burkinabè qui fuient les violences dans leur pays. La situation sécuritaire pousse plus de deux millions de personnes à quitter leurs foyers. Bon nombre sont des déplacés internes et d’autres se retrouvent dans les pays voisins, comme le Mali, le Ghana ou la Côte d’Ivoire. Parmi ces personnes figurent de nombreuses victimes des violences perpétrées par les groupes armés terroristes. Pour Mariam*, tout a basculé peu avant la période de récolte de l’arachide l’année dernière. Cette femme d’âge mûr habite la région de Bittou, dans le centre-est, près de la frontière avec le Ghana. Ce jour-là, dit-elle, des hommes armés, se déplaçant à moto, pénètrent dans son village avec une requête non négociable.« Ces gens ont dit qu’ils étaient là pour instaurer l’islam. Ils nous ont donné sept jours pour quitter le village, parce que selon eux, seuls des musulmans peuvent occuper cette terre. Nous n’avions même pas encore récolté nos cultures : il y avait encore de l’arachide, du maïs, du soja et du fonio. Ils ont brûlé nos hangars. Ils sont restés jusqu'à minuit. Ils affirmaient être là, soi-disant, pour prêcher l’islam », explique-t-elle22 personnes tuéesSur le coup, les groupes armés tuent 22 personnes. Informés par les villageois, les militaires arrivent et restent 22 jours sur place pour sécuriser le village. Quelques instants après leur départ, les groupes armés reviennent et attaquent la localité.« Ils ont égorgé quatre de mes garçons devant moi. Ils les ont jetés comme des ânes. Regardez les cicatrices sur mon épaule et mon front : ils m’ont frappée avec des machettes, témoigne Mariam. Je criais, je pleurais sur le corps de mes enfants et c’est pour cela qu’ils m’ont frappée. Ils m’ont jetée dans leur pick-up. Ils m’ont emmenée très loin dans une forêt. J’avais des blessures sur tout le corps. »Même mode opératoire raconté par Fatim*, originaire de Titao, dans le nord du Burkina. Cette femme a perdu son mari.« J’étais dans mon jardin, j’arrosais les oignons. Mon mari faisait partie des VDP. Il a été attaqué par des groupes armés. Trois de ses frères ont aussi été tués. Après l’assassinat des membres de ma famille, nous avons reçu un ultimatum de sept jours pour quitter le village. »Fatim est partie les mains vides dans la précipitation. Elle a parcouru un long périple avec ses sept enfants, fuyant de village en village, pour enfin trouver refuge en Côte d’Ivoire. * Pour des raisons de sécurité, les prénoms ont été modifiésÀ lire aussiBurkina Faso: l'ONU demande des enquêtes sur les exactions et massacres contre des civils
Le Reportage Afrique nous amène aujourd'hui à Bouar, au nord-ouest de la République Centrafricaine. Dans cette ville, les habitants renouent avec de l'eau courante après une décennie d'interruption. Les installations de la Société de distribution d'eau en Centrafrique (Sodeca) ont été détruites pendant la crise militaro-politique de 2013. Ces dix dernières années, les populations ont été condamnées à utiliser l'eau des puits, des cours d'eau ou encore des forages. Alors que le taux des maladies d'origine hydriques ne cesse de grimper dans la ville, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a entrepris un accord avec la Sodeca, ce qui a permis aujourd'hui de redonner de l’eau potable aux habitants. De notre correspondant à Bouar, Tout au long de la route qui mène au quartier Zari Herman, des femmes et enfants parcourent des kilomètres avec des bidons à la recherche de l’eau potable. Depuis 10 ans, l'eau potable ne coule pas dans ce quartier populaire. Comme les autres habitants, Nicette et sa famille utilisent l'eau des puits : « Il faut se