Ukraine, Palestine, Iran... le président Emmanuel Macron s'exprime sur RFI et France24
Description
À l’occasion de la reconnaissance officielle de l’État de Palestine par la France, lors de la 80e Assemblée générale de l’ONU à New York, le président Emmanuel Macron accorde une interview à France 24 et RFI. Il répond aux questions d’Élisabeth Allain (France 24) et d’Arnaud Pontus (RFI) sur la Palestine et la situation au Proche-Orient, ainsi que sur la guerre en Ukraine et le dossier iranien.
France 24 / RFI : Monsieur le Président, bonjour.
Emmanuel Macron : Bonjour.
Merci beaucoup d'avoir accepté de répondre aux questions de France 24 et de RFI pour cet entretien exceptionnel. Vous nous recevez, ici, à New York, comme se plaisent à dire les Américains, à quelques blocs du siège de l'ONU où a lieu, cette semaine, l'Assemblée générale des Nations unies. On va évidemment revenir ensemble, tous les trois, sur les grandes questions qui agitent, qui bouleversent le monde en ce moment, et je serai accompagné de mon confrère de RFI, Arnaud Pontus.
Évidemment, on va revenir sur ce qui se passe ici. New York, capitale du monde, le temps d'une semaine, qui reçoit les présidents. Vous vous parlez, vous vous rencontrez, vous négociez aussi en coulisses, on va y revenir dans quelques instants, vous prononcez des discours. Évidemment, on va vous interroger sur la reconnaissance de la Palestine par la France. Mais d'abord, une question à chaud sur les toutes dernières déclarations de Donald Trump, c'était hier soir concernant l'Ukraine. Donald Trump qui a déclaré : « L'Ukraine pourrait regagner son territoire dans sa forme originelle et peut-être même aller plus loin. » Volodymyr Zelensky a très vite réagi, saluant un grand tournant. Et vous, Monsieur le président, est-ce que vous vous félicitez de cette volte-face ? Est-ce que vous le voyez comme ça déjà, comme une volte-face ?
Je pense que c'est un message très clair du président américain pour dire que la Russie est sans doute plus faible, plus fragile que beaucoup ne l'ont dit, qu’il a pu parfois le penser. Donc, c'est intéressant de voir que l'analyse change. Et la deuxième chose, c'est de saluer la résistance des Ukrainiens et donc leur capacité d'abord à tenir leur territoire et donc peut-être à en reprendre.
Les Russes ont gagné 1% depuis l'été. C'est peu.
Pour qu'on se dise bien les choses... Février 2022, vous avez l'offensive russe qui arrive jusqu'à Kiev, qui aurait pu prendre tout le pays. C'était cette opération spéciale qui devait durer trois semaines. Il y a ensuite la contre-offensive ukrainienne qui est menée à l'été 2022, et on commence à aider, et le front se stabilise en novembre 2022. Depuis novembre 2022 jusqu'à aujourd'hui, 1% du territoire a été pris par l'armée russe, 1%. Depuis novembre 2022, c'est ça la réalité. Donc, il y a énormément de morts et de blessés...
Ce ne sont pas les chiffres qu'on a. On a 20%, 20% du territoire grignoté par l'armée russe et 1% depuis l'été. Ça s’est stabilisé.
Vous avez presque 20% qui sont pris, si on prend les choses depuis le début. Mais ce que je dis, c'est que depuis que le front est stabilisé en novembre 2022 jusqu'à aujourd'hui. Et, ce qui vous montre que, à partir du moment où le front a été stabilisé et où les Ukrainiens se sont mis à résister, et où nous avons soutenu l'armée ukrainienne dans ses forces de résistance, elle a très bien tenu face à l'armée russe. Et donc, ça veut dire qu'aujourd'hui, les États-Unis d'Amérique et le président Trump, très clairement, ont une perspective nouvelle. Et là où il disait « les choses doivent se faire vite, parce que la situation est très dure », il constate une capacité de l'armée russe à résister. Il constate la capacité de l'armée ukrainienne à résister. Il constate notre capacité collective à faire encore davantage. Et je pense que c'est très important, parce que les États-Unis d'Amérique sont des fournisseurs d'équipements défensifs et offensifs très importants.
On ne peut pas se passer des Américains très clairement.
Aujourd'hui, l'Europe fait le plus gros de l'effort – nous tous, Européens –, mais on a besoin d'équipement et de soutien américain, comme il y en a depuis le premier jour. Et donc, c'est important cet engagement, parce que c'est celui qui va permettre de résister encore davantage, voire de reprendre du territoire. Et je pense que le changement de regard sur l'économie russe et la capacité de la Russie à tenir cet effort de guerre est aussi un point important.
La vraie question qu'on se pose au lendemain de ces mots du président américain, c'est : est-ce qu'on peut lui faire confiance ? Est-ce que vous lui faites confiance aujourd'hui ?
Nous devons tous être engagés. Et donc, vous l'avez vu depuis le mois de février de cette année, quand des doutes sont apparus ou quand on a craint qu'une paix trop rapide, qui serait presque une capitulation de l'Ukraine, soit forcée, j'ai réuni à Paris plusieurs collègues et nous avons structuré progressivement cette « Coalition des volontaires », qui est codirigée par le Royaume-Uni et la France. Trente-cinq États. Et cela va du Canada à l'Australie. Bon, nous avons fait une programmation, une planification militaire, pour dire le jour où une paix est signée…
Sur l’après-guerre...
Paix ou cessez-le-feu. Mais ce qui est très important, quand la question du cessez-le-feu ou d'une trêve est abordée, voilà les garanties de sécurité qu'on fournit à l'Ukraine. Et donc, on se met en capacité de soutenir l'armée ukrainienne, de déployer des forces qui garantissent qu'il n'y ait plus d'agression. Premièrement, après ce qui s'est dit hier, c'est l'engagement des États-Unis d'Amérique à nos côtés, dans cette « Coalition des volontaires ».
Vous le voyez comme un engagement ?
Mais maintenant, on va y travailler. Et deuxièmement, c'est notre capacité collective à accroître la pression sur la Russie pour que, compte tenu de ce qui a été dit hier, compte tenu de ce que nous voyons sur le terrain, elle revienne à une table de négociation et qu'on essaie de trouver un arrangement.
Est-ce que vous voyez la perspective d'un cessez-le-feu rapide ? Est-ce qu'un cessez-le-feu est à portée de main ?
Non, je ne vous dirai pas aujourd'hui qu'un cessez-le-feu est à portée de main. Nous avons vu la disponibilité du président Zelensky depuis le mois de mars. Il dit qu'il est prêt. Et il a été, il l'a dit dès le rendez-vous à Jeddah, il l'a réitéré à plusieurs reprises, mais je ne vois pas de disponibilité de la part du président Poutine.
Le président Poutine ne veut pas la paix ? Toujours pas ?
Nous n'avons en tout cas aucune indication aujourd'hui qu'il la voudrait davantage qu'hier.
La rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, on a tiré un trait dessus ?
Je pense qu'il ne faut jamais tirer un trait dessus. Il y a déjà eu une rencontre de ce type. La seule. Elle était à Paris, en décembre 2019. Et elle avait d'ailleurs permis de produire plusieurs effets. Je pense et j'espère que ce moment viendra.
Vous l’espériez en août, d’ici la fin août. Nous sommes en septembre…
Ça ne dépend pas que de nous…
Nous l'entendons.
Ça ne dépend pas non plus que du président Zelensky, mais je ne vois pas aujourd'hui, en tout cas à court terme, cette perspective. On va voir si la pression qui est mise permet de réengager les choses. En tout cas, je le souhaite, parce que ça sauverait des vies, parce que ça permet de rentrer dans une négociation sur à la fois les territoires, les garanties de sécurité et la sécurité du continent européen.
Justement, parce que la pression, elle va dans les deux sens. Les Russes mettent aussi la pression aux Européens. Ils nous testent même. Je rappelle quelques dates : trois incidents en dix jours. Pologne, 10 septembre, une vingtaine de drones russes qui franchissent la frontière, qui violent l'espace aérien. Roumanie, 14 septembre, un drone russe. Estonie, 19 septembre, trois avions de combat sont restés douze minutes dans le ciel estonien. L'Otan n'a pas réagi. Jusqu'où on laisse faire comme ça ?
D'abord, l'Otan a réagi, de manière proportionnée, mais à chaque fois en, d'une part, dénonçant, en convoquant des réunions de coordination telles qu'elles sont prévues par les textes et en rehaussant sa posture de défense. La France et le Royaume-Uni, par exemple, ont contribué en envoyant des Rafale, pour notre part supplémentaire, pour la police de l'air en Pologne.
Mais est-ce que c'est suffisant, Monsieur le Président ?
Face à ces provocations...
Vous dites « proportionnée », ça vous semblait être la bonne réponse ?
Oui, parce qu’on voit bien que ce sont des tests. La question, on ne va pas ouvrir le feu face à cela. Donc, le...
Le Premier ministre polonais l'évoque.
Il l'évoque s'il y a à nouveau des incursions…
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