Le rail européen à l'heure de la concurrence
Description
Les cheminots français sont en grève ce jeudi 21 novembre. Le secteur est en colère en raison notamment de l'ouverture à la concurrence du rail à l'échelle européenne. De quoi s'agit-il ? Quels enjeux ? Décryptage.
L'ouverture à la concurrence du rail n'est pas un sujet franco-français mais européen puisqu'elle découle d'une réglementation de 2016 appliquée dans tous les membres de l'UE. Quiconque veut faire rouler des trains sur les rails des pays membres a le droit de le faire, qu'il s'agisse de voyageurs ou de marchandises !
La théorie est simple, la pratique un peu moins. Déjà parce que le marché du ferroviaire est très étroit, très difficile d'accès. Il faut avoir l'autorisation de rouler sur telle ou telle ligne. Ensuite, il faut avoir des trains et des personnes formées pour les conduire, ce qui est très coûteux. Par exemple, un train à grande vitesse coûte aujourd'hui en moyenne entre 25 et 30 millions d'euros. Et comme vous vous en doutez il faut plusieurs trains pour exister sur un marché, donc l'addition grimpe très vite !
Des trains italiens et espagnols sur des lignes françaises
Depuis près de dix ans, l'Italie a pris le pli et n'a pas attendu les règles européennes pour être pionnière en la matière. Dans le pays, deux acteurs se partagent la grande vitesse... D'un côté, la compagnie nationale, Trenitalia de l'autre, une entreprise privée, Italo. Toutes les deux font la même promesse : partir d'un point A pour arriver à un point B à l'heure. C'est le service et les prix qui font la différence, prix d'ailleurs qui ont baissé de 30 % depuis l'arrivée de ce nouvel acteur privé.
En France, depuis trois ans maintenant, la SNCF n'a plus le monopole du rail. D'autres opérateurs y font circuler leurs trains, opérateurs un peu particulier puisqu'il s'agit des homologues européens de la SNCF : Trenitalia pour l'Italie et la Renfe pour l'Espagne.
À lire aussiTransport ferroviaire: Trenitalia arrive sur les lignes françaises
C'est cette situation qui inquiète les syndicats de cheminots de tous les pays européens. Les concurrents aux compagnies nationales n'ont pas d'obligation de service public, ils sont là pour faire du résultat. Donc pour y arriver, ils privilégient les lignes rentables. Celles-ci, exploitées à 100 % par les opérateurs historiques, perdent en rentabilité pour ces derniers, qui perdent ainsi des parts de marché. Une marge perdue qui se sera pas investie dans l'entretien des petites lignes ou même dans l'embauche de cheminots, ce qui a un coût social.
Trouver un compromis
Au Royaume-Uni, on a choisi une ouverture totale à la concurrence dès les années 90 avant de retrouver une régulation par les pouvoirs publics en raison des limites du système : prix élevés, infrastructures mal entretenues et qualité de service dégradée.
Une idée fait donc son chemin parmi les différents régulateurs, c'est de ne plus autoriser l'exploitation par lignes, mais par lots de lignes. Concrètement une société peut rouler sur une ligne rentable mais elle devra aussi opérer sur d'autres qui ne le sont pas ou peu.
En ce qui concerne le rail européen, tout le monde marche donc sur des œufs, qu'il s'agisse des États ou les opérateurs. L'objectif de long terme est de trouver un équilibre entre cette ouverture à la concurrence et la régulation, le tout afin de rester efficace pour maintenir une qualité de service et la sécurité.
À lire aussiLes voies contrariées du ferroviaire en Europe