réveiller très tôt le matin avec les enfants pour faire la queue devant les puits ou les forages, explique la mère de famille. Parfois, je suis obligée d'utiliser les cours d'eau pour répondre aux besoins de mon foyer. Tous les jours, on transporte des bidons dans des pousse-pousse ou sur la tête et c'est très pénible ».Créée en 1983, la Sodeca de Bouar a été vandalisée pendant la crise militaro-politique de 2013. Après 10 ans d'inactivité, elle a repris service en avril 2023 grâce aux soutiens des partenaires. Christian Feï-Ngan Youwana est son chef de centre et en détaille ses nouveautés : « Tous les bâtiments de l'usine saccagés ont été réhabilités. Les installations de l'usine ont été dotées de nouvelles machines. Nous avons désormais tous les produits chimiques pour le traitement et la production de l'eau potable dans la ville. Nous avons aussi deux groupes électrogènes pour travailler à plein temps ».À lire aussiCentrafrique: opération désensablement à Bangui pour accéder à l’eau courante« Un ouf de soulagement »Malgré ces efforts, le chantier reste énorme. Aujourd'hui, 15 quartiers sur 58 bénéficient de l'eau potable distribuée par la Sodeca. Ici, au quartier Haoussa, à l'autre bout de la ville, Ousseni a un robinet installé devant sa maison : « C'est un ouf de soulagement parce que l'eau potable est à nouveau disponible dans mon quartier. J'ai de l'eau courante à la maison, donc je n'ai plus à me réveiller très tôt pour parcourir des kilomètres pour aller chercher de l'eau potable. Après l'installation de mon compteur, je constate que mes enfants ne souffrent plus de maladies d'origine hydriques ».Le prochain objectif est d'étendre le réseau de distribution dans tous les quartiers. Yves Van Loo est le chef adjoint de la délégation CICR : « Le résultat est encourageant, mais nous sommes encore très loin des attentes de la population. La station de pompage est terminée. Elle a une capacité de produire 250 000 litres d'eau potable par jour. La station fonctionne avec du carburant. Le CICR fournit 1 250 litres par mois pour la faire tourner. On va augmenter la capacité au fur et à mesure que l'extension du réseau de distribution se fera dans les quartiers ».Il est prévu dans les prochains mois l'installation de l'énergie solaire en plus de l'énergie thermique pour donner un maximum d'autonomie à la Sodeca, afin de fournir de l'eau potable aux 60 000 habitants de Bouar.À lire aussiCoronavirus: à Bangui, l'accès à l'eau devient prioritaire
Le mariage forcé est une pratique courante. À Kpockté, un village au nord-ouest de la Centrafrique, ce type d’union sans consentement est organisé par certaines familles sans tenir compte de l’avis des jeunes filles dont l’âge varie de 14 à 17 ans. Elles sont parfois contraintes de se soumettre à la décision des familles, car dire « non », peut avoir de nombreuses conséquences pour ces adolescentes. De notre correspondant à Bangui, Au village Kpockté, à 15 km de Bouar, dans la préfecture de la Nana-Mambéré, il n’est pas donné à toutes les femmes de choisir leur époux. Certaines doivent accepter de gré ou de force leur nouveau mari. C’est le cas de Sophie 16 ans. Orpheline de père, elle a été forcée de se marier à un fermier de 60 ans avec la complicité de sa mère. « Ma mère me disait toujours que l’amour n’existe pas, l’essentiel, c'est de vivre avec un homme respectable qui peut s’occuper de moi. Elle m’avait juste dit que mon futur mari est riche, qu’il va nous sortir de la pauvreté. Il est trois fois plus âgé que moi. Ça fait trois ans que je suis en couple avec lui pour ne pas désobéir à ma mère. »Le mariage sans