TF1 répond aux milliers de questions du public grâce à un chatbot, avec Julien Laurent
Description
Comment répondre aux innombrables questions du public face à la crise sanitaire inédite liée au coronavirus ? Le groupe TF1 a fait le choix, non pas de la libre antenne, mais d’un robot conversationnel. Julien Laurent, le pilote de ce projet mis en place en quelques jours, raconte cette expérience. La période du confinement a aussi permis au directeur marketing pour l’info de TF1 et LCI d’avancer sur le sujet de l’audio, avec un nouveau podcast natif, “On déconfine l’info”.
En un mois et demi d’utilisation, près de 400 000 personnes ont utilisé le chatbot coronavirus de LCI, qui a eu les honneurs du 20 heures de TF1 sept fois. Pour un total de près de 800 000 questions, dont 25 000 dès la première demi-journée. Surprise, elles ne portaient pas tant sur des points médicaux ou l’actualité, mais surtout sur des interrogations pratiques, avec des cas très concrets comme la gestion de la garde alternée entre parents séparés.
Cet outil conversationnel créé avec la startup Clustaar a permis une autre expérimentation : créer un pont pour la première fois entre l’info de TF1 et LCI, d’une part, et le site Doctissimo, racheté en 2018.
Au final, pour TF1 l’enjeu de cette opération chatbot, sans enjeu financier et a priori à usage exceptionnel, tient à l’ancrage d’une image de “média d’écoute du public” avec un fort engagement digital. Le nouveau dispositif d’intelligence collective “Ma nouvelle vie” va dans le même sens. Il s’agit d’inventer avec le public le média d’après.
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Pour aller plus loin
https://www.lci.fr/questions-coronavirus/
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L’essentiel de l’épisode
Chatbot, conception et résultats
[02:45 ] On a été confrontés à un vrai questionnement en tant que média : dès l’émergence de la crise, on s’est mis à produire énormément de contenus sur le sujet du coronavirus et du covid, et on voyait les questions affluer. Cela tombe bien, le métier d’une rédaction c’est de répondre aux questions. Mais il y a tant de questions et on produit tellement de contenus. Comment faire pour centraliser toutes les réponses qu’on produit et que ce soit facile pour un utilisateur de pouvoir trouver les réponses à ses questions ?
[05:10 ] Il a fallu rouvrir tous nos contenus, identifier à l’intérieur de nos contenus quels éléments de réponses on pourrait y trouver pour quelles questions et ensuite synthétiser ces éléments de réponses pour les associer aux articles qui permettent aux utilisateurs de creuser la réponse.
[09:03 ] C’est un exemple d’une technique qui se met au service d’un contenu. Très vite on atteint le premier seuil critique de 25 000 questions pour que les moteurs d’intelligence de la solution de Clustaar se mettent à fonctionner. Il nous aura fallu seulement une demi-journée pour l’atteindre. Très vite, on voit des intentions, des besoins de réponses émerger, sous forme d’ensembles.
[09:37 ] Le premier constat qu’on fait très vite, c’est qu’on s’est trompés sur le postulat de départ. Au début on se dit qu’on va faire un chatbot très santé : “je tousse, qu’est-ce que je fais?” Ou alors très actu : “où en est la propagation, la diffusion?” Très vite, on voit que la grande question des gens, c’est : “est-ce que je peux faire ceci ou cela?”
[10:23 ] C'est génial, parce que d'abord, on a un baromètre des questions de la société, c’est extraordinaire. On voit toutes les questions que se posent les gens et on se rend compte que c'est des questions pratiques beaucoup plus que des questions de santé. Ça veut dire que très vite maintenant, il faut qu'on aille chercher des réponses à ces questions.
On a un comité tous les jours de l'équipe projet qui analyse les cinq grandes nouvelles intentions qui apparaissent, qui regarde un peu les tendances et qui réajuste le dispositif éditorial à l'intérieur du chatbot pour qu’il soit de plus en plus performant.
“Un média d’écoute”
[14:16 ] Nous, on a misé sur une interactivité très directe, de réponse directe à la question. Ce n’est pas de la libre antenne, c'est encore plus que ça. C'est encore plus précis. On ne filtre pas. On a vraiment ouvert grand les bras aux questions des gens en assumant qu'on n'aurait pas 100% de réponses parce que c'était une machine. Mais voilà, c'est une autre modalité.
