Atouts et fausses promesses de la transparence du champ de bataille
Description
La guerre d’Ukraine a mis en lumière une caractéristique du champ de bataille contemporain, inédite par son ampleur et ses effets sur les manœuvres militaires. : la « transparence ». Tout ce qui bouge de part et d’autre de la ligne de front est détecté et détruit, réduisant à néant toute velléité d’attaque. Mais néanmoins, selon une récente étude de l’Ifri, l’Institut français des Relations internationales, la transparence n’est pas un phénomène indépassable.
S’enterrer pour échapper au regard de l’adversaire.
Après l’échec de l’offensive d’été ukrainienne en 2023, Valeri Zaloujny, ex-commandant en chef des armées ukrainiennes l’avait confessé, du fait de la transparence le conflit ressemble furieusement au premier conflit mondial, c’est une guerre de position, il faut s’enterrer pour échapper au regard de l’adversaire.
Est-il possible de contourner cette transparence ? oui, dit Guillaume Garnier auteur de l’étude de l’Ifri, mais à condition de privilégier la dispersion et la discrétion : « Il y a des technologies qui permettent effectivement de mieux voir sur le champ de bataille notamment avec des drones de plus en plus précis. Mais il y a aussi des contre-technologies. On est dans une dialectique permanente : quand on a un avantage trop prononcé dans un domaine, on invente une parade. Ce sont des filets de camouflage intelligents qu'on appelle multispectraux. Ce sont des capacités de brouillage aussi. Ça ne sert plus à rien d'avoir un drone s'il n'a plus la liaison de données pour transmettre ses informations.
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Vous avez également des possibilités de modification des signatures thermiques ou acoustiques des véhicules donc vous avez un char et par des procédés thermiques, quand vous l'observez avec des appareils optiques, vous voyez un véhicule civil. Tout ça, ça va mûrir, doctrinalement et ça va venir contrer, sinon toute la transparence, tout au moins une partie. »
La vitesse d’exécution ou l’attaque brusquée pour contourner la transparence
Second volet de l’adaptation, pointe Guillaume Garnier, la vitesse d’exécution ou l’attaque brusquée pour contourner la transparence, « Un exemple : je sais que je suis vu par l'adversaire, oui, mais j'ai appris à mes troupes à manœuvrer très rapidement et donc OK, je suis vu, mais l'adversaire n'a pas le temps de réagir. Donc le fait de me voir ne lui sert pas à grand-chose puisque je le prive d'une capacité de réaction parce que je vais plus vite que lui.
Et puis l'art de la guerre, au vingt-et-unième siècle, comme durant l'Antiquité, c’est aussi la ruse. Ça, ça reste d'actualité et donc je peux donner à voir à l'ennemi ce que j'ai envie qu'il voie, tout en faisant un effort de dissimulation sur ce que je n'ai pas envie qu'il voie. Et donc il va se tromper dans l'interprétation de ma manœuvre parce qu'il n'a pas vu les bonnes choses. On appelle ça des opérations de déception. L'exemple le plus célèbre, c'est l'opération Fortitude, organisée par Churchill lui-même en 1944, visant à faire croire à Hitler que le débarquement allait s'opérer dans le Nord-Pas-de-Calais et non pas en Normandie »
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Reste que le coût humain et matériel dans un environnement transparent est exorbitant. Et c’est la raison pour laquelle, estiment les chercheurs de l’Ifri, le contournement de la guerre, théorisé par les officiers russes il y a trente ans est toujours pertinent. « Nous partons du constat qu'il y a un couplage dangereux entre ce phénomène de transparence du champ de bataille et la létalité des armements modernes, de plus en plus précis, qui portent de plus en plus loin et dont le pouvoir de destruction est de plus en plus grand, reprend Guillaume Garnier. Donc vous pourriez imaginer la tentation d'effectuer des frappes préemptives pour paralyser totalement l'adversaire d'emblée. Tout ceci a un coût, un coût militaire, un coût financier, un coût politique. La guerre de haute intensité conventionnelle, finalement, son coût est exorbitant. La Russie paye bien plus cher que ce qu'elle avait imaginé dès le départ. Il est envisageable donc que l’on en revienne à des agressions sous le seuil du conflit ouvert en jouant sur la difficulté de l'attribution des attaques, c'est à dire dans le domaine cyber par exemple. Des cyber agressions ou des perturbations de satellite, très difficile de désigner quel est l'agresseur. On a parlé des technologies qui favorisent la transparence, mais il y a aussi des technologies qui favorisent ces modes d'action dits hybrides, dont l'un des volets principaux est la désinformation, la manipulation des opinions publiques ou la désinformation aussi parce qu'on en parle moins, des cercles dirigeants eux-mêmes pour les induire en erreur. Tout ceci est aussi envisageable »
L’hybridité des combats comme solution à la Transparence du champ de bataille.
Les agressions sous le seuil du conflit ouvert, conservent de fait, un excellent rapport coût-efficacité pour les États souhaitant remettre en question le statu quo international