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« La Laverie », c’est le nom du plus gros point de deal des Alpes-Maritimes. Il se trouve dans la cité des Moulins, à Nice. Siam Spencer est journaliste. Dans un livre publié ce 14 novembre aux éditions Robert Laffont, elle raconte le quotidien dans ce quartier gangréné par le trafic de drogue et dans lequel elle a vécu pendant sept mois. Un quartier dans lequel l’entraide est importante, mais les bruits des guetteurs incessants. Siam Spencer revient sur les raisons de cette violence et de ces balles perdues qui se multiplient. RFI : Vous publiez La Laverie chez Robert Laffont, qu’est-ce que c’est que La Laverie ? Siam Spencer : La Laverie, c’est le plus gros point de deal des Alpes-Maritimes. Il est à Nice, au quartier des Moulins, où j’ai vécu pendant 7 mois et sur lequel j’ai enquêté après pendant 5 mois. Et alors, le trafic de drogue, vu du quartier dans lequel vous habitez, ça ressemble à quoi ? Alors ça ressemble à des petits jeunes, sur des chaises roulantes, des chaises en bois, postés comme ça à plusieurs endroits dans le quartier qui font le guet pour prévenir si la police passe ou non par rapport au point de deal qui est un peu en retrait. Il y a aussi beaucoup de son, notamment là au quartier du moulin, on crie : « Ça passe » quand la police passe. Donc il y a le fameux « Arah ! », mais à Nice, on dit « Ça passe » et c’est très sonore finalement comme quartier. Cela commence très tôt le matin, et ça finit tard le soir. Tout à fait. Les premiers deals peuvent commencer tôt, vers 8 h. Parfois même un petit peu plus tôt, en fonction des commandes que peuvent avoir les dealers. Mais disons que la boutique ouvre vraiment à 10 h. C’est là que vraiment, il y a plusieurs dealers qui sont postés et qui attendent le consommateur. Et en général jusqu’à 22 h, parfois minuit en fonction du jour de la semaine.Ça s’organise de quelle façon ? Alors dans la cité des Moulins, comme dans quasiment toutes les cités de France finalement, il y a donc ce chouf, celui qui est le plus visible : le vendeur qui est souvent accompagné d’un deuxième vendeur qui vérifie que tout se passe bien. Souvent, on en a encore un troisième qui fait à la fois parfois de la vente ou qui surveille que ça se passe bien et qui s’occupe de l’approvisionnement. C’est-à-dire qu’il va aller là où des petites quantités de drogue sont cachées, à proximité du lieu de deal. Et faire les allers-retours comme ça en rapportant un peu de marchandise. Ensuite, on a un approvisionneur qui lui va faire des plus grandes distances, qui peut aller dans un appartement nourrice par exemple ou une planque beaucoup plus loin, qui peut être parfois à 10 km du quartier, et rapporter ces petites quantités jusqu’à ce petit point de cache qui peut être dans une voiture à proximité. Ensuite, on a le gérant qui s’occupe du recrutement, de fermer la boutique, de voir si tout se passe bien. On a aussi parfois des hommes armés à proximité au cas où quelqu’un d’un clan adverse essaie de reprendre ce point de deal. Parfois, on a aussi des community managers qui s’occupent de la communication sur les réseaux sociaux, auprès des consommateurs. C’est vraiment comme une entreprise ; des PME un peu classiques, mais bon, pas si classiques que ça. C’est un trafic qui génère une violence parfois inouïe. Comment est-ce que cette violence s’explique ? Parce qu’il y a des enjeux financiers très forts. Le point de deal La Laverie, c’est entre 15 000 et 20 000 € de recettes par jour. C’est quand même énorme. Vous disiez aussi qu’à une époque, le trafic était aux mains de gens plus âgés alors qu’actuellement, les jeunes ne font pas le même apprentissage. Oui, c’est ça : il n’y a pas d’apprentissage. Ce sont des ados la plupart du temps. En plus de ça, ils sont consommateurs de cannabis et parfois aussi d’alcool. La consommation des deux fait qu’on se retrouve avec des jeunes camés ou des mineurs non accompagnés qui sont dans des états seconds et qui peuvent avoir aussi des switchs, des coups de folie et dans un climat de stress ambiant qui est assez fort parce qu’il y a justement des tensions entre clans rivaux et c’est là justement qu’on peut se retrouver avec des armes et avec un clan qui va débarquer, tirer sur tout le monde ou des coups de couteau. C’est là que ça devient vraiment dangereux pour les habitants et pour aussi pour les jeunes qui travaillent sur ces points-là. On a entendu des histoires de balles perdues, dans de très nombreuses villes en France. Vous, vous racontez comment, au début, vous mettez votre matelas par terre pour échapper à une balle perdue. C’est ça. J’habitais au rez-de-chaussée et la première fois que je me suis réveillée au Moulin, il y a eu des tirs quasiment en face de chez moi. Des tirs quasi sous ma fenêtre. Et je me suis dit que je n’avais pas envie d’être à hauteur de tir, on ne sait jamais s’il y a une balle qui traverse, ou qui passe par la fenêtre. Je me suis mise à dormir tous les soirs sur le sol. J’étais encore plus près des cafards, mais je me rapprochais du sol. Tout ça, ça s'intériorise beaucoup aussi. Ce sont des mécanismes en fait, on s’en rend même plus compte et c’est avec le recul que je me suis dit que ce n’était pas normal.Le quotidien dans le quartier des Moulins, c’est de la violence, mais aussi beaucoup d’entraide, de vie associative et la détresse des gens qui sont un peu obligés d’y vivre, que vous racontez très bien. Oui et qui sont beaucoup aidés par les associations et je parle beaucoup dans le livre d’Abdelhakim, qui est le président de l’association Partage ton talent, qui aide énormément les jeunes et qui est vraiment très active dans ce quartier-là. En fait, c’est le truc classique « si un jeune est occupé en train d’aller faire du ski ou juste aider une mamie à faire son jardin ou lui rapporter ses courses, c’est un jeune qui n’est pas dans la rue » et ça, ce sont des choses qui fonctionnent très bien, en tout cas dans ce quartier-là. À Nice, mais c’est le cas dans plein de villes, on est sur des loyers qui sont quand même assez excessifs. En plus de ça, il y a aussi un facteur de racisme qu’il ne faut pas négliger. Il y a quand même beaucoup d’habitants qui arrivent à trouver des appartements à loyer modéré avec les bailleurs sociaux, mais on leur met des bâtons dans les roues parce que quand on a un nom à consonance arabo-musulmane, on a clairement moins de chance d’obtenir le logement. Les rapports avec la police sont-ils ceux que vous imaginiez ? Non, c’est moins tendu que ce que je pensais. Je suis arrivée avec des a priori et je me suis dit que ce ne serait pas étonnant qu’il y ait une bavure ou des choses comme ça. Alors ça peut être tendu parce que les habitants, notamment les hommes, parlent beaucoup de contrôles trop fréquents et qui les mettent mal à l’aise ou les agacent. Mais c’est moins tendu dans le sens où il y a des moments de discussion entre les policiers, les jeunes d’une part, mais surtout les familles. Globalement, tout le monde cohabite. Quand j’y étais, quasiment tous les jours, il y avait un camion de CRS où la police qui se baladait. Et pourtant, les engueulades entre des habitants et des policiers étaient rares. Tout le monde sait que les policiers sont là, les dealers sont là, les habitants… C’est un petit monde qui cohabite. Mais en même temps, les policiers sont très pessimistes sur l’évolution de la situation et du trafic de drogue qui arrive dans toutes les villes.Oui complètement. On m’a plusieurs fois parlé d’une vague qu’on ne peut pas arrêter et que les choses empirent, qu’ils ont l’impression de ne rien pouvoir faire. Souvent, quand ils arrivent, c'est qu’il est déjà trop tard. Ils se sentent finalement assez impuissants par rapport à ce trafic-là. Ils