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Oublieuse Postérité
Author: Oublieuse Postérité
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© Oublieuse Postérité
Description
Oublieuse Postérité est un podcast littéraire bimensuel qui s'écoute comme une série d'aventure narrée à la première personne par un naufragé romanesque qui lutte pour sa survie dans un océan sans mémoire qui a englouti toutes ses idoles, océan duquel émergent quelques silhouettes inquiétantes, inconnues et peut-être salvatrices... S'en approchant, le narrateur va découvrir un continent oublié de la littérature du XXème siècle et, ébahi, va partager ces chefs-d'oeuvre pour se venger de l'oublieuse postérité.
Embarquez avec lui, il reste de la place dans ce voyage culturel singulier !
Un épisode le premier et troisième mercredi du mois à 07h00.
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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31 Episodes
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OP - Prologue : Cartographie de l'absence (écrivains oubliés du XXème siècle)
Episode introductif dans lequel le narrateur embarque pour son épopée à travers la littérature oubliée du XXème siècle, expliquant pour quelles raisons il décide de renier tous les auteurs et les livres qu'il connait pour (re)découvrir tous ceux que la postérité ignore.
OP - Prologue : Cartographie de l'absence (écrivains oubliés du XXème siècle)
Episode introductif dans lequel le narrateur embarque pour son épopée à travers la littérature oubliée du XXème siècle, expliquant pour quelles raisons il décide de renier tous les auteurs et les livres qu'il connait pour (re)découvrir tous ceux que la postérité ignore.
Ecrivains oubliés cités (et peut-être étudiés dans un prochain épisode) : Henri Calet, Raymond Abellio, Léon Bopp, Jacques Lemarchand, Jean Cau, Robert Poulet, Pierre Molaine, Jean Lagrolet, Raymond Guerin, Roger Nimier, Luc Dietrich, Henri Thomas, Pierre Herbart, Noël Devaulx, Luc Estang, Pierre Gascar, Jean Forton, Daniel-Rops, Fred Deux, Maurice Sachs.
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Chapitres :
00:00 : Introduction
02:35 : Cartographie de l'absence
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Crédits :
Epidemicsound
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OP - Episode 01 : Fossoyeur de mémoire (Le Temps des Morts (1953), Pierre Gascar)
Première découverte du narrateur qui, à l'instar de Peter dans Le Temps des Morts, immerge lui aussi ses cadavres. Des cadavres littéraires dans l'océan de l'oubli.
Le Temps des Morts est le récit de la captivité de son auteur devenu fossoyeur dans un camp de prisonnier en Ukraine pendant la seconde guerre mondiale... Sans doute parmi les plus belles pages écrites à propos de la mort.
Attention, la version commentée (et conseillée) est celle de 1953, pas de 1998. Je recommande aussi du même auteur : Les Bêtes, Soleils et Les Femmes.
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Chapitres :
00:00 : Introduction
02:52 : Le Temps des Morts
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Crédits :
Epidemicsound
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Le voyage continue avec cette découverte incertaine d’Handji. Femme réelle ? Femme fantasmée ? Femme inventée ? Et que dire de David et Walter qui peu à peu se substituent à Robert Poulet ?
Handji est le premier roman de Robert Poulet (1894-1989), roman de guerre surréaliste, roman de guerre qui emprunte au réalisme magique, roman métatextuel aussi, qui raconte l’arrivée étrange d’une femme dans le quotidien de deux soldats du front ouest pendant la première guerre mondiale.
Attention, la version commentée (et conseillée) est celle de 1931, pas de 1955. Je recommande aussi du même auteur : Les Ténèbres, L’Enfer-Ciel.
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Chapitres :
00:00 : Introduction
01:33 : Handji
28:04 : Appendices
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Crédits :
Epidemicsound
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OP - Épisode 03 : La violence littéraire (La Barette rouge (1938), André de Richaud)
Que font un homme maudit et une femme innocente que le destin précipite dans une maison hantée par le souvenir d’un cardinal ayant pactisé avec le diable ? Que peuvent les humains contre des forces antagonistes qui les rapprochent de plus en plus malgré une répulsion grandissante ?
La Barette rouge est un roman d’une violence inouïe qui se passe pourtant d’effusions de sang, d’enchainement de crimes. C’est un roman expressionniste, un roman à la fois lyrique et pauvre, peuplé de désirs et de pulsions qui s’assouvissent dans une fièvre que rien ne peut guérir.
