Le cinéma de Lynch voit double en concevant ses personnages. D'un côté, le geste de l'artiste, modelant ses créatures et animant des figures, jusqu'à les transformer. De l'autre, le désir du metteur en scène de s'attacher au corps d'un acteur, de le rediriger vers un autre rôle, de changer son image. Miroitement incessant entre création et fiction qui reflète les troubles du sujet, d'Eraserhead à Inland Empire.
Film sur le double, la dualité, les reflets, Mulholland Drive a lui-même été beaucoup dupliqué. Il a livré un modèle de récit – affecté d'une césure – qui, à mesure qu'on le retrouve dans d'autres films, est devenu le signe d'une époque (les années 2000). Ce modèle, il ne l'a pourtant pas inventé, on peut en pister les ancêtres dans le cinéma hollywoodien classique. Mais parce qu'il lui a donné une forme particulièrement frappante, à la fois glamour et moderne, c'est désormais presque à lui seul qu'on se réfère en matière de clivage narratif. Mulholland Drive, matrice des années 2000, assurément.
Ce second dialogue avec David Lynch a eu lieu à la Cinémathèque française le 13 octobre 2010. Rencontre animée par Serge Toubiana.
À l'occasion de l'ouverture du cycle David Lynch à la Cinémathèque française, le 13 octobre 2010, Serge Toubiana s'entretient avec le réalisateur autour de son film Mulholland Drive.