consentement est monnaie courante dans ce village d’environ 2 000 habitants. À quelques jets de pierres de là, nous rencontrons Nadine, une autre victime. « J’ai été mariée de force, il y a deux ans, dans un autre village proche par mes parents. Mon mari me faisait subir viols et violences conjugales. Je n’étais pas heureuse, je pleurais à longueur de journée et je maigrissais beaucoup. Un jour, j’ai décidé de m’enfuir. Actuellement, je vis ici chez mon oncle qui est heureusement contre cette pratique. »« C'est une question de coutume »Très souvent, ces familles n’ont pas de sources de revenus pour prendre en charge leurs enfants. Les filles, dans ce cas de figure, deviennent des biens précieux pour les parents. Grégoire est un père de famille qui a choisi pour sa fille. « Le mariage pour nous, c’est une question de coutume. C’est une source de délivrance, de réussite et de bonheur. Le mariage permet d’éviter les dérives d’une débauche qui pourrait déshonorer la famille. Dans notre tradition, il appartient aux parents de donner leurs enfants en mariage. C’est la règle donc je n’appellerai pas cette pratique un mariage forcé. »Plusieurs organisations des droits de l’enfant et des droits de l’homme s’activent pour lutter contre ce phénomène. Maître André Olivier Manguereka est avocat aux barreaux de Centrafrique. « Nous sommes dans un État de droit et la loi centrafricaine ne défend pas cette pratique. Malheureusement, la plupart de ces filles ne maîtrisent pas leurs droits et se laissent injustement dominer par leur parent. J’encourage les filles qui sont contre cette pratique à porter l’affaire en justice. Les auteurs seront traqués, jugés et condamnés selon la faute commise. »Aujourd’hui, de nombreuses filles mariées de force sont en instance de divorce. Certaines sont malheureuses et craignent de rester célibataires à vie, car aucun homme ne souhaite se remarier avec elles.À lire aussiKessy Ekomo: «Les femmes centrafricaines sont actives et actrices du changement»
Au Tchad, les réfugiés de la crise soudanaise ne cessent d’affluer. La ville d’Adré, frontalière à l’est du pays d’environ 40 000 habitants, abrite désormais plus de 175 000 soudanais que les agences de l’ONU cherchent à relocaliser vers des camps de réfugiés construits en dehors de la ville, malgré le manque de financement. De notre envoyé spécial à Adré,C’est à Dogui, situé à environ 100 km d’Abéché, que le nouveau site des réfugiés est en construction. Il a une capacité d’accueil d’environ 50 000 réfugiés et va accuillir des personnes venues d’Adré et du site d’Ambélia. Des matériaux de construction jonchent le sol. Les charpentiers sont à pied d’œuvre. Abakar Adoum s’occupe de la construction des forages dans le site : « On a réalisé ces forages avec une profondeur de 54 mètres. Nous avons fait des tests de débit et la capacité de production donne 16m3 par heure. Et pour 2 000 personnes, nous avons besoin de 150m3. Notre projet est d’avoir 4 forages. »L’objectif de cette relocalisation est de permettre aux réfugiés d’avoir des conditions de vie décentes. « On a en moyenne 1 000 personnes qui arrivent par jour. On se retrouve avec cet endroit qui se remplit et les déplacés vivent dans des conditions très précaires. Si nous ne nous dépêchons pas, nous allons nous retrouver dans une situation catastrophique, avec le choléra et tout ce que cela peut engendrer », s’inquiète Benoit Kayembé, le chef de bureau HCR à Adré.