Absolument tout ce que j’ai lu d’André de Richaud vaut lle coup. Pour commencer, peut-être La Barette rouge ou La fontaine des lunatiques.
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Chapitres :
00:00 : Introduction
01:54 : La Barette rouge
26:53 : Appendices
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Crédits :
Pexels
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OP – Épisode 04 : La nostalgie du peuple (La belle lurette (1935), Henri Calet)
Hymne aux joies simples du souvenir, hymne d’un peuple oublié, hymne de l’enfance imparfaite, La belle lurette est un court roman qui met en scène un double fantasmé de l’auteur, perdu bien en sécurité dans les bras de son père, contre le sein de sa mère, brinquebalé de pays en pays à cause de la première guerre mondiale, double à la fois fripouille et attachant qui se remémore la tendresse des années perdues.
C’est un roman très touchant, très simple à lire, à la fois plein d’humour et d’humanité, qui se parcoure comme une ville, comme un album de famille. Un roman qui nous fait renouer avec un vingtième siècle pas tout à fait catastrophique dont on peut tirer quelques sourires nostalgiques.
Henri Calet à un style très reconnaissable et la plupart de ses livres valent le coup. Néanmoins, je crois que La belle lurette est parfait pour découvrir l’auteur.
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OP – Épisode 05 : Confessions d’un philosophe meurtrier (Le crime d’Alexandre Lenoir (1929), Léon Bopp)
Alexandre Lenoir est enfermé dans sa cellule de prison. En attendant son jugement, il va remonter le cours de son existence et raconter sa formation intellectuelle autant que charnelle. Enfant voué à l’excellence morale, enfant érudit et ambitieux, le passage à l’âge adulte le laissera vacillant et peut-être mortellement blessé.
La philosophie peut-elle tuer ? La recherche de la vérité est-elle vouée à l’échec ? Chercher à expliquer le bien peut-il remplacer la volonté de faire le bien ? Peut-il conduire à faire le mal ?
Voici en substance les questions posées par Léon Bopp dans Le Crime d’Alexandre Lenoir, roman à la fois oulipien avant l’heure et (peut-être malgré lui) naturaliste par bien d’autres aspects, roman qui montre une érudition démesurée et dans le même temps un systématisme presque déraisonnable, prémisses de ce que son auteur théorisera dans un essai : le catalogisme.
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OP – Hors-Série 01 : De l’enfance à l’oubli (Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants (1958), Kenzaburo Oe)
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Kenzaburo Oe est décédé voilà trois semaines (03 mars 2023). Une partie de son œuvre est traversée par la nature, à la fois superbe et dangereuse. Cet héritage sylvestre et bestial, il le doit en partie à l’écrivain français Pierre Gascar (qu’Oublieuse Postérité a étudié dans son premier épisode) dont une expression employée par ce dernier dans une nouvelle du recueil Les Bêtes a marqué à vie l’auteur japonais. Cette expression est celle de « grande communion ». Celle des hommes, des animaux et de la nature.
Dans Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants, un groupe d’enfants délinquants fuit avec ses éducateurs sa maison de redressement que la guerre menace. Bientôt parvenus dans un village perdu de la forêt et des montagnes japonaises, ils deviennent fossoyeurs par contrainte, sous les ordres des autochtones, enterrant des animaux dénaturés qu’une épidémie tue. Le virus finira par s’étendre aux hommes.
Cette « étude » comparée tente de lire le roman de Kenzaburo Oe à l’aune de sa dette gascarienne. Roman à propos de l’enfance perdue bien sûr, de la guerre, de la guerre intergénérationnelle, d’une sorte de guerre sociale aussi, roman plus encore de la lutte des hommes transformés en bêtes et, peut-être, des bêtes juvéniles soudain vielles d’humanité…
C’est enfin un moyen de questionner la postérité et ses injustices, elle qui sacra Kenzaburo Oe du prix Nobel et enterra sans faste Pierre Gascar.
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PexelHébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
OP – Épisode 06 : De Pétain à De Gaulle (Le métier des armes (1948), Jules Roy)
Après une enfance algérienne pendant laquelle Jules Roy a failli basculer dans l’errance, la délinquance et le renoncement il entre au séminaire et apprend peu à peu la rigueur et surtout l’amour de la rigueur. Devenu adulte, abandonnant la vocation, il décide d’en choisir une autre tout aussi austère : l’armée.
