DISSIMULATION DES COMPTES PUBLICS AU SÉNÉGAL : LE FMI est-il un co-responsable ?
Description
DISSIMULATION DES COMPTES PUBLICS AU SÉNÉGAL :
LE <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> est-il un co-responsable ?
28 mars 2025
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur Afrocentricity Think Tank
Diffusion 28 avril 2025
Ecouter les échanges sur <acronym title="Radio France International">RFI</acronym> en podcast.
Emission : Afrique Midi : Dette du Sénégal : « On peut douter que le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> n’ait pas été au courant »
Mercredi 26 mars 2025, diffusée 12h30 TU.
Nom du Journaliste : M. Nicolas Sur, Journaliste Radio France Internationale (<acronym title="Radio France International">RFI</acronym>)
Média : <acronym title="Radio France International">RFI</acronym> – M. Laurent Chaffard, Rédacteur en chef du service Afrique, <acronym title="Radio France International">RFI</acronym>
Nom de l’invité à l’émission :
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, économiste et Directeur général d’Afrocentricity Think Tank, basé en Autriche.
Ecouter le débat
Durée de l’émission : 6 mn 15 secondes
Source : https://rfi.my/BWri
Mise en ligne Dossier Afrocentricity Think Tank, 28 mars 2025.
Objet/Thème : Analyse d’Afrocentricity Think Tank : Sénégal, dettes et conditionnalités du <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym>.
1. INTRODUCTION : INVISIBILITE D’UNE PARTIE DE LA DETTE SÉNÉGALAISE
Entre 2019 et 2024, une partie de la dette publique invisible de l’Etat sénégalais et estimée à environ sept (7) milliards de dollars américains ($EU), a été révélée dans un rapport de la Cour des comptes sénégalaise. Le montant de cette dette dite « cachée » ou « dissimulée » a été confirmée par le Fonds Monétaire International (<acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym>)[1], ce qui pose le problème des pratiques financières opaques au sommet de l’Etat sénégalais. Comment situer les responsabilités ? Quelle lutte idéologique en économie se cache derrière ce scandale médiatique ? Et la souveraineté du Peuple sénégalais dans tout ceci ? Des sanctions éventuelles du Conseil d’administration du Fonds monétaire international pourraient concerner qui ? Le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym>, est-il neutre dans cette opération dans laquelle il est partie prenante du début à la fin ? Effectivement, il est possible « de douter que le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> n’ait pas été au courant[2] ».
2. DIVULGATION DE DETTES CACHÉES ET SANCTIONS CIBLANT LES NON-RESPONSABLES
En sous-estimant le montant réel de la dette, les gouvernements passés de Macky Sall ont pu bénéficier de taux d’emprunts plus favorables et dépasser les plafonds autorisés en matière d’endettement.
Or, la sanction consistant en la suspension des prêts du <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> au Sénégal tombe sur le gouvernement sénégalais avec Bassirou Diomaye Faye, Président et d’Ousmane Sonko, Premier Ministre. Les conditionnalités du <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> consistant en la mise en œuvre des réformes pour restaurer la confiance des partenaires internationaux, coprêteurs souvent des crédits <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> posent problème. Les conditionnalités du <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> doivent être revues à la lumière de la transparence retrouvée avec le nouveau gouvernement démocratiquement élu et sur la remise en cause des choix effectués par le précédent gouvernement. Or, la continuité de l’Etat et le respect des engagements de l’Etat demeurent une préoccupation du gouvernement Faye/Sonko. Au-delà de l’esclandre médiatique, le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> qui diffuse une approche libérale des solutions économiques pour rééquilibrer les comptes publics d’un Etat, se retrouve à composer avec un gouvernement de rupture avec justement l’approche libérale.
3. LE RÔLE DE L’ETAT AU SÉNÉGAL : APPROCHE LIBÉRALE OU APPROCHE INTERVENTIONNISTE
Personne au Sénégal ne met en cause la mise en œuvre de réformes proposées pour rétablir les comptes publics. Ce sont les modalités de mise en œuvre qui posent problème, surtout si le modèle sous-jacent d’économie libérale et souvent usurpateur des richesses africaines n’est pas rediscuté. Une alternative à une politique libérale peut se décliner en une politique socialiste, une politique de rupture, et une politique interventionniste, une politique dirigiste, voire un mix entre toutes ces approches. Or, le gouvernement de « rupture » du Sénégal et le parti politique Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF) ne mettent pas en cause le « libre marché », ni la « libre entreprise », ni la « liberté d’entreprendre », ni les « privatisations », ni la « responsabilité individuelle », encore moins le « droit de propriété ». Ce qui est mise en cause est la mise en œuvre unilatérale et sans concertation de ces doctrines contre les intérêts des Peuples africains.
De ce fait, le Pastef[3], le parti politique créé par et dont sont issus le Président et le Premier ministre sénégalais, ne partage pas tous les aprioris libéraux véhiculés par le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> et sous-jacents aux conditionnalités exigées, souvent par intimidation. Au Sénégal, le programme économique du Pastef[4] s’oriente vers une réforme économique axée sur la souveraineté, la justice sociale fondée sur le bon sens en optant pour une approche équilibrée, combinant intervention de l’État et encouragement à l’investissement privé, plutôt qu’une dérégulation pure et simple. Au moins trois points clés sont à retenir et qui font débat avec le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> :
- les modalités des réformes fiscales reposant sur l’élargissement de l’assiette fiscale tout en abaissant progressivement les taux, ce qui pourrait indiquer une volonté de rationaliser les politiques fiscales sans pour autant adopter une dérégulation totale ;
- la bonne gouvernance et la transparence des comptes publics y compris la lutte contre la corruption, ce qui implique un rôle actif de l’État dans la régulation économique et un interventionnisme de l’Etat qui pourrait demander aux anciens dirigeants de rendre des comptes et éventuellement de « rembourser » les dettes non justifiables ;
- le développement endogène comme un modèle économique basé sur les ressources locales et les potentialités nationales, ce qui s’oppose à une dérégulation prônée par le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym>, ce qui favoriserait une ouverture totale aux forces du marché.
La politique économique sous-jacente au parti PASTEF, dont les représentants sont au pouvoir par la volonté démocratique du Peuple sénégalais, tend à réorienter les pratiques de l’Etat sénégalais vers un contrôle plus strict des institutions de l’État sur l’économie, par opposition à la dérégulation typique du libéralisme prônée par le <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym> et les pays contributeurs, souvent membres du conseil d’administration du <acronym title="Fonds Monétaire International">FMI</acronym>.
L’intervention de l’État, selon ceux qui ont lutté pour conquérir le pouvoir au Sénégal, doit nécessairement inclure une juste redistribution des richesses et une protection sociale équitable pour tous. Ce n’est pas faire preuve de populisme mais c’est une marque de souveraineté et de priorité donnée aux citoyens/citoyennes et au nationalisme. Beaucoup pourraient penser qu’il s’agit d’une politique économique socialiste et l’opposer à une politique économique libérale. Mais paradoxalement, le libre marché et la responsabilité individuelle ne sont pas remis en cause par le Gouvernement de rupture.
4. REVISITER LA CORRÉLATION ENTRE LES DETTES ET LES RECETTES ENGRANGÉES PAR L’ETAT
Somme toute, il s’agit en fait d’une politique pragmatique centrée sur l’humain mais qui s’est retrouvée piégée au plan budgétaire par un surendettement par le précédent gouvernement assorti de délai de grâce sur des prêts. Autrement dit, la fin des délais de grâce, -la période où l’on ne rembourse pas encore ses prêts-, a coïncidé avec l’arrivée au pouvoir des représentants du PASTEF. Cela a eu pour conséquence de brider et de neutraliser toutes initiatives importantes au service du Peuple sénégalais y compris sa Diaspora et contenue dans un projet de société à connotation socialiste. Alors, oui, il fallait nécessairement faire des audits, des vérifications pour ne pas porter la responsabilité des engagements passés et surtout être tenus de responsables d’une possible inaction liée à des conditionnalités de remboursement « immédiat » de dettes provisoirement cachées en attendant l’arrivée des recettes des hydrocarbures découverts au large des côtes sénégalaises, ce en coo