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Il y a un an disparaissait Breyten Breytenbach, poète iconique de la révolution sud-africaine

Il y a un an disparaissait Breyten Breytenbach, poète iconique de la révolution sud-africaine

Update: 2025-11-23
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Le poète sud-africain Breyten Breytenbach, disparu en 2024, a laissé en héritage une œuvre protéïforme, profondément subversive et moderniste. À l’occasion du premier anniversaire de la mort du poète, les éditions Seghers publient une anthologie de poèmes les plus représentatifs du poète.

« Je veux un dieu qui sente l’ail et le sperme/ qui fonce à travers les montagnes et les eaux/ qui soit faillible, cruel, humain, affreux,/ adorable comme une forêt de grenadiers dans la nuit argentée/ gras et coiffé d’une tête d’éléphant… »

Ces vers ouvrent le recueil Capturer le vent réunissant une sélection de textes du grand poète sud-africain Breyten Breytenbach, disparu l’année dernière, à l’âge de 85 ans. Le recueil est préfacé par John Maxwell Coetzee, autre géant des lettres sud-africaines qui rappelle que Breytenbach était « le plus grand poète afrikaner de sa génération ».

A la fois poète et activiste, l’homme a profondément marqué l’imaginaire sud-africain, avec deux ou trois générations de Sud-africains qui ont grandi l’écoutant déclamer sa poésie et aussi dénoncer les injustices du régime d’apartheid. Depuis la parution de son premier recueil en 1964, on n’a jamais cessé de lire sa poésie, même au plus fort du régime d’apartheid dont Breytenbach fut un critique farouche.

« Le paradoxe est que, souligne Georges Lory, même quand il était emprisonné – rappelons qu’il est resté sept ans et demi en pension, - on continuait dans les écoles à étudier ses poèmes. Il y a un hiatus entre l’homme politique qu’il a été et le poète remarquable qu’il est resté, quoi qu’on pense de ses prises de position à lui. »

Un écrivain moderniste

Né en 1939 dans la province du Cap, Breytenbach a passé l’essentiel de sa vie en exil à Paris. C’était un homme à multiples talents. Poète, peintre, homme de théâtre, romancier, mémorialiste, il est l’auteur d’une cinquantaine de livres, dont plusieurs recueils de poésies aux titres modernistes. Leurs titres : Lady One (2002), Voix – Voice over (2010), La femme dans le soleil (2015), La main qui chante (2020)… Son premier recueil de poèmes, d’inspiration bouddhiste, s’intitulait : La vache de fer doit suer (1964).

« Apparemment, explique Lory, c’est une maxime qui veut dire qu’il faut essayer des choses impossibles. Breytenbach a toujours été impressionné et admiratif de la méditation zen. Dès cette parution, il a été primé et d’emblée, il apportait un souffle complètement nouveau. Justement, cette inspiration de l’Orient, d’une sagesse et d’une philosophie qu’on ne connaissait pas en Afrique du Sud. »

Dans les années 1960 lorsque Breytenbach a embrassé la carrière d’écrivain, le mouvement littéraire des « Sestigers » battait son plein. Sa doctrine révolutionnaire a profondément marqué les lettres sud-africaines. Qui étaient les « Sestigers » ?

« C’est une génération qui s’est rebellée contre la génération précédente et qui s’est cristallisée autour de l’apartheid, déclare Georges Lory. Les écrivains afrikaners des années, mettons à partir des années 1955 – 1960, se sont violemment opposés à l’apartheid et rejeté la façon classique de faire de la littérature dans un système politique qui devenait de plus en plus fascisant. C’était des gens qui voulaient secouer le calvinisme puritain qui fleurissait à l’époque. On veut parler de sexualité, d’amitié interraciale. On veut parler d’une société beaucoup plus libre que cette société extrêmement pesante qui régnait dans les années 1950. Les plus connus sont André Brink, Etienne Leroux , Ingrid Jonker qui a été l’égérie de Brink pendant quelques années. Breytenbach était un sestiger malgré lui, pour la bonne et belle raison qu’il était parti dans les années 1960, quand ce mouvement a été le plus actif. »

Chape de plomb

En 1960, alors qu’il n’a que 20 ans, son rejet de la ségrégation pousse Breytenbach à abandonner ses études et à quitter l’Afrique du Sud. Il suffoquait, a-t-il raconté, sous la chape de plomb de la société ségrégationniste, régie par un calvinisme étroit. Il voyage en Europe, puis s’installe à Paris où il rencontre celle qui deviendra son épouse : Yolande Ngo Thi Hoang Lien, d’origine vietnamienne. Ce sera désormais quasi impossible pour le poète de retourner en Afrique du Sud où les mariages interraciaux étaient interdits et passibles de prison.

Alors, c’est clandestinement qu’il retourne au pays en 1975 pour faire connaître le réseau anti-apartheid Okhela qu’il avait fondé à Paris, un mouvement proche de l’ANC. Il est arrêté, jugé pour terrorisme. Il passera sept ans en prison, dont deux en isolement, avant d’être libéré en 1982, grâce à l’intervention du président français François Mitterrand.

Son expérience de prison a inspiré à Breytenbach quelques-uns de ses livres en prose les plus connus, dont Confession véridique d’un terroriste albinos. Il est question dans ces mémoires de la richesse de la vie intérieure, mais aussi des interrogations sur l’identité afrikaner égarée dans les impasses et obsessions de la pureté raciale que théorisaient les tenants de l’apartheid. Critique infatigable de la pensée identitaire monolithique, Breytenbach a souvent choqué ses compatriotes en affirmant que les Afrikaners étaient « un peuple bâtard avec une langue bâtarde. Voilà qui est beau et bon ».

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Les interrogations sur les origines, doublées de la capacité d’indignation du poète face aux errements du monde, portées par des « métaphores stupéfiantes » selon les admirateurs du poète, traversent les pages de Capturer le vent, un recueil représentatif de l’originalité de la poésie de Breytenbach. Dans ces pages résonnent aussi, « la langue afrikaans dans toute sa vigueur, sa souplesse, sa capacité à affirmer le monde et son étonnante aspiration à la beauté », comme l’écrit Coetzee dans sa belle et fraternelle préface à l’anthologie de son compatriote.  

► Capturer le vent, par Breyten Breytenbach. Traduit par Georges Lory. Edition bilingue français-afrikaans, 159 pages, 15 euros. (Date de parution : février 2026)

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RFI