Dans Le métier des armes, récit d’un instant crucial, Jules Roy raconte le craquèlement inévitable de son engagement jusqu’alors indéfectible pour le maréchal Pétain et l’émergence de la figure antagoniste : le général De Gaulle.
Récit âpre de la vie militaire, récit rude des doutes honteux du soldat, Le métier des armes est un rapport sans concession sur le lien entre l’homme et la nation, l’homme et sa hiérarchie, l’homme et son honneur. Jules Roy vacille fondamentalement et le dit avec une pudeur martiale, ce qui ne l’empêchera pas d’être mis au ban de son institution.
C’est aussi l’occasion de lire Jules Roy à l’aune de Saint-Exupéry – l’engagement horizontal et terrien du premier face à celui transcendantal et aérien du second - de rappeler son admiration et son amitié pour Albert Camus ainsi que pour le poète kabyle chrétien, son grand ami, Jean Amrouche.
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OP – Épisode 07 : Déréliction amoureuse (La femme de Gilles (1937), Madeleine Bourdouxhe)
C’est la double déréliction d’un amour que raconte l’auteur. Celle de Gilles d’abord, le mari idéalisé, robuste, toujours mobile qui va soudain succomber aux charmes de Victorine, la petite sœur de sa femme. Submersion par la chair. Et celle d’Élisa ensuite, la femme de Gilles, qui ne pourra plus se résoudre à aimer un homme qu’elle ne peut plus idéaliser. Faillite de l’esprit.
La langue est simple, rapide, tranchante. Les émotions sont à la fois retenues et expansives selon les personnages. Le narrateur quant à lui intervient en fonction des situations parce qu’il voudrait mettre en garde des personnages qui ne l’entendent pas, parce qu’il veut donner aux évènements la dimension d’une tragédie.
Lecture plus complexe que la première impression, lecture citée par Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe pour évoquer la réalisation des femmes par le maintien de l’ordre et de la propreté dans le foyer, l’histoire de la femme de Gilles emprunte aux étapes du chemin de croix pour décrire la contradiction d’une femme détruite par la perte de son amour et d’une femme sauvée par cette même perte.
Car c’est parvenue à la liberté d’aimer ou de ne plus aimer qu’Élisa cessera d’être la femme de Gilles pour devenir pleinement elle-même. Funestement elle-même.
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OP – Épisode 08 : Un Kafka français (L’expérience de la nuit (1945), Marcel Béalu)
Marcel Adrien a des problèmes oculaires. Le docteur Alexandre Fohat a des solutions. Si son patient suit ses recommandations il devrait pouvoir parvenir à une perception nette de choses. Lesquelles ? On ne sait pas. Pourquoi ? On ne sait pas plus. D’ailleurs, d’où vient le narrateur ? Quelle est son histoire ? Quelle est son but ?
Marcel Béalu ne s’embarrasse pas d’immédiateté. Il ne cherche pas de destination. Ce qui importe dans ce roman c’est le voyage, la méthode, les étapes – et tous les symboles qui se cachent à chaque étage du livre.
Cette errance est étrange, inquiétante, fantastique. Ce roman pourrait être l’égal du Procès de Kafka, ou peut-être plus encore du Château tant son atmosphère est surnaturelle et banale. Par un glissement progressif des sensations, le narrateur bascule dans un monde qui est à la fois le nôtre et celui des angoisses. L’altérité est dangereuse. Les intentions sont coupables.
Avenue sans fin, place sans issue, immeuble de quatre étages aux escaliers infinis et aux paliers vides, malédiction et pouvoir, yeux de poupées et yeux d’humains… Marcel Adrien cherche à se soigner d’un mal dont on ne connait guère l’origine, dont on comprend bien qu’il est d’ordre métaphysique mais qui ne semble pas connaitre d’antidote. Car le narrateur pourrait bien être piégé par sa conscience dans un monde aux confins du rêve et du cauchemar.
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OP – Épisode 09 : Le livre d’un dieu… déchu (Le Meurtre d’un enfant (1965), Jean Cau)
Jean Cau se confesse : il a tué un enfant. Cet enfant, bien sûr, c’est lui-même. Il est devenu adulte avec les années et a trahi celui qu’il était. Il cherche donc à comprendre cet assassinat et à ressusciter – pour un temps seulement – le souvenir d’une existence que le temps n’avait pas pourri.