En faisant ça, on a essayé de démontrer que notre vision est de ne pas être un média sachant et descendant. En quoi a renforcé le lien à travers cette forme d'interactivité entre nous et les gens ? Hé bien ça renforce ce lien parce que on n'est pas un média top-down de sachants qui va leur expliquer ce qu'ils doivent savoir. Mais on va plutôt essayer de comprendre ce qu'ils veulent qu'on fasse pour ensuite construire notre information.
[16:46 ] On n’attend aucun revenu en particulier en termes d'espèces sonnantes et trébuchantes. On n'est pas dans cette séquence-là. En revanche, encore une fois, on veut petit à petit démontrer que notre ambition est d'être un média d'écoute, un média digital à l'écoute du pouls, de la société et des gens.
[19:45 ] Sur cette histoire de chatbot, je pense qu’on sera pragmatique. L'expérience est passionnante mais elle ne peut pas être pérenne. Pourquoi pas le maintenir typiquement sur des sujets comme la médiation de l’information? Essayer de voir si ce n’est pas mieux qu'une boîte mail d'avoir déjà une première réponse tout de suite. Mais je ne crois pas que ce soit une façon de faire de l'information. Après, ce qui me semble être une façon de faire de l'information et qui est encore un enseignement du chatbot, c'est d'écouter les gens. C’est une très bonne façon de trouver des sujets et des angles.
[21:13 ] Quand on est un média d'information, on a forcément une dimension citoyenne et elle est passionnante à creuser à l’ère de l'accélération digitale des médias. Là, ce qu'on met en place c’est une plateforme qui va permettre aux gens de se projeter et donc de nous projeter dans la vision qu'ils ont du monde d'après.
Bien malin, ou sans doute très doué, le patron de rédaction qui aura la vista suffisante pour fabriquer le média qu'attendent les gens dans six mois. Et bien en fait nous, on préfère donner la parole aux gens, les laisser s'exprimer. C'est une approche très civictech, appliquée aux médias d'information.
On va questionner les gens, puis ensuite on va les faire écrire. On va les engager véritablement dans la production de contenus, ce contenu étant de la donnée qui sera retravaillée, recompartimentée, quelque part digérée, pour nous donner une trajectoire éditoriale. C’est une plateforme d'échanges citoyens qui doit nous guider dans la production du contenu que trouveront les gens dans six mois.
Podcasts
[24:45 ] On ne fait que des podcasts natifs. Et quand on a lancé cette initiative podcast il y a un an et demi avec le premier podcast qui s'appelle “Impact Positif”, on l'a fait vraiment dans l'esprit du podcast natif. Et pour tout dire, on a complètement bootstrappé le projet. On a été chercher une heure dans le studio de mixage du JT avec une journaliste pour monter petit à petit ce programme. Enregistrement avec un zoom H5 comme tout bon podcasteur natif. On a vraiment fabriqué ça quand on aurait pu faire à la maison.
Après, on s'est doté d'une vocation éditoriale, on s'est donné une ligne de conduite, on a multiplié les programmes, on a relativement professionnalisé la production. On fait ça maintenant de façon organisée avec des plannings etc mais on ne fait que du natif. Pour autant, on ne s'interdit pas, à terme, de faire le chemin inverse des radios.
Les radios ont d'abord fait du replay audio et elles se sont mises à faire du natif. Nous, on aura appris cette semaine du podcast 100% en natif et on ne s’interdit pas à un moment de mettre des bouts d'antenne en audio parce qu'après tout ça fait sens.
[28:40 ] Sur les podcasts, je crois assez au modèle éditeurs-producteurs. J'aime beaucoup les modèles que peuvent déployer des Great Big Story, par exemple, aux Etats-Unis et finalement on n’est pas très loin de cette approche-là. Ils produisent un contenu singulier, ils développent une pâte, ensuite ils vendent la possibilité à des marques de s'associer à ces contenus-là pour les co-produire, à partir du moment où ça ne galvaude pas le contenu. Et puis surtout ils produisent du contenu “à la manière de” et je trouve ça très sain.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr