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Vivre FM - Science et conscience

19 Episodes
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Elisabeth ZUCMAN, a longtemps travaillé auprès des enfants et adolescents polyhandicapés. S'appuyant sur son expérience professionnelle et sur la réflexion d'un groupe de parents et de professionnels des Amis de Karen qu'elle animait, elle vient de publier, en avril 2012, aux Editions ERES, un livre intitulé: "Personnes handicapées, personnes valides ensemble, semblables et différentes". Face aux enfants polyhandicapés, les professionnels voient d'abord les différences fondées sur les multiples déficiences à réduire ou compenser et en arrivent à oublier qu'ils sont aussi semblables aux autres enfants de leur âge. Généralisant ce constat, Elisabeth ZUCMAN nous appelle à rééquilibrer notre regard : ne pas nier la différence mais ne pas la laisser envahir tout le champ de la rencontre.
Le domicile constitue un révélateur du handicap ou de la dépendance au quotidien, à travers une variété de façons de "faire avec" les difficultés de tous ordres que ces états imposent. Antoine HENNION, chercheur au Centre de sociologie de l'innovation de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, nous fait vivre ces expériences à travers deux séries d'études de cas. La première restitue la vie au quotidien par une observation minutieuse et des entretiens approfondis avec les personnes impliquées: personne dépendante, proches, aidants, réseau social environnant. L'autre suit pendant plusieurs mois, selon une méthode ethnographique, l'activité de trois services d'aide à domicile auprès de personnes atteintes de troubles psychiques ou cognitifs et met en évidence deux notions ambiguës de la relation d'aide : la ruse et la fiction, afin de concilier protection et autonomie.
Notre invité : Jacques Papay, formateur-consultant en travail socialDans le domaine social et médico-social, les pratiques professionnelles sont encore menées en référence à des "catégories". La personne handicapée est réduite à sa déficience (trisomique 21, infirme moteur cérébral...) et les interventions sont déclenchées en fonction de l'appartenance à une catégorie. Jacques PAPAY, formateur-consultant en travail social, qui a une longue expérience d'accompagnement d'équipes, donne des pistes pour développer des pratiques prenant en compte les personnes elles-mêmes. La compréhension des difficultés et des potentialités de ces personnes passe par des mises en situation, d'où le nom de "pratiques situationnelles".Jacques PAPAY explicite la méthodologie de ces pratiques qui visent à créer une dynamique positive pour les personnes, en faisant place à leur expression, en révélant leurs compétences cachées, en développant leurs apprentissages... Il aborde aussi la question complexe de l'évaluation des pratiques.
Virginie GIMBERT et Guillaume MALOCHET, chargés de mission au Centre d'analyse stratégique, sont les coordonnateurs et auteurs d'un rapport intitulé "Les défis de l'accompagnement du grand âge", qui propose une analyse comparée des systèmes de prise en charge de la dépendance dans huit pays développés: Allemagne, Danemark, Etats-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède. Au delà de l'hétérogénéité des systèmes existants, les réformes entreprises par ces pays font apparaître des tendances convergentes. L'objectif de maîtrise des dépenses publiques est globalement partagé. Cet objectif et les préférences des personnes elles-mêmes conduisent à privilégier le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes aussi longtemps que possible. Ceci implique de porter une attention accrue aux aidants familiaux, d'assurer une coordination des intervenants et de repenser le rôle des établissements médicalisés.
Brigitte BERRAT, sociologue, responsable des formations supérieures et de la recherche à l'Institut régional de travail social Ile de France - Montrouge - Neuilly sur Marne, explicite les formes et les causes du non recours aux droits et dispositifs liés au handicap. Pour faire valoir ses droits, il faut certes les connaître, mais cela ne suffit pas: il faut aussi "s'y reconnaître". Or plusieurs formes de refus s'expriment: certains refusent l'identité même de personne handicapée, d'autres ne se reconnaissent pas dans le statut de personne handicapée défini par les commissions, d'autres enfin n'acceptent pas l'offre de prestations ou services qui leur est faite. Ceci montre que les politiques publiques doivent évoluer pour dépasser la logique habituelle d'usagers désignés par des catégories administratives et chercher à satisfaire les attentes de citoyens dotés de droits.