Fils d’une famille humble, bientôt secrétaire de Jean-Paul Sartre aux Temps Modernes, Jean Cau va peu à peu perdre ses illusions politiques au contact de l’intelligentsia de gauche qui, selon lui, ne fera dans le secours des humbles que se secourir elle-même, c’est-à-dire mettre en valeur son humanisme corrompu, réécrire l’histoire familiale de ses penseurs, en somme cacher sa toute-puissante bourgeoisie pour faire croire au faux dénuement de ses racines. Mise en scène de soi et abandon du prolétariat, telles furent les conclusions des années existentialistes.
Intransigeant et en colère, usant d’un style flamboyant, sans cesse métaphorique, bêchant dans l’argile la plus humble pour y ériger des symboles de grâce, Jean Cau va tenter de redevenir le dieu qu’il était enfant quand l’amour, la guerre et la politique ne l’avaient pas encore déchu de son omnipotence juvénile.
Si l’entreprise est par essence vouée à l’échec, le livre qu’il bâtira sera à l’inverse un véritable chef-d’œuvre.
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OP – Épisode 10 : Plaisirs captifs (L’apprenti (1946), Raymond Guérin)
Monsieur Hermès a une sale habitude : il a l’œil qui traine sur les voisins, surtout des couples, surtout aux moments où l’esprit se met en sourdine pour laisser à la chair ses droits et ses devoirs.
C’est un peu la faute de Monsieur Papa et de Madame Mère après tout. Ce sont eux qui l’ont envoyé dans ce maudit palace avec ces clients dégénérés, son personnel indigent, pour qu’il se forme à la vie. S’il fantasme le soir venu de corps féminins, s’il se dégoûte parfois, il n’est que victime. C’est Paris ! C’est sa blennorragie ! C’est son hideuse conquête ! Lui a une pièce de théâtre à écrire. Il a une carrière de dramaturge à mener. Mais on le freine, on l’empêche !
Roman flamboyant dans la monotonie, roman de péripéties absentes mais de l’épopée d’une langue argotique, vulgaire, crasseuse, roman du jus, du pus, de la suppuration, romans aux sanies terribles et la sentimentalité débordante, c’est une bien étrange œuvre qu’a livré en 1946 Raymond Guérin (1905-1955), s’inspirant bien entendu de son existence d’employé d’hôtel.
Premier volume de son Ébauche d’une mythologie de la réalité, il sera suivi de deux autres tomes seulement, l’auteur étant mort avant d’en arriver au bout.
C’est aussi l’occasion d’évoquer la condition de l’écrivain prisonnier de guerre (comme tant d’autres), de l’écrivain détruit par cette guerre, qui va en témoigner mais que l’ascension du formalisme et du besoin de reconstruire la nation va jeter dans les oubliettes de la mémoire.
Prisonniers des stalag, prisonniers de la postérité, libérons-les !
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Chapitres :
00:00 : La condition de l’écrivain prisonnier
04:13 : Raymond Guérin et L’apprenti
24:00 : Maurice Sachs et l’oubli
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OP – Épisode 11 : Les contes métaphysiques (L’auberge Parpillon et autres contes (1945-1994), Noël Devaulx)
Au lendemain de la guerre s’élève une voix nouvelle en littérature, « celle de Noël Devaulx (1905-1995) qui est l’une des plus dignes d’être remarquée » (Gaëtan Picon). Cette voix, c’est celle d’un nouveau fantastique, celle d’une lente déréliction du réel, à la fois sans heurt et morbide, banale et fantasmagorique.
Dans son format de prédilection, à savoir le conte, Noël Devaulx va bâtir en un demi-siècle l’une des œuvres les plus singulières, les plus imagées, paraboliques, allégoriques de sa génération. Il va aussi devenir l’un des écrivains les plus injustement oubliés, se tenant d’ailleurs lui-même à l’écart de la vie littéraire, collectionnant pourtant les prix (pour des nouvelles ou pour l’ensemble de son œuvre) et, évidemment, ayant choisi pour s’exprimer le genre littéraire le moins apprécié de tous.