font ce qu’ils peuvent et leur mission, c'est d’être là pour trois ou quatre heures tous les jours et de se dire que pendant ce court laps de temps, il y a moins de risques qu’il y ait une balle perdue, ou un jeune qui se fasse planter avec un poignard. Ces trois heures-là, c’est un moment de répit pour les habitants qui eux, pour le coup, n’ont rien demandé et au moins sont très en colère et le disent face découverte, ce qui n’est pas le cas dans toutes les villes.Vous êtes journaliste, y compris pour RFI. Vous êtes l’une de nos correspondantes à Marseille. Vous n’avez jamais parlé des Moulins dans vos reportages. Pourquoi ? Alors au début, je voulais. En arrivant, je me suis dit que ça pouvait être intéressant d’en parler avec justement cette double casquette d’habitante et de journaliste ou juste de journaliste. Mais après, j’ai eu vraiment un sentiment de malaise. Déjà ce sentiment que je ne pourrais jamais tout dire, tout ce qu’il y avait à dire et que je passerais toujours à côté d’une information. Parce qu’il y a la violence des armes, du trafic, etc. Mais la violence que moi je ressentais, c’était celle des cafards, de l’insalubrité et d’être un peu une citoyenne de seconde zone. Et j’avais l’impression qu’en choisissant un sujet, un angle, je n’allais pas pouvoir expliquer ce que c’était que cette violence-là. Il y avait aussi ce côté que j’étais en train de vivre cette situation et j’estime que c’est pas mal d’avoir un petit peu de recul pour pouvoir parler de ce qui se passe dans ces moments-là. Donc je n’ai pas réussi et j’ai fait le choix après d’arrêter de me poser la question « tiens, est-ce que je ne ferais pas un reportage sur tel sujet ou tel sujet ? » Et puis il y avait aussi peu de demandes, à part sur des gros faits divers, ou des polémiques aussi. Il y a eu pas mal de polémiques sur le quartier des Moulins. C’est quelque chose que j’ai refusé de faire parce que je me suis dit, est-ce que c’est vraiment nécessaire de donner cette image-là, de remettre une pièce dans la machine sachant que le quartier avait déjà cette image de ghetto et j’avais l’impression que ce n’était pas ma place de faire ça et que ça n’allait aider personne finalement.À écouter « On ne peut pas se satisfaire de voir autant de jeunes mourir dan
Depuis le mois de janvier, près de 32 000 personnes ont traversé clandestinement la Manche, la mer qui sépare le nord de la France et l'Angleterre. C'est déjà plus que sur toute l'année 2023. Le mois d'octobre et sa météo clémente ont vu plus de 5 200 personnes rejoindre les côtes britanniques, un record mensuel depuis le début du phénomène en 2018. Avec son pendant macabre, une soixantaine de personnes sont décédées, un chiffre sans précédent. Malgré les dangers et les conditions de vie dans les campements de fortune des côtes du nord de la France, les exilés sont toujours plus nombreux à vouloir prendre le risque de traverser la Manche. À une trentaine de kilomètres de Calais, installés à Wimereux, à la sortie de cette petite station balnéaire huppée du Pas-de-Calais, un groupe d'exilés prêts à prendre la mer a répondu à RFI.Un reportage de notre envoyée spéciale à Wimereux à retrouver dans son intégralité dans Accents d'Europe.À lire aussi«Je n’ai pas peur de mourir»: pour traverser la Manche, les migrants prennent toujours plus de risques
Le 7 novembre dernier, le Parlement a voté une loi dite « Airbnb », pour mieux encadrer les meublés de tourisme. Ces logements sont en partie responsables de la crise de l'immobilier, notamment dans les villes ou les régions touristiques. À Marseille, l'équipe municipale a décidé de prendre le taureau par les cornes pour limiter les meublés touristiques. Une brigade est chargée de supprimer toutes les boîtes à clé sur l’espace public. À lire aussiÀ Marseille, les commandos anti-Airbnb franchissent un cap dans la protestation
Le 15 avril 2019, une partie de la cathédrale de Notre-Dame était ravagée par un incendie. Les autorités avaient fait le pari de la restaurer en cinq ans. Un pari tenu puisqu’elle rouvrira ses portes le 7 décembre prochain. Pour cela, plusieurs corps de métiers spécialisés dans un artisanat millénaire, se sont surpassés pour redonner à Notre-Dame sa splendeur d’avant l’incendie. Ces travaux ont perturbé la vie de quartier, mais ont fait découvrir ou redécouvrir la cathédrale sous un nouveau jour. À lire aussiPolémique autour de la création de vitraux contemporains pour Notre-Dame de ParisÀ lire aussiNotre-Dame de Paris: «Un ensemble de facteurs a permis de tenir le délai de cinq ans de rénovation»
Des flammes dévorantes, un nuage de fumée, la mythique flèche qui s'effondre... Il y a un peu plus de cinq ans, une partie de Notre-Dame de Paris succombait dans un incendie. Après des années de travaux, la cathédrale rouvrira ses portes le 7 décembre. À un mois de cette ouverture tant attendue, une polémique agite le milieu de l'art et du patrimoine : celle concernant la création de six vitraux contemporains. Ils remplacerait ceux d'Eugène Viollet-le-Duc, posés en 1864. Alors que le duo d'artistes contemporains vient d'être choisi pour réaliser ces futurs vitraux, cette décision fait débat. Une grue de chantier jaune surplombe Notre-Dame. Face à l'édifice, en costume impeccable, Didier Rykner, historien de l'art et fondateur de La Tribune de l'art. Il désigne du menton la façade sud, là où s'encastrent les vitraux : « Ce sont des vitraux décoratifs, des vitraux géométriques, qui ont été dessinés par Eugène Viollet-le-Duc, pour la cathédrale, spécifiquement, dans un esprit néo-gothique. »Les vitraux d'origine ont échappé à l'incendie d'avril 2019. Ils sont en bon état, mais ils ont tout de même été restaurés grâce à l'argent des donateurs. Il n'empêche qu'ils vont être remplacés par des vitraux contemporains. C'est le souhait d'Emmanuel Macron et de l'archevêque de Paris, Monseigneur Ulrich, pour garder une trace du XXIe siècle sur la cathédrale. Une décision à laquelle Didier Rykner s'oppose fermement :« Ce n'est pas contre les vitraux contemporains, c'est contre l'idée de remplacer des vitraux qui existent, qui sont classés monuments historiques par des vitraux qui seront peut-être bien ou peut-être pas bien, peu importe. Ce n'est pas possible, ces vitraux sont très grands, ils font 120 m² de surface. Donc, ils vont aller en caisse, soyons clairs. C'est absurde. »L'historien a lancé une pétition en ligne pour conserver les vitraux. Elle a récolté plus de 200 000 signatures. Pour Tuviti, touriste tahitien, le patrimoine n'est pas figé. Au contraire, il doit être vivant : « Il faut apporter sa touche de notre temps, c'est très important. Ça raconte aussi l'histoire et ça garde cette histoire et son charme. »À lire aussiÀ Paris, les touristes redécouvrent Notre-Dame autrement en attendant sa réouverture le 8 décembreUn projet controverséL'historien et écrivain Camille Pascal fait partie des spécialistes qui défendent ce projet audacieux : « C'est une question de mesure, de logique et de cohérence. Quand on proposait de mettre une sorte de phare lumineux au-dessus de Notre-Dame, c'est normal que cela choque. Mais que l'on puisse, de temps à autre, laisser la place à l'expression de l'art contemporain français, ça ne me choque absolument pas. »Huit artistes ont été pré-sélectionnés par concours. La mise en place des nouveaux vitraux pourrait coûter plusieurs millions d'euros : « Si on a de grands artistes contemporains qui font des vitraux qui marquent l'histoire de l'art contemporaine, ce sera un excellent investissement. Les plus grands noms de l'art contemporain ont donné des vitraux, Soulages ou Chagall… C'est superbe. »En juillet dernier, la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture s'était prononcée contre l'installation de ces nouveaux vitraux. Certaines associations, comme Site et Monuments, se disent déjà prêtes à attaquer en justice.À lire aussiNotre-Dame de Paris: «Un ensemble de facteurs a permis de tenir le délai de cinq ans de rénovation»
