DiscoverReportage FranceDes bustes en plâtres, mémoire de l’histoire de l’esclavage à l’île Maurice
Des bustes en plâtres, mémoire de l’histoire de l’esclavage à l’île Maurice

Des bustes en plâtres, mémoire de l’histoire de l’esclavage à l’île Maurice

Update: 2024-10-21
Share

Description

Ce sont des témoignages exceptionnels de l'histoire de l'esclavage. Une cinquantaine de bustes, moulés en 1846 sur d'anciens esclaves, sont regroupés dans l'exposition Visages d'ancêtres. Parmi eux, il y a les aïeux des Lily... Embarqués comme esclaves au Mozambique sur un navire brésilien, ils ont été interceptés par un navire anglais – Le Lily – qui les a amenés à l'île Maurice, où l'esclavage était alors aboli. Aujourd'hui, les descendants qui portent le nom de ce bateau viennent découvrir pour la toute première fois les visages de leurs ancêtres. Un reportage au Château royal de Blois, où l'on peut découvrir cette exposition jusqu'au 1ᵉʳ décembre 2024.

Lorsqu'elle voit les Lily, l'historienne Klara Boyer-Rossol ne peut retenir ses larmes. Enfants, petits-enfants, oncles, neveux, nièces, frères et sœurs… Ils sont tous là, ou presque. Quatre générations ont fait le voyage, habillés comme s’ils célébraient un mariage. Ils sont venus de toute la France et même de l'île Maurice pour rencontrer les bustes moulés de leurs ancêtres.

Cette historienne découvre dans les réserves du Château royal de Blois cette collection inédite : 62 visages, moulés dans du plâtre, par Eugène de Froberville, sur des anciens captifs vivants. Au bout de six ans de recherches, elle identifie 53 bustes. Elle retrouve aussi les descendants de la famille Lily à l'île Maurice et avec le musée de Blois, ils décident, ensemble, de rendre public cette collection.

Eugène de Froberville menait des recherches sur les races en 1846 auprès d'anciens captifs africains, mis en esclavage à l'île Maurice. Ces populations, venues d’Afrique de l’Est, étaient appelées à l’époque « Mozambiques ».  Elles étaient originaires de régions qui correspondent aujourd’hui au Mozambique, à la Tanzanie ou au Malawi.

Pour retracer leur parcours, Eugène de Froberville les a interrogés sur leur pays d'origine, leur langue et il a reconstitué leur visage sous forme de bustes. « Certains suffoquaient littéralement. Ils ne voulaient pas se laisser mouler », explique l'historienne et commissaire de l'exposition Klara Boyer-Rossol.

« Désormais, nous connaîtrons le visage de nos ancêtres »

Dans cette collection de bustes, un seul correspond à celui d’une femme. Elle s'appelait Mulòtiua. Il s’agit de son nom d’origine, le seul recueilli par Eugène de Froberville. Elle avait environ 19 ans lorsqu'elle fut vendue par sa propre famille à des marchands d'esclaves. Le 17 mai 1840, elle fut embarquée à bord du navire brésilien José, qui se rendait à Rio de Janeiro. Intercepté en mer par un bateau britannique Le Lily, Mulòtiua fut amenée à l'île Maurice où elle va travailler comme domestique à Port-Louis.  Et si c'est la seule dont Eugène de Froberville a moulé le visage, cela ne se faisait pas trop de s'isoler et de passer du temps avec une esclave. Cela ne correspondait pas aux mœurs de l'époque, Eugène de Froberville étant issue d'une famille d’aristocrates. Une autre raison, c'est que dans les plantations de canne à sucre, le travail étant dur, la main d'œuvre était principalement masculine.

« Désormais, nous connaîtrons le visage de nos ancêtres ». Cette phrase de Doris Lily, descendante de la famille Lily, trône dans cette exposition. David, Doris, Sarah, Wesley… Tous ces descendants du Lily ont découvert il y a à peine deux ans l’existence de ces bustes qu’ils n’avaient jamais vus. « Je suis soulagée d'apprendre que mes ancêtres n'étaient pas des esclaves » souligne cette infirmière... En 1840, l'esclavage vient d'être aboli il y a déjà cinq ans à l'île Maurice. Pour autant, ces travailleurs engagés comme on les appelle ne seront pas libres de leur mouvement. Ils adresseront une pétition aux autorités britanniques pour pouvoir quitter l'île, ce qui leur sera refusée. 

Une exposition dans laquelle on retrouve également des musiques d'époque

Émus et silencieux face à ces bustes, ils se sont recueillis. Ils ont été heureux de savoir d'où ils viennent, heureux aussi de retrouver une partie de leurs ancêtres même s’ils ne savent pas précisément s'ils appartiennent à la même famille… Car en effet, tous les captifs sur ce bateau s'appellent Lily et la seule manière de leur attribuer un lien de parenté serait de faire des tests ADN (à partir des cheveux par exemple que l'on a retrouvé sur les moulures en plâtre), mais ces analyses ne sont pas fiables à 100 %, elles sont coûteuses et pour l'instant, ils ne sont pas encore prêts à le faire.

Des chants polyphoniques ont été reconstitués à partir des travaux menés au milieu du XIXe siècle par Eugène de Froberville et d'une certaine façon, cela permet d'humaniser ces esclaves et de leur donner une voix.

Cette exposition crée des liens, entre la France et l'ancienne colonie française, l'île Maurice, où ces bustes sont très attendus au Musée intercontinentale de l'esclavage, début 2025.

À lire aussiRDC: la route des esclaves de Kamelie, une histoire congolaise à faire connaître

Comments 
In Channel
loading
00:00
00:00
x

0.5x

0.8x

1.0x

1.25x

1.5x

2.0x

3.0x

Sleep Timer

Off

End of Episode

5 Minutes

10 Minutes

15 Minutes

30 Minutes

45 Minutes

60 Minutes

120 Minutes

Des bustes en plâtres, mémoire de l’histoire de l’esclavage à l’île Maurice

Des bustes en plâtres, mémoire de l’histoire de l’esclavage à l’île Maurice

RFI