Dans ses contes se multiplient les apparitions de l’étrange, du surnaturel, du bizarre. Bal masqué, réunion vampirique, pacte faustien, belle-mère volante, squelette enchanté… La liste est longue ! Si beaucoup de textes empruntent à des symboles déjà verts, il ne faut pas négliger le pouvoir rénovateur de Devaulx. Prosateur indubitable, il est à la fois maître de la métaphore et de la dignité, empreint d’une métaphysique vouée à la mort et à l’incompréhension – cette incompréhension qui est la nôtre tant les récits de Devaulx sont impénétrables et pourtant limpides.
Entrer en Devaulx c’est croire sans fin à une révélation impossible.
Le Pressoir Mystique est à mon avis le meilleur recueil mais L’auberge Parpillon, Bal chez Alféoni ou Le visiteur Insolite sont d’excellents livres pour découvrir le travail de l’auteur.
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OP – Épisode 12 : Béance existentielle (Le bon apôtre et autres romans (1923-1926), Philippe Soupault)
Il fut le troisième mousquetaire du surréalisme avec André Breton et Louis Aragon. Il fut le coauteur du premier recueil poétique de ce mouvement, Les champs magnétiques, publié en 1919. Il était le moins prosélyte, le moins borné, le plus libre. Il ne fut pas doctrinaire, ne fut pas politicien. On ne le surnomma pas « le pape », il ne reniera pas son prénom comme Aragon. Il ne s’occupera pas des idées ni des hommes mais seulement de littérature.
Philippe Soupault fut peut-être le moins bon poète des trois hommes mais le meilleur romancier, et de loin. En à peine trois ans, entre 1923 et 1926, il produisit une œuvre romanesque limpide, implacable et hautement prémonitoire. Car si sa poésie est parfois joviale ses romans ne le sont pas. Ils s’attaquent à la réalité béante des individus qui sont nés avec la première guerre mondiale. Ils s’attaquent à la constitution même de l’individu après les combats. Que reste-t-il de sens pour ces existences à peine majeure ?
Littérature du mouvement, littérature du départ et du retour, de la fuite, de la recherche et de l’abandon… En écrivant à propos des hommes creux qu’aucune complétude jamais ne sauvera, Philippe Soupault fut le précurseur de l’existentialisme et de l’absurde, de Sartre et de Camus, mais aussi celui du silence et de l’ermitage littéraire. Car il ne cria jamais contrairement à ceux qui le suivirent.
Tous les romans cités dans cet épisode sont très bien pour découvrir le travail de l’auteur ! Pourquoi pas En joue ! pour ceux qui ont déjà lu Le Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle.
Cet épisode est une reprise d’un article écrit pour la @revuemenestrel
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OP – Épisode 13 : L’avènement du récit (Le temps infini (1968), Yvonne Escoula)
La seconde guerre mondiale aura dans ses assauts déstructuré tout à fait le roman. A l’ombre de sa carcasse à l’agonie c’est le genre du récit qui connut son heure de gloire avec une profusion de textes de grandes qualités rédigés pendant une période de vingt ans environ avant que cette forme courte, mystérieuse et ambivalente, ne connaisse une nouvelle fracturation et n’accouche dans les eaux de sa gangrène d’un sous-genre qui aujourd’hui encore nécrose la littérature : l’autofiction.
Yvonne Escoula, en cent-cinquante pages, va rejoindre les bancs majestueux de nos meilleurs artisans en la matière : Pierre Gascar avec Le Temps des morts (1953), premier épisode de ce podcast, Jean Cau avec Le meurtre d’un enfant (1965), neuvième épisode, mais aussi Maurice Blanchot ou Louis-René des Forêts.
Dans Le temps infini (1968), l’esprit d’un homme mourant va soudain se morceler et partir en maraude dans la mémoire, en quête des êtres qu’il fut et de tout ceux qu’il rencontra, pour se guérir peut-être, peut-être pour comprendre ce vingtième siècle insaisissable auquel il participa de nombreuses manières, notamment en sauvant une femme juive de la déportation.
