DiscoverIci l'EuropeManon Aubry : "Dès qu’on laisse un bout de terrain à l’extrême droite, elle progresse"
Manon Aubry : "Dès qu’on laisse un bout de terrain à l’extrême droite, elle progresse"

Manon Aubry : "Dès qu’on laisse un bout de terrain à l’extrême droite, elle progresse"

Update: 2024-07-19
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Cette semaine, le Parlement européen à Strasbourg a été le théâtre de moments forts marquant la rentrée parlementaire. Les 720 nouveaux élus ont notamment reconduit Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne avec 401 voix pour et 284 contre. Une autre figure importante, la maltaise Roberta Metsola a elle aussi été reconfirmée à la présidence du Parlement européen, consolidant ainsi son leadership. Mais au milieu de ces événements, des voix dissonantes se sont élevées pour critiquer la situation politique actuelle, tant en France qu'au sein de l'Union européenne. Parmi elles, Manon Aubry, coprésidente du groupe La Gauche au Parlement européen, a livré une analyse incisive.

Interrogée sur la situation politique française, Manon Aubry n'a pas mâché ses mots. "On a une forme de monarque républicain", a-t-elle déclaré à propos du président Emmanuel Macron. Selon elle, le président français a utilisé des "combines politiciennes" pour maintenir son gouvernement malgré les élections législatives défavorables à sa majorité. Elle a critiqué la récente élection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l'Assemblée nationale, soutenue selon elle par "des manœuvres politiques douteuses et l'appui de ministres démissionnaires : cela pose une question fondamentale de séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. au final, le sentiment que ça donne, c'est de s'être fait voler l'élection. Les Françaises et les Français ont voté à trois reprises pour défaire Emmanuel Macron lors des élections européennes et lors des deux tours des élections législatives. Ils se réveillent un mois plus tard. Ils ont le même gouvernement et ils ont une présidente de l'Assemblée nationale qui est macroniste alors que les Français n'en veulent plus".

Manon Aubry a également abordé les critiques adressées au Nouveau Front populaire, l'incapacité à désigner un candidat au poste de Premier ministre. Elle a rejeté la responsabilité sur Emmanuel Macron, l'accusant de confisquer le résultat des urnes : "C'est un coup de force antidémocratique, sans précédent qui doit ne réveiller aujourd’hui pas seulement les électrices et les électeurs du Nouveau Front populaire, mais tous les démocrates de ce pays qui sont attachés à ce que la voix qu'on exprime dans les urnes parle et soit suivie d'effets. Sinon à quoi bon aller voter ?" s’insurge-t-elle. Pour elle, former une coalition avec les macronistes ou l'extrême droite était inconcevable, soulignant les divergences profondes sur des sujets clés comme la réforme des retraites et les droits sociaux. "C’est désormais la responsabilité d'Emmanuel Macron d'appeler les responsables politiques du Nouveau Front populaire et de revenir à la raison plutôt que de passer en force comme il le fait", estime-t-elle.

En ce qui concerne la réélection d'Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne, Manon Aubry et son groupe ont voté contre. La co-présidente de La Gauche au Parlement européen a critiqué le bilan d'Ursula von der Leyen : "Elle a réimposé l'austérité budgétaire qui se traduit par des coupes sans précédent dans nos services publics et notre protection sociale. C'est, dans le cas de la France, plus de 25 milliards d'euros, alors qu'une procédure pour déficit excessif vient d'être lancée par l'Union européenne", argumente-t-elle. Manon Aubry a également dénoncé une politique internationale à deux vitesses, avec un soutien ferme à l'Ukraine mais une indulgence vis-à-vis de Benjamin Netanyahu et de ses actions à Gaza : "À aucun moment, Ursula von der Leyen n'a pris les mesures qui s'imposaient, c'est à dire des sanctions à l'égard du gouvernement de Benjamin Netanyahu, un embargo sur l'envoi d'armes et la suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, alors qu'elle n'hésite pas une seconde à prendre des sanctions, là aussi à raison, contre le régime russe. Vous voyez ce deux poids, deux mesures ? Il est insupportable", déplore Manon Aubry.

Manon Aubry a aussi pointé du doigt l'opacité au sein des institutions européennes, illustrée par l'affaire des SMS entre Ursula von der Leyen et le patron du géant pharmaceutique Pfizer concernant les contrats d'achat de vaccins. "Quand nous avons demandé l'accès public à ces contrats, on se souvient tous. On a eu des documents qui étaient largement barrés en noir et donc l'information n'était pas publique. Et la Cour de justice européenne, à juste titre, demande des comptes à la présidente de la Commission européenne et a jugé que la non divulgation de ces contrats était contraire au droit européen", rappelle-t-elle. "Et en cela, je l'ai dit très clairement, la place d'Ursula von der Leyen n'aurait pas dû être à cet instant, devant les députés européens à se présenter, puisqu'elle venait tout juste la veille de demander le report de ce vote par la Cour de justice européenne", explique Manon Aubry, rappelant par la même occasion que selon elle, les institutions n’ont pas appris du Qatargate, ce scandale de corruption qui a bousculé le Parlement européen en janvier 2023. "Tout est encore comme avant", assure-t-elle.

Enfin la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne par la Hongrie de Viktor Orban pose également problème selon la co-présidente de La Gauche au Parlement européen. "Elle est utilisée pour servir son projet d'extrême droite qui est, en beaucoup de points, similaire à celui de Jordan Bardella en France, qui siège désormais dans le même groupe au Parlement européen. Ça doit nous interroger collectivement sur la stratégie de résistance aussi contre l'extrême droite", alerte-t-elle, alors que pour la première fois deux vice-présidents du Parlement européen sont désormais issus du groupe de droite radicale ECR. "Je vois la tentation de la droite, mais aussi d'une partie des libéraux et même parfois de la gauche, à vouloir finalement se dire que, bon, ce sont des opposants politiques comme les autres et qu'on doit les traiter comme les autres […] Eh bien, à chaque fois qu'on laisse même une once de terrain, ce tout petit bout d'ongle à l'extrême droite, et bien l'extrême droite continue de progresser", conclut-elle.

 

Emission préparée par Sophie Samaille, Perrine Desplats, Isabelle Romero et Elitsa Gadeva

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FRANCE 24