Cette semaine, nous recevons José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères au sein du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez. Accord du Mercosur, immigration et conflits dans diverses régions du monde, il commente les défis auxquels l’Union européenne doit faire face. Alors que l’Espagne pourrait bientôt devenir le dernier grand pays social-démocrate d’Europe, son gouvernement adopte des politiques singulières sur plusieurs dossiers. Sur les migrations, tandis que de nombreux États membres durcissent leur politique d’accueil, notamment vis-à-vis des Syriens, l’Espagne vient d'adopter une réforme : elle entend régulariser 900 000 étrangers sans-papiers d'ici trois ans : «L'Afrique est le continent du futur et c'est pour cela que nous adoptons ces stratégies», explique José Manuel Albares. «Nous voulons une migration maîtrisée, sûre, ordonnée, avec nos frontières bien contrôlées. Mais en même temps, nous voulons aussi une migration humaine, qui respecte les droits de l'homme», détaille-t-il. Le chef de la diplomatie espagnole souhaite également «ne pas mentir aux citoyens» et explique que «l'immigration irrégulière est un tout petit pourcentage de tous les mouvements migratoires». Il assure que son gouvernement socialiste mène «une forte politique de développement dans certains pays africains pour pouvoir proposer à la jeunesse, des formations et des emplois» dans leurs pays d’origine, pour «lutter contre les mafias qui trafiquent des êtres humains». «Il ne faut pas oublier que la meilleure façon de décourager l'immigration irrégulière, c'est de proposer des filières d'immigration légale», estime José Manuel Albares. L’autre dossier sur lequel l’Espagne compte peser est celui de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur : «Une large majorité des pays européens est en faveur du Mercosur qui va donner lieu au plus grand marché de libre-échange de la planète. Les avantages sont beaucoup plus importants que les inconvénients», estime-t-il. Pour lui, les supposés problèmes peuvent «être très facilement nuancés par des mesures de la Commission européenne». D’un point de vue environnemental, «des mesures ont déjà été inscrites dans le traité afin que les accords de Paris et la préservation de la biodiversité soient mieux respectés par l'Amérique latine». Selon lui, ce traité porte aussi des ambitions géopolitiques : «Nous avons besoin d’amis et d'alliés dans le monde. L'Amérique latine est la région la plus euro-compatible de la planète», juge le ministre espagnol. «Si nous ne leur tendons pas la main, ils vont se tourner vers d'autres partenaires». José Manuel Albares pense que si nous souhaitons défendre la préservation de l’environnement, les États membres devraient vouloir que l’Amérique latine s’associe à l’UE plutôt qu’à des pays qui n’ont pas à cœur la question écologique. Face au conflit israélo-palestinien, l’Espagne se démarque à nouveau. Le pays a officiellement reconnu l’État de Palestine en mai 2024 : «Nous l‘avons fait par justice envers le peuple palestinien qui ne doit pas être condamné à être éternellement un peuple de réfugiés», s’émeut José Manuel Albares. «Nous l’avons également fait en pensant à la sécurité d'Israël car seul un État palestinien vivant en bon voisinage avec l'État d'Israël peut garantir prospérité et sécurité à tous les deux». La Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahu pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. À la différence de la France qui estime qu’il jouit d’une certaine immunité, le chef de la diplomatie espagnole explique qu’en tant que pays fondateur de la CPI, ils suivront «toutes les obligations que ce statut [leur] impose».En Syrie, le pouvoir de Bachar el-Assad a été renversé par des groupes rebelles. Alors qu’un gouvernement de transition se met en place, José Manuel Albares salue la chute de la dictature mais appelle à surveiller les actions des nouvelles autorités. «Nous devons nous assurer que le futur de la Syrie sera un futur pluriel, comme l'est la société syrienne, avec différentes religions, différents peuples. Nous devons garantir l'intégrité territoriale de la Syrie. Il faut que le pays devienne une source de stabilité pour le Moyen-Orient».Au sujet de la guerre en Ukraine, José Manuel Albares rappelle que «si la Russie gagne cette guerre d'agression, le monde et l'Europe seront moins sûrs demain». Alors que la Russie est accusée d’ingérence lors des récentes élections en Roumanie et en Géorgie, il apporte son soutien à ces deux pays. «Nous souhaitons que la Géorgie revienne sur le chemin européen. La Roumanie est un pays essentiel pour l'Union européenne», affirme-t-il. La Russie est également fréquemment accusée de pratiquer la désinformation sur le continent européen, qui représente «le plus gros danger pour nos démocraties» selon José Manuel Albares. «La désinformation est là pour diviser nos citoyens et nos sociétés», prévient-il.
Cette semaine, nous recevons Aurore Lalucq, députée européenne de l’Alliance des socialistes et démocrates et présidente de la Commission des Affaires économiques et monétaires au Parlement européen. Elle revient sur la motion de censure qui a fait tomber le gouvernement en France et sur la manière dont Bruxelles perçoit cette crise politique. En France, l’Assemblée nationale a voté cette semaine une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier. Cette instabilité politique préoccupe nos voisins européens. «Il y a une grande inquiétude parce que nous connaissons le rôle de la France dans la construction européenne et son importance d'un point de vue économique», explique Aurore Lalucq.La députée européenne justifie le vote de la motion de censure par son camp : «Il est très compliqué, quand on est un social-démocrate, de soutenir un gouvernement qui ne va pas chercher que du soutien du côté de l'extrême droite», note-t-elle. «Le responsable de cette situation, c'est Emmanuel Macron car il a dissous l'Assemblée nationale», ajoute Aurore Lalucq. Dans une tribune écrite avec le député européen Raphaël Glucksmann, elle appelle à présent toutes les forces opposées au Rassemblement national à travailler ensemble pour trouver un accord de non censure et à mettre en place un gouvernement provisoire. «Les Français ont fait un effort et se sont mobilisés pour faire barrage au Rassemblement national, nous, les politiques, devons être à la hauteur», rappelle la députée. «Il y a cependant une réalité arithmétique qui fait que la gauche n'est pas majoritaire. Je le regrette, mais c'est ainsi. Notre responsabilité, c'est donner de la stabilité au pays», affirme-t-elle.En pleine crise politique, la France est également secouée par un mouvement social, marqué cette semaine par une grève nationale des enseignants. «Dans les pays de l'OCDE, nous faisons partie des pays qui payent le moins dans le domaine de l'éducation nationale. Nous sommes dans un pays où il y a très peu de dialogue social. Investir dans l’éducation, c'est une question sociale mais c’est aussi une question économique d'investissement dans l'avenir du pays», ajoute-t-elle.Alors que les agences de notation pourraient dégrader la note de la France, détentrice d’un déficit budgétaire record de 6,1%, la présidente de la Commission des Affaires économiques et monétaire estime qu’«elles n’ont pas à définir quelle doit être la politique économique et publique du pays». Si elle reconnaît la nécessité d’adopter «une trajectoire crédible» en termes d’économies, elle explique que «la capacité de la France à emprunter reste toujours forte.»Aurore Lalucq s'inquiète également de «la vague idéologique d'extrême droite» en Europe face à la droitisation de ses gouvernements : «La social-démocratie doit se renouveler, être forte et avoir un discours clair. Elle doit protéger les Européens sur la question du pouvoir d'achat ou de la réindustrialisation». Au sujet de l’accord de libre-échange entre l’Union et les pays du Mercosur, que la France refuse de signer, Aurore Lalucq dit ne pas souhaiter «l'approfondissement de la mondialisation». «À la base, je n'ai rien contre les accords de commerce international», dit-elle. «Cependant, je pense que l'urgence aujourd'hui, c'est de réindustrialiser le pays». Alors qu’elle demande à la France de ne pas signer cet accord qui va, selon elle, engendrer des problématiques d'un point de vue environnemental et social, elle doute de la capacité d’Emmanuel Macron à parvenir à le bloquer : «La parole de la France est très dégradée au niveau européen», juge-t-elle.En Géorgie, des manifestations ont lieu chaque jour depuis que le gouvernement du parti Rêve géorgien a suspendu le processus d'adhésion à l'Union européenne jusqu'en 2028. La députée européenne regrette : «Non nous n’avons pas été assez engagés à l’Est. Nous devons être plus présents. Pour moi, l’avenir de la Géorgie est en Europe».
Cette semaine, nous recevons Mariya Gabriel, ancienne commissaire européenne et ancienne ministre bulgare des Affaires étrangères. Actuellement présidente de l'Institut Robert Schuman, le think tank du Parti populaire européen, elle revient sur la validation de la nouvelle Commission européenne et les défis qui l'attendent. Le Parlement européen a validé, cette semaine, la nouvelle Commission européenne menée par Ursula von der Leyen avec 370 voix pour et 282 contre. «C'est une Commission qui affirme des ambitions mais qui, au vu de la diversité de la majorité du vote, doit opérer avec beaucoup de minutie», explique Mariya Gabriel. «À cause des différentes sensibilités politiques, nous pourrions nous attendre à ce que la majorité soit relativement flottante. Or, aujourd'hui plus que jamais, l'Europe a besoin d'une majorité stable où chaque institution assume sa responsabilité de maintenir l'Europe unie», ajoute celle qui a siégé dans la précédente Commission.Pour la première fois de l’histoire, le Collège des commissaires compte dans ses rangs un membre issu d’un parti d’extrême droite : Raffaele Fitto, un proche de la dirigeante italienne Giorgia Meloni, accède au poste de vice-président. Les partis de gauche dénoncent la fin d’un 'cordon sanitaire', mais Mariya Gabriel, une femme politique issue des rangs du PPE, rappelle que la Commission «doit prendre en considération les résultats des élections européennes» de juin 2024. «Aujourd'hui, plus que jamais, l'Europe a besoin d'investir massivement [dans le secteur de la défense] pour ne pas avoir à compter sur d'autres pour assurer sa propre sécurité». Sur l'Ukraine en particulier, Mariya Gabriel appelle l’Union européenne à «rester unie». «Défendre la sécurité de l'Ukraine, c'est défendre notre propre sécurité», détaille-t-elle. «Il faut éviter les erreurs faites par le passé, comme des appels entre différents pays sans prendre en considération l’avis des autres». La Pologne et la France refusent de signer l'accord du Mercosur. Mais pour Mariya Gabriel «l'agriculture est un secteur-clé». Si elle agrée que «nous ne pouvons pas ignorer les demandes et les préoccupations de nos agriculteurs», elle ajoute que «la question n’est pas de s'opposer à tout traité de commerce et de libre-échange car l'Europe doit se positionner». «Face aux États-Unis ou à la Chine, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de nouveaux marchés», défend-elle.En Roumanie, le candidat d'extrême droite pro-russe, Calin Georgescu, est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle. Sa campagne menée sur TikTok suscite aujourd'hui des suspicions. L'ancienne Commissaire en charge du Numérique rappelle qu'«aucun État européen n'est à l'abri de ce qui vient de se passer en Roumanie. Il faut trouver un équilibre entre la préservation de la liberté d'expression, le droit à l'accès à l'information sur les réseaux sociaux […] et la lutte contre la désinformation».Quant à son pays, la Bulgarie, il a connu sept scrutins législatifs et cinq Premiers ministres en moins de quatre ans. À cela s’ajoute la menace de la propagande russe. «La Bulgarie a une position géostratégique extrêmement importante», s'émeut Mariya Gabriel. «Il est important d'avoir dans le pays des responsables politiques qui tiennent parole, qui ont le sens du dialogue et du compromis car quand ces forces pro-européennes, pro-OTAN ne s'entendent pas, cela ouvre une brèche aux forces pro-russes, et aux populistes de toutes sortes».De son côté, la France connaît un déficit budgétaire record et son gouvernement risque d’être visé par une motion de censure. Mariya Gabriel estime que «l’UE a toujours eu et a toujours besoin d'une France qui soit stable et solide. Il faut outrepasser ces petits calculs politiciens et gouverner pour le bien des citoyens et pour le bien de l’Europe», conclut-elle.
Cette semaine, nous recevons Stefano Sannino, secrétaire général du Service européen d’Action extérieure, qui dirige les ambassadeurs de l’UE à travers le monde et ancien diplomate italien. Guerre en Ukraine, conflit au Proche-Orient ou élection de Donald Trump, il commente les multiples crises auxquelles l’Union européenne doit faire face. Face à la multiplication des crises et des conflits dans le monde, l’Union européenne (UE) se trouve dans une période d’incertitude. Selon Stefano Sannino, la situation est inédite : «Nous sommes dans une situation dans laquelle nous vivons des crises presque permanentes. Nous parlons de permacrises. Nous passons d’une crise à l’autre.»Le conflit en Ukraine est au cœur des préoccupations des Vingt-Sept. «Il y a une volonté de continuer à soutenir l'Ukraine», affirme le secrétaire général du Service européen d’Action extérieure. «Le soutien à l'Ukraine, ce n'est pas seulement un soutien à ce pays, c'est aussi une ligne de défense pour l'UE en tant que telle», ajoute-t-il. Le diplomate reconnaît la situation critique dans laquelle se trouvent les Ukrainiens qui s'apprêtent à vivre leur troisième hiver de guerre. «Les armements commencent à être moins présents. Il y a un déséquilibre très fort entre les capacités militaires de la Russie et les capacités militaires de l'Ukraine», dit-il. À la suite de la décision des États-Unis d’autoriser l’Ukraine à utiliser les armes longue portée contre la Russie, Stefano Sannino explique : « La décision de Biden est une réponse à celle de Vladimir Poutine d’envoyer des soldats nord-coréens sur le front ukrainien. L'escalade militaire a commencé à Moscou», martèle-t-il. «Maintenant, les Ukrainiens peuvent aussi attaquer. Il y a une volonté encore très forte de leur part de défendre leur territoire», estime-t-il. Cette décision des États-Unis a entraîné une riposte de Vladimir Poutine qui menace à nouveau d’avoir recours à l’arme nucléaire. À ce sujet, Stefano Sannino appelle à la prudence : «Nous ne pouvons pas sous-estimer ces risques dans le contexte d'une guerre».L’embrasement du conflit au Proche-Orient est un autre défi pour l’Union qui tente de peser dans l’établissement d’un processus de paix. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, appelle à la suspension du dialogue politique entre l'UE et Israël. Proposition à laquelle s’opposent plusieurs pays telle que la République Tchèque. «Ce n’est pas facile de trouver un terrain d’entente entre les Vingt-Sept», admet Stefano Sannino. S’il y a un point sur lequel s’accordent les pays membres, c’est la mise en place urgente d’un cessez-le-feu. «Tout le monde est d'accord pour cela. La souffrance du peuple palestinien est terrible et tous nos efforts doivent aller dans cette direction. Il faudra aussi faire tous les efforts possibles pour libérer les otages», ajoute Stefano Sannino.Au sujet des relations avec l’Afrique, continent où l’influence de l’UE diminue au profit de celle de la Russie ou de la Chine, le patron des ambassadeurs européens veut voir en l'Afrique «une grande opportunité et pas seulement un défi, un problème». «La question est de comment faire en sorte que l'Afrique puisse avoir un poids beaucoup plus grand dans sa capacité de décision, dans la résolution de ses propres crises et à travailler avec l'UE de manière plus utile pour les deux parties. Il faut être sur un pied d'égalité avec l'Afrique, voir quels sont leurs intérêts et quels sont nos intérêts», conclut-il.
Cette semaine, nous recevons Younous Omarjee, vice-président français du Parlement européen, membre du groupe de La Gauche (LFI). Il commente les auditions des futurs commissaires européens ainsi que les conséquences pour l’UE de l’élection de Donald Trump. À la suite des auditions des futurs commissaires européens à Bruxelles, plusieurs nominations pourraient être retoquées par les eurodéputés sur fond de conflits politiques entre les différents partis : «C'est un moment qui doit être envisagé très sérieusement et nous regrettons évidemment la manière dont cela se déroule depuis le début, cela affaiblit considérablement le Parlement européen», explique le vice-président du Parlement. Il regrette les considérations politiques «qui entrent en ligne de compte et qui viennent parasiter ces auditions. Il y a encore une incertitude (sur leur issue) car les grands groupes politiques n'arrivent pas à se mettre d'accord. C’est une crise politique», regrette Younous Omarjee.Au cœur de la polémique, l'Italien Raffaele Fitto, nommé par Giorgia Meloni et issu de son parti de droite radical Fratelli d'Italia : «Il aurait été surprenant que Giorgia Meloni nomme un gauchiste à la commission européenne», reconnaît Younous Omarjee. «Raffaele Fitto a été poussé dans ses retranchements sur la question de sa maîtrise des enjeux en matière de politique de cohésion, mais également sur un certain nombre de dimensions politiques. Chaque commissaire doit en réalité porter des valeurs de l’UE et des droits fondamentaux. Il est évident que notre groupe ne va pas accepter ce candidat», explicite-t-il. Le vice-président du Parlement européen questionne les intentions de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen : «Il y a une nouvelle possibilité de majorité dans le Parlement européen qui se dirige à droite toute», regrette-t-il. «Il y a un risque très élevé que nous entrions dans un moment de déconstruction de toutes les avancées obtenues en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de défense des droits fondamentaux et de défense des droits des femmes».En ce qui concerne l’audition du Français Stéphane Séjourné, candidat au poste de commissaire européen à la stratégie industrielle, «elle s'est passée dans les formes acceptables». Son audition a notamment porté sur la question de la signature des accords du Mercosur alors que le Premier ministre français Michel Barnier a dit qu’il ne l'accepterait. Le vice-président du Parlement critique la toute-puissance de la Commission européenne qui négocierait directement ces accords, sans consulter ni les États membres ni le Parlement européen. «Les affirmations du Premier ministre qui consistent à dire que la France refusera le Mercosur doivent véritablement être suivies d'effets. La France doit organiser au sein du Conseil européen une minorité de blocage de cet accord. C'est le seul moyen de pouvoir faire reculer la Commission européenne qui a fait le choix de tuer une partie de l'agriculture européenne», estime Younous Omarjee.L’élection de Donald Trump à la présidence américaine, pour l’eurodéputé insoumis, « c’est le moment pour l'Union d'exister en tant que puissance. Il y a une ambiguïté stratégique chez Donald Trump et une très grande imprévisibilité dans la manière dont il va conduire sa politique internationale. Il rappelle la responsabilité des Européens à continuer de soutenir l’Ukraine face à la Russie. Le vice-président concède tout de même des divergences d’opinion au sein des Vingt-Sept au sujet de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. «Nous ne sommes pas du tout préparés», ajoute-t-il à propos de cette possible adhésion.Au procès des assistants parlementaires du Front National, accusé de détournement de fonds du Parlement européen, le Parquet réclame une peine d'inéligibilité pour tous les prévenus, dont Marine Le Pen. Younous Omarjee estime qu’il n'y a pas de procès politique. «Il y a eu la constatation par le Parlement européen de la violation des règlements du Parlement européen qui s'imposent à l'ensemble des groupes politiques», conclut le vice-président du Parlement européen, une institution qui s’est portée partie civile.
Cette semaine, nous recevons Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et ancien commissaire européen. Il commente la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine et ses conséquences pour l'Union européenne. Il revient également sur le déficit record de la France et les efforts financiers à réaliser dans les prochaines années. À la suite de l'élection de Donald Trump, l'Union européenne s'inquiète des conséquences de cette victoire. «On a espéré conjurer cette victoire et je pense que c'est tout de même une nouvelle difficile pour le monde, pour la France, pour l'Europe», explique Pierre Moscovici. «Ce sera difficile, peut-être même très difficile», ajoute-t-il à propos du mandat à venir de Donald Trump.S'il est sceptique face aux actions à venir du futur chef d’État américain, il explique qu'«il ne faut jamais condamner un président par avance». «Lors de son élection, Donald Trump a été un peu plus apaisé dans ses propos. Il a manifesté la volonté d'unir les Américains», ajoute le premier président de la Cour des comptes. Pierre Moscovici rappelle les liens qui unissent les États-Unis et l'UE. «Ils sont nos alliés. Ce sont nos amis», dit-il. S'il estime que Joe Biden avait renoué des liens avec le Vieux Continent, il rappelle l'attitude beaucoup plus isolationniste de Donald Trump. «Depuis quelque temps, l'Europe n'est plus la priorité des États-Unis», explique Pierre Moscovici. «Donald Trump est un businessman, donc il fait ce qu'il dit. Les risques sont multiples», estime l'ancien commissaire européen. «Espérons le mieux mais le mieux, c'est une sorte de neutralité, d'amitié un peu contrariée», insiste-t-il.En ce qui concerne le conflit en Ukraine, que Donald Trump affirme pouvoir régler en 24 heures, Pierre Moscovici reste prudent. «Si c'est aux conditions de Vladimir Poutine, c'est difficile», explique-t-il. Il rappelle les conséquences désastreuses qu'aurait un arrêt du soutien américain à l'Ukraine et ainsi l'importance de renforcer une défense européenne. «Il faut montrer que nous sommes capables de nous défendre, non pas sans les Américains car nous resterons dans l'OTAN mais éventuellement par nous-mêmes si la situation l'exige», explique Pierre Moscovici.D'un point de vue économique, Pierre Moscovici rappelle que la politique de Donald Trump impliquera un protectionnisme plus appuyé du pays. Le républicain souhaite taxer l'Union de 10% de droits de douane supplémentaires. «Cela peut générer de l'inflation et créer des difficultés pour nos entreprises», explique-t-il. «C'est pour cela que je parle de sursaut existentiel de l'Europe, parce que ça veut dire que dans cette situation-là, nous n'avons pas d'autre alternative que de nous construire, de regarder le monde», ajoute-t-il.En France, le déficit record qui risque de dépasser les 6% du PIB à la fin de l'année, alarme Pierre Moscovici. «Nous ne maîtrisons pas notre dette, elle est aujourd'hui la troisième de l'Union européenne en pourcentage du PIB, à plus de 110% et elle continue d'augmenter», explique-t-il. En ce qui concerne l'influence de la France dans l'Union, la situation économique du pays agit comme «un facteur d'affaiblissement objectif dans la mesure où nous avons connu une année noire en 2024», ajoute Pierre Moscovici. Sans parler d'austérité, il évoque «une phase d'effort qui va durer plusieurs années». «Il y a eu une phase expansionniste. Il faudra basculer dans un mode d'économie sur la dépense publique avec la réforme des services publics et une qualité de la dépense publique qui permet de réduire notre déficit», détaille-t-il.
Nous accueillons, cette semaine, Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne. Il revient sur le déficit record et l’endettement de la France, les fragilités du couple franco-allemand au sein de l’UE ainsi que sur les conséquences de l'élection américaine pour l’Union. Avec un déficit record qui risque de dépasser les 6% du PIB cette année, la France est dans le viseur de l’Union européenne. « Elle est vraiment très endettée et elle est, de ce point de vue, le plus mauvais pays d'Europe », explique Jean-Claude Trichet. Si l’ancien président de la BCE se dit rassuré de voir le gouvernement français prendre le problème à bras-le-corps, il confirme qu’il faut « absolument redresser la barre ». « Il me semble que les marchés font pour le moment confiance au nouveau gouvernement », explique l’économiste qui pense que le pays évitera le pire si le déficit est ramené à 5% l’année prochaine.Alors que la règle au sein de l’UE est de ne pas dépasser les 3% d'endettement par rapport à son PIB, la France fait figure de mauvais élève. La gestion des finances au cours de ces dernières années est à présent questionnée. « Je pense que nous aurons un début d'explication avec la commission qui a été créée et qui devrait nous permettre de mieux comprendre ce qui s'est passé », explique Jean-Claude Trichet. Le pays doit aujourd'hui réaliser 60 milliards d'économies, ce qui implique un effort collectif de la part des Français. « Les Français parlent de rigueur, d'efforts considérables, alors que c'est un pays qui n'est pas rigoureux », estime l’économiste. « Les Français se plaignent en permanence d'une absence de dépenses publiques et en fait, ils dépensent plus que tous les autres », ajoute-t-il. « La France n’a plus de cartouches », constate Jean-Claude Trichet au sujet du déficit public.« Pour que l'Europe fasse des progrès, il faut qu'il y ait un bon accord franco-allemand »En Allemagne, l’économie est également en berne. L’entreprise Volkswagen étudie actuellement un vaste plan de licenciements et la récession du pays est redoutée. « L’Allemagne est particulièrement touchée sur le plan de la croissance, mais c’est en même temps un pays sain qui inspire confiance et donc je ne crois pas qu'il faille dramatiser le problème allemand », estime l’ancien président de la Banque centrale européenne.Face aux difficultés économiques de la France et de l’Allemagne, le couple franco-allemand, souvent considéré comme le moteur de l’UE, est mis à mal. « Il y a une chose qui est sûre : la condition nécessaire, sinon suffisante, pour que l'Europe fasse des progrès, c'est qu'il y ait un bon accord franco-allemand sur les progrès à faire », explique Jean-Claude Trichet. Il ne s’agit pas de la seule condition car, selon lui, « il faut convaincre les autres pays d'aller dans cette direction ». « Quel que soit le nouveau président américain, nous aurons à défendre nos intérêts avec acharnement » À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, « quel que soit le nouveau président des États-Unis, les problèmes entre l'Europe et les États-Unis demeureront », selon Jean-Claude Trichet. « Les États-Unis sont très orientés sur leurs propres intérêts. Ils ont la capacité d'imposer beaucoup de choses au reste du monde pour des tas de raisons, et notamment à cause du fait qu'ils ont une fédération politique achevée », poursuit-il. L’économiste explique cette force par l’existence aux États-Unis d’un marché, d’une monnaie, d’une armée et d’une diplomatie unique. « Quel que soit le nouveau président, nous aurons à défendre nos intérêts avec acharnement », dit-il. « L’UE a besoin de faire encore beaucoup de progrès dans la voie de la fédération politique », conclut Jean-Claude Trichet.
Cette semaine, nous recevons Andrej Plenković, Premier ministre de la Croatie, pays des Balkans entré dans l'Union européenne en 2013. Membre du parti de droite HDZ qui siège au sein du Parti populaire européen en Europe, il revient sur un potentiel élargissement de l’UE à d’autres pays des Balkans occidentaux ainsi que sur le rôle des Vingt-Sept dans les conflits en Ukraine et au Proche-Orient. En Moldavie, le «oui» l’a emporté de justesse lors du référendum sur l'inscription dans la constitution de l'objectif d'adhésion du pays à l'UE. La présidente sortante Maia Sandu devra affronter son opposant soutenu par les socialistes pro-russes à l'élection présidentielle du 3 novembre. «Il s'agit d’une nation divisée et polarisée où il y a sans doute eu beaucoup d'influences dans le débat», explique Andrej Plenković. Il apporte son soutien à Maia Sandu et dénonce «la guerre de la désinformation» venant de la Russie : «Elle est présente et il faut se battre pour la vérité et pour les faits», ajoute-t-il.La Serbie est une candidate à l’adhésion à l’UE potentiellement problématique car elle n’a pas coupé ses liens avec la Russie : «Tous les pays de la région doivent remplir les critères» et s'«aligner» au mieux avec la politique de l’Union. «Si la Serbie est véritablement déterminée à rejoindre l'Union européenne, il faut qu’elle le montre dans tous les domaines, y compris la politique étrangère et en matière de sécurité», critique le Premier ministre croate.L’UE veut durcir sa politique migratoire en envoyant des migrants dans des pays tiers « de retour ». Par exemple, l’Italie vient d'ouvrir deux centres de rétention en Albanie. «Nous sommes un peu réservés», explique-t-il au sujet de cette méthode de sous-traitance. «Pour le moment, nous voyons beaucoup de difficultés juridiques et opérationnelles. Nous attendons de voir quelles seront les vraies conséquences». Il dénonce par ailleurs « une politique de militarisation des migrants illégaux poussés vers la frontière orientale », envoyés par la Russie et la Biélorussie pour faire pression sur la Pologne de Donald Tusk. Le sujet de la migration sera au cœur du débat avec la mise en place d’un nouveau portefeuille de Commissaire à la Méditerranée, Dubravka Šuica, une Croate nommée par M. Plenkovic : «Je suis sûr qu’elle va mettre l’accent sur toutes les politiques de l'UE en lien avec les pays du nord de l'Afrique et de la Méditerranée y compris la politique migratoire, les crises humanitaires, les politiques de transport, de développement et les politiques de coopération économique». En ce qui concerne le rôle de l’Union dans la résolution du conflit au Proche-Orient, le Premier ministre affirme que le sujet est au centre des préoccupations : «C'est un des dossiers sur lequel nous débattons à presque chaque Conseil européen, à presque chaque réunion du ministère des Affaires étrangères», se défend-il. «Il faut que tous les pays de l'UE envoient de l'aide humanitaire lors de situations de crise où la population est en difficulté», assure Andrej Plenkovic. À quelques semaines du résultat de l’élection présidentielle américaine qui pourrait voir Donald Trump élu, Andrej Plenkovic reconnaît par le passé «une cohabitation difficile» sur certains sujets avec l’administration Trump. Il reste cependant mesuré et souhaite une continuité de relations bilatérales : «Il faut mettre au premier plan ce qui nous lie. C’est plus fort que les choses qui nous séparent», conclut-il.
Nous recevons cette semaine Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la sécurité, dont le mandat prendra fin dans les semaines à venir. Il revient sur le rôle de la diplomatie européenne dans la résolution des conflits au Proche-Orient et en Ukraine. C’est également l’occasion pour Josep Borrell de faire le bilan de son mandat et d'envisager les priorités futures de l’UE. Au lendemain de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, Josep Borrell appelle à la paix dans la région. «C'est l’occasion de finir la guerre et de faire libérer les otages», explique-t-il. «C'est le moment de dire assez et de regarder vers le futur», ajoute le chef de la diplomatie européenne. «Parmi les Vingt-Sept, il y a des positions très différentes», notamment face au droit à la défense de la part d’Israël. «Quelles sont les limites du droit à la défense ? Le Droit humanitaire,» répond Josep Borrell. «Quand on voit ce qu'on voit dans la destruction de Gaza, la question est pertinente», ajoute-t-il.Cette semaine, l'Union européenne invitait à Bruxelles les États du Golfe à l’occasion d’un premier sommet. Josep Borrell rappelle sa volonté de travailler main dans la main avec les pays arabes. «La volonté de travailler ensemble est là», explique-t-il, pour travailler à la mise en place d'un État palestinien.Sur le chapitre de l'Ukraine, Le président Volodymyr Zelensky a également présenté cette semaine son «plan de victoire» face à la Russie. Un plan que le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères juge «tout à fait logique, car le but final de l'Ukraine est l'adhésion à l'UE et à l'OTAN». Josep Borrell reconnait le blocage de certains pays et notamment du Premier ministre hongrois, Viktor Orban : «J'ai encore la tâche de trouver des solutions pour que la Hongrie ne bloque pas l'aide militaire à l'Ukraine. Je pense que nous allons y arriver au prochain Conseil de l’UE.»L’immigration est également au cœur des débats. Alors que la position de l’UE se durcit sur la question de la sous-traitance des demande d’asile à des pays tiers, celui qui se définit comme «un homme de gauche» dit ne pas partager cette approche. «Certes, il faut protéger nos frontières» et faire en sorte «que les migrants arrivent d'une façon ordonnée», il prône cependant «une approche plus équilibrée», comme celle de Pedro Sanchez en Espagne. «La dynamique de la peur ne peut pas dicter la politique migratoire. Beaucoup de pays européens ne marcheraient pas sans un certain nombre de migrants, de jeunes et de leur capacité de travail», explique-t-il. Le chef de la diplomatie appelle également à renforcer la coopération avec l’Afrique sur d’autres sujets que la migration. «L’Afrique, c’est beaucoup plus que ça», dit-il. «Il ne faut pas oublier sa dynamique économique et sa capacité à produire tout ce qu'il nous faut, à commencer par des matériaux critiques».Puis, à quelques semaines de l’élection présidentielle américaine, le chef de la diplomatie européenne juge la position de Kamala Harris «beaucoup plus réaliste» notamment au sujet de la résolution du conflit en Ukraine : «Qui peut imaginer que nous pouvons arrêter une guerre en une semaine ?», fustige Josep Borrell à la suite des propos de Donald Trump qui affirme qu’il réglerait le conflit en un jour s’il était élu.Alors que son mandat touche à sa fin, Josep Borrell regrette le repli sur soi de certains pays européens. «Les Européens, chacun de leur côté, sont trop petits. Il faut absolument que nous ayons une politique beaucoup plus intégrée et je trouve que les réflexes nationaux sont encore beaucoup trop forts», conclut-il.
Nous accueillons cette semaine Pierre Vimont, chercheur associé à la Fondation Carnegie Europe et ancien secrétaire général du Service européen pour l'action extérieure. Il revient sur le grand oral du Premier ministre hongrois Viktor Orban devant le Parlement européen, qui a mis à jour les divisions sur l‘Ukraine ainsi que sur les défis à venir de la nouvelle mandature. Pour Pierre Vimont, la position controversée du Premier ministre hongrois Viktor Orban sur l’Ukraine, tient pour une part de la « provocation. Mais Viktor Orban estime aussi qu'il dit haut et fort des choses que beaucoup d'autres dirigeants européens pensent mais n'osent pas dire », explique-t-il. « Depuis longtemps, il appelle ses partenaires européens à avoir entre eux une vraie discussion sur l'Ukraine et sur l'objectif final que nous souhaitons atteindre », reconnait Pierre Vimont. « Actuellement, sur le terrain, c'est devenu beaucoup plus difficile. La vérité, c'est que nous sommes un peu dans une impasse », admet-il. Il demande en même temps une « très grande fermeté quand Orban ignore les règles européennes, fait du chantage et bloque pratiquement toutes les décisions d'aide à l'Ukraine ».En matière d’immigration, celui qui a été en charge d’un grand sommet UE-Afrique se désole des tragédies et noyades en mer qui touchent les migrants. Il conseille de signer de grands accords avec les pays de transit, mais aussi et surtout coopérer avec l’Afrique globalement, sur des questions autres que la migration. « Il faut s'attaquer à la source des problèmes et aller vers les pays d'origine en Afrique, dans le Sahel et dans d'autres pays encore, pour voir avec eux comment nous pourrions les aider à régler leurs problèmes de fond. » Il loue la politique migratoire de l’Espagne qui, selon lui, « essaie de manière très concrète de faire avancer les choses ».L’ancien ambassadeur de France aux États-Unis évoque les conséquences d’une possible victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Selon les proches du candidat républicain, « il faudrait plus ou moins accepter la situation actuelle et donc reconnaître que la Russie occupe une partie du territoire ukrainien (…) et qu'il ne faut pas accepter que l'Ukraine entre dans l'OTAN », s’inquiète-t-il. « Nous voyons bien que ce sont des positions qui ne sont pas du tout celles des pays européens ! »Face à l’embrasement du conflit au Proche-Orient, il reconnait « l’impuissance » de l’Europe : « Elle a disparu de la scène du Moyen-Orient depuis 10 ans », dit-il. Alors qu’elle fait les bonnes analyses et pèse économiquement, « Ce qui lui manque, c'est le passage à l'action », détaille l’ancien ambassadeur.Enfin, au sujet du déficit et de l’endettement de la France, Pierre Vimont ne croit pas en une cure d’austérité comparable à celle de la Grèce, mais appelle le pays à « revenir dans les clous de Maastricht ». « Nous n'avons pas été capables de le faire depuis des dizaines d'années, alors que chaque fois que l'un de nos partenaires européens se retrouvait dans cette difficulté, nous lui demandions immédiatement de faire le nécessaire. Donc il est temps pour la France de revenir à un peu de rigueur », ajoute-t-il. Il connait bien Michel Barnier pour avoir été son directeur de Cabinet au Quai d’Orsay, et il reconnait la situation affaiblie du pays : « Quand vous êtes dans une situation de difficultés financières et plus généralement de difficultés économiques, les autres pays membres ne vous regardent plus tout à fait de la même manière. Un gouvernement sans majorité ne passe pas non plus inaperçu à Bruxelles ! ». Selon lui, la France est supplantée par d’autres pays, plus à l’Est et au Nord, qui font preuve de moins d’initiatives et d’idées: « L'affaiblissement de la France n'est pas forcément une bonne chose pour l'Europe », conclut-il.
Premier ministre belge de 2014 à 2019, il a ensuite pris la tête du Conseil pour un mandat qui se termine fin novembre 2024. Inquiet pour notre Europe dans un monde impitoyable : « Depuis ces dernières années, on voit bien qu'il y a un cocktail d'incidents, de crises de guerre qui est extrêmement dangereux. Je lance au nom de l'Union européenne un appel à se ressaisir ». Le Proche-Orient s’est embrasé depuis un an : « Je crois qu'il faut faire plus, martèle-t-il, l'obsession maintenant doit être de stopper cette escalade. Il y a évidemment une très forte condamnation de la part de l'Union européenne de ces attaques terroristes immondes qui ont été perpétrées par le Hamas contre le peuple d'Israël. Et dans le même temps, Israël a le droit de se défendre et doit le faire dans le respect du droit international. » Quelle diplomatie européenne ? « Je pense que nous sous-estimons nos capacités d'influencer positivement la situation dans cette région, répond-il. Et trop souvent, il y a peut-être la tentation facile de considérer que d'autres sont en responsabilité. Les États-Unis ou les pays de la région. »En Ukraine, avant un hiver redouté, la présidente de la Commission a annoncé 35 milliards d'euros garantis par les bénéfices exceptionnels provenant des avoirs russes gelés : « Le message est très simple, explicite-t-il. L’Union européenne tient et tiendra ses engagements. Et d'ailleurs, il pourrait y avoir une voix discordante, celle peut être du Premier ministre hongrois Viktor Orban. Cela n'empêchera pas de prendre la décision puisque nous pourrons, sur un sujet pareil, agir à la majorité qualifiée. » Orban a eu beau rencontrer Vladimir Poutine, 26 États membres sur les 27 se sont soudés pour réaffirmer avec encore plus de force et plus de détermination le soutien à l'Ukraine.»Le rapport de Mario Draghi demande aux dirigeants de l'Union européenne de mobiliser des fonds supplémentaires à hauteur de 800 milliards d'euros par an pour financer des investissements essentiels, mais les pays « frugaux » ne veulent pas de nouvelle dette en commun : « l’Union européenne est une démocratie, juge Charles Michel. On doit être fier de cela. Et qui dit démocratie dit effectivement des sentiments, des opinions qui ne sont pas spontanément convergentes. On l'a démontré malgré des positions au départ divergentes, on réussit à être dans l'unité à force de dialogue et à force de négociation, à force de discussion. » Une piste ? « Il y a de l'épargne en Europe qui va trop, selon moi, financer d'autres économies notamment les États-Unis, et c'est un peu absurde ! »Sur l’immigration, le président du Conseil européen se prononce pour financer des clôtures aux frontières de la Grèce et de la Pologne : « Moi j'ai pris position, il y a plusieurs années déjà en faveur du soutien de l'Union européenne pour sécuriser les frontières extérieures de l'Union européenne. J’y suis favorable dès lors que c'est compatible avec le fait qu'il y a des points de passage sécurisés pour permettre une immigration régulière contrôlée. Je n'accepte pas que ce soient les passeurs, les trafiquants, les criminels qui décident qui a le droit ou pas le droit de rentrer sur le sol européen. Sur le plan de la migration, le débat est évidemment difficile, avec beaucoup d'émotion et parfois la tentation d'instrumentalisation par des groupes populistes », reconnait-il. Contre cette poussée des extrêmes « droite et gauche », précise-t-il, « il faut avoir nos valeurs européennes chevillées au corps et ne pas être honteux, ne pas être gêné ; dans le narratif, dans la bataille pour le récit, on doit être plus offensif et ne pas rester sur le terrain défensif ! »
Il nous parle de la position de la France en Europe, pense que Michel Barnier fera un excellent Premier ministre : « Ce n'est pas un désavantage pour un Premier ministre français de bien connaître l'Europe. La France gagnerait beaucoup à mieux connaître l'Europe (...) Je ne crois pas que Michel Barnier sera l'esclave du Rassemblement national. » Il estnéanmoins inquiet de la rhétorique anti-migrants en France : «J'ai toujours considéré qu'il ne faut pas transiger sur les grands principes avec l'extrême droite, que si les familles politiques classiques, les socialistes, les démocrates-chrétiens, les libéraux, les Verts commençaient à imiter en disant la même chose que l'extrême droite, l'extrême droite sortira renforcée de ces imitations qui n'ont pas lieu d'être. C'est pourquoi l'extrême droite, il ne faut pas la suivre.»Sur les déficits excessifs français, il y a urgence, selon lui : « Il n'est pas convenable ni décent qu'un des grands pays européens soit si peu présentable en matière budgétaire. Et donc je veux croire que le gouvernement Barnier mettra de l'ordre dans les finances publiques. C'est nécessaire. Le déficit français, si jamais il devait s'élever à 6%, ce qui sera probablement le cas, correspond exactement au PIB de la Hongrie.»Concernant la fermeture des frontières allemandes pour 6 mois, il se récrie : « Il y a au Luxembourg, 200 000 frontaliers dont 50 000 travailleurs allemands. Le Luxembourg est un pays qui connaît un taux d'immigration de 49%. Quel serait le résultat de madame Le Pen en France si le taux d'immigration était de 49% ? Donc, nous sommes assez sensibles aux mauvais comportements comme celui adopté par le gouvernement allemand. Mais je crois que nous courons le risque que l'exception, c'est-à-dire l'accord de Schengen permettant de prévoir des contrôles aux frontières, devienne la règle si l'on ne prête pas attention à ce dérapage. »Que dire de la Commission Von der Leyen 2 qui a offert une vice-présidence à un parti radical, celui de Giorgia Meloni, les frères d'Italie ? : «Je ne l'aurais pas fait », cingle-t-il.La guerre en Ukraine reste prioritaire pour lui, mais sa vision de Poutine a changé : « je me suis lourdement trompé. Je l'ai souvent vu en aparté sous quatre yeux, sans interprète. Je reste abasourdi par le comportement dangereux de Poutine qui met en cause le système sécuritaire de l'Europe et la géométrie sécuritaire de l'Europe en violant les frontières et en attaquant sans gêne et sans raison ses voisins directs. » Mais l’UE doit s’occuper aussi des autres conflits et peser dans le monde : « Il faudra que nous donnions au Liban, pays malheureux parmi tous les pays nobles, vu la qualité de ses habitants, une chance à la diplomatie ! »
Arancha González Laya, l’ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole, et l’actuelle doyenne de l’École des Affaires Internationales (PSIA) de Sciences-Po Paris, estime qu’avec un déficit de 5.6% du PIB, «la France doit vite se mettre au travail sur le budget, à la fois sur les revenus et sur les dépenses», car «plus on fait de la dette aujourd'hui, plus on endette les générations futures et moins on donne de l'agilité à nos économies. Il ne s'agit pas simplement de l'économie française et de la capacité de la France de projeter son économie à l'international, mais aussi de la grande bataille pour le budget européen qui commencera l'année prochaine et qui doit permettre à l'Union européenne de se doter des moyens nécessaires aux ambitions de la présidente von der Leyen lors de sa nomination.» Le nouveau collège de commissaires européens ? Après la surprise du retrait du candidat français, Thierry Breton, sur fond de conflit avec la présidente von der Leyen, le poste revient à Stéphane Séjourné, en charge de la Prospérité et de la Stratégie Industrielle : «ce portefeuille sera au centre de l’agenda de ces cinq prochaines années, avec l'économie et en particulier la macroéconomie.» L’ex-ministre des Affaires étrangères du gouvernement Attal «va devoir travailler main dans la main avec Teresa Ribera, qui a aussi un gros portefeuille économique, car elle a comme mandat de faire en sorte que la compétitivité - c'est-à-dire la macro et la microéconomie - soit alignée avec les objectifs de décarbonation de l'Union européenne et avec la justice sociale. Donc ces deux gros portefeuilles sont les plus importants à mon avis pour les cinq prochaines années.» Pour elle, les eurodéputés pourraient récuser après leurs auditions plusieurs commissaires, notamment l’Italien et le Hongrois : « si leurs réponses devant le Parlement européen ne sont pas convaincantes, ils ne passeront pas ! »Pour la doyenne de PSIA, le risque n’est plus de voir certains pays «sortir de l'Union européenne, mais rester et la détricoter de l'intérieur. Détricoter l’état de droit, ce n’est pas européen. Donc aux autres d'être très vigilants, aux autres de mettre des lignes très claires - il faut être clair [et savoir] là où «détricoter» entre en collision avec ce que c’est que l'Union européenne, ce que sont les valeurs européennes, ce que sont les principes de l'Europe.»Les questions migratoires sont toujours au cœur de l’actualité : aux Pays-Bas, le gouvernement dirigé par le parti d’extrême droite PVV de Geert Wilders a annoncé vouloir demander une dérogation aux règles européennes d’asile. Pour Arancha González Laya, «C'est un divorce entre faits et perceptions. C'est le jeu des populistes en Europe. Mais pour un continent comme l'Europe, qui a un déficit démographique énorme, qu'il faut à la fois changer les discours et réconcilier fait et perception, sinon on va droit dans le mur [...] Nous devons avoir une politique migratoire à la fois sur la migration régulière dont on a besoin parce qu'on a un déficit démographique, mais aussi sur l'immigration irrégulière où nous devons aussi avoir des règles claires et nous devons les appliquer».
Elio Di Rupo, ancien Premier ministre belge et élu député européen chez les socialistes et démocrates pour cette Xe législature. Elio Di Rupo, redevenu député européen socialiste, juge le Premier ministre français Michel Barnier, bon négociateur, « notamment avec le Brexit, et négocier avec les Britanniques n’est pas facile, mais il reste un homme ancré à droite avec un profil très affirmé. Je ne peux pas oublier qu’il a voté conte la dépénalisation de l’homosexualité et qu’il a voulu très récemment que la France sorte de la Cour européenne des droits de l’homme ». La crise politique en Belgique aussi ? « Le 9 juin, la droite a gagné les élections. Du côté francophone, c'est plus net. Du côté de la Flandre, les socialistes flamands ont fait un excellent résultat. Et tous ces vainqueurs sont en train de tenter de former un gouvernement. Laissons-les travailler. » Quant aux déficits excessifs français et belge : « Pour le socialiste que je suis, on ne peut pas toucher aux soins de santé, on doit protéger nos concitoyens. (..) Où va-t-on chercher les moyens financiers ? Il y a des entreprises, des personnes, qui ont des gains astronomiques et par rapport à ces gains astronomiques, ne contribuent pas assez à la société. (...) Et donc il est normal qu'on demande à celles et ceux qui ont des épaules plus larges de contribuer davantage que celles et ceux qui ont des épaules plus étroites. » Mario Draghi a selon lui raison de parler de « lente agonie » dans son rapport sur la compétitivité : « Nous avons un retard terrible par rapport aux États-Unis et à la Chine », c’est pourquoi « il faut que l’Union européenne ait ses propres ressources financières » pour construire une Europe de la défense qu’il appelle de ses vœux. Car pour Elio Di Rupo, l’Union européenne n’est pas à la hauteur en ce qui concerne la guerre en Ukraine : « on ne peut pas laisser Poutine gagner parce que s’il gagne, nous sommes nous-mêmes, Européens, en danger. Nous avons besoin d'une Europe de la défense, non pas pour aller nous battre ailleurs, mais pour être capable de nous défendre nous-mêmes au sein de l'Otan », conclut-il.Sur les racines du populisme, l’ancien Premier ministre belge estime que « les citoyens ont besoin d'être rassurés, sécurisés, d'avoir des perspectives pour eux-mêmes et pour leurs enfants, un pouvoir d'achat qui soit suffisant pour vivre dignement ». Il fustige par ailleurs les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux et ont, selon lui, plus d’impact que les informations précises, pédagogiques, positives : « En tout cas, moi, j'ai la volonté de travailler avec mon groupe social-démocrate pour contribuer à combattre sans relâche l'extrême droite. »L’Allemagne a annoncé l’extension des contrôles migratoires à l’ensemble de ses frontières dès le 16 septembre et pour une durée de six mois : « Je pense que l’on doit être sans pitié avec ces criminels, ces fondamentalistes religieux, ces terroristes », or en Allemagne, « il y a eu des drames, avec des morts, et une réaction du gouvernement », même si « bien entendu, dans l'Europe que nous voulons construire, fermer les frontières est un acte qui n'est pas dans l'esprit de l'Union européenne ».L’Allemande Ursula von der Leyen, va présenter une « Commission très à droite avec même des commissaires d’extrême droite : ce qui est assez insupportable, c'est que le groupe socialiste est le deuxième groupe le plus important du Parlement européen et, personnellement, je ne me retrouve pas dans la Commission européenne a dû proportion de ce que nous représentons ». Les commissaires seront auditionnés par le Parlement européen et s’ensuivront un vote pour confirmer ou non la mise en place de cette nouvelle Commission. « Le fait que nous n'ayons pas un minimum d'équilibre par rapport aux sociaux-démocrates est quelque chose qui pourrait nous conduire à voter contre », met-il en garde.S’apprêtant à accueillir Viktor Orban dans l’hémicycle le 18 septembre, l’eurodéputé veut « continuer à se battre pour défendre les minorités, la démocratie, les libertés. (...) On doit continuer à ne pas considérer que notre système démocratique de liberté et de défense des minorités est acquis pour toujours et à se battre, à nourrir et à chérir cette démocratie ».
Cette rentrée européenne est marquée par la formation de la nouvelle Commission européenne d'Ursula von der Leyen, mais surtout, en France, par la nomination d'un nouveau Premier ministre, 50 jours après la démission de Gabriel Attal. Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier, un bon connaisseur de Bruxelles, négociateur principal du Brexit, nommé par le président de la Commission de l'époque, par Jean-Claude Juncker. « C'est un grand soulagement pour la capitale européenne », estime l'économiste Jean Pisani-Ferry, qui est notre invité cette semaine. Professeur à Science Po Paris et au think tank européen Bruegel, il revient sur les conséquences européennes de cette nomination. Pour Jean Pisani-Ferry, le nouveau locataire de Matignon est dans une position difficile, car « la gauche va certainement déposer une motion de censure. Elle ne sera pas votée. D'une certaine manière, Michel Barnier est l'otage du Rassemblement national. » Après deux mois d'âpres débats autour du nom du nouveau Premier ministre, la nomination d'une figure de la droite française à Matignon a provoqué la colère du Nouveau Front populaire, arrivé en tête des élections législatives. Pour notre invité, la France aurait à gagner en s'inspirant d'autres pays européens, plus habitués aux négociations de coalition : « Si nous étions un pays européen "normal", dans lequel on fait les élections et puis après on voit quelle majorité peut se constituer [...] on négocierait un accord de coalition avec des concessions de part et d'autre. Chacun définit ses lignes rouges, chacun définit ses priorités et sur cette base, on constitue un accord de coalition. »Les défis qui attendent le nouveau Premier ministre français sont de taille, notamment sur le plan économique : Bercy table sur un déficit de 5.6% en 2024, ce qui signifie, selon Jean Pisani-Ferry, un « effort d'ajustement de 120 milliards d'euros sur plusieurs années ». Pour lui, cela « passera nécessairement par plus d'impôts – un tiers par les impôts et deux tiers par les dépenses » donc les coupes budgétaires. Ce qui signifie un changement majeur pour le pays et pour le nouveau Premier ministre, pourtant issu des rangs des Républicains, car « ça va marquer la fin de la hausse des prélèvements, et plus particulièrement revenir sur le tabou de la hausse des prélèvements sur les plus fortunés. »L'économie de l'Union européenne est aussi à un tournant : le rapport Draghi sur la Compétitive de l'UE et Jean Pisani-Ferry considèrent que le continent a déjà pris trop de retard par rapport à ses concurrents principaux. « Aujourd'hui, nous avons un retard considérable sur la productivité par rapport aux États-Unis. Le retard s'est creusé de manière importante au cours des dernières années. Nous avons une situation dans laquelle, sur des industries comme les industries d'armement, on n'a pas de système intégré sur tout ce qui est innovation, technologie. On est en retard. » Alors que le contenu du rapport Draghi n'est pas encore entièrement connu, M. Pisani-Ferry fait la proposition suivante : « Il faut absolument introduire plus de flexibilité dans le budget européen. »La nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen est aussi déjà sous pression politique, notamment concernant sa composition et son manque de parité homme/femme. Pour Jean Pisani-Ferry, si les pays membres de l'UE ont échoué à proposer suffisamment de candidates femmes, ce sera désormais au Parlement européen d'arbitrer, et il s'attend à des sanctions : « Le Parlement ne laissera pas faire parce que la parité faisait partie des acquis de la dernière Commission von der Leyen. [...] Le Parlement va nécessairement mettre sur le grill un certain nombre de commissaires potentiels, et ça ne m'étonnerait pas qu'ils créent des difficultés. »
L’Ambassadeur de France, en poste dans de nombreux pays européens, reconnaît une Inquiétude au sein de l’Union européenne, depuis que la Hongrie du pro-russe Viktor Orban a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE pour 6 mois. V. Orban s’est rendu à Moscou discuter avec Vladimir Poutine : «La Hongrie a clairement cherché à s'opposer ou à ralentir des décisions européennes sur le soutien à l'Ukraine mais n'a jamais réussi. Et depuis 2012 et le traité de Lisbonne, le pays qui tient la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne ne préside aucune autre institution, ce qui limite son rôle dans le domaine de la politique étrangère».Viktor Orban s’est aussi rendu à Kiev, pour la première fois depuis 12 ans, pour «jouer un rôle d'honnête courtier comme certains de ses conseillers ou ministres l'ont dit», nous précise Philippe Étienne, «il veut montrer qu'il est un facteur de paix. Mais les autorités hongroises actuelles disent que ça ne change pas pour autant la position de la Hongrie sur le fond, et le gouvernement hongrois cherchera clairement à jouer de cette présidence pour favoriser telle ou telle de ses positions». Le Premier ministre hongrois tente de créer une alliance politique de droite radicale au Parlement européen, cherchant à rallier à lui certains partis : «Le résultat des élections européennes l'aide parce qu'il manifeste une poussée des forces eurosceptiques à droite nettement plus en ligne avec lui dans plusieurs pays».Côté USA, l’Union européenne émet des inquiétudes dans le cas d’une victoire de Donald Trump et l’ancien Ambassadeur en convient : «si l'on se fie au précèdent mandat de Trump, il avait une attitude beaucoup plus critiques vis-à-vis de l'Union européenne que les Démocrates et Joe Biden depuis qu'il est président. Mais quel que soit le résultat de cette élection, les Européens doivent faire face à leurs propres sujets. Nous avons, nous, Européens, nos propres contraintes, nos propres défis. La Défense en est un et il faut que nous développions cette défense européenne». Pour stopper la guerre en Ukraine, Donald Trump a parlé d’instaurer la négociation entre Moscou et Kiev : «Il n'a pas dit qu'il interromprait immédiatement le soutien à l'Ukraine mais, implicitement, le soutien à l'Ukraine serait en quelque sorte lié à cet effort de négociation. Les Américains ont tort de considérer que la guerre en Ukraine est un problème européen, parce que l'agression par un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU sur pays voisin est une menace à l'ordre international en général», affirme-t-il.Ce jeudi 4 juillet 2024, au Royaume-Uni, après 14 ans de gouvernement conservateur, les Travaillistes l’ont emporté à la Chambre des Communes avec une très large majorité. Keir Starmer succède donc à Rishi Sunak au 10 Downing Street, et ce sera «extrêmement intéressant à suivre», note Philippe Étienne, optimiste sur l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne qui vont être «beaucoup plus paisibles» : même si revenir sur le Brexit ou réintégrer le Marché unique semble être totalement exclus. «Il y a un domaine où elles peuvent gagner de la substance sans revenir sur les grandes décisions économiques, c'est les questions de défense et de sécurité», prédit Philippe Étienne.En tant que président de la Mission de commémoration des 80 ans de la Libération, Philippe Étienne rappelle que la Russie n’a pas participé au Débarquement, « par leur faute, en raison de la guerre en Ukraine qu’ils ont déclenchée : mais il a tout de même été largement question du rôle de l’Armée Rouge lors des discours et événements ». Mais ce qu’il tient surtout à souligner, c’est que ces commémorations «ont clairement rappelé à notre opinion et surtout à notre jeunesse le prix de la liberté, ne serait-ce que par la présence de ces vétérans américains, britanniques, français et autres, des personnes âgées d’une centaine d’années qui sont quand même venus, qui ont voulu rencontrer les jeunes.»
Nous recevons cette semaine Alexander Stubb, président de la République de Finlande depuis février 2024, ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères, ex-député européen. Il y a un peu plus d’un an, la Finlande rejoignait l’OTAN, mettant ainsi fin à des décennies de neutralité et de non-alignement militaire. La guerre en Ukraine et les inquiétudes qu’elle a suscitées en Europe ont provoqué ce tournant historique. Alexander Stubb estime que l’entrée de son pays dans l’OTAN apportera « plus de valeur ajoutée » à l’organisation grâce au « million de Finlandais ayant effectué leur service militaire » et à la position stratégique du pays, qui double la frontière de l’OTAN avec la Russie. « L'OTAN a beaucoup gagné et la Finlande a gagné aussi », souligne-t-il. Si la Finlande « n'est pas provocatrice » vis-à-vis de la Russie, elle ambitionne d’«être dans le noyau dur de l'OTAN ».Alexander Stubb accueille de manière « très positive » le choix de nommer l'ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte à la tête de l’OTAN. « Il va être un très bon chef pour l'OTAN », se réjouit-il, « je suis très content pour lui et pour l'OTAN ».Depuis plusieurs mois, la Finlande a fermé ses frontières avec la Russie face à l’arrivée de migrants, originaires pour la plupart du Moyen-Orient et d’Afrique, et accuse Moscou d’orchestrer ce flux migratoire pour influencer la politique finlandaise. Selon Alexander Stubb, « Poutine utilise les gens comme un instrument, il essaie de déstabiliser la Finlande » et mène « une guerre hybride ». Le président finlandais espère trouver une solution sûre et humaine.L'Union européenne a officiellement lancé mardi (25 juin 2024) des négociations d’adhésion avec l’Ukraine. La Finlande, qui a dû céder 10% de son territoire à la Russie en 1940, « comprend exactement ce que si passe en Ukraine en ce moment et c’est pour ça qu’on donne un soutien assez fort » à la candidature de Kiev. La perspective de voir arriver Viktor Orban à la présidence de l’UE à partir du 1er juillet et les conséquences éventuelles sur le soutien des 27 à l’Ukraine n'inquiètent pas Alexander Stubb, malgré la proximité affichée du Premier ministre hongrois avec Vladimir Poutine. « Je crois que le chemin de l'Ukraine pour l'Union est clair », déclare Alexander Stubb. Le Premier ministre finlandais reste optimiste, estimant qu’en dépit des crises, « on trouve toujours des solutions en Europe ». Il cite l’exemple de l’accord financier pour une aide à l’Ukraine que Viktor Orban avait bloqué avant de finir par plier sous la pression des 27. Alexander Stubb considère qu’en matière d’Europe géopolitique, « on a bien avancé pendant les cinq dernières années mais il faut aussi comprendre que l'Europe est jamais parfaite, jamais, surtout parce qu'on a 27 États membres, de temps en temps, avec des intérêts un peu différents ». Il salue le bilan d’Ursula von der Leyen, « une grande présidente de la Commission, un peu comme Jacques Delors ». Il lui apporte son soutien pour un second mandat à la tête de la Commission européenne, qui serait « une bonne chose pour l’Europe ». À l’heure où le multilatéralisme est en déclin, il pense que « l'intégration régionale va être plus forte » et l’Europe sera « assez forte » dans ce nouveau contexte mondial. « L’Europe ne va pas être les États-Unis, l’Europe ne va pas être la Chine mais quelque chose entre les deux et si on comprend ça, je crois qu’on va avoir une vue plus positive de l’Europe. »