Ainsi délivrés des convenances terrestres, le rêve, les souvenirs et la réalité vont bientôt se confondre à l’insu du lecteur sans que l’on sache clairement quels évènements sont fantasmés et lesquels sont vécus. Sans aucune avarice métaphorique, avec l’espoir le plus vain et bientôt avec une amertume plus grande encore, Yvonne Escoula, multipliant les images impressionnantes et la confusion des sens, a bâti un récit sans la moindre faille qui met en exergue chuchotée l’ambivalence du temps infini pour un être de chair : bénédiction ou malédiction ? « L’impersonnel instant d’éternité du vide ? » ou « le sud béni de la cendre des morts ? » (Roger Gilbert-Lecomte)
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OP – Épisode 14 : Silence de l’écriture (Le Grand Feu (1942), Madeleine Ley)
Madeleine Ley (1901-1981) a écrit son œuvre en une décennie à peine. Après sa dernière longue nouvelle, Le Grand Feu, il n’y aura plus une phrase, plus un mot. Elle rejoint Arthur Rimbaud, J. D. Salinger, Friedrich Hölderlin et tous les astéroïdes des lettres qui, ayant tout dit ou ne pouvant plus dire, se sont pétrifiés, victimes de la gorgone du silence. Pour Madeleine Ley ce sont les yeux de la maladie qui seront à l’œuvre. Présente depuis bien longtemps, évoquée par la romancière comme son double, incurable à la suite de la seconde guerre mondiale.
Le Grand Feu met en scène une jeune adolescente, Marietta, que le décès de son père laisse presque orpheline. Recueillie par son grand-père, elle quitte Marseille et s’élève, s’élève dans les montagnes de l’arrière-pays. Là, en compagnie de Reine, sa cousine, commence une vie d’espaces infinis, une vie bercée par le murmure des torrents, le craquement de la terre et le parfum des narcisses. L’amour ressemble à l’ange du jugement. Le village à une nouvelle famille.
Mais le paradis est éphémère et bientôt un incendie se déclare. Il faut alors trouver et détruire le fautif car l’on lapide les criminels par négligence dans cette vallée. C’est 1885. C’est le repli d’un hameau sur la vengeance. C’est une lutte sans pitié entre les quatre éléments qui tour à tour s’abreuvent à l’orient d’Eden et dépérissent dans les brasiers de l’enfer.
Ode à la nature, manifeste de la jeunesse mais aussi sirènes des démons intérieurs… Les lectures symboliques de ce texte sont nombreuses et diverses, entre catholicisme poignant et métaphores testamentaires. Peu importe le choix qui est fait, la langue est à la fois pure et contaminée, déchirée entre l’aspiration au ciel et l’enlisement infernal.
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OP – Épisode 15 : Le monde en feu (Violences (1944), Pierre Molaine)
Pierre Molaine (1906-2000) est l’un de nos plus grands écrivains de guerre. Plus que cela, il est sans doute l’un de ceux qui aura le mieux mis en scène la colère et la violence, qu’elles soient liées aux champs de bataille, à la personnalité d’un homme ou consubstantielle à l’humanité. Dans les tanks, dans un hôpital, dans la paresse ou la vengeance, partout le monde s’enflamme sous la plume de Molaine.
Plus qu’un témoin de guerre, plus qu’un sondeur d’abîme, il est aussi un styliste extraordinaire qui cisèle une langue brûlante, fougueuse, marquante. Il maîtrise à la perfection son outil. Par la voix presque exclusivement à la première personne de ses nombreux romans il tisonne jusqu’à nos âme pour y graver une malédiction sans fin. Lire Molaine c’est entrer en guerre avec les mots, sans savoir s’ils sont nos alliés ou nos ennemis, sans savoir si ses personnages sont des monstres de bravoure ou d’inhumanité.
Violences raconte le destin sanglant de Ter Korsakoff, de Soltan Attrache et Piotr Petrovitch dont « la laideur pétrifie le monde ». Tous trois forment une équipée sauvage réunie une première fois dans la mort que de nouvelles retrouvailles renverront de charniers en charniers jusqu’au seul sort qui vaille pour eux.
Il faut plonger, oui, il faut plonger au plus bas et ne pas en revenir.
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Au commencement, il y’a le hasard. Il y’a l’homme qui tourne les pages, celui qui commande les antiques revues, qui cherche le roman terminal, l’écrivain ultime. Au commencement, il y’a l’injustice et la révolte, le plaisir et la honte, le fruit sans défaut qu’on cueille à la place de l’autre, du vérolé, de l’impur pourtant si riche et discret.
Viennent ensuite les découvertes, les paysages qui se dressent avec lyrisme ou existentialisme, dans la fantasmagorie du surréalisme et la tragédie des deux guerres. Viennent les patronymes fantaisistes, inconnus de tous et pourtant éternels hier encore. Viennent les ravissements et les déceptions, les orfèvres sans voix et les démagogues aux longues langues.