À lire aussiGuerre au Soudan: «El-Facher est sans doute l’un des endroits où la situation est la pire»« Les autres resteront à Adré sous la pluie »Hassan Mahamat, est venu d'El-Geneina, au Darfour, il y a un an. Il s’occupe de la liste des réfugiés qui doivent s’installer à Dogui : « On a enregistré déjà presque une cinquantaine de ménages. Le problème, c'est qu’il y a trop d’insécurité ici et les gens ont vraiment faim et c’est comme cela depuis presque deux mois, explique Hassan. Sinon avant-hier, il y a eu encore 184 nouveaux que l’on doit enregistrer ».Depuis le début de la crise soudanaise il y a un an, le Tchad a accueilli près de 600 000 réfugiés sur son sol. Ce drame humanitaire ne devrait laisser personne indifférent, nous dit Laura Lo Castro, représentante du HCR au Tchad : « Nous pouvons accueillir aujourd’hui seulement 2 000 familles, environ 10 000 personnes. La capacité totale du camp est de 50 000 personnes. Si vous faites le calcul pour les 8 000 maisons qui restent, on parle d’environ 7 millions de dollars, détaille Mme Lo Castro. Il nous faut plus de ressources pour effectivement accélérer la construction du site. Malheureusement, on ne pourra accueillir qu’une partie des déplacés et les autres resteront à Adré, sous la pluie », se désole la représentante du HCR.Alors que les autorités tchadiennes plaident pour un soutien accru de la communauté internationale, l’afflux des réfugiés se poursuit à l’est du pays.À lire aussi«Ici, on est au cœur de la crise»: le Tchad face à l'afflux des réfugiés soudanais [1/2]
Les réfugiés de la crise soudanaise ne cessent d’affluer au Tchad. Adré, ville frontalière de 40 000 habitants située dans l’est du Tchad, a enregistré l’arrivée de plus de 17 000 personnes depuis le début du conflit et les agences de l’ONU manquent de financement pour les assister. De notre envoyé spécial à Adré, Le soleil est au zénith. Ici, selon les humanitaires, 100 à 1 000 réfugiés entrent en moyenne chaque jour à cause de la crise soudanaise. Sous le pont qui marque la frontière, Mahamat Adoum, agent de protection de la CNAR, la Commission nationale d’accueil des réfugiés, est assis devant son bureau, tablette numérique en main. Il enregistre les nouveaux réfugiés et les oriente vers un kiosque sanitaire pour les premiers examens de santé : « Nous sommes là 7 jours sur 7. Nous avons reçu près de 110 familles aujourd’hui, elles craignent l’insécurité et la famine. »Haran Hassan Mahamat, la quarantaine, veuve et mère de 6 enfants, est nouvellement arrivée en provenance de El-Djénéina, une ville du Darfour. « Nous venons d’arriver parce qu’il n’y avait pas des moyens de transports. Et là, on n’a rien à manger et la guerre ne fait que continuer on ne sait à quel saint se vouer. On a perdu nos maris, certains sont disparus, difficile de communiquer avec d’autres comme ils vivent en cachette à cause de la crise. Vues toutes ces difficultés, on préfère venir vivre avec nos frères ici. On s’est même déjà fait enregistrer. »« On n’a plus d’argent »Le Soudan est une crise oubliée mais situation humanitaire ici reste catastrophique, alerte Laoura Lo Castro, représentante du HCR au Tchad : « Ici, on est au cœur de la crise on ne sort pas de l’urgence et on n’a plus d’argent. L’année passée, on a réussi à mobiliser 40% des besoins. On est aujourd’hui au mois de mai et on a que 6%. Comment le Tchad va faire pour absorber cette population et éviter des catastrophes humanitaire », s’inquiète la représentante du HCR.En un an, le Tchad est devenu l’un des principaux pays d’accueil au monde avec près de 600 000 réfugiés à l’Est si l’on considère le nombre de réfugiés par rapport à la population. Les autorités plaident pour un soutien accru de la communauté internationale, tandis que le conflit s’enlise de l’autre côté de la frontière.
