France: dix ans après les attentats de Paris, comment a évolué le métier des forces de l'ordre?
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Il y a dix ans, la France vivait les attentats terroristes les plus meurtriers jamais commis sur son sol. Le 13 novembre 2015, trois commandos du groupe État islamique s'élançaient, ceintures explosives et armes à la main, aux abords du Stade de France, dans la salle de concert du Bataclan et devant les terrasses animées des bars de la capitale. Au total, 132 personnes ont perdu la vie. Des attaques qui ont marqué l'ensemble de la société française, à commencer par ses forces de sécurité. En première ligne ce soir-là, policiers et gendarmes ont dû, en dix ans, intégrer la menace terroriste à leur métier. Retour sur l'évolution de la profession et ses conséquences sur le quotidien de la population.
Un gilet renforcé pour arrêter les balles de plus gros calibres, des armes qui peuvent atteindre des cibles plus éloignées... La première conséquence des attentats de novembre 2015, les agents la portent sur le dos au quotidien. Symbole d'une doctrine policière qui met le risque terroriste au cœur de son action.
Agathe Foucault, commissaire de police et porte-parole de la police nationale, détaille d'autres évolutions en dix ans : « La mise en place de dispositifs Silt [Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme, Ndlr], qui sont des zones, où toutes les personnes qui vont rentrer vont être contrôlées ; les policiers dédiés à la direction nationale du renseignement territorial à la lutte contre le terrorisme ont été doublés ».
La formation des policiers a aussi évolué, avec les formations « tueries de masse », où les policiers vont « apprendre à prendre en compte un individu au milieu d'une foule, à intervenir de manière tactique et également à apporter des premiers secours », précise Agathe Foucault.
Nette augmentation des tirs policiers
Le cadre législatif lui aussi a évolué sur l'arme de service. Les agents peuvent désormais la garder sur eux en dehors de leur temps de travail et les règles qui encadrent son usage se sont élargies. « Lorsqu'un individu vient de commettre un meurtre ou une tentative de meurtre et que le policier dispose d'éléments qui lui permettent de penser qu'il va en commettre d'autres : dans ce cas-là, ce n'est pas le cas de la légitime défense au sens de l'article 122-5 du Code pénal, mais l'article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, qui permet aux policiers de faire usage de son arme en cas de périple meurtrier », explique la porte-parole de la police nationale. Un texte qui introduit également l'usage de l'arme dans les cas de refus d'obtempérer, dès sa promulgation.
L'inspection générale de la police fait état d'une nette augmentation des tirs policiers. Selon Fabien Jobard, directeur de recherche au CNRS, ces tirs ont augmenté « en flèche, + 40 % l'année 2017. L'essentiel de cette augmentation est due au tir sur des véhicules en mouvement ».
Aujourd'hui, le nombre de tirs baisse à nouveau, mais leur létalité, elle, a augmenté, note Fabien Jobard : « Les tirs mortels sont à un niveau qu'on n'a pas connu depuis 50 ans. En 2017, les policiers tirent, mais tuent peu. En 2022, ils ont tué 13 personnes au volant de leur véhicule. Toutes morts confondues, on est à plus de 20 par an ». Il juge ces chiffres « préoccupants ».
Cette évolution des pratiques policières est à replacer dans un contexte de tensions dans la police, visée par des attaques terroristes comme celles de Magnanville en 2016 où un couple d'agents est assassiné à son domicile, ou encore celle de 2017 sur les Champs-Élysées qui a couté la vie au capitaine Xavier Jugelé.
Vendredi 13 novembre 2015, Jean-Baptiste, aujourd'hui Major dans la Police nationale, est appelé en renfort avec ses collègues sur ce qu'ils pensent être une fusillade entre bandes rivales, dans le 10ᵉ arrondissement de Paris. Il est loin d'imaginer l'horreur qu'il va découvrir quelques minutes plus tard. Dix ans après, il se souvient des nombreux blessés, de la crainte que les terroristes reviennent, alors qu'ils ne sont que quatre agents des forces de l'ordre sur place, dans l'attente interminable des secours. Il garde de cette soirée effroyable un sentiment douloureux d'impuissance qui a transformé le policier qu'il est aujourd'hui.




