En Côte d’Ivoire, la communauté gouro cherche à préserver ses traditions ancestrales – c’est le cas de la sculpture de masques cérémoniels. Ils sont utilisés dans les danses populaires comme le zaouli, inscrit depuis 2017 au patrimoine immatériel de l'humanité. Le dernier grand maître sculpteur, Sabou Bi Botti, est mort il y a trois ans. Et les sculpteurs d’aujourd’hui peinent à transmettre leur art à la prochaine génération. De notre envoyé spécial à Bouaflé, le chef-lieu de la région de la Marahoué,Un rythme effréné, une danse saccadée, un masque coloré, c'est la trinité du zaouli, la cérémonie populaire anime les fêtes gouros en Côte d'Ivoire. Sous un soleil de plomb et un costume rouge, le danseur arbore ce jour-là un visage écarlate surmonté de deux biches – une scène au sens caché.Ces masques décorés, Samuel Irie Bi Wable en sculpte chaque jour dans son atelier. Les pieds dans les copeaux, couteau en main, l’artiste façonne une pièce en bois. « Je suis en train de creuser actuellement l'arrière du masque. Ça, c'est un masque-dame appelé le flaly », explique-t-il.Samuel est l’héritier d’une lignée de sculpteurs. Le quinquagénaire exerce depuis plus de 30 ans, mais il n’a pas de successeur, faute de moyen. « Compte tenu du fait que nous-mêmes nous sommes livrés à nous-mêmes, si nous avions les moyens d'encadrer nos apprentis, nous le ferions », regrette-t-il. Et pour lui, si les masques venaient à disparaître, ce serait la fin de la tradition : « Sans le masque, il n'y a pas de tradition. C'est une chaîne. Il faut entretenir tout ça. »« La transmission, c'est bien. Mais il faut que ceux qui font cette pratique puissent vivre de leur art. »Cette crise des vocations préoccupe le directeur régional de la culture. Lui-même gouro, Mathias Goore Bi Glan veut valoriser ce patrimoine. « Quand il n'y a pas de transmission, il y a un frein qui s'installe. Donc ce que nous faisons ici, dans la Marahoué, c'est essayer d'identifier tous nos praticiens, de les former à la transmission de leur art. » Mais selon lui, les efforts ne peuvent pas se faire uniquement sur la transmission en tant que telle : « La transmission, c'est bien. Mais il faut que ceux qui font vraiment cette pratique puissent vivre aussi de leur art. Donc, il faut en faire la promotion. »La promotion passe entre autres par les associations. Parmi elles, la Fédération du Zaouli. Gérard Tra Bi Tizié, l’un des responsables, a peur de voir sa culture disparaître. « C'est ce que nous ont laissé nos ancêtres. Si nous, à notre tour, on ne perpétue pas, qu'on laisse mourir, ça veut dire que nous n'avons plus de repères, alerte-t-il. Si les artistes vivent de leur art, ils vont insuffler un nouveau souffle, de nouveaux pratiquants vont plus s'intéresser à la culture. »Et pour attirer la nouvelle génération, l’association compte sur des évènements comme le Festival international du zaouli – la 1ʳᵉ édition se déroulera du 4 au 8 décembre prochain.À lire aussiCôte d'Ivoire: lutte contre la déforestation à Bonon, un bras de fer entre l'État et les planteurs [1/2]
La Côte d’Ivoire a la lutte contre la déforestation comme priorité nationale, l'a-t-elle rappelé pendant la COP29 à Bakou. Le pays a pour objectif de restaurer jusqu’à 20 % de son couvert forestier de son territoire d'ici à 2030. Pour cela, les autorités luttent notamment contre les cultivateurs installés illégalement dans les forêts classées, les aires protégées et les parcs nationaux. C'est le cas dans la forêt de Bouaflé, dans le centre du pays. Près de la localité de Bonon, la Société d'État chargée du développement des forêts Sodefor a commencé à évacuer les planteurs auparavant tolérés. De notre envoyé spécial dans la région de Bouaflé,Autour de la piste qui mène vers des parcelles, la forêt n’est en fait qu’une succession de plantations : cacaoyers, hévéas, bananiers. Guessan Kouamé travaillait dans ces terres depuis ses 14 ans. Mais il y a deux mois, les garde-forestiers ont détruit sa maison : « C'est une maison de six pièces. J'y ai habité 50 ans, j'y suis arrivé en 1978 », raconte-t-il. Guessan était le chef de Deux-Côtes, un petit village réduit à un amas de gravats et de tôles froissées. Seul vestige : une pompe à eau installée il y a quatre ans, avec l’aide du Conseil café-cacao. Guessan Kouamé dit avoir tout perdu : « Aujourd'hui, on doit tout arrêter. Cela fait deux mois, au moins, que je ne gagne plus un centime », explique-t-il.Deux-Côtes fait partie d’une douzaine de campements rasés mi-septembre. C’est également le cas de Tenge Koffikro, où se trouvait une école primaire. Pour le moment suspendue, l’opération de la Sodefor est rejetée par Constant, l’un des planteurs. « Nous sommes installés depuis longtemps ici, la déforestation ce sont nos parents qui avaient fait cela, ils ont planté, et comme cela a séché, il n'y a plus de forêt, c'est de la jachère », explique-t-il. Sur les images satellites, une quarantaine de campements constellent la zone classée de 20 300 hectares. De la simple baraque, au petit village de 60 cases, ces installations sont entourées de parcelles cultivées.Pour la Sodefor, les planteurs déciment les restes de forêt naturelle et les parcelles reboisées. Une cinquantaine d’agents ont été déployés pour évaluer les surfaces déforestées, entre autres. Le lieutenant Salim Konaté gère la forêt au nom de la Sodefor.Lui souhaite que l’évacuation aille jusqu’au bout : « Aujourd'hui, la forêt classée de Bouaflé est dans un état très alarmant. L'année dernière, en 2023, nous avons fait 300 hectares de reboisement, mais après la mise en place de ces reboisements, ils ont décimé ces 300 hectares. Cela fait mal. Sans la forêt aujourd'hui, comment fait-on ? Il n'y a plus de vie sans forêt ! », se désole-t-il.D'ici à 2030, la Côte d’Ivoire a pour objectif de reboiser 100 000 hectares par an.
Ils ont fait de l’humour une arme contre les injustices et la mal gouvernance… Rencontre avec les comédiens de la troupe ougandaise « Bizonto ». Ils sont journalistes et humoristes, populaires pour leurs vidéos satiriques, où ils dénoncent toutes les gabegies de leurs autorités. Reportage d'un tournage d’un de leurs sketchs. De notre correspondante de Kampala,Ce matin-là, les comédiens se retrouvent dans une résidence isolée en banlieue de Kampala. Kidomoole est le fondateur du groupe : « Nous avons travaillé dans plein d’endroits, mais les propriétaires sont menacés. Du coup, nous sommes devenus nomades… »Les textes sont scandés en musique, le ton est satirique, mais le message est éminemment politique. Ce jour-là, dénoncer l’impunité après l’effondrement d’une décharge qui a fait 30 morts. Mbabaali Maliseeri est l’un des comédiens : « Ici, les gens bataillent pour leur quotidien, donc ils n’ont pas envie d’écouter des discours trop sérieux. Si tu veux être écouté et que ton message passe, il faut l’épicer un peu et y mettre une touche de comédie, sinon les Ougandais t’ignorent. »À lire aussiEn Ouganda, la musique de Brass for Africa transforme des vies dans les bidonvilles de Kampala [1/3]Résister par l'humour, même après un séjour en prisonSi l’humour permet de conjurer l’ennui, Bizonto n’a pas toujours échappé aux fourches caudines de la censure. En 2020, ils ont séjourné en prison après qu’une vidéo sur le président Yoweri Museveni et son entourage est devenue virale : « Nous étions à la radio le jour de l’arrestation, à l’antenne. Un groupe d’une douzaine d’hommes armés, avec des armes à feu et en armure, est entré dans le studio pour nous embarquer. Ils nous ont accusés de sectarisme ».Les comédiens de Bizonto risquent alors cinq ans de prison, mais sur la toile leurs fans se mobilisent. Ce soutien populaire a conduit à leur libération : « Les autorités ont réalisé qu’en nous arrêtant, ils nous ont donné plus de pouvoir et de visibilité. Mais récemment, quelqu’un s’est accaparé de nos plateformes de diffusion sur internet. Ils ont payé quelqu’un pour essayer de nous mettre à terre et nous faire perdre notre audience. Donc la censure ne nous embête pas vraiment. Mais ils ont trouvé un autre moyen pour essayer de nous contrôler et de limiter notre influence ».Malgré la répression, les comédiens de Bizonto résistent avec leurs sketchs vidéos dans lesquels ils ont choisi d’apparaître systématiquement habillés en soutane : « Les messages que nous faisons passer devraient être portés par les hommes d’Église, mais ils ne le font pas à cause des menaces, donc on s’habille comme eux, on chante comme eux, et on fait passer les messages ».À lire aussiOuganda: le retour des reliques des premiers martyrs chrétiens [2/3]
C’est un retour à forte portée symbolique et historique : celui des restes de deux « martyrs ougandais », des jeunes convertis exécutés, il y a plus d’un siècle, pour avoir refusé de renoncer au catholicisme. Canonisés en 1960 et conservés depuis au Vatican, ils ont été rapatriés à Kampala cet automne pour y être exposés. De notre envoyée spéciale à Kampala,« Ici, vous avez la mâchoire de Mathias Mulumba. Et là, le fémur de Charles Lwanga » : Muhido Brian Kihemu est le guide de l’exposition.« Ils travaillaient comme serviteurs à la cour du roi du Buganda. Et sont parmi les premiers Ougandais convertis au christianisme à l’arrivée des pères blancs en 1879. Ils ont contribué à diffuser le catholicisme. »Samson, un séminariste, entre dans la pièce et s’agenouille devant les reliques. Il a traversé l’Ouganda pour se recueillir devant les restes de ces deux martyrs exécutés en 1885, sur ordre du roi du Buganda et sans lesquels il ne serait peut-être pas catholique.« Ils ont dû souffrir, ils ont été tués pour avoir refusé de se plier aux injonctions du roi. Quel courage, alors qu’ils étaient jeunes et catholiques depuis peu. C’est vraiment inspirant. Et émouvant ! »Les premiers pères blancs sont plutôt bien reçus. Le roi d’alors, Mutesa les autorise même à établir une mission, non loin de son palais. Mais les conversions s’accélèrent et le roi meurt. Son fils qui lui succède au trône subit des pressions. David Tshimba, chercheur et l’un des commissaires de l’exposition. « Le nouveau roi n'a que 18 ans et il est entouré d’hommes politiques très ambitieux qui ont perçu sa sympathie pour ces jeunes convertis. Ils ont peur d’être remplacés et sont déterminés à les écarter. »Le roi se laisse convaincre par son entourage que les jeunes convertis préparent un complot pour le renverser. Il ordonne l’exécution de ses serviteurs qui refusent d’abjurer. « Cette histoire est éminemment politique. Rien à voir avec les évangiles ou la lecture de Matthieu, Marc, Jean et Luc. Il s'agissait de décider que faire pour préserver un pouvoir qui était et qui est extrêmement menacé. »Les deux martyrs sont alors tués, leurs corps brûlés et démembrés. Les missionnaires enterrent leurs restes dans une boîte en métal, perdue dans l’incendie de leur église. Elle est miraculeusement retrouvée en 1964 à Rome. Ils sont les premiers martyrs d’Afrique Noire à être canonisés.
L’enseignement de la musique peut-il changer des vies ? C’est le pari de l’association Brass for Africa. Installée à Kampala, cette organisation offre des cours d’instrument à vent à des centaines de jeunes défavorisés. À travers cet apprentissage, elle entend leur donner des outils pour s’épanouir, transformer leur quotidien et celui de leur communauté. De notre envoyée spéciale à Kampala,Dans la cour d’une parcelle, au fond du bidonville de Bwaise à Kampala, une trentaine de jeunes s’échauffent pour leur répétition. « Ils s’entrainent pour jouer lors de la journée internationale de la fille », explique Farida Nalumansi, qui supervise les activités. La jeune femme a rejoint l’association il y a sept ans. À l’époque, elle était encore adolescente, mais déjà mère et isolée. « J’avais 14 ans lorsque j’ai été déflorée, par l’homme qui payait mes frais de scolarité. J’étais tellement discriminée que je ressentais de la haine pour ma fille. J’ai quitté le domicile de mon père et j’ai sombré dans la drogue. En 2017, on m’a permis de rencontrer Brass for Africa. »Petit à petit, à travers la musique, elle reprend confiance, renoue avec sa fille et lance sa propre ONG : « Elle s’appelle "Une fille est capable", c’est une ONG communautaire. »À lire ou a écouter aussiPrès de deux ans sans école, les jeunes Ougandais en erranceAide à fabriquer des serviettes hygiéniques, une école de la vieEn plus de la musique, les élèves peuvent ici apprendre à fabriquer des serviettes hygiéniques lavables, une manière de combattre la précarité féminine et les tabous. Car derrière les machines à coudre, il y a surtout des hommes, comme John Otema : « Lorsque les jeunes filles ont leurs règles ici, les parents n’ont pas toujours les moyens d’acheter des protections. Elles sont en difficultés et elles ont des douleurs. Cela peut être terrible. Quand j’ai compris cela, j’ai voulu participer à faire en sorte que les filles au fond des bidonvilles puissent avoir des protections quand elles en ont besoin. »Plus qu’une école de musique, Brass for Africa est une école de la vie. Hector était élève il y a trois ans. Aujourd’hui, il dirige les répétitions : « J’étais sans travail, à la maison et j’avais la pression pour trouver un travail. Beaucoup de mes amis ont été rattrapés par la drogue. Moi, depuis que je suis ici, j'ai quelque chose à faire et tout est plus simple. »Hector était jeune diplômé sans emploi à son arrivée. Mais d'ici à un an, il sera professeur de musique certifié.À lire ou à écouter aussiOuganda: la lente réhabilitation des anciens enfants soldats
Pour lutter contre les occupations anarchiques des chaussées dans les grands marchés et les lieux publics de la capitale Bangui, le gouvernement a créé une brigade spéciale. La Brigade d'intervention rapide, la BIR, est une réponse à l'insalubrité et l’incivisme qui gagne du terrain en Centrafrique. Constituée pour la plupart de jeunes volontaires recrutés dans les quartiers, ces agents sont formés pour veiller au respect des valeurs civiques. À écouter aussiQuelle est la situation sanitaire en Afrique centrale ?À lire aussiCentrafrique: une aide de 10 millions d’euros de la France, signe du réchauffement entre Paris et Bangui
Depuis le mois d’octobre, le projet de construction d’un parc nautique sur le lac municipal Tshombe, à Lubumbashi, est au centre d’une polémique : alors que son initiateur, l’homme d’affaires congolais Lamba Lamba Matebwe, parle d’un projet de développement, certains habitants de la ville, les élus provinciaux et les défenseurs de l’environnement s’y opposent. Ils estiment qu’il est ici question de spoliation d’un bien public. L’Assemblée provinciale à Lubumbashi a ordonné la suspension des travaux. De notre correspondante à Lubumbashi,En face d’un des grands hôtels de Lubumbashi, en RDC, environ trois hectares du lac Tshombe ont cédé la place à de la terre ferme. L’espace, en forme de digue, est remblayé. Il doit accueillir les infrastructures d’un parc nautique. Mais ce projet suscite de la révolte, d’abord parmi les voisins directs.Rita Mukebo vit depuis 15 ans à moins de 100 mètres en aval du projet. Le bord du lac est couvert de plantes, des jacinthes. « Normalement, toutes ces plantes, ici, commencent à fleurir au début de la saison des pluies. Mais on n’a jamais eu des tas comme ça, s’indigne la riveraine. L’eau ne passe plus. Ce qu’ils ont pris, ça va au-delà d’un hectare. Ça va jusqu’au bout là-bas. C’est peut-être même la source… Comment tu peux [faire ça] ?! »Le lac Tshombe a une dimension de 30 hectares. Il regorge d’espèces aquatiques. Il constitue aussi un puits de carbone, explique Sabin Mande, directeur du réseau des ressources naturelles à Lubumbashi. Y mener des activités risque d’avoir un impact négatif sur l’environnement, indique-t-il. « La ville de Lubumbashi n’a presque plus de rivières. En même temps, vous savez que la ville n’a même plus de forêt urbaine, rappelle-t-il. Avec tout ce qu’on a comme pression en termes d’augmentation de la température, je ne vois pas la nécessité de ce projet... »De son côté, l’homme d’affaires congolais, Lamba Lamba Matebwe, affirme avoir obtenu, il y a quatre ans, des autorisations des services étatiques pour construire le parc nautique. Et il soutient que c’est un projet de développement. « C’est un partenariat public-privé. Les enfants viendront s’amuser, jouer là-bas, défend-il. Après tout, nous valorisons la ville. Si je le fais, c’est pour l’intérêt public. Je n’habiterai pas là-bas. »Un projet suspendu par l’Assemblée provincialeAssis derrière son bureau, Michel Kabwe, le président de l’Assemblée provinciale, dit non à ce projet. Pour lui, le lac municipal contribue à la beauté de la ville. En outre, il alimente la rivière Lubumbashi, principal cours d’eau de la ville. « Un bien public ou un bien communautaire ne peut pas être spolié par un individu ou un groupe d’individus, dénonce l’élu. Celui qui veut construire, il le fait pour qui ? Pour lui-même…. Mais combien de populations vont en pâtir ? Il fallait, au préalable, mener des études pour nous rassurer sur le fait que le lit de la rivière et les écosystèmes ne seraient pas détruits. À ce moment-là, on aurait pu valider le projet. »Pour l’heure, les travaux sont suspendus. Après son enquête, l’Assemblée provinciale entend proposer des sanctions à l’endroit des promoteurs de ce projet.À écouter dans C'est pas du ventRDC : au coeur de la déforestation
Au Ghana, voilà plus d’une décennie qu’environ un millier d’Ivoiriens ont établi domicile après avoir fui, en 2011 pour la plupart, les violences causées par la crise électorale. Beaucoup y ont créé leurs commerces, poursuivi des études ou même fondé une famille. Pas question pour eux donc de rentrer en Côte d’Ivoire. Sauf que depuis la cessation officielle de leur statut de réfugié en 2022, leur vie a basculé dans une grande précarité. Pourtant, un accord signé entre le gouvernement ghanéen et l’ONU leur garantit un permis de séjour permanent. Aujourd’hui, certains d’entre eux revendiquent leurs droits. De notre correspondant à Accra, Pas de fenêtres, des parpaings apparents, des parois humides, tel est le lieu où Geneviève Taboh, 47 ans, a trouvé refuge avec ses sept enfants et petits-enfants. « Ce n’est vraiment pas facile, la souffrance continue », déplore-t-elle.Cette Ivoirienne, qui a fui son pays lors de la crise électorale de 2011, a pour seul papier sa carte de réfugiée. Un document qui, malgré la cessation officielle de leur statut fin 2022, est toujours censé lui garantir les mêmes droits qu’un citoyen ghanéen, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mais selon Geneviève Taboh, il n’en est rien : « Avec ça, on nous donne seulement du papier hygiénique et du savon, c’est tout. Tu es malade, tu te soignes toi-même. Il n’y a pas de travail, nous n’avons aucun document qui nous permet de travailler dans la société. »À lire aussi Crise de 2010-2011 en Côte d’Ivoire : le procureur adjoint de la CPI veut relancer la coopération avec Abidjan« Nous ne pouvons ni travailler, ni faire autre chose »Comme Geneviève Taboh, ils sont environ 500 Ivoiriens à avoir demandé un permis de séjour sur le sol ghanéen. Des documents normalement garantis par un accord signé entre l’ONU et le Ghana. Sauf qu’aujourd’hui, les anciens réfugiés attendent toujours, alors que leurs passeports ont bel et bien été transmis par la Côte d’Ivoire aux autorités ghanéennes en mars 2023.De quoi provoquer l’incompréhension et la colère d’Eric Kiple, président de l’association des Ivoiriens intégrés au Ghana : « Quand les passeports ont été remis au Ghana refugee board (Bureau ghanéen des réfugiés), il y a eu une cérémonie. Après qu’ils ont pris nos informations biométriques, nous n’avons plus entendu parler du Ghana refugee board, ni du service d’immigration, s’indigne-t-il. Nous ne pouvons ni travailler, ni faire autre chose… Nous sommes dans une situation de précarité totale, parce que le Ghana refuse de signer nos passeports et de nous fournir une “Non-citizen card”. »Cette situation, le Bureau ghanéen des réfugiés ne l’ignore pas. Mais selon son secrétaire exécutif, Tetteh Padi, ce délai s’explique par le caractère inédit de la démarche : « Nous sommes tout autant pressés de fournir les papiers. Mais malheureusement, puisque c’est la première que nous faisons cela, il n’existe pas de procédure. Il a fallu que l’on saute des étapes tout en s’assurant que nous étions dans le cadre de la loi. Et c’est cela qui prend beaucoup de temps. »Aucune date n’a, à ce jour, été annoncée quant à la délivrance de ces titres. Sans réponse rapide des autorités, l’association des Ivoiriens intégrés au Ghana prévoit très prochainement de manifester.À lire aussiLa Côte d’Ivoire et le Ghana renforcent leur coopération économique et sécuritaire
Mettre en avant les histoires de femmes qui ont marqué et continuent d’influencer le continent africain, c’est l’objectif du podcast KaBrazen, au Kenya. Pensé pour les enfants de 4 à 10 ans, il jongle entre faits historiques et fiction pour raconter les vies de femmes africaines. Les épisodes sont disponibles en anglais et en kiswahili. Derrière les textes, trois artistes kényanes et leur studio, LAM Sisterhood. Le résultat : des épisodes mélangeant narration et musique. De notre correspondante à Nairobi,La combattante anticolonialiste kényane Mekatilili wa Menza, la reine Njinga en Angola ou encore la poétesse burundaise et militante des droits humains Ketty Nivyabandi, chaque épisode de KaBrazen explore la vie d’une femme africaine qui a marqué le continent, qu’elle soit une contemporaine ou une figure historique. Une façon de mettre ces femmes en lumière. « Je ne demande qu’à ce que l’on me prouve le contraire, mais à ce jour, je n’ai pas trouvé de programme scolaire qui mette en avant le point de vue des femmes africaines, explique Anne Moraa, une des autrices du podcast. Pour moi pourtant, et pour notre collectif LAM Sisterhood, c’est essentiel, car nous sommes nous-mêmes des femmes africaines. Regarder notre Histoire à l’échelle mondiale et avoir l’impression de ne pas exister, c’est fou. Nous voulions rendre accessibles ces récits pour les enfants à travers le monde. » « Beaucoup d’histoires de ces femmes sont difficiles à trouver »Aux origines de KaBrazen, il y a une pièce de théâtre que LAM Sisterhood a monté pour présenter des histoires de femmes. Puis l’envie est venue de les raconter aux enfants. Si le projet est éducatif, il doit aussi rester divertissant. Les épisodes mélangent aussi bien des faits historiques que des éléments de récits, de mythes, de légendes et des chants.« Beaucoup d’histoires de ces femmes sont soit difficiles à trouver, car elles n’ont pas été archivées, soit elles ont été confinées à des espaces académiques, soit elles ont été racontées par des personnes qui ne nous représentent pas, analyseAleya Kassam, une des femmes derrière le podcast. Donc nous comblons les manques avec notre imagination. Il faut garder en tête que nous nous adressons à des enfants de 4 à 9 ans. Il faut réussir à transformer des notions très complexes, comme le colonialisme, en histoires que les plus petits peuvent comprendre. C’est là que l’imaginaire joue un rôle. »À lire aussiNEWSLETTER RFI CULTURE : Ne manquez pas les meilleurs reportages et idées d’une actualité culturelle internationale qui n’oublie pas l’Afrique.Les histoires sont racontées par un personnage nommé Aunty Shishi. Laura Ekumbo lui prête sa voix. C’est la dernière membre du trio de LAM Sisterhood. Elle le reconnait, choisir les portraits de femmes n’est pas chose facile : « Ce qui était important pour nous, c'était d’abord d’avoir une diversité géographique, c'est-à-dire que les épisodes représentent les femmes de plusieurs pays du continent. Et puis nous avons aussi voulu une diversité en termes d’expériences, d’histoires, de façon à ce qu’un maximum d’enfants y trouve un intérêt. »À travers KaBrazen, Anne, Aleya et Laura espèrent inspirer les plus jeunes. Le trio rêve de voir les épisodes traduits en plusieurs langues parlées sur le continent.La deuxième saison est en cours de diffusion. Les épisodes sont disponibles sur l’ensemble des plateformes de podcast et sur le site du podcast. À écouter, notre podcast sur les questions de genre dans les sociétés contemporaines africaines Bas les pattes !
Fin octobre s'est tenue la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg. Sur le continent, la liberté de la presse reste fragile : selon le classement annuel de Reporters sans frontières, dans près de la moitié des pays, la situation est « problématique » ou pire. Les journalistes d’investigation font face à de nombreuses tentatives d’intimidation, avec détentions arbitraires et même meurtres. Mais ils doivent aussi prendre leurs précautions en ligne. De notre correspondante à Johannesburg,Les journalistes ne sont pas immunisés contre les attaques numériques et leurs conséquences, qui peuvent se traduire de façon bien réelle. « Quand on fait du journalisme d’investigation, on s’expose naturellement aux critiques, mais il y a des fois où cela va bien au-delà, avec des cas de campagnes de désinformation très spécifiques et ciblées qui nous visent nous ou notre organisation, explique John-Allan Namu, le co-fondateur du média d’enquête Africa Uncensored. On en a fait l’expérience lors des manifestations de juin au Kenya. On peut aussi voir ses informations privées être divulguées en ligne, ce qui s'appelle le doxing, par exemple votre adresse, ou bien les gens révèlent où vos enfants vont à l’école. Ça ne m’est pas arrivé, mais j’ai vu d’autres personnes en être victimes. »73% des femmes journalistes victimes de violences en ligne dans le cadre de leur travailLa sécurité physique des journalistes peut donc être en jeu, tout comme leur bien-être mental, en cas de cyber-harcèlement. Et les femmes sont particulièrement touchées : dans une récente enquête mondiale de l’Unesco et du Centre international des journalistes (ICFJ), 73% d’entre elles déclaraient avoir subi des violences en ligne dans le cadre de leur travail.À lire aussiJournalisme en Afrique: des outils contre le cyber-harcèlement« Imaginez-vous, j’ouvre mon téléphone et je vois sur Facebook, où j’ai publié un article, des gens en train de m’insulter, témoigne Madeleine Ngeunga, journaliste camerounaise spécialisée dans les enquêtes environnementales et rédactrice en chef pour l'Afrique au Centre Pulitzer. On n’est pas sans cœur, on va y penser toute la journée. Et si ça se répète, si à chaque avis qu’on donne sur les réseaux sociaux les gens nous insultent, nous traquent, je pense qu’à un moment donné, on aura comme la phobie des réseaux sociaux, notre humeur va forcément changer. » Ce harcèlement en ligne a des conséquences sur le bien-être mental des personnes qui en font l'objet. « Donc, je ne peux pas dire que ce qui se passe sur les réseaux sociaux, c'est une autre vie, et ce qui se passe chez moi, c'est une autre vie, poursuit la journaliste d'investigation. C’est pour ça que je fais des efforts, et je conseille aussi aux collègues d’en faire, afin de trouver des méthodes pour se protéger quand on est en ligne. » Protéger ses outils de travail pour protéger ses sourcesDe plus, les mêmes outils de recherche en source ouverte qu’utilisent les journalistes pour enquêter sont de nature à se retourner contre eux, tout comme leur téléphone ou leurs ordinateurs qui peuvent être espionnés, ce qui conduit parfois à aussi mettre en danger ceux qu’ils ont interrogés. Il faut donc agir avec prudence, selon Jones Baraza, expert en cybersécurité pour le réseau Code for Africa : « Avec l’émergence de nouvelles technologies, on voit aussi apparaître de nouveaux dangers pour les journalistes. Il faut que les individus et les rédactions mettent en place des règles pour s’assurer d’avoir un minimum de sécurité. »Dans une déclaration adoptée à la fin de la conférence sud-africaine, les participants ont réclamé plus d’efforts de la part des gouvernements et des rédactions du continent, afin de mieux protéger les journalistes et sauvegarder la liberté d’expression.Retrouvez les deux premiers épisodes de cette mini-série : Journalisme d'investigation en Afrique : le rôle de l'IA en question [1/3] Journalisme d’investigation en Afrique : collaborer au-delà des frontières [2/3]À lire aussiNEWSLETTER RFI CULTURE : Ne manquez pas les meilleurs reportages et idées d’une actualité culturelle internationale qui n’oublie pas l’Afrique.