En 1944, Brazzaville, capitale de la France libre en pleine Seconde Guerre mondiale, abritait une conférence chargée de se pencher sur la transformation de l’Empire colonial français après les bouleversements de la guerre. Le rendez-vous a débouché sur des conclusions très conservatrices mais il a tout de même marqué une étape dans l’histoire de la décolonisation des anciennes colonies françaises d’Afrique. 80 ans après, le site où s’est tenue cette grand-messe n’est plus que l’ombre de lui-même. Des projets sont en cours pour le réhabiliter. De notre envoyé spécial à Brazzaville,En plein centre-ville de Brazzaville, juste derrière le Conseil économique et social, à un jet de pierre du palais présidentiel, se dresse cette vieille bâtisse de 1910 appelée à l’époque Cercle civil et militaire. En 1944, ce bâtiment a abrité la Conférence de Brazzaville. Une réunion qui a représenté une étape dans la décolonisation, même si ses conclusions sont restées très timides sur l’évolution politique des colonies africaines de la France. Stevio Ulrich Baralangui est chercheur et enseignant d’histoire contemporaine à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville : « La conférence de Brazzaville a apporté des changements importants constatés à partir de 1946, avec la suppression du code de l’indigénat et du travail forcé. Mais la conférence de Brazzaville n’avait pas tenu toutes ses promesses parce que c’est le colonisateur qui a planché sur le devenir des anciennes colonies en l’absence des colonisés. »Une bâtisse en fricheAu pied de vieux manguiers, cette bâtisse, séparée du fleuve Congo par une route dominée par un pont à haubans, est devenue plusieurs années plus tard le siège de l’Alliance française et ensuite le Centre de formation et de recherche en art dramatique (CFRAD).Florent Sogni Zaou, journaliste et écrivain, y a présenté sa première pièce de théâtre intitulée Homme d’affaires, il y a 40 ans : « C’est une maison qui nous a vu grandir. C’est là-bas que j’ai assisté à la première exécution d’une pièce de théâtre. Et lorsque j’ai écrit moi-même, je suis allé vivre ce que je n’avais pas prévu de vivre », raconte-t-il.À lire aussiLe Congo-Brazzaville et la Chine célèbrent les 60 ans de leur coopérationEn effet, cette maison est à l’abandon : des herbes et des petits papayers poussent sauvagement par-ci par-là. « Nous avons vu cette maison mourir. Aujourd’hui, le CFRAD est méconnaissable. D’ailleurs, quand vous y arrivez, vous trouvez un gros cadenas et une grosse chaîne. Ça signifie que la porte principale ne s’ouvre plus. Pour y entrer, il faut passer par le derrière et par là, il y a des crevasses », déplore M. Sogni Zaou.Bientôt réhabilitéeL’heure est désormais à la réhabilitation. À la suite de la dernière visite du président français Emmanuel Macron à Brazzaville, une convention a été signée dans ce sens, à la grande satisfaction de Jean-Omer Ntadi, conservateur du patrimoine culturel. « Là, il y a toutes les démarches nécessaires qui vont déboucher sur l’inscription du CFRAD sur la liste du patrimoine national. Et, au lendemain de la liste nationale, on pourrait faire en sorte que ça rentre dans la liste du patrimoine mondial. »La France a offert une enveloppe de 4 millions d’euros (plus de 2,6 milliards de FCFA) pour la réhabilitation de cet endroit.À lire aussiL’histoire coloniale du Congo racontée et chantée par «Congo Jazz Band»
