DiscoverArts Po : Ubi Sunt ?Sénèque, De la vie brève, chapitre 2
Sénèque, De la vie brève, chapitre 2

Sénèque, De la vie brève, chapitre 2

Update: 2020-01-16
Share

Description











Pourquoi gémir contre la Nature Elle s’est montrée si bienveillante Pour qui sait l’employer la vie est suffisamment longue







Mais voilà que l’un est dominé par une avarice insatiableL’autre a tourné ses efforts vers des travaux frivolesUn autre s’est plongé dans le vinDans l’inertie un autre s’ensommeille Celui-ci nourrit une ambition toujours soumise aux jugements d’autruiCelui-là avec passion est poussé la tête la première sur toutes les terres Par toutes les mersA commercer dans l’espoir de quelques gainsQuelques-unsObsédés de l’ardeur des combatsne sont jamais sans s’occuper Ou de mettre les autres en péril Ou de la crainte d’y tomber eux-mêmes Et puis on en voit quidévoués à d’illustres ingratsSe consument en une servitude volontaire







Beaucoup convoitent la fortune des autres ou maudissent ce qu’ils détiennent La plupart n’ayant pas de but assuré Cédant à une légèreté vague InconstanteInsatisfaisante en elle-mêmesont ballottés sans cesse de projets en projetsQuelques-uns ne trouvent rien qui les attise ni qui leur plaise : Et la mort les surprend Baillant et irrésolus







Alors cette sentence sortie comme un oracle de la bouche d’un grand poète semble-t-elle incontestable :Nous ne vivons que la moindre partie du temps de notre vie Car tout le reste de sa durée n’est pas de la vieMais du temps







Nos imperfections nous bornent Nous pressent de tous côtés Elles ne nous permettent ni de nous releverNi de contempler de nos yeux la vérité Elles nous tiennent immergés Attachés à nos désirsIl ne nous est jamais permis de revenir vers nousMême lorsque le hasard nous amène quelque répit Nous flottons comme sur une mer profonde oùMême après le ventOn sent toujours le roulisEt jamais à la tourmente de nos désirs on ne voit succéder de relâche







Vous croyez peut-être que je ne parle que de ceux dont chacun rapporte les malheursMais considérez ces fortunés du jour autour desquels la foule se presse Leurs biens les étouffent Combien d’hommes la richesse rend-elle pesantsCombien d’autres sont-ils devenus exsanguesdans la bataille quotidienne sollicitant leur génie de l’éloquenceCombien flétrissent de plaisirs en plaisirs Et combien autour desquels La foule des clients toujours empressée ne laisse aucune liberté 







Parcourez enfin tous les rangs de la sociétéDes plus humbles aux plus élevés L’un assigne L’autre comparaît Celui-ci est en danger Celui-là prend sa défenseCet autre est juge :Nul ne s’appartient Chacun se dépense contre un autre 







Renseignez-vous sur ces obligés dont les noms s’apprennent par cœur Vous verrez à quels signes on les reconnaît : Celui-ci rend ses devoirs à un telCelui-là à tel autreEt personne ne s’en rend à soi-même







Rien de plus fou que les indignations de certains :Ils se plaignent du dédain des grands qui n’ont pas eu le temps de les recevoirMais comment ose-t-il se plaindre de l’orgueil d’un autre Celui qui jamais ne trouve un moment pour soi-même Cet homme quel qu’il soit avec son air hautain vous a du moins regardé Il a prêté l’oreille à vos discours vous a fait placer à ses côtés 







Et vous jamais vous n’avez daigné tourner un regard sur vous-même Ni même jamais vous donner audience
Comments 
00:00
00:00
x

0.5x

0.8x

1.0x

1.25x

1.5x

2.0x

3.0x

Sleep Timer

Off

End of Episode

5 Minutes

10 Minutes

15 Minutes

30 Minutes

45 Minutes

60 Minutes

120 Minutes

Sénèque, De la vie brève, chapitre 2

Sénèque, De la vie brève, chapitre 2

François LOZET