Soldats nord-coréens en Russie, l’amorce d’une mondialisation du conflit ukrainien
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Des militaires nord-coréens ont été engagés cette semaine dans des combats dans la région russe de Koursk, a affirmé mercredi le renseignement sud-coréen, après que les États-Unis eurent confirmé l'implication de Pyongyang dans la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine. Les chiffres sont invérifiables, mais l’Ukraine estime que 10 000 soldats nord-coréens sont déployés, une présence qui interroge les spécialistes quant à l’efficacité et l’objectif réel de cette troupe.
Jamais la Corée du Nord n’avait envoyé de troupes à l’étranger. Selon le renseignement sud-coréen et américain, ces soldats sont désormais au feu. Équipés d'uniformes russes, ils seraient même en première ligne, mais qui sont ces combattants ? Premier élément de réponse avec Philippe Gros, de la Fondation pour la recherche stratégique :« Ce n'est pas évident d'avoir une vision définitive. On sait qu'il y a au moins une partie des troupes qui viennent des forces spéciales, du 11ᵉ corps qui relèverait des forces spéciales nord-coréennes. Ils sont considérés comme des troupes d'élite par les observateurs ».
Reste à placer ces pions sur l’échiquier du front. Il y a trois échelons dans l’armée russe, rappelle Vincent Tourret de l’université de Montréal : « Le premier échelon, c'est de l'infanterie consommable qui est envoyée par petits groupes entre 3 et 5 hommes par vagues successives pour tester les défenses ukrainiennes et commencer à infiltrer le dispositif. Ce premier échelon est ensuite appuyé par des troupes plus régulières qui vont manier des armements lourds et sophistiqués de type mortiers, mitrailleuses lourdes, drones et qui enfin sont appuyés par un troisième groupe, un groupe d'élite des troupes parachutistes, de l'infanterie navale et des Spetsnaz qui eux vont faire la coordination des feux, ce troisième groupe va agir comme un coup de poing et exploiter ».
Ces troupes nord-coréennes : chair à canon ou forces spéciales ?
Philippe Gros et Vincent Tourret, privilégient la seconde option. « Il se dit que les Russes les ont formés aux tactiques de base, avance Philippe Gros. C'est-à-dire à manœuvrer avec l'artillerie, à utiliser des drones. Mais jusqu'à quel point ? Ce n'est pas du tout évident ». « Ce qui apparaît être clair, dit Vincent Tourret, c'est qu’elles vont être utilisées de la façon dont les Russes utilisent leur infanterie légère, à savoir par vagues. Soutenu par leur artillerie et avec des pertes assez importantes, donc c'est un modèle très attritionaire où les pertes sont complètement acceptées et elles seront lourdes ».
10 000 hommes, cela reste un volume limité
Sans compter, précise Philippe Gros, que la barrière de la langue peut poser problème au combat :« Il a fallu apprendre aux nord-coréens les termes de base pour manœuvrer. Ils ont un traducteur pour 30 soldats, donc en gros, un traducteur pour une section. Et puis évidemment, les russes se heurtent aux problèmes d'interopérabilité qu'il y a à intégrer des troupes dans un dispositif. Il semble qu'une partie des troupes nord-coréennes soit rattachée à une des brigades d'infanterie de Marine russe, la 810ᵉ. Donc, on est là vraiment sur une logique d'intégration tactique de ces unités dans le dispositif russe, et pas sur une logique de laisser les forces coréennes occuper un créneau avec leurs propres chaînes de commandement. Ils ont choisi le cas, le plus difficile à mettre en œuvre en termes d'intégration ».
Néanmoins, analyse Elie Tenenbaum directeur de recherche de l’Ifri (Institut français des relations internationales), cette force ne sera pas négligeable, si les troupes nord-coréennes restent dans la région de Koursk. « Dans un premier temps, elles permettent à la Russie de maintenir son effort principal sur le Donbass, en lui évitant finalement d'avoir à exercer une sorte de balance de forces, précise-t-il. Elles sont vraisemblablement là aujourd'hui aussi pour être testées pour voir ce que ces nord-coréens sont capables de produire. Peut-être, dans un second temps, les employer sur une zone plus importante ou plus prioritaire pour la Russie ».
Dans l’hypothèse également où l’armée russe viendrait à manquer de ressources, redoutent les renseignements ukrainiens et sud-coréens, ces troupes nord-coréennes, pourraient être seulement l’avant-garde d’un contingent futur, cette fois plus étoffé.
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