L’université du Witwatersrand à Johannesburg, en Afrique du Sud, a accueilli fin octobre la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique. Du fait de la complexité des réseaux mondiaux et de la diminution des ressources des rédactions, le travail d’investigation se fait de plus en plus en équipe, avec des collaborations qui voient le jour sur le continent. De notre correspondante de Johannesburg,Pour comprendre les crimes transnationaux et leur complexité, difficile de travailler tout seul de son côté. Mariama Thiam, journaliste sénégalaise, en est témoin : « L’expérience que j’ai eue, c'est une collaboration transnationale concernant le trafic de bois de rose au Sénégal, en Gambie, en Chine et en Suisse. Cela permet d’effectuer un travail plus complet et de pouvoir suivre le dossier au-delà de son pays, explique la journaliste. Si je devais faire ce travail en Gambie, ce serait plus compliqué pour moi parce que je n’ai pas forcément les bons contacts. Et quand on parle de contacts, c'est aussi la confiance qui est établie entre le journaliste et la source et justement, la collaboration permet d'arriver à tout ça. »À lire aussiNEWSLETTER RFI CULTURE : Ne manquez pas les meilleurs reportages et idées d’une actualité culturelle internationale qui n’oublie pas l’Afrique.La plus grosse enquête à laquelle Emmanuel Dogbevi a participé est aussi un projet de collaboration : en 2018, treize professionnels de différents pays du continent ont eu accès aux bases de données du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). En s’associant avec la Cenozo (la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest), ils ont dévoilé différents cas de malversations et de blanchiment d’argent dans la région, connus sous le nom de « West Africa leaks ». Pour Emmanuel Dogbevi, la portée du projet n’aurait pas été la même s’il avait simplement travaillé sur son pays, le Ghana. « Quand on travaille ensemble et qu’on publie une enquête commune, sur le même thème, mais avec des angles et des sujets différents, cela aura potentiellement plus de poids. Et notre voix porte mieux, car on est nombreux. »À lire aussiLes «Luanda Leaks» ou la mise à nu de l’écosystème dos Santos-DokoloManque de moyensMais très souvent, les projets de collaboration viennent des pays occidentaux, qui possèdent plus de ressources en termes de données, d’expertise et surtout d’argent. Maxime Domegni en charge de la zone francophone du continent pour le GIJN, le Réseau international des journalistes d’investigation : « Vu que les ressources sont limitées dans la région, il se trouve qu’en général, pour les grands projets collaboratifs qui existent, les ressources viennent des médias des pays du Nord. Mais, encore une fois, il y a quelques projets qui ont abouti. Parfois, ce ne sont pas forcément des enquêtes à gros moyens, il peut y avoir des "petites enquêtes" traitées en collaboration avec d’autres journalistes, précise Maxime Domegni. C’est vrai que l’on n’a pas encore atteint le niveau souhaité en matière de collaboration, mais les choses progressent sur le terrain. »Travailler en groupe offre aussi plus de protection, avec des journalistes qui se retrouvent moins isolés face aux menaces et aux tentatives pour les faire taire sur le continent.À lire aussiJournalisme d'investigation en Afrique: le rôle de l'IA en question [1/3]
L’université du Witwatersrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, a accueilli, en octobre dernier, la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique. Au cœur des discussions : l’utilisation des nouvelles technologies pour creuser des enquêtes, et notamment le rôle de l’intelligence artificielle. Un outil plein de promesses, mais encore peu maîtrisé et dont on découvre l’étendue des possibles en tâtonnant. Voici Alice, présentatrice des journaux en ligne du média zimbabwéen CITE (Le Centre pour l’innovation et la technologie). Mais Alice n’existe pas vraiment : elle a été créée grâce à l’intelligence artificielle. Pour Lulu Brenda Harris, l’une des « vraies » reporters de l’équipe, cela permet de dégager du temps pour faire du travail d’enquête : « Les journalistes humains produisent le contenu et on écrit un script, que l’on donne à Alice pour la présentation. Notre rédaction n’a que trois reporters. Donc maintenant, on a du temps pour faire davantage de reportages de fond, car on sait que la présentation de l’information sera gérée par Alice. »Place de l'IA dans les rédactionsAu-delà de cet exemple, l’IA offre aussi de nouveaux outils afin de traiter un grand volume de données, ce qui peut être intéressant pour enquêter, selon Henri-Count Evans, professeur de journalisme à l’université d’Eswatini : « On peut maintenant télécharger un ensemble de données, et rédiger un prompt avec des instructions, pour obtenir certaines réponses, et cela peut aider à aller dans la bonne direction. C’est un moyen intéressant pour combler un manque de compétences, puisque jusqu’à présent, lorsque les journalistes avaient besoin d'analyser des données, ils n’avaient pas forcément les connaissances pour le faire. »L’IA peut cependant aussi servir à manipuler les images et l’information. Pour Narcisse Mbunzama, expert numérique congolais, il est crucial pour les journalistes de se familiariser avec ces outils : « Avec le développement des technologies, si vous n’êtes pas à jour, vous serez mis hors-jeu. Et il sera difficile, par exemple, pour un journaliste qui ne maitrise pas les outils de l'IA, de pouvoir identifier certaines vidéos. Il faut vraiment avoir des compétences beaucoup plus avancées, soit dans l’utilisation des logiciels de l’IA, ou dans le fact-checking, pour pouvoir être en mesure d'identifier ce genre de vidéos. »Mais ces technologies ne sont pas forcément conçues et adaptées pour le continent africain, comme le regrette Eman El-Sherbiny, journaliste égyptienne et enquêtrice pour l’ONG Bellingcat : « Par exemple, nous avons essayé de travailler sur le Soudan, en identifiant les incendies et les forêts qui ont été brûlées, mais c’était très compliqué, car il n’y avait pas suffisamment de données satellites des années précédentes. Je pense que les personnes qui travaillent sur les technologies de l’intelligence artificielle devraient inclure beaucoup plus les chercheurs africains, dès le début. »L’utilisation de l’IA pour mener des enquêtes journalistiques en est, en tout cas, encore à ses prémices, et de nombreuses utilisations restent à explorer.À lire aussiIntelligence artificielle en Afrique: l’IA change la donne chez les communicants
Les femmes font partie des premières victimes du changement climatique, et l'intensification du réchauffement de la planète vient souvent bouleverser leur vie. C'est le cas de nombreuses d’entre elles sur l’île d'Ukerewe, sur le lac Victoria, au nord de la Tanzanie. À cause de la montée des eaux et de la diminution de la population de poissons dans les eaux du lac, certains maris pêcheurs décident donc d'abandonner définitivement leur famille pour trouver plus de poissons et de revenus ailleurs, laissant femme et enfants dans une extrême précarité. C'est un groupe de femmes enjouées qui se retrouve sur un lopin de terre asséchée, entouré de quelques arbres, à Murutunguru, au nord de l'île d'Ukerewe. Parmi elles, Sarah Bigambo, 28 ans et mère de six enfants. En 2021, alors qu'elle était enceinte, son mari pêcheur lui a annoncé qu'il partait : « Quand il est parti, il a dit qu'il avait trouvé un travail sur l'île. Il m'a promis d'envoyer de l'argent et il allait et venait. Mais maintenant, il est parti pour de bon. »Ce qui a causé le départ de son mari, c'est le manque de poissons. Alors qu'il était auparavant possible d'en pêcher 500 kilos par jour, il est désormais souvent difficile d'en ramener cinq. Utilisation de filets aux mailles trop petites et intensification des pluies liée au changement climatique expliquent cette chute brutale. Des faits confirmés par Joyce Komanya, du Centre juridique et des droits de l'homme à Dar es Salam et auteure d'un rapport sur le sujet :« Depuis que nous avons commencé à documenter et observer le changement de modèle climatique, nous avons réalisé qu'il pourrait s'agir du changement climatique. Les gens ont vécu dans cette zone et pêché depuis très longtemps, mais nous n'avons jamais vu de tels changements comme ceux actuels. »À lire aussiTanzanie: la montée des eaux du lac Victoria menace l'île d'Ukerewe [1/3]« Nous continuons à nous battre pour nos enfants »Comme souvent, les femmes sont les premières victimes du changement climatique. Comme Habiba, 47 ans, dont le mari pêcheur a, lui aussi, quitté le foyer : « C'est tellement difficile de trouver de la nourriture. La situation est très mauvaise. Les enfants vont à l'école sans rien manger de la journée, ils reviennent sans énergie. Je leur dis de rester forts, mais c'est très dur. Je ne sais pas où est leur père, il est parti sans même dire au revoir. Nous, les femmes, nous ne pouvons pas juste abandonner nos familles. Nous continuons à nous battre pour nos enfants. »Habiba et Sarah trouvent du soutien auprès du groupe de femmes Sauti Ya wanawake (« La voix des femmes »), une ONG locale. Ensemble, elles fabriquent du savon qu'elles revendent ensuite. Un maigre revenu pour ces femmes d'Ukerewe, dont l'avenir et celui de leurs enfants restent plus qu'incertain.À lire aussiChangement climatique: les flamants roses d'Afrique désormais en danger
C'est la plus grande île lacustre d’Afrique. Ukerewe, 500 km² de terre dans les eaux du lac Victoria, située à 50 kilomètres de la ville tanzanienne de Mwanza, est connue pour ses pêcheurs. Mais ces derniers voient leur quotidien menacé par une diminution des stocks de poissons dans le lac. En cause, des pratiques de pêche inadaptées, mais aussi les effets dévastateurs du changement climatique. « Samaki » (« le poisson » en swahili) est désormais bien difficile à trouver dans les eaux entourant Ukerewe. Pambano Boniface, pêcheur sur le lac Victoria depuis 15 ans, voit ses filets remonter de plus en plus vides : « Vous quittez la maison et naviguez pendant plus de six heures à la recherche de poissons. Vous partez trois ou quatre jours et il n'y a pas de garanties que vous trouverez du poisson. Vous pouvez partir pendant des heures et revenir avec seulement deux kilos de poissons, ou parfois rien du tout. »L'économie de l'île dépend principalement de la pêche. Alors, certains pêcheurs comme Damien Simon et ses collègues s'essaient à la pisciculture : « C'est quelque chose de nouveau, que nous ne faisions pas dans le passé, où on pêchait normalement dans le lac. Mais nous avons commencé à cause du manque de poissons. »Changer d'activité Tous ne peuvent se permettre ces techniques, car le coût de mise en place reste élevé et le gouvernement, même s'il promeut ces méthodes, n'offre pas d'aide au financement. Certains tentent donc de se tourner vers d'autres activités comme l'agriculture, mais ils font face à des défis similaires, comme l'explique Joyce Komanya de l'organisation Centre Juridique et des droits de l'Homme à Dar es Salam : « Ils pensent que de passer de la pêche à l'agriculture va les aider, mais en réalité, les agriculteurs ont, eux aussi, leurs propres problèmes liés au changement climatique. »Le changement climatique est l'une des causes majeures de ce manque de poissons. Les pluies sont de plus en plus rares, mais les épisodes pluvieux sont de plus en plus intenses, provoquant notamment une montée des eaux du lac. À cela s'ajoutent des techniques de pêche inadaptées avec des filets qui capturent même les plus petits poissons, qui n'ont pas le temps de se reproduire. Pour Pambano Boniface, le futur est incertain : « Je vois un avenir difficile. Si notre présent est rude, le futur le sera bien plus. »En 2024, le niveau des eaux du lac Victoria est supérieur à toutes les années records enregistrées depuis 1992.À lire aussiTanzanie: la montée des eaux du lac Victoria menace l'île d'Ukerewe [1/3]
D'après de nouvelles observations satellites révélées cette année, la montée du niveau des eaux des grands lacs d'Afrique de l'Est est alarmante. Sur le lac Victoria, Ukerewe en Tanzanie constitue la plus grande île lacustre d'Afrique. Sa population vit essentiellement de la pêche et les habitants de l'île sont de plus en plus nombreux à voir leurs vies bouleversées par la montée des eaux du lac. Depuis la plage de Nansio, sur l'île d'Ukerewe, la vue matinale du lac Victoria semble idyllique. Il suffit pourtant d'un simple regard pour observer plusieurs arbres engloutis par les eaux ici et là. Paschal est guide touristique et originaire de l'île. Il a vu le lac changer ces cinq dernières années : « Je me souviens, par là-bas, il y avait un grand arbre où on avait l'habitude de s'asseoir et manger. Mais ça, c'est de l'histoire ancienne, car il n'y a plus d'arbres, plus d'ombre à cause de la montée des eaux. »Un peu plus loin, Faustine pointe du doigt un large morceau de plage où des vaches paissent, le corps à moitié submergé dans l'eau. C'est ici que se trouvait la rizière de son père quand il était enfant : « Il y a peut-être d'autres raisons, mais de ce que je vois. Tout ça, c'est à cause de la pluie. Les gens ne peuvent plus cultiver, car il n'y a pas assez de pluie, et quand il pleut, toute la zone est inondée. »Des populations déplacées La pluie fait effectivement partie des raisons expliquant la montée des eaux du lac. Même s'ils sont moins fréquents qu'avant, les épisodes pluvieux directs, ainsi que ceux qui alimentent la vingtaine de cours d'eau qui se jettent dans le lac, sont désormais plus intenses. Des changements climatiques qui, au-delà de transformer les paysages, affectent de plus en plus les populations les plus vulnérables de l'île. C'est ce qu'explique Joyce Komanya de l'organisation Centre Juridique et des droits de l'homme à Dar es Salam :« Les hommes ont beaucoup émigré vers d'autres endroits, donc les femmes sont abandonnées avec les enfants sans ressources. Nous avons aussi noté beaucoup d'abus sur les enfants, une baisse du taux de présence dans les écoles, car même les enfants sont forcés de travailler pour soutenir la famille. »Le long de la plage, John Ngaile marche sur des pierres englouties. Ce sont les restes de sa maison : « J'ai vécu 15 ans ici et j'ai essayé de construire un mur pour éviter que l'eau ne rentre, mais elle a finalement tout emporté. Ça m'a complètement changé. Je suis désormais très pauvre. »Avec sa maison, il a aussi perdu ses revenus, puisqu'il louait des chambres. Aujourd'hui, plus de 40 millions de personnes vivent dans le bassin du lac Victoria et sont menacées par la montée des eaux.À lire aussiOuganda: la baisse du nombre de poissons du lac Victoria inquiète les pêcheurs
« Savon » et « malnutrition » : difficile au premier abord, de voir un lien entre ces deux mots. Pourtant, le savon est considéré aujourd’hui comme l’un des outils de l’arsenal déployé pour combattre la malnutrition, et vous allez voir pourquoi. À Madagascar, plusieurs organisations qui interviennent dans les régions fortement touchées par la malnutrition chronique ont mis en place des ateliers pour enseigner la fabrication artisanale de ce produit d’hygiène et permettre de lutter plus efficacement contre ce fléau. Dans la région montagneuse du Bongolava, 52% des enfants souffrent de malnutrition chronique. Reportage sur ces Hautes-Terres centrales. Le poignet souple, Lanto mélange avec ardeur le liquide blanchâtre dans sa bassine. Progressivement, la pâte s’épaissit. « J’achète les ingrédients au marché à la ville : la soude et l’huile. Après, je rajoute l’eau et je fabrique le savon à la maison, une fois par semaine. Une bassine pleine comme celle-là, ça me fait 60 morceaux. Je vends en priorité aux membres de notre Association Villageoise d’épargne et de crédit. Et s’il en reste, je peux aussi le vendre à d’autres villageois », explique-t-elle.L'hygiène, un pilier de la lutte contre la malnutritionSi la vente de savon permet d’accroître les revenus de celles qui en fabriquent, elle a surtout permis de rendre plus accessible un produit d’hygiène de base, mais coûteux, financièrement et en déplacements. Un produit pourtant essentiel dans la lutte contre la malnutrition ... « La lutte contre la malnutrition, c'est évidemment d'avoir une alimentation équilibrée. Mais la cause sous-jacente de la malnutrition, c’est aussi la question hygiène. Et ça, on le sait moins ». Reine Rasoamiaramanana coordonne les actions sur terrain dans la région Bongolava, pour Action Contre la Faim. « Même si on est bien nourri, le manque d'hygiène crée la dénutrition. Je pense notamment aux effets des maladies diarrhéiques ... Donc on promeut les techniques de lavage de mains au niveau de nos bénéficiaires », dit-elle.Se laver les mains, un geste accessible et vitalSeulement, l’ONG s’est rendu compte que beaucoup de familles bénéficiaires des programmes de lutte contre la malnutrition n’adoptaient pas les comportements enseignés. « Pourquoi ça ? Parce qu’ils n'ont pas à disposition de savon, les savons sont très chers et ne sont pas à leur portée. C’est pour cela qu’on leur a appris à fabriquer eux-mêmes leur propre savon », indique-t-elle.Dans la commune rurale d’Ambararatabe où vit Lanto et dans ses environs, rares sont donc les habitants qui marchent encore 3 longues heures pour rallier la ville la plus proche pour y acheter du savon. À cinquante kilomètres de là, au pied des collines rases d’Ankadinondry Sakay, Dina et Safidy, deux jeunes agricultrices, se sont elles-aussi lancées dans la production artisanale des précieuses barres blanches. « Avant, j’achetais du savon à chaque fois que j’avais du linge sale. Et quand je n’avais pas d’argent, bah je ne pouvais pas faire la lessive et le linge s’accumulait. Maintenant, plus besoin de se casser la tête pour savoir où et quand trouver du savon : j’utilise le stock que je me suis fabriqué », dit l'une. « Et en plus, c’est 3 fois plus rentable de le faire soi-même ! » ajoute l'autre. « Oui, et maintenant, on peut se laver les mains avant de préparer les aliments, et on peut aussi dire aux enfants "filez nettoyer vos mains avec du savon avant de manger !" et ils y vont », raconte-t-elle. Petits changements pour grands effets. Le lavage des mains au savon a déjà démontré les impacts majeurs sur la santé publique partout dans le monde. Couplé à une alimentation plus nutritive, il contribue aujourd’hui à réduire la malnutrition sur l’île.