Quelques jours après un scrutin européen déterminant pour l'avenir de l’Europe et lors duquel les partis d’extrême droite eurosceptiques ont gagné des sièges, nous recevons celle qui est encore Commissaire européenne à la Cohésion et aux Réformes, la Portugaise Elisa Ferreira, chargée du rattrapage des régions les plus reculées et en difficulté. Deuxième enveloppe du budget européen après la Politique agricole commune, la politique de cohésion bénéficie pour l’exercice 2021-2027 de 390 milliards d’euros à distribuer aux États membres pour qu’ils mettent entre autres en place des projets d’aide aux plus démunis ou à la transition écologique. Elisa Ferreira voit dans cette montée de l’extrême droite, lors des élections du 9 juin 2024, la conséquence du sentiment d’exclusion de certaines régions pauvres, qui sont «inquiètes, et donc s’attachent à quelqu'un qui leur dit ‘je te protège’, même si cette personne veut seulement arriver au pouvoir». Elle le reconnaît, il y a des disparités de richesse au sein de l’Europe qui est, rappelle-t-elle, «fondée sur la libre concurrence» au sein de l’Union, mais «la situation serait bien pire si la politique de Cohésion n’existait pas», soutient-elle. C’est pourquoi «il faut que tous les agendas politiques, y compris au niveau national, se préoccupent de la cohésion pour donner des opportunités à tous les territoires».Dans une récente tribune co-écrite avec Nicolas Schmit, actuel Commissaire européen à l’Emploi et aux Droits sociaux, elle appelait les Européens à aller voter «en faveur des partis pro-européens, qui ont confiance dans l'Europe et qui donnent confiance à l'Europe». Elle espère que le résultat du scrutin, qui voit tout de même une large majorité pour le «centre élargi» se dégager, permettra de «maintenir la politique de cohésion au centre de notre future politique commune. Sans la politique de cohésion, l'Europe va se fractionner. Surtout quand on pense que l'Europe doit s'élargir. Et le succès de tous les élargissements précédents s’est fait grâce à un renforcement de la politique de cohésion.» Preuve en est, l’augmentation du PIB par habitant des pays qui ont intégré l’Union, qui sont en moyenne passés de 50% de la moyenne européenne à 80% «c'est une croissance incroyable»!Pour Elisa Ferreira, la politique de cohésion n’est pas une redistribution d’argent, mais «une redistribution d'opportunités pour que tout le monde puisse contribuer à la richesse commune. Bien sûr, pour ça, il faut avoir de l'argent. Mais l'argent n'est pas un but en soi, c'est une condition pour que le rattrapage puisse se faire.» La politique de cohésion est là pour aider les États membres mais, précise la Commissaire, «on ne peut pas décider de ce qui est fait au niveau des régions, on dépend des propositions qui nous sont faites. On refinance, on aide, mais c'est en partenariat. Bien sûr, il y aura toujours partout des gens démunis, mais le travail qui a été fait avec les fonds européens en termes de création d'emploi, de formation, d'éducation, d'accès à la santé, est reconnu partout.»
Nous recevons cette semaine Pascal Lamy, ancien commissaire européen pour le Commerce et directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce de 2005 à 2013. Aujourd’hui président émérite de l’Institut Jacques Delors, Pascal Lamy commente depuis le siège de la Commission européenne ces élections pleines de surprise, et marquées en France par la dissolution inattendue de l’Assemblée Nationale. Les résultats de ces élections «hybrides» car capitales sur le plan européen mais aussi au niveau national marquent selon Pascal Lamy «une légère poussée à droite au Parlement européen mais qui reste contenue» et moins forte que ce que prévoyaient les sondages. Reste à savoir si cette droite portée par Ursula von der Leyen parviendra à maintenir une majorité, nécessaire pour faire voter les textes que la Commission proposera. Selon Pascal Lamy, «il est probable que madame von der Leyen aura la majorité suffisante pour être élue». Mais pas sûr que cette potentielle majorité d’Ursula Von der Leyen lui permette de faire voter tous les textes, quand certains fustigent le Pacte Vert par exemple, difficilement défendu par des Verts au plus bas. «On va avoir une commission dont la composition sera plus influencée par les forces de droite qu'avant», prédit-il. À peine trois ou quatre commissaires sur 27 pourraient être de la famille sociale-démocrate. «Il est fini le temps où la Commission avait plus de sociaux-démocrates que de chrétiens démocrates ou de centre droit». Mais même si les partis d’extrême droite et les groupes de droite radicale chez les non-inscrits totalisent 25% des sièges du Parlement, cela ne constitue pas une «minorité de blocage» pour Pascal Lamy. La raison est simple : «ils ne sont pas d’accord sur l'Ukraine, ils ne sont pas d'accord sur l’OTAN, ils ne sont pas d'accord sur l'environnement, ils ne sont d'accord sur rien». Si l’extrême droite est au plus haut en France, elle recule déjà dans les pays nordiques ; et même en Hongrie, le parti de Viktor Orban n’a pas obtenu le résultat escompté. Selon Pascal Lamy, l’explication est simple : «là où ils sont au pouvoir, ils baissent». Le populisme atteint donc ses «limites» dès son arrivée au pouvoir : «parce que quand on est élu, on devient responsable». Quant à la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée Nationale, il suppose le raisonnement suivant : «un gouvernement dominé par le Rassemblement national pendant trois ans, serait moins propice à une élection du Front national en 2027 à l'Elysée». En revanche, un échec du RN à la bataille des législatives supposerait «une très forte mobilisation des partis qui ne sont pas au RN» dont il doute.Les élections européennes marquent aussi une redistribution des «top jobs», les hautes fonctions de l’UE. Compte tenu du «gain parlementaire du PPE», la reconduction de Roberta Metsola à la tête du Parlement européen et celle d’Ursula Von der Leyen à la Commission européenne semble «vraisemblable» pour Pascal Lamy. Un social-démocrate pourrait bien se voir attribuer la présidence du Conseil européen : Pascal Lamy avance le nom d’Antonio Costa, l'ancien Premier ministre portugais, ou encore celui de Kaja Kallas, Première ministre estonienne centriste, comme cheffe de la Diplomatie. «Il est assez normal que l'Europe centrale et orientale soit représentée, comme d'ailleurs elle l'a été avec le président polonais Donald Tusk qui maintenant est Premier ministre en Pologne», conclut-il.
Nicolas Schmit, tête de liste du Parti socialiste européen, déplore que la social-démocratie soit à la peine en Europe et dans cette campagne, face à la focalisation sur la montée de la droite extrême et de sa possible alliance avec le droite mainstream : car c’est bien le PPE mené par Ursula Von der Leyen, qui est donné en tête des sondages au niveau européen. La course aux alliances post-électorales a presque démarré au Parlement européen : Viktor Orban, le très populiste Premier ministre hongrois plaide pour un rapprochement des souverainistes européens autour de Marine Le Pen et Giorgia Meloni. La cheffe du gouvernement italienne est aussi courtisée par la droite plus traditionnelle d’Ursula von der Leyen. Pour Nicolas Schmit, cette romance est une trahison à la « fiction qui a été inventée par le PPE et par madame von der Leyen de ne faire des alliances qu’avec ceux qui sont pro-européens, pro-Ukraine, et pro-État de droit ». Les deux visions pour l’Europe sont donc « totalement incompatibles », et une majorité pour soutenir un mandat von der Leyen 2 entre les socio-démocrates qu’il dirige et les troupes de Mme Meloni est une « option exclue ». Sur le volet social, le commissaire aux Affaires sociales souhaite défendre la santé comme « droit fondamental des citoyens de l’UE » : la « notion de service public doit être au cœur du projet européen social-démocrate : il faut notamment veiller à ce que les salaires soient corrects », avec l’aide du salaire minimum européen qu’il a mis en place comme commissaire. Quant à l’influence des Russes sur la campagne européenne, Nicolas Schmit déplore des « interférences permanentes au niveau européen comme au niveau national ». Il souhaite « alerter les citoyens qui peuvent effectivement s'égarer de ce côté-là, leur vote est aussi un vote de soutien indirect à ces dictatures puisque, on le connaît, il y a des liens évidents entre l’extrême droite et Poutine », conclut-il.À propos de la Palestine, sujet qui a divisé les socialistes européens, Nicolas Schmit se prononce en faveur d’une reconnaissance de l’État palestinien. S’il condamne les « crimes impardonnables du 7 octobre et les otages toujours détenus par le Hamas », le commissaire blâme la riposte disproportionnée du « gouvernement d’extrême droite israélien ».