Christophe Ventura (IRIS) - Le vrai adversaire de Bolsonaro ça va être le peuple
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Avec l’élection de Jair Bolsonaro ce dimanche à la tête du Brésil, doit-t-on craindre le retour d’un régime autoritaire ? De quelles marges de manœuvre bénéficie-t-il réellement ? Pour répondre à ces questions Christophe Ventura, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Amérique du Sud était l’invité de La Midinale.
VERBATIM
Sur l’élection de Jair Bolsonaro et les risques pour la démocratie et les libertés
« Il y a un risque évident d’autant plus que Jair Bolsonaro n’est pas le début d’un problème de la démocratie brésilienne : il est le produit d’une crise démocratique qui a déjà commencé il y a au moins deux ans avec la destitution de Dilma Rousseff. »
« Cela a donné naissance à un gouvernement qui a gouverné 2 ans sans être élu pour imposer une politique libérale très dure – et il faut y ajouter l’arrestation de Lula qui était favori de ces dernières élections. »
« Bolsonaro n’est que le sous-produit de cette crise démocratique qui dure depuis 2 ans. »
Sur les contrepouvoirs face à Jair Bolsonaro
« Bolsonaro a relégué le Parti des Travailleurs dans les eaux basses de son électorat. »
« Bolsonaro sera condamné à subir le présidentialisme de coalition, ce qui va l’obliger à avoir un gouvernement basé sur des alliances complètement mouvantes. »
« L’équilibre des institutions au Brésil n’est plus assuré. […] Chaque institution est en conflit avec les autres. […] Les médias par exemple prennent parti et très largement contre la gauche. »
« Le conflit des institutions est la marque de fabrique de la politique au Brésil. Et quand Bolsonaro fait son discours la Constitution à la main, cela veut dire qu’il s’imagine son défenseur et qu’il va remettre de l’ordre dans tout ça. »
« L’institution judiciaire, on va voir : certains disent que le juge qui a inculpé Lula prendrait le ministère de la Justice – on est donc pas dans un contrepouvoir mais plutôt dans une convergence. »
« Le seul réel contrepouvoir est à trouver du côté de mouvement citoyen des femmes contre Bolsonaro – mouvement qui s’est très largement élargi dans les dernières semaines avec des citoyens simplement attachés à la démocratie et à l’exercice de leurs droits. »
Sur les relations de Jair Bolsonaro avec le peuple
« Bolsonaro est populophobe. »
« Le vrai adversaire de Bolsonaro, ça va être le peuple. »
« Ce sont les pauvres qui vont être attaqués par la politique ultralibérale de Bolsonaro. »
« Bolsonaro va réduire et raboter les prestations du système brésilien de retraites. »
« Bolsonaro va assécher par inanition les services publics. »
« Bolsonaro va organiser une offensive très forte pour flexibiliser le monde du travail et réduire les droits salariaux et sociaux de l’ensemble de la population. »
Sur le rapport de Jair Bolsonaro avec les Eglises évangéliques
« Les Eglises évangéliques encadreraient un tiers de l’électorat brésilien. »
« Les Eglises évangéliques sont des acteurs entrepreneuriaux très actifs : ils détiennent énormément d’entreprises, de télévisions… »
Sur le programme de Jair Bolsonaro en matière de relations régionales et internationales
« L’axe avec Trump est très clair : il y a une alliance qui veut se renouer. »
« Pendant sa campagne, Bolsonaro n’a eu de cesse de déclarer sa flamme aux Etats-Unis et à Trump. »
« Steve Bannon, le grand gourou des populismes de droite mondiaux, a suivi la fin de la campagne et a rencontré le fils de Bolsonaro. »
« Bolsonaro veut réarrimer le Brésil dans les courants du libre-échange et du capitalisme mondial auprès des Etats-Unis. »
« La mission qu’aura Bolsonaro, ce sera mettre un coup d’arrêt à la montée en puissance de la Chine. »
« Pour le futur ministre de l’économie, Paulo Guedes, la priorité du Brésil n’est plus le Mercosur c’est-à-dire le marché commun du sud, et encore moins les relations économiques et commerciales avec les pays dits bolivariens (le Venezuela, la Bolovie et Cuba) mais de réaffirmer toutes les possibilités du Brésil en matière de commerce bilatéral. »