Un procès hors norme s’ouvre ce jeudi 7 novembre à Marseille, celui de la rue d’Aubagne, six ans presque jour pour jour après la mort de huit personnes dans l’effondrement de deux immeubles en plein centre-ville. Depuis, des dizaines d’associations et collectifs de citoyens se mobilisent, car le drame est devenu un symbole de la lutte contre les logements indignes. Impossible d’ignorer la dent creuse de la rue d’Aubagne, cet espace blanc laissé par les bâtiments 63 et 65, qui tranche avec le ciel bleu de Marseille. Six ans après le drame, une centaine de personnes écoutent les proches des huit victimes.Une proche de Fabien Lavieille a laissé un message : « Le 5 novembre 2018 à 8 h 55, Fabien a appelé sa maman, car il ne parvenait plus à ouvrir la porte de son appartement [...] Il a littéralement vu l’immeuble lui tomber dessus sans rien pouvoir faire. Sa maman n’a jamais eu la force de revenir à la rue d’Aubagne [...] mais elle aurait souhaité dire à quel point elle a été touchée par la mobilisation citoyenne et par tout ce que les collectifs ont réalisé. »Soutenir la justiceC’est dire l’importance qu’a pris la société civile dans la lutte contre l’habitat indigne : il y a eu un avant et un après le drame, confirme l’avocate Chantal Bourglan, désormais retraitée. Elle lutte depuis des années contre les logements indignes et s’est occupée des dossiers de certaines familles de la rue d’Aubagne : « Ça a été un électrochoc pour la société civile marseillaise de voir qu’une ville d’une importance telle que Marseille pouvait avoir tant de logements indignes, dangereux pour la vie et la santé des gens. Et là, c’est vrai qu’il y a eu un mouvement très fort à partir du collectif et ça a changé énormément de choses quand même »Les bénévoles ont aussi été un soutien majeur pour les avocats. Ils ont aidé à constituer des dossiers, pour le procès ou pour aider une partie des 8 000 personnes délogées dans la vague d’évacuations d’immeubles délabrés qui a suivi le drame. « Toutes ces associations, ces collectifs, nous ont beaucoup aidés pour monter les dossiers parce que les personnes n’étaient pas en capacité, vu le traumatisme qu’elles avaient subi, de réunir des documents, les preuves, les éléments, savoir vers quel avocat, vers quelle structure aller », abonde Chantal Bourglan.À écouterDrame de la rue d’Aubagne à Marseille: «Une rupture sociale et une rupture politique»Prévention directe chez l’habitantLes associations planifient leurs actions grâce aux réseaux sociaux, notamment sur WhatsApp. Elles organisent des séries d’ateliers ouverts à tous sur l’habitat indigne, ou encore des porte-à-porte pour vulgariser les enjeux du procès qui commence ce jeudi 7 novembre.Un travail de prévention qui passe aussi par une vigilance directe chez les habitants de Marseille. Mélina Foubert est cheffe de projet à l’association des Compagnons bâtisseurs Provence, qui pratique l’auto-réhabilitation accompagnée, c’est-à-dire la réparation par les locataires : « On travaille sur des visites à domicile qui nous permettent de faire des diagnostics dans les logements, et de pouvoir flécher des travaux à la charge des locataires. On les accompagne à ce niveau-là. Et aussi pour faire valoir les droits des locataires sur des désordres au bailleur, d’engager des médiations, voire plus si l’on voit que le propriétaire ne réalise pas les travaux nécessaires. »Le soutien des citoyens n’est pas que logistique, mais aussi émotionnel. Ouafa Labbani a habité quatre ans dans un logement insalubre et témoigne régulièrement dans des ateliers. Le collectif des habitants du 3ᵉ arrondissement de Marseille, le CHO3, l’a accompagnée dans cette période difficile : « J’ai payé des marchands de sommeil. [Le CHO3] ils m’ont toujours poussé, ils me disaient “tu es une maman forte, essaye de patienter, tu vas réussir”. Ils ont couru avec moi, à gauche, à droite ».Élargir l’enjeuLes associations sont en contact avec des habitants de Lille, Grenoble et même de Californie, qui sont intervenus dans le quartier juste avant le procès pour témoigner lors de tables rondes sur les situations de leurs villes respectives.Pour Kevin Vacher, membre du Collectif du 5 novembre et habitant du quartier de la rue d’Aubagne, l’habitat indigne est partout. « Le procès va le démontrer parce qu’il met l’ancienne mairie de Marseille sur le banc des accusés. Mais il y met aussi un syndic, un bailleur social, des copropriétaires, un expert. Et ça, c’est caricatural des situations de l’habitat indigne qu’on connaît partout en France, voire dans le monde, c’est l’occasion pour nous de discuter de la systémie de l’habitat indigne », explique le militant.Aujourd’hui, les choses bougent peu à peu à Marseille, avec une charte pour protéger les personnes délogées, mise en place grâce au travail des habitants, des collectifs et des associations.Le procès va durer jusqu’au 18 décembre : il compte 87 parties civiles et devra déterminer la responsabilité de 16 prévenus, dont un adjoint de Jean-Claude Gaudin, le maire de l’époque. Une étape marquante, une parmi les nombreuses qui ponctuent le long chemin de la lutte contre l’habitat insalubre : au moins 600 000 logements sont encore considérés comme indignes en France.À écouter dans 8 milliards de voisinsSommes-nous trop nombreux pour vivre dans un habitat décent?
Quatre ans après le meurtre du professeur Samuel Paty, le procès des complices présumés du terroriste s’ouvre ce 4 novembre à la cour d’assises spéciale de Paris. Comment continuer à enseigner après le traumatisme ? Comment enseigner la laïcité à l'école en France ? Pour des raisons de sécurité, le nom du collège et du professeur d'histoire interviewé dans ce reportage ne sont pas donnés. Les prénoms des élèves ont été changés.Il y a quelques semaines, un débat sur la laïcité était organisé entre des élèves de 3ᵉ et leur professeur dans un collège parisien dans le cadre d'un cours d'éducation civique. L'éducation civique, c'est la matière qu'enseignait Samuel Paty, enseignant en histoire assassiné vendredi 16 octobre 2020 pour avoir montré des caricatures à ses élèves.À lire aussiFrance: le collège du professeur assassiné Samuel Paty prendra son nomCe débat sur la laïcité est animé. Une fesse posée sur le coin d'une table, le professeur écoute attentivement ses élèves. Émilie ne comprend pas pourquoi on ne peut pas porter de signes religieux en classe. « Je trouve qu'il faudrait limiter les paroles et pas les vêtements, parce que les vêtements, en soi, ça n'influence pas et c'est juste pour pratiquer sa religion », opine l'adolescente.L'enseignant revient sur la question du prosélytisme : « S'il n'y a pas d'intentionnalité, peut-être, marquée d'influencer, l'influence se fera par destination, peut-être, et auquel cas, on briserait le côté neutre de l'école, grâce auquel vous pouvez exercer votre libre arbitre et ne subir aucune influence, quelle qu'elle soit. C'est ça l'esprit de la loi », analyse le professeur.Aminata enlève la main de sa bouche et intervient : « La laïcité, elle dit nous protéger, mais est-ce qu'elle protège les jeunes femmes voilées françaises ? Car à l'entrée du collège, on les force à enlever leur second bout de peau, leur voile. Leur voile, c'est identitaire, ça fait de mal à personne. »À lire aussiFrance: 20 ans après la loi de 2004, les signes religieux à l’école publique toujours dans l'actualité« On devrait pouvoir exprimer notre différence en classe pour qu'il y ait moins de discrimination »Pour Mélanie, la laïcité implique la neutralité, ou presque. « Pour moi, la neutralité, ça ne devrait s'appliquer que dans l'apprentissage, pour qu'on ait tous des bases neutres d'apprentissage, argumente-t-elle. Mais je ne pense pas que les élèves devraient être neutres, parce qu'on est tous différents et qu'on devrait tous pouvoir exprimer notre différence en classe pour qu'il y ait moins de discrimination. »Le professeur rebondit sur l'intervention de l'adolescente : « Bravo, parce que c'est une question qu'on n'avait pas encore évoquée. Évidemment, on l'a fait en cours sur la neutralité des enseignements. Souvenez-vous de ce que je vous ai dit. Par exemple, en sixième, on étudie l'évolution de l'humanité. Tel ou tel commence à dire que ce n'est pas le respect de ses croyances et va quitter le cours... »À lire aussiAssassinat de Samuel Paty: à l'heure du procès, la ville de Conflans-Saint-Honorine se reconstruitCette remarque relance le débat, une élève répond au professeur : « On est obligés d'écouter ce que vous nous dites, mais on n'est pas obligés d'y croire. Par exemple, que nous, on descende des singes, je n'y crois pas. »Le professeur de conclure à ce propos : « Tu essaies de manifester la différence entre croyance et savoir. Oui, tu peux savoir sans que ça entame tes croyances. Mais pour le savoir scientifique, tu as les moyens de vérifier. »Ces élèves de troisième avaient neuf ou dix ans lorsque Samuel Paty a été assassiné. Cette collégienne revient sur les caricatures de Mahomet que Samuel Paty avait montré pendant un cours sur la liberté d'expression. « Le professeur a essayé d'expliquer que si vous ne voulez pas regarder, c'est votre choix. Il respecte les convictions de tout le monde. Sauf que là, il a été tué pour quelque chose qu'il n'a pas fait. »C'est la fin du cours, les élèves bondissent de leurs chaises. Au moment de partir, Aminata recouvre ses cheveux avec sa capuche. L'enseignant, debout, les bras croisés, lui demande de l'enlever.À lire aussiHommage à Samuel Paty: paroles d'enseignants
C’est l'un des sites les plus touristiques de Paris : près de 600 000 visiteurs descendent chaque année dans la pénombre des catacombes. Ce site historique abrite les os de plusieurs millions de personnes mortes à Paris entre les Xe et XVIIIe siècles. Actuellement, le lieu fait l'objet d'un programme de rénovation historique, car les murs d'ossements sont fragiles et peuvent se dégrader. Car l'os, matière organique, s'abime. C'est un travail minutieux et de grande ampleur qui s’achèvera en 2026. Visite guidée avec, à 20 mètres sous terre, Isabelle Knafou, administratrice des lieux. Pour aller plus loin : Catacombes de Paris
Il a marqué les esprits lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Zeus, le cheval d'acier, est exposé depuis le 1er octobre au Château de Versailles. Comme un clin d'œil aux épreuves équestres qui ont eu lieu dans les jardins du château et à l'exposition Le Cheval en Majesté, qui se tient au même endroit jusqu'à début novembre, Zeus semble à sa place. Et une chose est sûre, il ne passe pas inaperçu. «Zeus» au Château de VersaillesÀ lire aussiJO 2024: revivez l'intégralité de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris
Le Salon international de l'alimentation (Sial), qui se tient tous les deux ans à Paris, s'est déroulé la semaine dernière au Parc des expositions de Villepinte, au nord de la capitale. Cinq jours pendant lesquels l'ensemble des acteurs du secteur agroalimentaire se sont réunis pour parler business, innovation ou pour réfléchir sur des solutions à apporter à des problématiques du secteur. Sur 3 700 participants, seule une soixantaine de pays africains étaient présents. En Afrique, la grande majorité des emplois agricoles est occupée par des femmes. Et pourtant, elles sont peu nombreuses à participer à des événements comme le Sial. Mais cette année, une tendance se dessine. Malgré de multiples difficultés telles que l'accès aux terres et aux financements, de plus en plus de femmes relèvent le défi de l'entrepreneuriat agricole, un secteur jusque-là réservé aux hommes. C'est une nouvelle génération de femmes africaines engagées et très motivées qui participe pour la première fois au Sial. Née au Congo, Sandrine Vasselin Kabonga a quitté son travail de conseillère financière il y a une dizaine d'années pour fonder Misao Spices, une entreprise de production et de distribution d'épices d'Afrique centrale, et surtout de la République démocratique du Congo : « En RDC, on n'a pas de filière de production des épices professionnelles comme elles peuvent exister à Madagascar, Zanzibar ou en Asie. Donc c'est vraiment de l'agroforesterie. C'est travailler avec les communautés locales, les communautés paysannes, les producteurs. On va cueillir, sécher, faire toute la transformation si je puis dire localement, donc créer de l'emploi autour de ça. Mais on reste sur le marché de niche, donc vraiment sur des produits de qualité. »Les modes de consommation changent...Des produits de qualité, c'est également ce que Lydia Mérouche veut promouvoir dans son pays. Après avoir été avocate pendant plusieurs années, cette Algérienne a fondé en 2016 Fossoul Agricol, une société spécialisée dans la production de fruits et légumes bios de saison :« Ma présence aujourd'hui ici au Sial représente mon engagement dans l'alimentation, l'alimentation en Algérie, l'alimentation en Afrique, et tout simplement l'alimentation durable. Parce qu'on sait aujourd'hui que l'alimentation durable est un enjeu environnemental et un enjeu de santé publique et notre santé en dépend. Et la santé passe aussi par ce qu'il y a dans nos assiettes. Et c'est pour ça qu'en tant qu'avocate, j'ai décidé de ranger ma robe et d'enfiler mes bottes d'agricultrice pour militer pour une agriculture saine et durable en Algérie et en Afrique. »... pour une recherche de qualité authentiqueJessica Allogo est une autre entrepreneure africaine présente au Sial. Cette ancienne ingénieure dans l'industrie pétrolière a créé il y a huit ans les Petits Pots de l'Ogooué, une entreprise de transformation agroalimentaire au Gabon : « C'est vrai que les premières années, c'était difficile... L'accès au marché n'était pas simple. Mais en huit ans, j'ai beaucoup vu le paysage changer, les modes de consommation changer. Le consommateur africain aujourd'hui est vraiment en quête de produits plus authentiques, de produits locaux qui valorisent le patrimoine, et il y a aussi une notion vraiment de solidarité, d'accompagner les entrepreneurs locaux et de participer finalement à l'économie et à faire vivre des transformateurs comme nous et, du coup, d'améliorer les conditions de vie des communautés. »Hommes ou femmes, il y a de la place pour tout le monde dans le secteur agricole. Jean-Luc Luboya Tshichimbi est producteur et exportateur de fruits et légumes à Kinshasa en RDC. « Nos activités, c'est plus dans les produits frais, on a 30 % du marché local sur Kinshasa et on a 70 % sur l'exportation », explique-t-il.Un taux d'exportation qui devrait augmenter, car ce producteur congolais a pu signer de nouveaux contrats lors du Sial.À lire aussiFrance: la difficile transition écologique des agriculteurs
Les hôpitaux publics de tout le pays sont appelés à faire grève ce mardi 29 octobre. Les débats parlementaires sur le PLF (projet de loi de finances) et le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale), vont durer jusqu’en décembre. Dans les hôpitaux, la profession est d’ores et déjà inquiète et appelle à la grève ce mardi 29 octobre. Le personnel de l’hôpital psychiatrique Édouard Toulouse, dans les quartiers nord de Marseille, compte bien se joindre au mouvement. De notre correspondante à Marseille, Sophie Bourlet,À Marseille, le personnel de l’hôpital psychiatrique d’Édouard Toulouse a de bonnes raisons de rejoindre la grève nationale : dans moins d’un mois, 25 lits vont être supprimés. C’est la moitié des 50 actuels, pour plus de 100 000 habitants dans les quartiers nord. Alors que la santé mentale des Français continue de se dégrader, pour les patients, pas facile de trouver un rendez-vous. Julia, 24 ans, vient consulter à l’autre bout de la ville. Elle regrette le manque de psychiatres. « Il n’y a pas de nouveaux psychiatres, il n’y a pas de nouvelles choses qui sont faites malheureusement. Je ne blâme pas les psychiatres parce qu’ils font comme ils peuvent. Mais il y a un manque cruel. »Olivier Boyer, du syndicat FO, fait les comptes : il ne reste aujourd’hui qu’un tiers des lits présents en 1985, quand il a commencé à travailler. Selon lui, la situation n’est pas tenable. « Les refus d’hospitalisation, donc des patients en crise à qui on dit : “Non, on ne peut pas te prendre”, ces patients vont être suivis à domicile, donc ça va être très lourd pour les collègues, s’indigne-t-il. Et à mon avis dangereux, parce qu’il faut quand même avoir en tête que dans les cités des quartiers nord, certains n’y rentrent pas. »À lire aussiSanté mentale dans les quartiers Nord de Marseille: l’accès aux soins devenu impossible« Il y a des patients qui nous sortent des armes »Un risque pour les patients, comme pour les soignants. Kader Benayed, du syndicat majoritaire Sud Santé, rappelle que l’hôpital Édouard Toulouse se trouve dans l’un des territoires les plus pauvres de France, une zone particulièrement sensible. « J’ai vu trois faits divers en deux jours, trois faits divers, insiste-t-il. C’était trois personnes qui étaient connues de nos services. Ils avaient besoin de soins et on a dû à un moment donné les faire sortir pour faire entrer un patient qui était plus en crise. »De plus, selon le syndicaliste, il y a de plus en plus de patients avec le statut de D.398, c’est-à-dire le statut de détenu. « Il y a des patients qui nous sortent des armes, il y a des points de deal à l’intérieur des unités de soins. Quand la famille arrive pour voir les patients et qu’on leur dit non, souvent, les soignants se font menacer. 30 patients pour trois soignants. C’est vrai que quand on est médecin, quand on arrive avec des patients qui sont beaucoup plus compliqués qu’ailleurs en France et qu’on a trois soignants, c’est très compliqué. »À lire aussiPsychiatrie : comment le manque de moyens affecte-t-il la qualité des soins ?Une pénurie de personnel médicalDes conditions d’exercice qui n’attirent pas de nouveaux médecins. Ce sont eux qui le disent, ils assurent aujourd’hui le travail qui devrait être celui d’une équipe deux fois plus grande. Le directeur de l’hôpital Thierry Acquier rappelle que c’est justement le départ d’un médecin qui a précipité la fermeture de l’unité. « Moi, si demain je retrouve cinq praticiens hospitaliers en psychiatrie, je rouvre la totalité des lits qui sont fermés, affirme-t-il. Alors la tendance, c’est la fermeture de lits dans les hôpitaux publics, elle existe depuis un certain temps, mais elle est essentiellement liée à la pénurie de personnel médical. Ce n’est peut-être pas satisfaisant, mais je ne crois pas qu’on reviendra à l’âge d’or d’il y a 20 ans. »Alors que le gouvernement s’apprête à réaliser des milliards d’euros d’économies, les syndicats hospitaliers craignent des retombées économiques sur un secteur déjà fragile, qui suscite de moins en moins de vocations. À lire aussiSanté mentale: «Le rôle de la grande cause nationale est de déstigmatiser la psychiatrie»
Gérard Depardieu, accusé d'agressions sexuelles sur deux femmes lors du tournage Les Volets verts en 2021, est jugé à partir de ce lundi 28 octobre par un tribunal correctionnel. En plus de ces plaintes, l'acteur français fait l'objet de dizaines d'accusations pour agressions sexuelles et viols. Depuis #MeToo, la parole se libère. Cependant, sur les plateaux de tournages ou dans les salles de spectacles, l'omerta continue et les agressions ne sont pas en baisse, selon les militantes féministes. À Évreux, les comédiennes et membres du collectif MeTooThéâtre répètent leur spectacle Les Histrioniques. Sur la scène faiblement éclairée, les comédiennes répètent, texte en main. L’une d’elles, Louise Brzezowska-Dudek, porte un tee-shirt large, sur lequel est dessiné un grand requin blanc, la mâchoire ouverte. La pièce s’appelle Les Histrioniques, un titre (mystérieux) que la jeune femme explique. « Histrioniques, c’est un mot qui est utilisé en psychiatrie et dans les expertises psychiatriques, plus précisément pour stigmatiser les victimes de viols. »Car c’est bien ce que raconte la pièce : le viol d’une comédienne qui se tourne vers les membres du collectif MeTooThéâtre, pour leur demander de lui venir en aide. Le texte résonne dans la salle de répétition : « Elle est partie chercher ses affaires, il l’a rejointe dans les loges, en bas. Sans rien dire, il avait fondu sur elle. »Cette pièce, c’est aussi l’histoire de femmes qui luttent ensemble contre les violences sexistes et sexuelles.« On a décidé d’écrire, de mettre en scène, de jouer toutes ensemble, explique Séphora Haymann, l’une des comédiennes. On joue et on raconte une affaire de violence dans le milieu du théâtre qu’on suit et qui est “une affaire type”. » « On reçoit des témoignages d’il y a trente ans autant que d’il y a deux ans »MeTooThéâtre fête ses trois ans cette année. « Au départ, le MeTooThéâtre, c’était vraiment pour visibiliser des affaires qui, dans le milieu, ne se partageaient pas, note Marie Coquille-Chambel, doctorante en étude théâtrale et l’une des figures du mouvement. Avec Les Histrioniques, elle fait ses premiers pas sur les planches. Elle poursuit : « Et au fur et à mesure, on a commencé à faire de l’accompagnement de victimes, on a prévenu des structures de faits de violences commis par leurs employés, etc. Donc ça a pris une tournure beaucoup plus large que juste la simple visibilisation qu’on voulait faire au début. »Il y a eu le hashtag MeTooThéâtre, de nombreuses révélations, un livre, des mises en examen... mais, selon ces femmes, le combat n’est pas terminé. « Ca ne faiblit pas, on reçoit des témoignages d’il y a trente ans autant que d’il y a deux ans, ou d’il y a deux semaines, observe Marie Coquille-Chambel. On reçoit aussi beaucoup de personnes qui nous écrivent sans savoir vraiment ce qu’elles veulent faire. » Des jeunes générations qui se fédèrent et n’acceptent plus les rapports de violenceSéphora Haymann a tout de même de l’espoir : dans les écoles, la jeune génération fait peu à peu bouger les choses : « Les élèves ne sont plus du tout en mesure d’accepter des rapports de violences dans le travail. Ils et elles se fédèrent pour passer des informations sur des profs ou des formateurs qui seraient problématiques, relate la comédienne. Ils et elles se fédèrent en classe pour dire : "Ça on n’accepte pas, ça on est pas d’accord, on ne veut pas bosser avec telle personne". » Désormais, les formations sont obligatoires dans les structures culturelles. Il doit y aussi y avoir des référents. Et partout, des brochures et guides d’informations sur ces violences. « Oui, c’est bien, la formation est essentielle, mais tant que loi n’évolue pas, tant que les condamnations n’évoluent pas, tant que la culture du viol est toujours à l’œuvre, les choses n’avanceront pas », dénonce Séphora Haymann.Les requêtes du collectif sont nombreuses, les militantes demandent entre autres de rappeler aux directeurs des théâtres, compagnies ou écoles, qu’ils doivent protéger toutes personnes se disant victimes de violences. À lire aussiFrance: ouverture du procès de Gérard Depardieu, accusé d'agressions sexuellesÀ écouter dans Le Débat du jour#MeToo et cinéma : quel est le problème ?