La région de l’Orientale, à l’est du royaume du Maroc, est frontalière de l’Algérie, un pays avec lequel les relations sont historiquement tendues. Depuis 1994, les frontières sont fermées et les relations diplomatiques rompues depuis 2021. Pour les populations qui vivent de part et d'autres de la frontière, cette situation est souvent un déchirement. De notre envoyé spécial à Saïdia, Avant la colonisation française, la région de l'Orientale ne connaissait pas les frontières. Mais depuis 30 ans, commercer ou voyager entre le Maroc et l’Algérie est devenu impossible légalement. Dans les rues d’Oujda, ville marocaine frontalière de l’Algérie, les jeunes comme Mounir regrettent de ne pas avoir connu cette époque : « On est des frères. Nous, notre cœur est pur. Après, chacun pense ce qu’il veut, mais on est des frères. Quand les frontières étaient ouvertes, Oujda et Alger… on travaillait ensemble, ils venaient ici et on allait là-bas. »Pour les plus anciennes générations, représentées par Daoudi, un ancien comptable aujourd’hui retraité, les échanges n’ont pourtant pas complètement cessé, il existe des chemins détournés pour aller en Algérie : « On passe par des portes comme Ahfir, Bni Drar, ou même à Oujda. Les braconniers rentrent et sortent facilement, on ne leur fait rien. Leur essence rentre ici et nous, on peut envoyer nos légumes. Le problème, c’est la politique. »Des familles déchirées par la fermeture des frontièresPour beaucoup, la création, puis la fermeture des frontières, a surtout été un déchirement. D’Oujda au Maroc à Oran en Algérie, les familles, la langue et la culture sont souvent les mêmes. Brahim Karkharch est barista à Saïdia : « Mes parents viennent des montagnes de Bin Znassen et ces montagnes vont jusqu’en Algérie... »Il regrette les conséquences sur sa famille :« On parle amazigh et aujourd’hui, j’ai encore mes cousins à Tlemcen et à Bejaia, ça fait dix ans qu’ils ne sont pas venus, ça fait dix ans qu’on ne s’est pas parlés. Les anciens sont morts, ceux qui nous rassemblaient sont morts, et la politique a tout gâché. »Se voir sans se parler, ce paradoxe prend toute sa forme à Bin Lajraf, cette attraction touristique se situe au bord d’une route à flanc de montagne. Au creux de la vallée, l’Oued Aghbal a délimité le tracé de la frontière. Derrière les barbelés, de l’autre côté de la route, à quelques dizaines de mètres, c’est l’Algérie : « Ici, on voit nos frères algériens, on échange des coucous, on papote, mais de loin. »Driss est venu de Taza, en famille, pour voir cette frontière : « Regardez, on est si proches, c’est juste à côté. Mais pour aller en Algérie, je dois aller à Casablanca, prendre un vol pour Tunis et ensuite aller en Algérie. Les Algériens et les Marocains sont des frères. On partage tellement de choses avec eux… Le combat est politique et les peuples n’ont rien à voir là-dedans. »À lire aussiCoupe de la CAF: le Sahara occidental s’invite sur le terrain du foot entre le Maroc et l’Algérie
À l'est du Maroc, les frontières avec l'Algérie sont fermées depuis 1994 et les relations diplomatiques entre les deux pays sont rompues depuis 2021. En trois ans, les tensions sont allées crescendo, le Maroc et l'Algérie se concurrencent sur la question du Sahara occidental, mais aussi pour l’influence régionale. Dans l'esprit des populations, la guerre devient de plus en plus une possibilité. De notre correspondant au Maroc, Le 29 août 2023, au large de la plage paradisiaque de Saïdia, au nord-est du Maroc, deux jeunes hommes partis en jet-ski ont été abattus par les garde-côtes algériens. Dans la station balnéaire, les souvenirs des touristes sont encore frais. Un vacancier se confie : « Ce truc-là, j’y pense tout le temps. C'est le premier truc auquel j'ai pensé quand je suis arrivé ici. » Ce drame n’a pas empêché les touristes, majoritairement d’origine marocaine, de revenir sur les lieux. Sofiane, qui vit entre la France et Saïdia, est venu avec ses enfants : « Ils sont encore petits mais quand ils grandiront, c’est vrai qu’il faut qu’ils connaissent un peu l’histoire. Ils peuvent s’amuser et faire ce qu’ils veulent, mais ils ne doivent jamais aller de l’autre côté. » Le père poursuit : « Les jet-skis étaient de l’autre côté, par là… Mais il n’y a pas de frontière, il n’y a rien. Nous, on se délimite avec les rochers, alors qu’il y a encore un territoire neutre. »Des tensions de plus en plus fortes entre le Maroc et l'AlgérieLe drame de Saïdia n’est pas le premier incident frontalier dans la zone, et les tensions