Khaled el-Enany: «Je veux d'une Unesco qui a de l'impact sur la vie des gens au delà du patrimoine culturel»
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Il vient de remporter une victoire éclatante. Khaled el-Enany a été élu lundi 6 octobre directeur général de l’Unesco, avec 55 voix sur 57. L’égyptologue, ancien ministre du Tourisme et des Antiquités, devient le premier Arabe et le deuxième Africain à prendre la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Après deux années de campagne intense à travers le monde, il succède à la Française Audrey Azoulay, à un moment charnière pour l’Unesco : le retrait annoncé des États-Unis en 2026 fera chuter son budget de près de 11 %. Au soir de son élection, il répond aux questions de RFI.
RFI : Khaled el-Enany, vous avez récolté pratiquement toutes les voix sauf deux. Comment réagissez-vous à cette victoire très nette ?
Khaled el-Enany : C'est un beau début. C'est une étape très importante. C'est l'aboutissement d'une carrière consacrée entièrement à l'éducation, à l'enseignement universitaire, à la recherche scientifique, à la préservation du patrimoine culturel, à la gestion de grandes institutions, à des valeurs qui croient beaucoup au respect, au dialogue interculturel, au respect mutuel. Le nombre de voix qui m'a été accordé, c'est une énorme responsabilité. Ça veut dire qu'il y a presque un consensus des États membres. Je ne m'attendais pas du tout à un chiffre pareil.
Qu'allez-vous faire en premier ? Quelles sont vos priorités ?
Les 100 premiers jours, ça va être des réunions individuelles avec chacun des États membres, des réunions collectives par groupes, par thèmes, des rencontres avec les partenaires de l'Unesco, de la famille onusienne, des donateurs, des grandes entreprises, le secteur privé, les représentants de la société civile. Discuter avec la famille Unesco. Je veux vraiment établir beaucoup, beaucoup de synergie. Je viens d'une région qui est un carrefour de cultures. Je suis Egyptien aussi bien qu'arabe, africain, méditerranéen, citoyen du Sud, citoyen du monde. Je veux vraiment servir de pont culturel.
Le départ des États-Unis, prévu en 2026, va provoquer une baisse du budget de l’Unesco de 11 %. Comment comptez-vous gérer cette nouvelle situation financière ?
Je dois féliciter la direction actuelle d'avoir mobilisé des ressources énormes. C'est l'une des plus grandes croissances dans le système onusien. Presque 490 millions de dollars en 2024. J'ai une expérience dans ce domaine parce que je ne viens pas d'un pays très riche. J'ai géré deux ministères, le tourisme et les antiquités que j'ai fusionnées, et donc j'avais beaucoup travaillé avec le secteur privé, avec les grandes entreprises pour mobiliser des fonds, pour signer des partenaires avec le secteur privé. Donc avec les États membres, je vais continuer ces efforts pour rassurer les anciens donateurs, de continuer à donner davantage même, et attirer de nouveaux gouvernements, les donateurs et le secteur privé. Je crois que le secteur privé c’est aussi une priorité, mais tout en gardant et préservant les valeurs de l’Unesco, qui ne doivent pas être trop commercialisées. Et là, je crois qu'il y a un compromis qu'on pourra atteindre avec la famille Unesco.
Comment réagissez-vous aux critiques qu'a pu formuler par exemple Donald Trump qui dit que l'Unesco est trop politisée ?
C'est une demande qui m'a été faite par la plupart des États membres. On veut une Unesco moins politisée. Un Unesco qui respecte son mandat, qui est un mandat technique et préparant un consensus et atteindre un consensus. C'est un rôle très important du secrétariat d'être impartial et de ne pas servir un groupe au détriment de l'autre, ni une culture au détriment de l'autre. Je suis le premier égyptien et le premier arabe. Et là, j'ai été très clair que je ne viens pas avec un agenda culturel. J'ai intitulé mon slogan donc ma campagne « l'Unesco pour les peuples ». Je veux Unesco qui a de l'impact sur la vie des gens, l’Unesco qui est connue et reconnue par les gens au-delà du patrimoine culturel.
Une des missions principales de l'Unesco et la promotion de la paix. Comment l'organisation peut-elle jouer ce rôle dans un monde où les conflits se multiplient ?
Tant qu'un étudiant ou un élève étudie dans les manuels scolaires que son voisin est un ennemi. Il n'y aura pas de paix. Et là, je crois que c'est là qu'il faut commencer. C'est par l'enfance. Je crois aussi que l'inégalité entre les gens sur la planète en termes d'éducation, de science, créé une haine. Malheureusement, en ce moment, il y a beaucoup de discours de haine. Et là, je crois que la raison d'être de l'Unesco, c'est de rapprocher les peuples parce que les accords gouvernementaux et politiques rapprochent les gouvernements. Mais l'éducation, la science et la culture et la communication rapprochent les peuples. Deuxième rôle, c'est pendant les conflits préserver les sites de patrimoine naturel et culturel, les établissements scolaires, les professeurs, les journalistes, les établissements de recherche scientifique. Et après ? Dans la phase de reconstruction de système éducatif, scientifique et culturel des pays en crise. Quand j'écris, ce n'est pas seulement conflit, mais c'est aussi l'impact des changements climatiques, notamment pour les petits États insulaires.
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