En France, l'Aide sociale à l'enfance du département du Nord est à nouveau pointée du doigt. À côté de Dunkerque, une soixantaine de mineurs étrangers ont été placés sans accompagnement dans un hôtel désaffecté. Sans école, sans formation, sans activités ludiques pour occuper leur journée, ces jeunes exilés sont livrés à eux-mêmes depuis plusieurs mois alors que cet hébergement devait n'être que provisoire. La Ligue des droits de l'homme a saisi la Défenseure des droits pour leur venir en aide. De l'extérieur, cet ancien hôtel Formule 1, près de Dunkerque, n'a pas beaucoup changé. Certes, l'enseigne qui surplombait la façade a été démontée et les clients n'y viennent plus. Mais les chambres de ce bâtiment en crépi jaune pâle qu'on aperçoit au bord de la route sont toujours occupées.Sur le rebord des fenêtres, des baskets et des vêtements d'adolescents sèchent au soleil. 60 à 80 jeunes mineurs non accompagnés y sont hébergés, selon l'antenne locale de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Sabine Donnaint, sa présidente, est allée sur place au mois de mai. « Le premier contact que j'ai eu, c'est deux jeunes, un Afghan et un Malien, qui étaient là depuis quatre mois déjà, donc sans avoir réalisé les tests pour pouvoir aller à l'école, et eux, c'est ce qu'ils voulaient : aller à l'école, pouvoir avoir une formation. On leur disait que ce n'était pas possible parce qu'ils ne savaient pas s'ils allaient rester sur le dunkerquois ou être envoyés aux quatre coins de la France. »L'un des jeunes témoigne via un message WhatsApp envoyé à RFI : « Je ne vais pas à l'école, je ne fais rien... Même la nourriture, c'est un problème, les habits, on ne m'en donne pas, on n'est pas bien vêtus, même les chaussures, on ne nous en donne pas… On souffre ici. »En France, lorsqu'un jeune exilé est évalué mineur, c'est l'Aide sociale à l'enfance qui prend le relais. Elle est pilotée par les départements et se charge de trouver un logement et de l'inscrire à l'école ou en formation. Mais dans cet ancien hôtel, aucun de ces dispositifs n'a été mis en œuvre. « À chaque fois, ils nous disent qu'ils ne peuvent rien faire tant qu'on n'a pas encore été transférés, qu'on ne peut pas partir à l'école et qu'on ne peut pas s'occuper de nous, témoigne le même jeune, toujours via WhatsApp. Quand on se réveille le matin, on va prendre notre petit-déjeuner à 8 h, dès qu'on a fini de manger, on rentre dans notre chambre, on va se coucher. Nous sommes deux dans la chambre, on ne fait rien ici, on vit très mal ici. »À lire aussiFrance: l'errance des mineurs isolés étrangers cherchant à faire reconnaitre leur minoritéDes jeunes qui redoutent de recevoir une OQTF pour leur 18ᵉ anniversaireL'association Coallia, qui est conventionnée pour accompagner ces mineurs, n'a que partiellement répondu aux questions de RFI. Selon elle, il est « difficile de mobiliser les établissements scolaires » puisque les jeunes ne sont censés rester sur ces dispositifs que pour cinq jours maximum. Pourtant, ceux que nous avons contactés sont là depuis au moins quatre mois et ont loupé la rentrée scolaire. Coallia assure également que « l'équipe encadrante propose des activités aux jeunes », sans préciser lesquelles. Interrogé à ce sujet cette semaine, un autre adolescent dément : « Il y a des cours de français à la Médiathèque, ils ont commencé ça hier », mais rien d'autre. L'association reconnait que les activités sont « délicates à mettre en place, car la convention actuelle est reconduite par période de trois mois », ce qui poserait des problèmes de gestion des effectifs. Pas de réponse sur le nombre de personnels encadrants présents dans l'établissement, mais les mineurs qui y vivent disent ne pas pouvoir compter le nombre d'éducateurs qui se succèdent au quotidien, embauchés pour des contrats très court, parfois à la journée. À lire aussiComment accélérer la scolarisation des mineurs non accompagnés en France ?« Pour ces mineurs, il y a un enjeu qui est totalement déterminant, affirme Bernard Champagne, co-président de la Ligue des droits de l'homme à Dunkerque, très préoccupé par cette situation. Quand ils vont avoir 18 ans, l'obtention de leur titre de séjour est aussi tributaire du parcours scolaire éducatif dans lequel ils sont. S'ils n'y sont pas, il y a une argumentation ouverte par la préfecture en disant qu'ils ne sont pas dans un processus d'intégration et d'insertion et donc, qu'ils n'auront pas de titre de séjour. » Il ironise : « En revanche, avec délicatesse, on leur offre une OQTF. »Et c'est cette OQTF, cette obligation de quitter le territoire, que redoutent certains de ces jeunes, coincés à l'hôtel, alors que leur 18ᵉ anniversaire approche à grands pas.Dans ce département, les travailleurs sociaux estiment que 1 000 enfants sont en attente d'un placement convenable. La Défenseure des droits enquête d'ailleurs sur les dysfonctionnements de l'Aide sociale à l'enfance du Nord, depuis 2022.► Rendez-vous sur notre site Infomigrants pour suivre l'actualité et découvrir des reportages sur les questions de migrations en Europe.
L'école inclusive, c'est plus de 436 000 élèves en situation de handicap accueillis dans les établissements scolaires. Ils sont trois fois plus nombreux qu'il y a 20 ans, mais le dispositif n'est pas à la hauteur. Faute de formation et d'accompagnement, les professeurs se disent démunis et en souffrance devant des classes déjà surchargées. Rencontre avec des enseignants d'une école primaire de Seine-Saint-Denis, en région parisienne. Ils se mobilisent pour dénoncer le manque d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Au-delà de ce problème particulier, le modèle d'école inclusive manque de moyens. En fonction de l'importance de son handicap, un enfant peut être orienté dans un institut spécialisé, appelé institut médico-éducatif (IME), ou alors au sein de l'établissement scolaire dans une classe particulière dite ULIS, ou bien encore en classe « ordinaire » aidé d'un accompagnant. Seulement voilà, dans cette école primaire comme ailleurs, l'engorgement se répercute en cascade : des enfants en attente d'IME vont en ULIS, et on scolarise en classe ordinaire des élèves qui n'ont pas de place dans les dispositifs faits pour eux, malgré des handicaps parfois très lourds.Ainsi, Margaux, enseignante, accueille dans sa classe de CM2, une petite fille en grande difficulté : « J'ai fait une demi-heure de course poursuite dans l'école avec elle, puisqu'elle s'enfuit de ma classe. Je devais donc laisser ma classe aux soins de ma collègue parce que je ne pouvais pas être au four et au moulin. Ce sont des hurlements, des crises, des enfants qui se font taper aussi dans la classe. J'ai couru dans toute l'école et cela a été difficile de la rattraper. »Impossible donc pour Margaux d'enseigner aux autres élèves... Comme elle, Clémence a une passion pour son métier et de l'énergie à revendre. Mais aujourd'hui, elle se sent démunie : « Cela devient très compliqué, car on va se retrouver avec des enfants de CM2 qui ont, par exemple, travaillé sur la division ou des notions un peu plus complexes à côté d'enfants non-lecteurs, avec lesquels il va falloir apprendre l'alphabet, les sons, la phonologie, explique l'enseignante. On va donc se retrouver avec des doubles, triples, quadruples niveaux, sans aucune formation supplémentaire pour les aider. »Pénurie d'AESHSur le papier, un élève en situation de handicap devrait être épaulé par un AESH, un professionnel qui lui vient en aide, mais il en manque cruellement. Sarah est la maman d'Anna, atteinte du spectre autistique. En classe, elle est gênée par le bruit. Sa mère s'est battue pour qu'elle soit accompagnée jusqu'à présent : « Actuellement, elle n'a plus d'AESH, elle est complètement perdue. Sans compter que sa maitresse est en "burn-out", car la situation est très tendue. Elle est partie au bout de trois semaines. Actuellement, il y a un remplaçant et aujourd'hui, il est absent. C'est une situation vraiment dramatique. »Émilie est une jeune femme souriante et douce. Comme toutes les AESH, elle est mal considérée et sous-payée. Elle s'occupe des 12 enfants de la classe ULIS de cette école primaire : « Aujourd'hui, on a des enfants qui demandent beaucoup d'attention et il faut qu'ils puissent avancer dans leur scolarité. »L'équipe pédagogique ne rejette pas le principe de l'école inclusive, mais elle déplore le manque de moyens et de formation pour mettre en œuvre cette noble idée.À lire aussiEn France, les élèves en situation de handicap sont plus nombreux, mais pas mieux accompagnés
En France, une femme migrante a 18 fois plus de risques de subir un viol que la population générale. Considérées comme des personnes étrangères avant d'être considérées comme des victimes, elles se battent quotidiennement pour obtenir les protections auxquelles elles ont droit. Des protections difficiles à obtenir rapidement des préfectures. Dans ce parcours du combattant qui se rajoute au traumatisme, l'association La Cimade ouvre chaque vendredi une permanence pour accompagner ces femmes victimes de violences sexuelles. À lire aussiSur la route vers l'Europe, les femmes migrantes sont particulièrement vulnérables
Ce sont des témoignages exceptionnels de l'histoire de l'esclavage. Une cinquantaine de bustes, moulés en 1846 sur d'anciens esclaves, sont regroupés dans l'exposition Visages d'ancêtres. Parmi eux, il y a les aïeux des Lily... Embarqués comme esclaves au Mozambique sur un navire brésilien, ils ont été interceptés par un navire anglais – Le Lily – qui les a amenés à l'île Maurice, où l'esclavage était alors aboli. Aujourd'hui, les descendants qui portent le nom de ce bateau viennent découvrir pour la toute première fois les visages de leurs ancêtres. Un reportage au Château royal de Blois, où l'on peut découvrir cette exposition jusqu'au 1ᵉʳ décembre 2024. Lorsqu'elle voit les Lily, l'historienne Klara Boyer-Rossol ne peut retenir ses larmes. Enfants, petits-enfants, oncles, neveux, nièces, frères et sœurs… Ils sont tous là, ou presque. Quatre générations ont fait le voyage, habillés comme s’ils célébraient un mariage. Ils sont venus de toute la France et même de l'île Maurice pour rencontrer les bustes moulés de leurs ancêtres.Cette historienne découvre dans les réserves du Château royal de Blois cette collection inédite : 62 visages, moulés dans du plâtre, par Eugène de Froberville, sur des anciens captifs vivants. Au bout de six ans de recherches, elle identifie 53 bustes. Elle retrouve aussi les descendants de la famille Lily à l'île Maurice et avec le musée de Blois, ils décident, ensemble, de rendre public cette collection.Eugène de Froberville menait des recherches sur les races en 1846 auprès d'anciens captifs africains, mis en esclavage à l'île Maurice. Ces populations, venues d’Afrique de l’Est, étaient appelées à l’époque « Mozambiques ». Elles étaient originaires de régions qui correspondent aujourd’hui au Mozambique, à la Tanzanie ou au Malawi.Pour retracer leur parcours, Eugène de Froberville les a interrogés sur leur pays d'origine, leur langue et il a reconstitué leur visage sous forme de bustes. « Certains suffoquaient littéralement. Ils ne voulaient pas se laisser mouler », explique l'historienne et commissaire de l'exposition Klara Boyer-Rossol.« Désormais, nous connaîtrons le visage de nos ancêtres »Dans cette collection de bustes, un seul correspond à celui d’une femme. Elle s'appelait Mulòtiua. Il s’agit de son nom d’origine, le seul recueilli par Eugène de Froberville. Elle avait environ 19 ans lorsqu'elle fut vendue par sa propre famille à des marchands d'esclaves. Le 17 mai 1840, elle fut embarquée à bord du navire brésilien José, qui se rendait à Rio de Janeiro. Intercepté en mer par un bateau britannique Le Lily, Mulòtiua fut amenée à l'île Maurice où elle va travailler comme domestique à Port-Louis. Et si c'est la seule dont Eugène de Froberville a moulé le visage, cela ne se faisait pas trop de s'isoler et de passer du temps avec une esclave. Cela ne correspondait pas aux mœurs de l'époque, Eugène de Froberville étant issue d'une famille d’aristocrates. Une autre raison, c'est que dans les plantations de canne à sucre, le travail étant dur, la main d'œuvre était principalement masculine.« Désormais, nous connaîtrons le visage de nos ancêtres ». Cette phrase de Doris Lily, descendante de la famille Lily, trône dans cette exposition. David, Doris, Sarah, Wesley… Tous ces descendants du Lily ont découvert il y a à peine deux ans l’existence de ces bustes qu’ils n’avaient jamais vus. « Je suis soulagée d'apprendre que mes ancêtres n'étaient pas des esclaves » souligne cette infirmière... En 1840, l'esclavage vient d'être aboli il y a déjà cinq ans à l'île Maurice. Pour autant, ces travailleurs engagés comme on les appelle ne seront pas libres de leur mouvement. Ils adresseront une pétition aux autorités britanniques pour pouvoir quitter l'île, ce qui leur sera refusée. Une exposition dans laquelle on retrouve également des musiques d'époqueÉmus et silencieux face à ces bustes, ils se sont recueillis. Ils ont été heureux de savoir d'où ils viennent, heureux aussi de retrouver une partie de leurs ancêtres même s’ils ne savent pas précisément s'ils appartiennent à la même famille… Car en effet, tous les captifs sur ce bateau s'appellent Lily et la seule manière de leur attribuer un lien de parenté serait de faire des tests ADN (à partir des cheveux par exemple que l'on a retrouvé sur les moulures en plâtre), mais ces analyses ne sont pas fiables à 100 %, elles sont coûteuses et pour l'instant, ils ne sont pas encore prêts à le faire.Des chants polyphoniques ont été reconstitués à partir des travaux menés au milieu du XIXe siècle par Eugène de Froberville et d'une certaine façon, cela permet d'humaniser ces esclaves et de leur donner une voix.Cette exposition crée des liens, entre la France et l'ancienne colonie française, l'île Maurice, où ces bustes sont très attendus au Musée intercontinentale de l'esclavage, début 2025.À lire aussiRDC: la route des esclaves de Kamelie, une histoire congolaise à faire connaître
On connaissait les collectionneurs d'or, de bijoux ou d'objets d'arts. Il en est d'autres qui collectionnent les cartes Pokémon. Ces petites cartes, que les jeunes s'échangent souvent dans la cour de récré, se vendent parfois très cher sur des sites internet ou même lors de mises aux enchères. À Neuilly-sur-Seine, près de Paris, la maison Aguttes organise une vente qui se termine ce mardi 22 octobre. Parmi les belles pièces, une carte collector de Pikachu, estimée entre 150 000 et 300 000 euros. À lire aussiLe phénomène Pokémon a 25 ans
Depuis l’incendie qui a ravagé la cathédrale le 15 avril 2019, Notre-Dame de Paris n’est plus accessible au public. Mais plus pour longtemps, puisqu’elle rouvrira ses portes dans un mois et demi, le 8 décembre 2024. Juste après l’incendie, les autorités avaient fait le pari de restaurer la cathédrale en cinq ans. Et pour réussir cet exploit, plusieurs corps de métiers spécialisés dans un artisanat millénaire se sont surpassés pour redonner à Notre-Dame sa splendeur d’avant l’incendie. Des travaux qui ont un peu perturbé la vie du quartier, mais qui ont fait découvrir — ou redécouvrir — la cathédrale sous un nouveau jour. C’est devenu un rituel. Depuis plusieurs mois, Chantal vient s’installer chaque après-midi sur les gradins installés sur le parvis pour contempler la façade de la cathédrale. Riveraine de Notre-Dame de Paris, elle a vu son quartier se transformer pendant les travaux. « Tous les commerces aux alentours ont fermé parce que là, il y a des palissades et derrière Notre-Dame, il y a encore des palissades. Il y avait plein de restaurants là, regrette-t-elle, des restaurants, c’est sympathique. Et tous ces restaurants sont fermés parce que manger devant une palissade, ce n’est pas très agréable. »Si les commerces du quartier ont perdu de la clientèle, l’affluence des touristes n’a pas baissé pour autant. « Nous sommes normalement guides à l’intérieur de la cathédrale et, depuis le 15 avril 2019, nous sommes guides sur le parvis, relate Christine, membre d’une association composée de bénévoles qui font visiter l’intérieur de la cathédrale. C’est-à-dire que maintenant, on ne travaille plus avec des groupes qui réservent à l’avance. Avant, on était dans la cathédrale et on faisait une annonce pour que les gens dans la cathédrale puissent nous joindre s’ils voulaient avoir des explications sur le monument. » Visiter Notre-Dame de Paris différemmentRiverain de Notre-Dame, Richard estime que le drame de l’incendie a permis au public de redécouvrir autrement le monument. « Le quartier a été très visité par des touristes, qui sont venus voir notamment les expositions de photos qui racontent un peu l’histoire de Notre-Dame depuis l’incendie », remarque-t-il. Et, selon lui, Notre-Dame et son parvis ont été réinvestis de manière différente : « Et puis il y a eu sur le parvis des célébrations, des temps de prière pour que les gens puissent se réunir, même pendant les Jeux olympiques. Alors ça veut dire qu’il y a de la vie. Et je pense que les gens se sont petit à petit habitués à une autre façon de fréquenter Notre-Dame. De loin, mais d’une façon fidèle, sur le parvis. »Sur le parvis, une exposition de photos montre les corps de métier participant aux travaux. « C’est très intéressant, vraiment. Et c’est très bien expliqué, ce n’est pas trop compliqué et il y a assez d’informations, s’enthousiasme une touriste suédoise. Je sais qu’il y a beaucoup de métiers différents nécessaires à la reconstruction. » Les visiteurs français se réjouissent, eux aussi : « C’est magique, tout simplement, cette capacité de faire travailler ensemble des métiers. Je ne sais pas combien il y en a, une centaine, et les faire travailler comme ça, aussi bien, c’est extraordinaire. »Avant l’incendie, Notre-Dame de Paris accueillait 12 millions de visiteurs par an. Elle devrait en accueillir 15 millions à partir de sa réouverture au public le 8 décembre 2024.À lire aussiFrance: des précieuses révélations dans les fouilles archéologiques de Notre-Dame, dont la possible sépulture du poète Joachim Du Bellay
C’était l’une des fiertés de Paris 2024 : organiser des Jeux plus durables. Une ambition qui s’est traduite par l’utilisation d’installations déjà existantes, la réduction des émissions de carbone et diverses initiatives comme la vente d’une partie des équipements et objets créés pour les Jeux. Ces derniers ont été proposés à prix cassés dans de grandes braderies, l’occasion, pour les fans, de repartir avec un souvenir unique. La file d’attente est interminable sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris. 2 500 personnes patientent avant l’ouverture de l’une des dernières braderies des Jeux olympiques. Cécile, doudoune en fourrure bleue sur le dos, est bien calée dans sa chaise de camping. C’est la première de la file d’attente et, pour réussir cet exploit, elle a passé la nuit à attendre l’ouverture. Derrière elle, ils sont nombreux à avoir dormi dehors et partagé des thermos de café et des gâteaux.« On a beaucoup parlé cette nuit, se réjouit Cécile, on a passé de très bons moments, comme se remémorer les Jeux et tout ça. C’est vraiment sympa. Même si on a froid, il y a un côté où on est vraiment euphoriques de ça. »Faire vivre la flamme jusqu’au boutFaire vivre la flamme jusqu’au bout, voilà ce que viennent chercher ces passionnés des Jeux. « C’était génial, les Jeux olympiques, les Paralympiques, c’était vraiment extraordinaire, se remémore Cécile, il y avait une ambiance de fou avec tout le monde, à l’international, avec tous les Français, c’était vraiment incroyable. Les athlètes étaient extraordinaires, c’est un souvenir d’une vie. Vraiment, ça nous a tous marqués. » À 11 heures, la braderie ouvre enfin ses portes. Tee-shirts, vestes, serviettes aux couleurs des Jeux olympiques, tous ces objets auront bientôt un nouveau propriétaire. Pour les clients, les achats sont limités à dix articles. Les prix varient — le pins est à 1 euro, la veste des bénévoles à 45 euros, par exemple — et sont fixes. Certains essayent quand même de marchander.À lire aussiLes Jeux olympiques peuvent-ils être (réellement) écolo ?Des acheteurs multirécidivistesCertains produits sont particulièrement demandés, comme les tee-shirts, sacs ou chaussures. Et parmi les acheteurs, il y en a qui multiplient les braderies des JO, comme Alain, qui en est à sa quatrième : « J’ai pris des K-way, j’ai pris des tee-shirts, j’ai pris une montre et aussi des gobelets. J’en ai eu pour 217 euros. »Si quasiment tous les acheteurs ressortent le sourire aux lèvres, d’autres n’ont pas trouvé les produits qu’ils recherchaient. Et à l’extérieur, collés aux barrières, quelques curieux regardent le spectacle. « On est arrivé à 10 heures, la fleur au fusil, ironise ce fan des JO, en se disant que ça passerait et on a appris que des gens étaient là depuis 16 heures la veille. Du coup, on a très vite lâché l’affaire et on profite juste du spectacle, on encourage les gens, c’est incroyable ! La beauté des Jeux dans toute sa splendeur ! »Treize braderies ont déjà eu lieu dans toute la France et plus de 250 000 équipements ont déjà commencé leur seconde vie.À lire aussiL'envers des fripes : pourquoi la seconde main ne fait pas baisser la production de vêtements ?
En France, les personnes étrangères auxquelles l'autorité ne reconnaît pas le droit de séjourner sur le territoire peuvent être enfermées dans des CRA, des Centres de rétention administrative, pour une période maximale de 90 jours, avant un renvoi éventuel vers leur pays d'origine ou vers un pays tiers. Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, souhaite allonger cette période à 210 jours. Une mesure qui fait controverse. Reportage dans un CRA de la région parisienne. Toutes les 10 à 15 minutes, un avion décolle en rasant la cour déserte du centre de rétention du Mesnil-Amelot. Les pistes de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle sont à deux pas. Dans la grande majorité des cas, les expulsions du territoire ne sont pas effectives et les associations, nombreuses à dénoncer ces détentions, estiment en outre qu'allonger la période de rétention n'y changerait rien. Au sein du CRA, des personnes en situation de rétention, des retenus, traînent devant les portes ouvertes de leurs cellules. « On galère, il n'y a pas de télé. Toute la journée, on se regarde entre nous. On joue aux cartes de temps en temps… Il y a du bruit pour rien la journée », déplore un petit groupe. Le manque d'activité et l'angoisse de l'expulsion peuvent exacerber les tensions entre les détenus. À lire aussiFrance: le gouvernement annonce une deuxième loi immigration en moins d'un anLa députée LFI Gabrielle Cathala effectue une visite surprise du CRA. « Les sanitaires sentent très fort l'urine et il y en a qui sont très sales, déplore-t-elle. En plus, il pleut donc la plupart des locaux sont trempés au sol. »La députée noue le dialogue avec des retenus. Ils expriment leur mal-être. Et le désarroi dans lequel les plonge le fait de ne pas savoir quand ils pourront sortir du centre de rétention. « Quand on te dit qu'on va te renvoyer dans ton pays, ça ne va pas être facile pour toi », témoigne un jeune Guinéen, en France depuis six ans. À écouterLes centres de rétention administrative: «Des lieux pires que la prison»Des allers et retours en CRAEn 2023, seul un tiers des retenus du Mesnil-Amelot ont finalement été renvoyés dans leur pays. Comme les deux autres tiers, Mohamad, originaire du Soudan, risque de passer plusieurs semaines enfermés au CRA, puis être remis à la rue. Le jeune homme, sans papiers, ne peut être expulsé vers son pays puisqu'il est en guerre.« J'ai été contrôlé par hasard dans la rue. J'ai été jugé et amené ici. Ils m'ont dit que je devais rester 26 jours, mais après, je ne sais pas s'ils vont prolonger ma rétention ou s'ils vont me laisser sortir », confie Mohamad.À côté de lui, un quinquagénaire, la jambe dans une attelle, alerte l'élue sur sa situation. Depuis quelques années, la vie de cet Ivoirien est une alternance de séjours en rétention et de périodes d'assignation à résidence. En janvier, février et jusqu'à avril, il était déjà retenu. « Je suis sorti le 24 avril. Dès le 25 avril, je devais tous les jours signer au commissariat à 10 h. J'ai signé jusqu'au 5 septembre. Et ils m'ont mis ici. Le préfet a dit que c'est parce qu'il n'avait pas confiance. » L'homme n'est pas expulsé, selon lui, car il n'a pas de documents. D'où ce va-et-vient au CRA.Au bout de 4 heures, la députée met un terme à sa visite avec le sentiment de quitter une machine à enfermer. Une machine enrayée.À écouterÀ Calais, «Mamie Brigitte» recharge les batteries des migrantsCe reportage a été réalisé en suivant la députée LFI, Gabrielle Cathala, lors d'une visite surprise au CRA du Mesnil-Amelot, accompagner un élu étant le seul moyen pour un journaliste d'avoir accès à ce lieu.
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