Sénèque, De la vie brève, chapitre 4
Update: 2020-01-30
Description
Entendez les paroles qui échappent aux plus puissantsAux plus hauts responsablesIls désirent le reposIls vantent ses douceursIls le mettent au-dessus de tous les biens dont ils disposentIls n’aspirent qu’à descendre du sommet des honneursPourvu qu’ils puissent le faire sans dangerCar la fortune est toujours sujette à s’écrouler sur elle-mêmeMême lorsque rien au dehors ne l’attaque ou ne la fait trembler
Le divin Auguste A qui les dieux avaient plus accordé qu’à tout autreNe cessa de réclamer pour soi le repos et de souhaiterêtre délivré des charges du gouvernementDans tous ses discours il en revenait toujours à ce point Il espérait pour lui le reposAu milieu de ses travaux il trouvait pour les alléger une consolation Illusoire mais douce En se disant Un jour je vivrai pour moi-même
Dans une des lettres qu’il a adressées au SénatOù il assurait que sa retraite ne manquerait pas de dignitéet ne démentirait pas sa gloire J’ai remarqué ces mots : « De tels projets sont plus beaux en réalité qu’en rêveCependant mon impatience de voir arriver un moment si passionnément désiré me procure du moins cet avantagePuisque ce bien se fait encore attendreQue j’en goûte par avance les douceurs du seul plaisir d’en parler »
Combien faut-il que le repos lui parût précieuxPuisqu’à défaut de la réalitéIl voulait en jouir en imagination Celui Qui voyait tout soumis à son unique volontéQui tenait dans ses mains les destinées des hommes et des nationsEnvisageait ainsi avec joie le jour où il pourrait se dépouiller de toute sa puissance
L’expérience lui avait prouvé combien ces biens Dont l’éclat remplissait toute la terre coûtaient de sueurs Combien ils cachaient d’intimes inquiétudes
Forcé de combattre par les armesD’abord ses concitoyensPuis ses collèguesEnfin ses parentsIl versa des flots de sang sur terre et sur merEntraîné par la guerre en MacédoineEn SicileEn EgypteEn SyrieEn AsieEt presque sur tous les rivagesIl dirigea contre les étrangers ses armées lassées de massacrer des Romains Et pendant qu’il pacifiait les AlpesEt domptait les ennemis de l’intérieur qui se révoltaient contre l’EmpireDont il reculait les limites au delà du RhinAu delà du Danube et de l’EuphrateDans Rome mêmeLes poignards de Varron MurenaDe Fannius Caepio De Lépide Juniord’Egnatius Rufus s’aiguisaient contre lui
A peine est-il échappé de leurs pièges Que sa fille et beaucoup de jeunes patriciensLiés par l’adultère comme par un serment solennelTerrorise sa vieillesse fatiguée et lui font craindre Pire qu’une nouvelle Cléopâtre avec un autre Antoine
A peine avait-il amputé ces ulcérations avec les membres mêmesQue d’autres renaissaient à l’instantComme dans un corps trop empli de sang il y a toujours quelque éruption qui vient
Auguste désirait le repos : Dans cet espoirDans cette penséeIl trouvait l’allégement de son travail
Tel était le vœu de celui qui pouvait exaucer les vœux De tout l’univers
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