Vololona RABEHARISOA, professeur de sociologie à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, membre du Centre de sociologie de l'innovation, décrypte les modes de participation des organisations de malades à la recherche biomédicale les concernant. Le dialogue entre chercheurs et "usagers" ne va pas de soi. Le modèle classique est celui du soutien, notamment financier, à des spécialistes qui déterminent eux-mêmes les axes de recherche, les malades intervenant comme objets des tests cliniques. Considérant qu'ils ont la légitimité pour parler au nom de leur minorité, certains groupes comme les malades du SIDA ou les sourds s'émancipent du monopole des professionnels. L'exemple de l'AFM montre qu'un modèle partenarial est possible, avec deux caractéristiques: les malades ont un pouvoir sur les stratégies de recherche, ils contribuent à la production de connaissances en apportant leur expérience de la maladie.
Jacques SOURIAU, ancien directeur du Centre de ressources expérimental pour enfants et adultes sourds-aveugles et sourds-malvoyants de Poitiers (CRESAM), nous parle de la surdi-cécité. Ce handicap rare, caractérisé par une double perte sensorielle, constitue un handicap spécifique qui isole la personne et a des impacts significatifs sur la communication, la socialisation, la mobilité, la vie journalière. Les causes sont variées et il existe à la fois des personnes nées sourdes-aveugles et des personnes qui le deviennent au cours de leur vie. Les réponses à apporter pour développer la communication varient considérablement selon les personnes, en faisant toujours une place importante au toucher. Cette variété des systèmes de communication, la souplesse des approches éducatives ou rééducatives, l'attention portée aux réponses aux problèmes pratiques, contribuent au progrès général des connaissances sur le développement humain.
L'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) forme les cadres supérieurs de la santé et du secteur social. Face aux enjeux induits par les évolutions récentes concernant le handicap, l'EHESP a décidé de développer ses activités de formation et de recherche sur le handicap. Après un rapport de faisabilité du projet établi par Denis CHASTENET, chercheur au CNRS et chargé de mission auprès du directeur de l'EHESP, une Maison des sciences sociales du handicap (MSSH) a été créée au sein de l'EHESP, en partenariat avec la CNSA, l'INSERM, le CNRS, l'Ecole Normale Supérieure. Le CTNERHI a été repris par la MSSH le 1er janvier 2011 et les leçons inaugurales des trois chaires de la MSSH ont eu lieu le 23 mars 2012. Denis CHASTENET explicite l'avancée que constitue cette création: il rappelle les enjeux actuels de la question du handicap, analyse les besoins en formation des professionnels, présente la MSSH et trace des perspectives d'avenir.
Dans le domaine social, on met en avant à la fois le droit des usagers et l'accès à la citoyenneté. Or, bien qu'il s'agisse souvent des mêmes personnes, il existe un clivage entre les usagers, que l'on place dans des catégories pour leur apporter des réponses adaptées à leurs difficultés, et les personnes soucieuses de la reconnaissance de leur citoyenneté, qui refusent de se laisser enfermer dans des catégorisations réductrices. C'est cette tension qu'explore l'ouvrage collectif "Usagers ou citoyens? De l'usage des catégories en action sociale et médico-sociale", publié chez Dunod en novembre 2011 et réalisé sous la direction de Marcel JAEGER, titulaire de la chaire de travail social et d'intervention sociale du CNAM. L'ouvrage analyse la façon dont se construisent les catégories, explicite les formes de résistance permettant aux personnes d'échapper au ciblage et montre que ces tensions ont un impact sur le travail social. Marcel JAEGER nous appelle à aller au-delà des catégories et de la thématique de l'usager pour mieux penser la question de la citoyenneté des personnes vulnérables.
Les relations entre art et handicap sont serrées et complexes. L'un et l'autre nous renvoient à l'essentiel de notre humanité. Roger SALBREUX, pédopsychiatre, Secrétaire général du Conseil National Handicap, tente d'élucider ces relations. Il nous fait découvrir "l'art des fous", produit au milieu du 20ème siècle dans les asiles, "l'art brut", découvert et ainsi dénommé par Jean DUBUFFET, les œuvres réalisées par les personnes déficientes mentales dans les ateliers d'arts plastiques des établissements médico-sociaux, et enfin "l'art-thérapie". Il nous montre que le handicap est très présents dans les œuvres artistiques (peintures de BRUEGEL, VELASQUEZ, Francis BACON...) et que plusieurs artistes célèbres étaient ou sont handicapés. La conclusion de Roger SALBREUX est qu'il n'y a pas un "art handicapé", au sens où le handicap pourrait conférer un talent spécifique, mais qu'il existe des "artistes handicapés", dont le talent s'exprime, de façon particulière, dans les diverses formes d'art existantes.
Comment répondre aux besoins de répit et d'accompagnement des aidants familiaux? Les aidants familiaux de personnes atteintes de maladie d'Alzheimer supportent un lourd fardeau. Ils ont besoin de répit et d'accompagnement. Dans le cadre du plan Alzheimer (2008-2011), une expérimentation de dispositifs appelés "plateformes de répit" a été lancée. Alain COLVEZ, Directeur de recherche à l'INSERM, expert scientifique auprès de la CNSA, a participé à une étude d'évaluation de ces « plateformes » et nous en présente les résultats pour 19 d’entre elles, qui peuvent cibler l'aidant (ex: relais à domicile, groupe de parole et de soutien), le couple aidant-aidé (ex: séjour de vacances) ou le malade (ex: accueil de jour ou de nuit en établissement). La mission des plateformes de répit est d'offrir, soit directement, soit en coordonnant des services partenaires, une palette diversifiée de prestations. Mais en fait, la première attente des aidants c’est l'accès à une écoute individuelle, la prise en considération de leur parole, l'établissement d'un lien suivi avec un professionnel averti de leurs difficultés.
Nadia AMROUS, chargée d'études à la DARES, direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du Ministère du Travail, nous présente le bilan 2009, paru en novembre 2011, de l'emploi des travailleurs handicapés dans les établissements du secteur privé soumis à l'OETH (obligation d'emploi des travailleurs handicapés). Il s'agit des 128 000 établissements de plus de 20 salariés. Sur les 9,2 millions de salariés qu'ils emploient, 322 000 sont des travailleurs handicapés. Ce nombre s'accroît au fil des ans, mais, avec un taux d'emploi de 2,7%, on est encore loin des 6%. Toutefois, le comportement des entreprises évolue: elles sont de plus en plus nombreuses (les deux tiers) à employer au moins un travailleur handicapé et de moins en moins nombreuses (seulement 11%) à se contenter d'un versement unique à l'AGEFIPH.
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est à la fois une caisse qui rassemble et répartit les moyens financiers consacrés à l'autonomie des personnes âgées ou handicapées et une agence d'appui technique qui anime le réseau des maisons départementales des personnes handicapées. Elle est dotée d'un conseil scientifique. Marie-Eve JOEL, présidente de ce conseil, en présente les missions. Elle explicite l'appui scientifique que le conseil apporte à l'action de la CNSA et analyse le programme de soutien à la recherche développé par la CNSA en partenariat avec de nombreuses autres institutions. Marie-Eve JOEL est aussi professeur en sciences économiques à l'Université Paris Dauphine et directrice duLaboratoire d'économie et de gestion des organisations de santé (LEGOS). A ce titre, elle souligne la faiblesse de la recherche en économie et gestion dans le domaine de la perte d'autonomie.
Pour rapprocher chercheurs et société, l'exemple de la collaboration entre l'INSERM et les associations de malades.L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est l'organisme public dédié à la recherche sur les maladies humaines, des plus fréquentes aux plus rares. Depuis 2004, l'INSERM développe une démarche de collaboration avec les associations de malades. Dominique DONNET-KAMEL, responsable de la mission INSERM-associations, nous présente cette démarche, dont elle est la plaque tournante. Au delà de l'information et de la communication, cette collaboration prend trois formes: intégration dans les instances de gouvernance et les groupes de travail de l'INSERM, participation aux différentes étapes de la recherche clinique, mise en place de formations en réponse aux demandes. 360 associations françaises sont impliquées. Cette démarche, dont les résultats sont très positifs, doit encore vaincre des réticences des chercheurs et pose la question générale du rapprochement entre la communauté scientifique et la société.
Le SIICLHA (Séminaire Inter Universitaire International sur la Clinique du Handicap) rassemble des universitaires, des chercheurs, des professionnels et des étudiants dont les préoccupations privilégient la dimension psychique des personnes handicapées. Les 9 et 10 décembre 2011, à l'occasion du sixième colloque du SIICLHA, des personnalités du domaine de l'art s'associent à ce réseau pour réfléchir à la rencontre entre ces deux mondes: Art et Handicap. Simone KORFF-SAUSSE, psychanalyste, maître de conférences à l'Université Denis Diderot Paris 7, explicite les questions auxquelles ce colloque cherchera à répondre. Quelles représentations du handicap apparaissent dans l'art et les médias? Que nous enseigne l'art des personnes handicapées quant au processus de création? Qu'est-ce que l'art apporte à la clinique du handicap ?Renseignements sur le site SIICLHA, inscription avant le 2 novembre.
Mark HUNYADI, philosophe, né à Genève, a enseigné la philosophie morale et politique à Genève, au Québec et maintenant à l'Université catholique de Louvain en Belgique. Auteur de plusieurs ouvrages, il développe des travaux sur l'éthique, à la fois fondamentale et appliquée. L'une de ses contributions, consacrée au handicap, figure dans le livre "L'éternel singulier - Questions autour du handicap" paru en novembre 2010 aux Editions du Bord de l'eau, sous le titre "Des personnes singulières à toujours considérer au pluriel". Pour mieux comprendre les différents points de vue sous lesquels chaque handicap particulier peut être appréhendé, il propose la "distinction pronominale": la perspective du Je est celle de la personne handicapée elle-même; la perspective du Tu, c'est le handicap tel qu'il se vit dans la relation d'interaction directe entre la personne handicapée et d'autres personnes; la perspective du Il est celle de l'observateur extérieur, comme les scientifiques et les politiques. Ces points de vue sont irréductibles et doivent être pris en compte de façon plurielle: c'est le point de vue du Nous.
Un point de vue d'anthropologue sur le handicap: dans ce monde médicalisé, le plus important c'est le quotidienEric MINNAERT développe une anthropologie pragmatique en s'immergeant dans différents groupes sociaux. Après plusieurs immersions dans des sociétés traditionnelles, en Afrique et en Australie, il mène des enquêtes dans des organismes d'Etat et des entreprises. Ainsi, apès une longue immersion dans un Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes, il participe à une opération concernant les travailleurs handicapés au sein de Electricité Réseau Distribution France (ERDF): il y a contribué à des rencontres résumées dans le livre "L'éternel singulier - Questions autour du handicap" paru en novembre 2010 et y mène une enquête sur les trajectoires professionnelles des salariés handicapés. Les représentations du corps sont actuellement son terrain de recherches et de propositions. Fort de ses expériences diverses, Eric MINNAERT rappelle que le corps est vu très différemment selon les sociétés. Dans nos sociétés modernes, dégagées des mythes ancestraux, les classifications "technico-médicales" conduisent à une dé-symbolisation du corps et nous font perdre la dimension d'intégration affective. Dans ce monde médicalisé, il plaide pour l'importance du quotidien et pour la qualité de vie.
58 propositions pour améliorer la recherche, la formation et la prévention sur le handicapLe 8 juin, la Conférence Nationale du Handicap a fait une place importante à la recherche sur le handicap et l'une des "mesures-phares" annoncées a été : "Faire du handicap un des axes stratégiques de la recherche en France". La Conférence s'appuyait pour cela sur le premier rapport triennal de l'Observatoire National sur la Formation, la Recherche et l'Innovation sur le Handicap (ONFRIH). Jean-Louis FAURE, président du Conseil d'orientation de l'ONFRIH, nous présente ce rapport. L'ONFRIH a été créé par la loi du 11 février 2005 afin d'améliorer la prise en compte des questions relatives au handicap dans les politiques et programmes relatifs à trois domaines: la recherche et l'innovation, la formation, la prévention. L'ONFRIH a réalisé un état des lieux de l'offre existante sur ces sujets et a formulé des préconisations pour l'améliorer et l'adapter à la nouvelle vision du handicap portée par les textes internationaux et la loi de 2005. Ces préconisations, au nombre d'une vingtaine pour chacun des trois domaines, 58 au total, s'adressent à la fois aux pouvoirs publics et à tous les acteurs de ces domaines.
De la HALDE au Défenseur des Droits, la lutte contre les discriminations dues au handicap continue.Fabienne JEGU, juriste, est responsable santé - handicap à la mission "Lutte contre les Discriminations et Egalité" du Défenseur des Droits qui, en application de la loi du 29 mars 2011, inclut dans son champ de compétences celles de l'ancienne HALDE. S'appuyant sur le rapport 2010 de la HALDE, Fabienne JEGU fait le point sur le handicap comme cause de discrimination. L'état de santé et le handicap restent, depuis que la HALDE existe (loi du 30 décembre 2004), au deuxième rang des critères de discrimination, après l'origine, et représentent environ 20% des réclamations. Fabienne JEGU nous présente des exemples concrets de délibérations concernant le handicap, soit pour traiter des réclamations reçues, soit pour formuler des recommandations générales. Car, au-delà du traitement des cas individuels, l'objectif est de modifier les comportements et les procédures à l'origine des discriminations, ce qui implique que tous les acteurs concernés s'emparent des recommandations et les mettent en pratique. Les finalités de la HALDE resteront celles du Défenseur des Droits.