En Côte d’Ivoire, c’est un festival de poésie qui s’est tenu du 4 au 6 novembre à Abidjan. Créé en 2021 par l’écrivaine ivoirienne Tanella Boni, « Poéticales » en est à sa quatrième édition. Pendant trois jours, entre Abidjan et la ville balnéaire de Grand-Bassam, les poètes ivoiriens et les invités internationaux ont célébré la poésie sous toutes ses formes. De notre correspondante à Abidjan,Faire de la poésie un art accessible à tous : c’est l’objectif que s’est donné la poétesse Tanella Boni en créant le festival « Poéticales ». Entièrement gratuit, il se décline en panels de discussions, récitals de poésie et spectacles de slam, et entre plusieurs écoles, universités et instituts culturels. Car la poésie, défend Tanella Boni, est indispensable à la vie humaine.« La poésie, c’est la parole fondamentale, professe-t-elle. Elle dit la vie, elle dit le monde, elle dit le passé, elle dit donc l’avenir. C’est une expérience fondamentale de la vie. Heureusement qu’elle existe ! Elle existe partout dans le monde, elle existe dans toutes les langues. C’est vraiment, je dirais, le langage humain par excellence. C’est ça, pour moi, la poésie. Et c’est pour cela aussi que nous créons cet espace-là, ce festival, pour que les uns et les autres puissent s’exprimer autour de la poésie et en poésie. Dans cette langue faite à la fois de mots, de silences, de rythmes… »En plus des écrivains ivoiriens, « Poéticales » rassemble cette année sept poètes de plusieurs continents autour du thème « Poésie et Migration ». Les débats, toujours littéraires, sont aussi ancrés dans l’actualité, souligne Hanétha Vété-Congolo, professeure d’université et poétesse martiniquaise invitée à l’un des panels. « Nous sommes ce que nous sommes par migrations, par immigrations, par émigrations. Nous avons vécu et nous vivons encore des formes de déplacement massives. Il est important de proposer un espace de parole à des personnes qui peuvent ne pas en avoir, ou qui peuvent démontrer des difficultés à prendre la parole ou à poser leur parole, défend-elle. Et en effet, en poésie, nous voyons bien des personnes qui se sont déplacées volontairement, ou qui ont été déplacées contre leur gré, se donner la peine d’entrer dans cet espace poétique pour en parler, pour le dire à leur manière. »À écouter dans Littérature sans frontièresTanella Boni, ne plus se taire et être en paix en Côte d'IvoireMigrations et poésieLe déplacement géographique est aussi bien souvent une source d’inspiration. Le poète et psychiatre canadien d’origine haïtienne Joël Des Rosiers va même jusqu’à qualifier l’expérience de la migration « d’expérience poétique ». « Aujourd’hui, beaucoup de poètes s’enrichissent auprès de ces pays, de ces terres étrangères qui ne sont pas les leurs, mais qui deviennent les leurs. Il y a une appropriation qui, je pense, fait partie d’un universel humain. Mais cela pose aujourd’hui la question des transgressions frontalières. Comment passer [les frontières] ? »Aussi qualifie-t-il le « poème de la migration » de « poème qui se balance entre la vie et la mort ». « Les traversées du désert, les traversées de la mer, les traversées des forêts, énumère-t-il… Les gens meurent vraiment. Les enfants meurent. Les femmes sont violées, les petites filles sont violées. Nous vivons dans un monde où le poète a désormais une place pas seulement pour dénoncer, mais pour annoncer, je crois, pour annoncer à l’homme et à la femme ses compétences à aimer, à considérer la terre comme étant à tous et à toutes. C’est un problème majeur. Les frontières sont nécessaires, et en même temps, elles sont faites pour être traversées. »Dans son livre Métaspora, Joël Des Rosiers évoque ce qu’il appelle « les patries intimes ». « Les questions aujourd’hui ne sont plus d’ordre identitaire, explique-t-il. La question, ce n’est pas : “Qui suis-je ?”. La question, c'est : “Où suis-je ?”. Et donc c’est la fabrication des lieux qui se superposent, qui se distendent, qui se rejoignent, à travers cette expérience de la migration, du départ, du voyage, du retour quelquefois. Donc le poème se situe dans toutes ces dimensions-là, qui sont des dimensions créatrices très puissantes désormais. » Pour ceux qui auraient manqué le festival « Poéticales », le collectif ivoirien L’École des poètes organisera son propre festival international de poésie à Abidjan, axé celui-là sur le slam, au début du mois de décembre.À lire aussiCôte d’Ivoire: au Salon international du livre d’Abidjan, le secteur de l’édition affiche ses ambitionsÀ lire aussiNEWSLETTER RFI CULTURE : Ne manquez pas les meilleurs reportages et idées d’une actualité culturelle internationale qui n’oublie pas l’Afrique.