Ce seront Les lettres nouvelles. Ce sera Maurice Nadeau. Ce sera un nom familier et un prénom immortel, ce seront Hubert Gonnet et Karl. C’est 1953, comme Le temps des morts et Les bêtes de Pierre Gascar, lui aussi publié dans la revue du jeune homme.
Oh, ce seront les pages jaunies et les vieilles formules, l’absence de ponctuation et le flux de conscience. Ce seront les verdeurs de Proust et les maturités de Joyce. Mais ce seront aussi les moiteurs d’Artaud et les appétits du comte de Lautréamont, invisibles ou presque encore.
Creuse les mots et emporte le sens. Chaque jour et chaque heure, au soleil sacerdotal de la littérature. Je ne suis plus qu’un pantin que gonfle le sang des écrivains oubliés. Je vois dans chaque crépuscule des funérailles indues et dans chaque aube des couronnements éphémères. Je suis à mes profanations, bien trop lents pour rivaliser. La terre des idoles nous recouvre chaque jour davantage.
Hubert Gonnet (1924-1998) est le comte de Lautréamont du vingtième siècle. Il a réécrit Les chants de Maldoror avec Voyage au Strömland (1969). Il a sondé l’abysse, la noirceur de l’âme, le geste gratuit des apparences et pourtant plus lourd que le monde dans l’intimité. Il a inscrit dans les lettres l’un de plus violent combat de l’âme dans Le grand scandale (1966).
Il a écrit quinze années puis a disparu en 1969, trente ans avant de mourir. Qu’est-il devenu ? Qu’est-il devenu ? Avant-nous seulement un semblant de réponse ? Ne reste qu’à écouter la voix de celui qui tourne les pages.
Et à remercier, infiniment, les ayants droits d’Hubert Gonnet pour leur sympathie et leur générosité.Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Le projet était beau : laisser à douze auteurs le soin de composer un roman, chacun écrivant un chapitre dont le numéro aurait été tiré au sort au préalable. On ne déciderait de rien avant les premiers mots : ni style, ni personnage, ni histoire… Rien que l’imagination et quelques règles de base pour la bonne tenue de l’entreprise. Et l’on découvrirait seulement au moment de la rédaction de son chapitre ce que nos partenaires auraient écrit avant nous.
Que pouvions-nous donc attendre d’un roman signé de douze maîtres de leur époque (Jules Romains, Louise de Vilmorin, André Berry, André Beucler, Pierre Bost, Jean-Louis Curtis, Jean Dutourd, Yves Gandon, Michel de Saint-Pierre, Gilbert Sigaux, Paul Vialar, Alexandre Vialatte), d’un roman signé par des auteurs qui convoquent à eux seuls seize prix littéraires ?
Du génie bien sûr. Du sérieux. De l’originalité. Des tonalités singulières. Nous n’aurons que de la confiture aux lettres. Il faut malheureusement le concéder : Le roman des Douze est un assez mauvais roman. Une parodie malgré elle de roman d’espionnage. Un pastiche de roman métatextuel. Un jeu qui tourne à la mascarade.
René Julliard, l’éditeur du projet, n’en était pas à son coup d’essai. En 1954 il succédait à Bernard Grasset qui avait publié Le diable au corps de Raymond Radiguet en éditant Bonjour tristesse de Françoise Sagan. En 1956 il réitère le coup d’éclat en publiant les écrits de Minou Drouet, poète de huit ans… Alors pour 1957 rédiger un roman à la manière d’un cadavre exquis, le tout sous le patronage de Jules Romains, n’était-ce pas encore le gage d’une année commercialement réussie ?
Pourquoi ce roman devint un échec ? Que pouvait laisser présager le premier chapitre ? Où se situe le glissement progressif du sérieux vers le carnavalesque ? C’est tout ce que cet épisode se propre d’étudier !
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Spoiler (ma proposition, chapitre par chapitre) :
1 : Jules Romains
2 : Alexandre Vialatte
3 : Yves Gandon
4 : Louise de Vilmorin
5 : Paul Vialar
6 : André Berry
7 : Jean Dutourd
8 : Michel de Saint-Pierre
9 : Pierre Bost
10 : André Beucler
11 : Jean-Louis Curtis
12 : Gilbert Sigaux
Note sur 12 : inconnue/12
Je n’ai à ce jour pas trouvé le véritable ordre ! Mais les recherches sont encore en cours (j’actualiserai ce message une fois la réponse obtenue).Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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