Valérie Hayer : "Orban porte des messages opposés à la position UE !"
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Alors que les élections législatives françaises n’ont pas porté le Rassemblement national au pouvoir, elles n’ont pas non plus été remportées par le parti présidentiel, Renaissance. Un nouveau revers pour le parti d’Emmanuel Macron après les mauvais résultats électoraux des élections européennes, où le groupe Renew Europe est tombé de 103 à 77 élus. Il devient la cinquième force politique du Parlement européen, derrière un nouveau groupe d’extrême droite "les Patriotes pour l’Europe". La présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen, Valérie Hayer, revient sur ces élections et l’avenir de son groupe au sein de l'hémicycle.
"L'enjeu principal de ces élections et du résultat des élections législatives du 7 juillet était de faire barrage à l'extrême droite", rappelle l'eurodéputée française du groupe Renew Europe. "Je vois les dégâts causés par l'extrême droite partout en Europe : en Hongrie, avec Viktor Orban ou dans d'autres pays en Pologne avec le PiS, donc on avait un enjeu majeur pour notre pays, pour notre République, pour notre engagement européen, à s'assurer que l'extrême droite n'accède pas au pouvoir."
Mais alors qu’aucun bloc n’a remporté la majorité à l’Assemblée nationale, Valérie Hayer reste prudente : "Tout reste à faire", estime-t-elle. "J'appelle toutes les forces républicaines, démocratiques, pro-européennes à se mettre autour de la table et à travailler sur un programme commun, par-delà leurs divisions, par-delà leurs divergences, par-delà leurs différences, dans l'intérêt du pays. C'est absolument nécessaire" : elle appelle à des coalitions dans l’Hexagone, en rappelant que c’est de cette manière que les groupes travaillent quotidiennement au sein du Parlement européen.
Pour la présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen, il en va de l’impact de la France sur la scène européenne : "l'influence de la France se joue à trois niveaux. D'abord le Parlement européen, et c'était important pour nous de préserver la présidence du groupe Renew. Parce que nous sommes le groupe centriste, central. Aucune majorité ne peut se faire sans nous. Donc on a une influence française qui est importante dans ce groupe en particulier, il y a l'engagement du président de la République. Et Emmanuel Macron est vu, indépendamment de la situation politique française, partout en Europe par les pro-européens comme le leader européen, le seul à avoir une vision du projet européen. [...] Mes collègues européens sont inquiets de la situation politique française, mais ils attendent encore beaucoup d'Emmanuel Macron, de la voix qu'il porte et de son leadership", estime-t-elle.
Celle qui n’a réussi à mobiliser que 14 % des Français lors des élections européennes du 9 juin le reconnaît : "Évidemment que j'aurais aimé que le score soit meilleur. Évidemment que j'aurais aimé que l'écart avec l'extrême droite soit bien inférieur et que j'aurais même aimé qu'on soit devant. Évidemment, la réalité politique, c'est celle-ci, il faut en tirer les enseignements, tant au niveau européen qu'au niveau national. Ça a été une immense responsabilité, une immense fierté, un immense honneur pour moi que de mener cette liste."
Quelques jours après la création du groupe "Patriotes pour l’Europe", composé de 84 eurodéputés d’extrême droite et mené par le président du Rassemblement national en France, Jordan Bardella, Valérie Hayer reste ferme : "Ils ne seront jamais en capacité de former une majorité au Parlement européen. Ils n'ont même pas une minorité de blocage. Donc en termes d'influence concrète sur les politiques publiques qu'on va mener, ça ne change absolument rien. Par ailleurs, Jordan Bardella s'est fait élire président de son groupe sans même avoir mis les pieds au Parlement européen. [...] Et ce groupe, quand on regarde ses alliés pendant toute la campagne des européennes et même pendant la campagne des législatives [...] il s'allie avec les pires eurosceptiques, avec des pro-Poutine assumés, avec Viktor Orban qui, alors même qu'il assure la présidence tournante de l'Union européenne depuis quelques jours, va faire une tournée et va voir Vladimir Poutine pour une soi-disant mission de paix alors qu'on sait ses accointances avec Vladimir Poutine et son absence de soutien à l'Ukraine", fulmine la présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen.
Valérie Hayer poursuit avec véhémence à propos de Viktor Orban, alors que la Hongrie a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE pour six mois le 1er juillet dernier : "On savait que cette présidence allait être particulière au Parlement européen. On avait déjà alerté. J'avais alerté mon groupe en disant qu'on ne peut pas laisser Viktor Orban présider parce qu’il piétine l'État de droit. [...] À peine cinq jours après le début de sa présidence, il est déjà aux responsabilités et il se permet, au nom de l'Europe d'aller voir Vladimir Poutine, Donald Trump, Xi Jinping. Il porte des messages opposés à la position formelle de l'Union européenne. C'est scandaleux." Serait-il possible de boycotter des réunions informelles de l'UE prévues en Hongrie ? "Oui, on peut envisager ça", acquiesce-t-elle, "mais moi, je pense d'abord qu'il faut une décision politique des États en disant à Viktor Orban 'vous ne pouvez pas assumer la présidence de l'Union européenne' et on met quelqu'un d'autre à la place", tranche-t-elle.
À quelques jours de la session constitutive à Strasbourg durant laquelle les 720 nouveaux députés européens seront amenés à voter la confiance sur la présidence d’Ursula von der Leyen à la Commission européenne, la députée européenne Renew Europe détaille ses exigences : "On a des demandes qui sont fortes. [...] D'abord aucun lien de près ou de loin avec l'extrême droite, quelle qu'elle soit : il y a le groupe de Giorgia Meloni, dans lequel siègent une partie des élus Reconquête! mais aussi les Polonais du PiS, qui ont saccagé l'État de droit à l'époque où ils étaient en responsabilité en Pologne. On exige d'Ursula von der Leyen qu'elle ne fasse aucun deal, aucune alliance politique avec eux, donc qu'on soit vraiment sur une coalition, une plateforme de soutien qui soit celle des pro-européens pour continuer de prolonger le projet." Ce projet, Valérie Hayer le précise et l’affirme, il s'agit "d'avancer sur la protection de l'État de droit, sur les enjeux de compétitivité, de réindustrialisation, de défense et de soutien à l'Ukraine. Donc, on a demandé à Ursula von der Leyen des engagements forts. Parmi les demandes qu'on lui a faites : ne pas détricoter le Pacte vert et prolonger pour accompagner socialement le Pacte vert. [...] Mais on a aussi une responsabilité collective à ce qu'on n'ait pas de chaos institutionnel dans les prochains jours. Et pour ça, il faut qu'elle prenne des engagements très fermes à la fois sur l'absence de deal avec l'extrême droite et aussi sur les priorités politiques", conclut-elle.
Émission préparée par Sophie Samaille, Perrine Desplats, Isabelle Romero et Elitsa Gadeva