Une femme réussira-t-elle à capter le vote des Américains pour accéder à la Maison Blanche ? C’est la principale question que les gens se posent en Centrafrique, l’un des pays du continent où cette élection est suivie de près. Dans les rues de la capitale Bangui, les partisans du candidat républicain Donald Trump affrontent ceux de la démocrate Kamala Harris, dans des débats parfois houleux comparant les projets des deux candidats. Dans ce pays où certains croient fermement qu’une femme ne deviendra jamais présidente des États-Unis, d’autres tentent de déconstruire ces superstitions. De notre correspondant à Bangui,Allongé sur le canapé du salon de sa maison, une carafe de vin de palme à ses côtés, Jonathan Ngouyagre, jeune entrepreneur, ne rate rien de la campagne présidentielle sur les chaînes américaines. « Je suis un fan des valeurs républicaines, confie-t-il, donc je vais m’aligner derrière Donald Trump. Pour moi, c’est une source d’inspiration, pour tout ce qu’il a fait pour les États-Unis. »Écharpe à l’effigie du candidat républicain Donald Trump autour du cou, Jonathan est séduit par les projets de son mentor : « Donald Trump, c’est un modèle, sa politique est un modèle d’abord par rapport à l’immigration et également en matière d’ingérence internationale. Parce que pour le président, les États-Unis n’auront plus le droit d’interagir dans tout ce qui est international. » Concernant les sujets de société, Jonathan est aussi favorable au candidat républicain : « Il a parlé également du non à l’avortement, et c’est ce qui est normal en fait. C’est ce qui me plaît. »À écouter dans DécryptageHarris ou Trump : les enjeux d’une élection historiqueKamala Harris au pouvoir, un espoir pour certains, une crainte pour d'autresÀ Bangui, les Centrafricains suivent de bout en bout la course à la Maison Blanche. Portia Deya Abazene, présidente de la Fédération des associations des femmes centrafricaines, nous accueille dans son bureau. Son admiration pour Kamala Harris est grande. « Elle est la première femme élue vice-présidente des États-Unis. Elle soutient, et cela lui tient particulièrement à cœur, les droits des femmes et des minorités. Elle incarne l’optimisme d’un avenir meilleur », se réjouit-elle.Selon elle, Kamala Harris est devenue un modèle de réussite pour certaines femmes centrafricaines. « La voir à la Maison Blanche, c’est un moment historique parce qu’elle a toujours placé au cœur de ses ambitions d’ouvrir les portes pour les femmes dans la société. »Dans les rues de Bangui, les discussions sont parfois houleuses et certaines personnes pensent que les Américains ne sont pas prêts à être gouvernés par une femme. Ce jour marquera la fin du monde, selon de nombreux observateurs. Mais Lionel Koursany ne croit pas à ces superstitions. « Je ne pense pas que l’élection d’une femme est synonyme de la fin du monde aux États-Unis, défend-il, c’est de la rumeur parce qu’il n’y a pas de fondement tangible. Je pense que les femmes peuvent devenir présidentes et les hommes aussi peuvent devenir président. Il n’y a pas d’obstacles. »Kamala Harris ou Donald Trump ? Les Centrafricains sont impatients de connaître le prochain occupant de la Maison Blanche.
À Madagascar, différentes ONG encouragent depuis une dizaine d’années les habitants des zones rurales à se regrouper en Avec (Associations villageoises d’épargne et de crédit). Des sortes de tontines, qui permettent à leurs membres d’obtenir des emprunts pour financer de nouvelles activités génératrices de revenus et de récupérer à la fin de chaque cycle de collecte un petit capital qui a fructifié pendant les neuf mois de collecte. De notre envoyée spéciale à Ankadinondry Sakay,Dans le Bongolava, région des Hautes Terres centrales, différents villages ont adopté ces nouveaux moyens d’entraides.Comme tous les vendredis à 6h, Nirina Ranomenjanahary, président de l’Avec d’Ankadinondry Sakay, se réunit dans une cour à l’abri des regards avec les seize autres membres. « Bienvenue à vous qui êtes ici pour notre réunion d’aujourd’hui ! Je vais commencer par vous présenter les derniers chiffres de notre cagnotte. » Ensemble, ils décident de l’octroi de crédits.Autour de lui, des poussins ne cessent de piailler et interrompent la réunion. Ils sont la fierté de l’agriculteur. C’est grâce à l’emprunt de 30 000 ariarys (soit 6 euros) auprès de l’Avec que Nirina a pu s’acheter une poule.« Tu achètes une poule qui te donne 13 poussins. Avec 30 000 ariarys, j’ai réussi à avoir 14 poules ! », se réjouit le président de l'Avec. Avec fierté, il montre la « maman », une petite poule noire. « C'est simple et rapide »« Avec notre association villageoise, c’est simple et rapide, poursuit Nirina Ranomenjanahary. Si j’avais choisi une banque de microfinance, j’aurais dû aller à la ville, on m’aurait demandé plein de papiers, avant de peut-être obtenir un crédit. Mais grâce à l’Avec, j’ai eu ce que je voulais en une journée. Donc, c’est doublement bénéfique ! Pour moi, bien sûr, mais aussi pour les autres membres. Parce que l’argent de la caisse, il prend de la valeur, grâce aux intérêts de 10% versés à chaque remboursement de crédit. »Nirina prévoit déjà un nouvel emprunt pour s’acheter un cochon. Un projet qui réjouit Bruno Velonosy, superviseur sécurité alimentaire chez Action contre la faim, qui conseille et soutient les membres des Avec.« Pour nous, l'objectif, c'est l'amélioration des vies des ménages, explique Bruno Velonosy. On travaille avec des personnes vulnérables, donc ils n'ont pas suffisamment d'argent pour faire quelque chose à grande échelle. Donc, on les incite, avec les petits moyens qu’ils ont, à investir dans la mise en place d’activités génératrices de revenus. Parce que si on a plus d’argent, on a accès à une meilleure alimentation. »Et c’est bien là tout l’enjeu : permettre aux habitants de cette région, fortement touchée par la malnutrition chronique, de trouver des solutions en toute autonomie.À lire aussiMadagascar: des programmes pour changer les habitudes alimentaires des populations ruralesDes modèles qui se dupliquent à travers la régionAutre village, autre Avec, où l’on procède désormais à la collecte des cotisations des membres. Ici, les membres sont exclusivement des femmes ; c’est l’une d’elles qui a décidé de créer l’association, sans appui d’ONG. Bako Hanitriniaina a adhéré il y a un an et demi, pour « créer plus de lien social », explique-t-elle. Elle emprunte quasiment chaque semaine 30 000 ariarys pour acheter de la provende pour son cochon. Des prêts qu’elle rembourse à la fin de chaque mois.« Pour le moment, on est en période de soudure, donc les cotisations sont assez faibles, mais dès les récoltes de mars, les cotisations vont réaugmenter et alors on pourra récupérer jusqu’à 300 000 ariarys (60 euros, soit plus que le salaire minimum) à la fin du cycle. »Une belle aubaine pour les membres. Le Bongolava devrait bientôt compter une centaine d’associations villageoises dédiées au crédit et à l’épargne. La moitié ont été créées par des habitants désireux de dupliquer un modèle observé dans les villages voisins.À lire aussiMadagascar: «Akamasoa», le mouvement du père Pedro, célèbre 35 ans de lutte contre la misère
Au Bénin, la danse devient thérapie. Et cette pratique traditionnelle est désormais recommandée par la médecine moderne. Dans les Centres de danse multicorps de Cotonou, des personnes ont choisi d'améliorer leur santé mentale, non pas par les mots, mais par la danse. Un reportage d'un des lauréats de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon 2024. Onze ans après l’assassinat de nos deux reporters à Kidal, dans le nord du Mali, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, RFI a attribué ce samedi 2 novembre, au Bénin, la Bourse portant leurs noms à Victoire Andrène Ombi, journaliste, animatrice à Radio Mucodec (République du Congo), et à Daouda Konaté, technicien à la Radio communale de Katiola (Côte d’Ivoire). Ils bénéficieront d’une formation de quatre semaines à Paris, entièrement prise en charge, au cours du premier trimestre 2025.Victoire Andrène Ombi a gagné le prix grâce à son reportage sur la danse comme thérapie au Bénin.À lire aussiVictoire Andrène Ombi et Daouda Konaté, lauréats 2024 de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon