DiscoverIci l'EuropeA. González Laya : "L’UE place la défense de l'Ukraine avant la défense de ses intérêts commerciaux"
A. González Laya : "L’UE place la défense de l'Ukraine avant la défense de ses intérêts commerciaux"

A. González Laya : "L’UE place la défense de l'Ukraine avant la défense de ses intérêts commerciaux"

Update: 2025-09-05
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Cette semaine, nous recevons Arancha González Laya, ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole, ainsi que doyenne de la Paris School of International Affairs à Sciences Po. Face à l'imprévisibilité de Donald Trump, une résolution des conflits qui piétine en Ukraine et à Gaza et une croissance économique très lente, la rentrée est morose pour les Européens. 

Le 27 juillet à Turnberry, en Écosse, les États-Unis et l'Union européenne (UE) sont parvenus à un accord sur les droits de douane, après des discussions très difficiles entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Un taux plafond de 15 % a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. 

"Ce n'est pas un bon deal du point de vue économique puisque les termes de cet accord sont déséquilibrés", commente Arancha González Laya. "C'est surtout un mauvais deal d'un point de vue géopolitique car nous normalisons des relations internationales basées sur la loi du plus fort plutôt que sur la loi des règles, des systèmes, des traités et des accords. Nous contribuons aussi à l'affaiblissement d'un ordre international."

"Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien"

L’économiste estime que cet accord a été concédé aux États-Unis dans le but de conserver leur soutien en Ukraine : "La volonté européenne est de placer la défense de l'Ukraine avant la défense des intérêts commerciaux de l'UE. Les Européens ne sont aujourd'hui pas capables de contribuer seuls à la défense de l'Ukraine contre la Russie. Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien. L’accord commercial est le prix à payer pour les garder de notre côté." Elle s’interroge sur le fait de savoir si cela sera suffisant pour s’assurer de ce soutien : "Ce n'est pas non plus garanti."

Selon Arancha González Laya, qui a occupé des postes à responsabilités au sein de l'Organisation mondiale du commerce, ces droits de douane affectent plus les Américains que les Européens : "Cela va augmenter l'inflation aux États-Unis. Je ne crois pas que ce soit un bon deal pour eux. Nous commençons déjà à observer une légère montée des prix aux États-Unis." Elle admet cependant que ces tarifs douaniers ne sont pas non plus favorables à l’UE, car cela "représente un coût supplémentaire pour accéder au marché américain".

Donald Trump a également menacé de représailles les pays européens qui appliqueraient des politiques défavorables aux entreprises américaines de la tech. Selon Arancha González Laya, il n’y a pas de rétropédalage concernant les règles européennes sur le numérique : "Les États membres et les institutions communautaires sont assez conscients du fait que nous ne pouvons pas marchander une décision démocratique issue de nos parlements et de nos citoyens dont l’objectif est de nous protéger dans l'espace digital. [...] Nous devons répondre que ce n'est pas contre les entreprises américaines, ni contre les entreprises chinoises, c'est pour la protection des consommateurs et des citoyens européens."

Quant à savoir si l’UE aura gain de cause face aux Américains sur cette question, la juriste et économiste reconnaît un "choix difficile à faire entre la démocratie européenne et le fait de faire plaisir à l'administration américaine... la deuxième option serait dangereuse : l’opinion publique en Europe est de plus en plus europhile, car elle pense que l'intégration européenne va permettre de mieux nous protéger. Mais si le signal que nous donnons aux Européens, c'est que nous sommes prêts à marchander notre démocratie, cela pourrait mener à de l'euroscepticisme."

"Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne"

Cette semaine, la France a de nouveau convié la coalition des volontaires à Paris afin de discuter de son soutien à l’Ukraine. Alors qu’un accord de paix semble encore lointain, la juriste espagnole reconnaît "une fatigue" du côté des Ukrainiens mais également de l'Europe. "Poutine a menti à Trump quand il lui a dit qu’il allait négocier la paix avec Zelensky. Il ne l'a pas fait et je ne crois pas qu'il ait l'intention de le faire", estime Arancha González Laya. Selon elle, l’UE doit "renforcer la position de l'Ukraine dans cette guerre contre la Russie" : "Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne, mais aussi montrer aux États-Unis que nous ne sommes pas des profiteurs, que nous sommes des acteurs, que nous sommes également prêts à mettre ce qu'il faut sur la table."

Pour ce faire, en 2024 et pour la première fois, une majorité des pays européens a consacré au moins 2 % de son PIB à la défense, conformément à l'objectif fixé par l'Otan. "Il y a des gros efforts européens", poursuit l’ancienne ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, qui est à la traine dans les dépenses de défense.

"L'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains"

En ce qui concerne la guerre à Gaza, "les Européens se rendent compte de la situation insupportable dans laquelle nous nous trouvons", s’émeut Arancha González Laya. "Si nous sommes sérieux en Europe, et si nous sommes responsables vis-à-vis des engagements que nous avons pris avec nos citoyens concernant la protection des droits et des valeurs, nous ne pouvons pas rester sans agir", considère-t-elle. "L’Espagne, avec l’Irlande et la Slovénie, ont reconnu la Palestine il y a un an et demi. Maintenant c’est la France qui se joint à cet effort et en entraine d’autres. Je crois que c'est important de montrer que l'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains."

"C'est un bon accord pour l'UE"

Après 25 années de négociations, la Commission européenne a validé cette semaine un accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, éliminant ainsi la quasi-totalité des droits de douane industriels entre les deux blocs. Selon Bruxelles, l'accord permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de quatre milliards d'euros de droits de douane par an.

Pour Arancha González Laya, cet accord est "indispensable". "D’un point de vue économique, cela nous permet de nous ouvrir à d'autres opportunités pour nos exportateurs. [...] Cela pourra en partie compenser les difficultés que nous aurons à accéder au marché américain. [...] Il y a également un intérêt géopolitique, qui est de construire des partenariats avec d'autres pays, dans d'autres régions du monde, qui ne souhaitent pas un monde divisé entre les Chinois, les Russes et les Américains."

Certains pays européens ainsi que des agriculteurs à travers l’Europe s'opposent à ce projet. Pour les rassurer, Bruxelles a promis de compléter l’accord par un acte juridique visant à renforcer les mesures de sauvegarde sur les produits européens sensibles. "Si jamais il y avait un déséquilibre fondamental dans les marchés européens suite à des importations massives, l'UE pourra y répondre. [...] C'est un bon accord pour l'Union européenne", estime Arancha González Laya.

"Je me préoccupe de l'affaiblissement de la France"

La France, dont le gouvernement pourrait à nouveau tomber dans les jours à venir, est en pleine crise politique depuis les élections européennes de 2024. "Je me préoccupe de l'impact que l'affaiblissement de la France peut avoir dans l'affaiblissement de l'Europe."

Face à une dette publique record, elle appelle à la réforme : "Ne pas faire de réforme en France affaiblit l'économie française, la capacité de la France à redistribuer et à faire en sorte que tous les citoyens s'y retrouvent. Mais elle affaiblit aussi l'Europe dans un moment où elle a besoin d'être forte. [...] La leçon, en France comme ailleurs en Europe, c'est que si nous ne voulons pas devenir subsidiaires d'autres puissances comme la Russie, les États-Unis ou la Chine, il faut faire des réformes et intégrer davantage l’UE", conclut-elle.

Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz

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FRANCE 24