Comment écrire une scène captivante
Description
La scène est l’unité de mesure d’une histoire et savoir écrire une scène, savoir la construire afin qu’elle remplisse son rôle et fasse progresser l’histoire est tout aussi important qu’un protagoniste complexe ou une structure narrative bien préparée.
Beaucoup pensent que, une fois le plan terminé, l’écriture de la scène coule d’elle-même. Qu’elle ne sert qu’à aller du point A au point B. Mais chaque scène doit être vue comme une petite histoire à part entière dont l’assemblage en chapitre, puis en partie composera une toile de plus grande envergure.
L’écriture d’une scène est lourde de sens, car si l’exposition et le climax sont généralement ce dont se souvient le lecteur, c’est l’intérêt des scènes qui se trouvent entre ces deux points forts qui va vous permettre de garder l’attention du lecteur.
La meilleure intrigue du monde est sans intérêt si les scènes qui la composent sont lentes et inutiles. Leur construction doit donc faire l’objet d’une attention aussi grande que celle de la préparation du plan ou de la structure narrative.
La méthode que je vous propose ici est la mienne et librement inspirée de l’excellent livre STORY de Robert Mc Kee ainsi que de mes observations personnelles.
J’aime cette méthode, car elle présente l’énorme avantage d’être applicable aussi bien par un architecte que par un jardinier. La seule différence, c’est que l’architecte l’appliquera avant d’écrire la scène, alors que le jardinier s’en servira après, pour la phase de correction.
Mais avant tout, pour que nous parlions le même langage, voici quelques éléments de vocabulaire.
Écrire une scène : la théorie
Le Pivot dramatique
Je l’ai dit, une scène n’est rien de moins qu’une histoire miniature, or nous savons qu’une histoire est composée à minima de trois éléments : l’exposition, le climax et le dénouement. Nous y voyons une action s’y dérouler et nous savons que cette action va avoir un impact positif ou négatif sur l’état émotionnel ou physique du protagoniste.
Dans chaque scène, le personnage poursuit un objectif, celui d’assouvir un désir immédiat au service de son objectif global. Il va donc lancer des actions d’une force croissante pour satisfaire ce désir immédiat, mais à chaque fois un antagonisme va s’opposer à ce désir et générer une réaction à laquelle le protagoniste ne s’attend pas.
Cette différence entre action et réaction va creuser un fossé narratif entre son désir et le résultat obtenu et provoquer un changement émotionnel du protagoniste et un renversement. Ce renversement peut être mineur, modéré ou majeur.
C’est le pivot dramatique.
Un pivot dramatique peut amener à 4 types de réactions de la part du lecteur ou du spectateur : la surprise, l’accroissement de curiosité, l’intuition ou le changement de direction.
Je choisis 3 exemples tirés de Star Wars « L’Empire contre-attaque ». Je fais le choix de ce film, car :
1 — Tout le monde l’a vu (pas de spoil)
2 — C’est le meilleur des neuf films de la saga
Renversement mineur
Han et Leïa ont caché leur vaisseau dans la caverne d’un astéroïde pour échapper à l’Empire. Ils découvrent bientôt que la grotte est en fait l’intérieur d’un ver de l’espace géant (Surprise). Ils décollent pour échapper au monstre, et la poursuite avec l’Empire reprend.
Renversement modéré
Sur Dagoba, Luke suit l’enseignement de Maître Yoda. Il y découvre une grotte envahie par le côté obscur de la Force. En y entrant, il fait face à une apparition de Dark Vador qu’il abat, mais c’est son propre visage qu’il découvre derrière le masque noir. On comprend alors que Luke est vulnérable à l’attrait du côté obscur et qu’il va être tenté par son pouvoir (accroissement de curiosité et intuition).
Renversement majeur
Il s’agit là de l’un des pivots dramatiques les plus célèbres de l’histoire du cinéma. Lorsque Vador lance le fameux « Je suis ton père », on ouvre une infinité d’options pour la suite des événements (changement de direction) et, en même temps, on pousse le spectateur à revisiter les scènes précédentes entre Luke et Obi-wan Kenobi ou Yoda en quête de cohérence avec cette nouvelle information.
Ce n’est pas un hasard si elle est à ce point culte. L’écriture de cette scène tient du génie.
Les dynamiques émotionnelles
Si nous écrivons des histoires, c’est pour que nos lecteurs ressentent des émotions en les lisant. Or, pour que le lecteur ressente des émotions, plusieurs conditions doivent être remplies :
1 — le lecteur doit s’intéresser au personnage,
(Lisez l’article : »Comment mieux comprendre ses personnages« )
2 — il doit savoir ce que le personnage veut et le vouloir pour lui,
(Lisez l’article : « Jusqu’où aller dans la construction de ses personnages« )
3 — il doit connaître les valeurs en jeu et observer un changement dynamique de ces valeurs.
Ces valeurs sont très variables et identiques à celles que nous vivons chaque jour : l’amour, l’espoir, l’avarice, le respect, la célébrité, l’ambition, etc.
Le nombre de valeurs est sans fin, mais si vous voulez une source d’exemples de valeur, je vous suggère cette page du site de David Laroche.
Écrire une bonne scène, c’est éviter le statu quo à tout prix. Il est synonyme de platitude et de désintérêt de la part du lecteur. Imaginez une scène de romance pendant laquelle un couple amoureux rentre d’une soirée au cinéma. S’ils sont autant amoureux au début de la scène qu’à la fin, alors le lecteur a perdu une bonne occasion d’aller à la pêche.
La valeur « amour » doit subir des variations dans le courant de l’action, des variations qui vont l’amener à se renforcer (positif) ou se dégrader (négatif).
Le changement de la valeur va créer une émotion chez le lecteur, mais, comme toutes les émotions, elle ne va pas durer et il sera très vite nécessaire de procéder à un nouveau changement. C’est l’enchaînement de ces changements qui crée la dynamique émotionnelle.
Ces changements de la valeur peuvent aller dans quatre directions différentes :
– du positif au négatif,
– du négatif au positif,
– du négatif au négatif +
– du positif au positif +
Variations sur un même exemple
Reprenons notre exemple du couple, Jean et Marie, qui rentre du cinéma et imaginons des variations selon nos quatre possibilités :
Du positif au négatif
Ouverture de la scène : Ils sont fous amoureux l’un de l’autre. Le film leur a plu. Ils ont passé une bonne soirée ensemble (valeur amour positive).
Pivot dramatique : Ils tombent sur l’ex-fiancé de Marie. Il est élégant et a fière allure.
Fin de scène : Marie se demande si elle a bien fait de le quitter. Jean sent monter la jalousie (valeur amour négative).
Du négatif au positif
Ouverture de la scène : Ils ont loupé la séance, car Jean est arrivé une heure en retard. Marie est furieuse. D’autant que ce n’est pas la première fois que cela arrive (valeur amour négative).
Pivot dramatique : furieuse, elle pousse la porte de leur appartement pour découvrir tous ses amis réunis pour une fête d’anniversaire organisée par Jean.
Fin de scène : Marie se rend compte que le retard de Jean était orchestré pour garder l’effet de surprise et sa colère disparaît (valeur amour positive).
Du négatif au négatif +
Ouverture de la scène : Marie a découvert un SMS équivoque de la part d’une autre femme sur le portable de Jean (valeur amour négative).
Pivot dramatique : La dispute éclate et Jean lui annonce qu’il veut divo