entre Rabat et Alger sont de plus en plus fortes. À quelques mois du début de la saison haute, un commerçant du front de mer souhaite la désescalade : « Pour l’instant, il n’y a aucun problème pour le tourisme. Mais si la situation se développe et qu’il se passe plus de choses, on sera les premiers à être touchés vu que Saïdia est la ville plus proche des frontières algériennes. » Le commerçant dénonce les réseaux sociaux : « Pour l’instant, tout va bien, mais tous les problèmes sont sur YouTube et TikTok. Franchement, je préfère ne pas assister à ces insultes entre Marocains et Algériens. »Des habitants de la région en viennent à envisager une guerre avec l'AlgérieDe plus en plus, sur les réseaux sociaux comme dans les rues d’Oujda, à quelques kilomètres au sud de Saïdia, le long de la frontière, les discours bellicistes sont présents. C’est le cas avec Mohamed, qui commerce le bois : « Moi, en tant que Marocain, je signe la guerre avec l’Algérie. » Selon lui, il faut arrêter de parler des dénominateurs communs entre les deux pays : « Tous nos rois ont essayé d’être bien avec eux. Malheureusement, la presse marocaine ne dit pas ce qui est vrai sur l’Algérie. Ils ont créé le problème du Sahara occidental pour qu’on ne revendique pas le Sahara oriental. »Avant la colonisation française, cette région ne connaissait pas les frontières, ce qui pousse certains nationalistes marocains à revendiquer ce qu’ils appellent le Sahara oriental, soit l’ouest de l’Algérie. Des revendications qui font ressurgir du passé le spectre de la guerre. En 1963, le Maroc et l’Algérie, tous deux fraichement indépendants, s’étaient affrontés dans cette région, dans ce qui reste encore le seul conflit militaire direct entre les deux pays.À lire aussiTensions entre l'Algérie et le Maroc suite à un projet de confiscation de biens immobiliers
Projeté à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, Dahomey de Mati Diop, est une mise en scène onirique de l'art africain spolié par les troupes coloniales françaises. Un film-documentaire audacieux, auréolé de l'Ours d'Or, éminemment politique, qui a touché un jeune public venu en nombre. De notre correspondante à Dakar,À l'écran, la statue du roi Ghezo raconte en langue fon son retour d'exil. La salle de cinéma ce jour-là est une salle de classe du département de lettres modernes de l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar, pleine à craquer. Une séance spéciale, essentielle, pour Mati Diop, la réalisatrice de ce film qui raconte le voyage de Paris vers Cotonou de 26 œuvres pillées à l’époque coloniale.« Je pense que c'est justement aux artistes, aux intellectuels et à la jeunesse d'entreprendre cette démarche de restitution, estime-t-elle. Et pour moi, ça passe, par exemple, par faire ce film. Faire en sorte que ce film ne se limite pas à une sortie en salles, mais soit emmené dans des endroits spécifiques qui puissent générer du débat. »Et les questions ne manquent pas. Pourquoi faire parler les 26 œuvres ? Pourquoi l'obscurité ? Ndey Ededia, qui prépare une thèse sur la restitution des biens culturels, a été touchée par ce film très politique. « C'était génial que Mati arrive à faire parler, en fait, ces statues parce qu'elle leur donne en quelque sorte une âme, juge-t-elle. Ça me parle fortement et j'aimerais que ça puisse parler à beaucoup d'autres jeunes. C'est important de savoir d'où nous venons pour essayer, comme disait Felwine Sarr, de reconstruire un peu ce fil de l'histoire qui a été interrompu à un certain moment. »Car la plupart des étudiants qui sont là n'ont jamais entendu parler de ces 26 œuvres pillées en 1892 dans le palais d’Abomey par les troupes coloniales françaises. « Ici en Afrique, on n'a pas l'habitude de nous dire notre passé, de voir notre vraie culture », regrette El Hadj Faye, étudiant en troisième année de lettres modernes.« Ce que nous devons apprendre à l'école n'est malheureusement pas appris, confirme Assane Diemé, étudiant en master lettres modernes. Je prends l'exemple de la leçon sur le Sénégal. Quand je faisais la terminale, je me rappelle que cette leçon fait partie du programme, mais qu'elle est totalement en bas du programme. On apprenait la Chine, la Guerre froide, la Seconde Guerre mondiale et juste à la fin du programme, on apprenait le Sénégal. Et le temps ne nous a pas permis malheureusement d'apprendre ce cours-là. »Mémoire amputée que le film très politique de Mati Diop tente de réparer. Après le Sénégal, Dahomey est depuis le 31 mai à l'affiche au cinéma au Bénin. De son côté, la réalisatrice Mati Diop compte bien continuer à montrer son film dans un maximum d'universités du continent. À lire aussi«Dahomey» de Mati Diop, le film qui retrace la restitution des trésors royaux d'Abomey
Troisième et dernier volet de notre série de reportages sur les élections en Belgique, et la question de la représentativité des diasporas africaines. Aujourd'hui, la campagne pour les élections européennes et belges du 9 juin telle que suivie sur les ondes congolaises. En effet, la radio Top Congo a posé ses valises et ses micros à Bruxelles cette semaine pour sept jours d’émissions spéciales, une première !  Au programme de la radio Top Congo cette semaine, des interviews des présidents des différents partis belges, des candidats d’origine congolaise, et des débats avec la diaspora. Une délocalisation grand-format qui témoigne de l’importance de ces élections pour les congolais de Belgique, mais aussi pour ceux de République démocratique du Congo.L'hymne national belge remixé façon rumba congolaise, en guise d’introduction musicale pour cette émission spéciale de débat avec la diaspora, en direct et en public à Bruxelles et c’est une candidate aux élections européennes d’origine congolaise qui prend le micro en premier, Chancelvie Okitokandjo. « Il est important que la diaspora soit présente en politique : je parle des députés régionaux, des députés fédéraux, des députés européens, énumère-t-elle. Parce que c'est là que les décisions sont prises qui ont une empreinte sur ce que nous vivons au quotidien. Il est donc important pour la diaspora de s'intéresser à la politique. » À écouter aussiBelgique: la politique africaine de l'UE vue par les candidats issus des diasporasAux manettes, Christian Lusakweno, fondateur de Top Congo FM et présentateur phare de la chaîne, qui a pensé une couverture de la campagne à destination de la diaspora pour les élections régionales, fédérales et européennes qui ont toutes lieu le 9 juin en Belgique. « Ce sera l'occasion de savoir ce que les partis traditionnels font par rapport aux communautés allochtones, explique-t-il. Que ce soit par rapport au logement, au travail, à la migration. Mais aussi en termes de coopération avec la RDC, ainsi que leur point de vue sur ce qui se passe entre la RDC et le Rwanda et dans la région des Grands Lacs. »Mais les émissions s’adressent également aux Congolais de RDC : « C'était intéressant pour un média du Sud de casser l'habitude des médias du Nord qui suivent les élections du Sud. Là, ce sera un média du Sud qui suit les élections du Nord », s'enthousiasme-t-il.Pour Marceline Lukala, qui est venue assister à l’émission, cette élection revêt une importance particulière. « Nous habitons la Belgique, c'est notre terre d'accueil, explique-t-elle. Et nous devons participer au développement socio-économique et politique de ce pays. C'est normal. Alors, nous irons voter pour ceux qui sont attentifs à la vie de la diaspora congolaise. Parce que ces gens-là font les lois. Et si nous ne votons pas, nous allons subir les lois. » Au niveau belge, elle souhaite davantage de mesures pour l’emploi des jeunes et au niveau européen, des initiatives pour mettre fin au conflit dans l’est de la RDC.À lire aussiÉlections européennes: en Belgique, les partis politiques courtisent les communautés africaines
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