Écrit et lu en public par Jena Pham Selle en août 2025C’EST NOUS LES ADULTESVous aussi vous avez du grandir avec ces articles de panique de boomers qui se plaignent que les millennials ont tué je sais pas quelle industrie, commerce ou autre. A chaque fois c’est tellement rigolo de trouver les vraies raisons, sans même lire l’article. Genre la vente de bijoux avec des pierres précieuses s’effondre et ce serait « de notre faute ». On reste plus longtemps chez nos parents, on achète moins de maisons, on mange plus de tartines, et à chaque fois c’est parce qu’on serait juste encore de grands enfants qui veulent pas grandir. Clairement de mon point de vue il y a deux facteurs : Le premier c’est que les boomers ont accumulé toutes les richesses en pourrissant le système et en détruisant la planète. En gros il nous reste des miettes qui sont en train de prendre feu spontanément.Quand on n’a pas les moyens d’acheter une maison c’est pas surprenant de se nourrir de tartines ou de squatter ses parents quand on peut, ou la Baudrière quand on doit. Le second facteur, il faut reconnaître que c’est vraiment de notre faute, et j’aime bien. La vente de diamant s’effondre parce qu’on est la première génération qui ne supporte pas de se décorer avec des cailloux minés avec le sang des esclaves. La première génération qui va privilégier les transports en commun parce que c’est égoïste de polluer tout seul dans une voiture cinq places. La première génération qui ne veut pas bosser dans un bureau moche avec des collègues insupportables alors qu’on accomplit des tâches avec plus de d’acuité intellectuelle en pyjama que quand on a passé 45 minutes en transhumance comme des bovins vers l’abattoir. Bref, nous avons une conscience, une éthique, et ça défrise les générations précédentes. Tous ces articles contribuent à nous montrer comme des enfants irrationnels qui tuent le PIB pour des raisons égoïstes. J’aimerais proposer une lecture alternative :C’est nous les adultes. Réalisons que nous sommes majeurs, avec le droit de vote, et nous pourrions vivre vraiment et pas juste traverser l’existence en nous excusant un peu dans un monde qui n’est pas le nôtre. Le monde est à nous et on veut pas nous le rendre. Va falloir se battre pour en prendre le contrôle légitime, parce que c’est nous les adultes. Dans pleins d’occasions nous n’avons plus d’autorisations à demander mais nous n’osons pas faire ce que nous voulons vraiment, parce que (je parle pour moi) on nous a martelé que c’était pas comme ça qu’on fait, faut suivre les règles, faut pas choquer les voisins. Faut pas faire son coming out tant que mamie est en vie. C’est un moyen de garder le contrôle alors que maintenant c’est nous les adultes. Certaines d’entre nous ont même des enfants. Je sais, c’est rigolo de clamer « est-ce que c’est ça être adulte » et donc intégrer qu’on n’en serait pas, mais cette stratégie d’infantilisation fonctionnera tant qu’on la laissera fonctionner. C’est nous les adultes.
Ce texte n'est pas explicitement trans, mais la non-monogamie semble beaucoup plus répandue dans nos communauté, et c'était simple de traduire ce texte en faisant attention à ne pas le genrer inutilement.L'autrice s'appelle Heart, le texte original n'est plus accessible que par Archive :https://web.archive.org/web/20181011021029/http://herdirtylittleheart.com/post/161642088041/ethical-non-monogamy-and-the-full-moonElle poste maintenant sur Patreon : http://patreon.com/herdirtylittleheartTraduit et lu par Jena Phạm SelleLe polyamour et la pleine lune“Ne regarde pas la pleine lune avec elle. Ça me briserait le cœur.” Je sais que ce n’est pas raisonnable, alors je ne demande jamais, mais j’aimerais pouvoir. Je sais qu’il ne faut pas, je sais que la Lune ne m’appartient pas, et ellui non plus. Être sous la lune est une chose différente entre chaque paire de personnes prises au hasard, je sais, mais j’ai l’impression que c’est à moi.Ne la laisse pas se retourner sur l’escalator pour t’embrasser comme je le fais.Ne la laisse pas tracer des arabesques sur ta nuque avec ses ongles après avoir baisé.Ne la laisse pas s’endormir sur ton épaule, dans le creux de ton bras, ce creux qui est d’une forme parfaite pour m’y blottir.Je sais profondément que ce n’est pas que pour moi, ce creux est en forme d’humain, pas en forme de moi, mais si on faisait comme si ? Comme si tu avais été construit juste pour moi, quel rêve sympathique…Faisons comme s’il y avait des règles qui pouvaient nous protéger, comme si, en restant pile dans les bonnes limites, on ne se ferait jamais mal. Faisons comme si on pouvait légiférer nos sentiments, suivre la procédure, faisons comme si un règlement et une page de Choses qu’on ne doit pas faire serait simple, comme une liste de courses. Tu ne regardes jamais la lune avec elle et je ne laisserai personne écarter les mèches rebelles de mon visage. Je ne laisserai personne m’embrasser les orteils, ou cacher mon visage pendant les films d’horreur. Je ne danserai jamais un slow dans la cuisine avec quelqu’un d’autre que toi. Jusqu’à ce que je danse, dans une autre cuisine, avec quelqu’un qui n’est pas toi. La danse est différente, bien sûr. Iel ne me tient pas comme tu me tiens, iel était en train de préparer le dîner, et je l’ai touché·e, ça l’a attiré·e vers moi, et sans nous en rendre compte, nous étions en train de danser. Ça ne ressemble pas à une imitation, ni à une invasion de notre espace, de ton espace, de mon espace avec toi. Ça n’est rien d’autre qu’une danse avec quelqu’un d’autre. C’est intrinsèquement formidable, et complètement différent.Voilà pourquoi ce serait une règle stupide ; on peut interdire une activité, mais on ne peut pas contrôler l’intimité entre deux personnes, la façon dont un acte arbitraire peut sembler magique, l’alchimie, qui opère. Ces choses ne sont pas des compartiments qu’on peut fermer ou barricader, ce sont des expériences de vie, des moments vécus. Ce sont des blocs de construction de connexions que ni toi, ni moi ne pouvons prévoir. Il faut que nous ayons confiance dans ce que nous avons construit ensemble, et toutes les façons uniques de nous donner du bonheur réciproque. La lune sera magnifique ce soir, que tu tiennes ma main ou une autre pendant que tu regardes le ciel. Et quand il y a un feu d’artifice entre deux personnes, on n’a pas vraiment besoin de la lune pour le voir.Voilà notre règle : nous pouvons ressentir ce que nous ressentons.
Ce texte a été écrit en anglais par Margaret Killjoy en 2019, sur son blog Birds Before the Storm. Elle l’a republié dans sa newsletter, ici : https://margaretkilljoy.substack.com/p/afraid-of-the-woman-in-the-mirror Le texte est traduit et lu par Jena Phạm Selle.
Ce texte a été écrit par Anne Ferret pour le recueil de textes #1 Altfem : écrire pour les sœurs. https://www.editionslesgrillages.com/product/anthologie-transfem-1-ecrire-pour-les-soeurs Il est lu par l’autrice. Vous pouvez la retrouver dans son podcast Polycule·s et sur son site https://ombremad.lesbienn.es/