đ Kalev ou les vicissitudes d'un homme autrefois craint
Description
âQuâils me haĂŻssent, pourvu quâils me craignent.â Au Congo, certains attribueraient volontiers cette expression de lâempereur romain Caligula Ă Kalev Mutondo tant ce nom inspirait la peur. Il y a eu, Kalev Ă©tait le tout-puissant numĂ©ro un de lâAgence nationale de renseignement (ANR), qui sâest muĂ©, au fil des ans, en une sorte de police politique, traquant toute voix discordante au rĂ©gime. Pourtant, cet homme qui Ă©tait intouchable hier se retrouve aujourdâhui dans le viseur de la justice. Quâest-ce que ces vicissitudes de Kalev nous apprennent-elles ?
Bonjour !Â
Je mâappelle Fred Bauma et je suis le directeur de recherche du Groupe dâĂ©tude sur le Congo, centre de recherche basĂ© Ă lâUniversitĂ© de New York. Vous Ă©coutez le 5e numĂ©ro de Po Na GEC, notre capsule audio qui rĂ©sume, explique et donne notre avis sur les questions dâactualitĂ© en RDC.
Nous sommes le vendredi 12 mars.
Cela fait exactement deux ans et 16 jours depuis que Joseph Kabila a quittĂ© le pouvoir Ă lâissue dâune prĂ©sidentielle controversĂ©e. Une coalition a Ă©tĂ© rapidement formĂ©e entre ce dernier et FĂ©lix Tshisekedi. Mais Kabila sâĂ©tait toutefois arrangĂ© Ă maintenir sa mainmise sur presque toutes les institutions du pays. Une dĂ©marche censĂ©e alors garantir Ă ses lieutenants et Ă lui-mĂȘme une tranquillitĂ© aprĂšs le rĂšgne de prĂšs de deux dĂ©cennies, marquĂ© entre autres par des violations des droits de lâhomme.
Mais, nâest-ce pas que le mĂȘme Caligula lâa prĂ©venu ? âLe pouvoir donne ses chances Ă lâimpossibleâ. Depuis peu, la donne a donc changĂ©. Les intouchables dâhier sont devenus poursuivables. Voulant ĂȘtre rĂ©ellement prĂ©sident pleins pouvoirs, FĂ©lix Tshisekedi sâest Ă©mancipĂ© de Joseph Kabila, dĂ©sormais en perte continue dâinfluence sur le terrain politique. ConsĂ©quence : plus rien ne peut protĂ©ger les hommes de lâancien chef de lâĂtat. TrĂšs rapidement, Kalev voit la liste de ses ennuis judiciaires se rallonger. Au moins 12 personnes lâaccusent de les avoir arbitrairement arrĂȘtĂ©s hier et portent successivement plaintes contre lui pour notamment enlĂšvements, tortures physiques et morales, traitements inhumains et dĂ©gradants et tentative dâassassinats.Â
Le tout non sans une dose - ironie de lâhistoire - de rĂšglement des comptes politico-judiciaires :  un magistrat instructeur rĂ©cusĂ© par lâaccusĂ© mais qui persiste et ce, contre lâavis du nouveau responsable de lâANR qui se serait prononcĂ© pour lâattribution de ces dossiers Ă un autre magistrat. Lâactuel serait trĂšs au parfum du passĂ© de Kalev puisquâil a travaillĂ©, indirectement, avec lui, ces derniĂšres annĂ©es, dans le cadre dâune commission des officiers de police judiciaires mise en place par lâANR et la Direction de migration.
Sur le terrain politique, câest le prĂ©sident Tshisekedi qui se frotte les mains. Ces tribulations de Kalev, inimaginables il y a quelques mois, renforcent, petit Ă petit, dans lâimaginaire collectif lâidĂ©e selon laquelle, sous FĂ©lix Tshisekedi, la justice poursuit tout le monde. Nâest-ce pas que Vital Kamerhe, alors directeur de cabinet et alliĂ© politique du prĂ©sident, a Ă©galement maille Ă partir avec la justice ? VoilĂ ce qui est dâapparat.
En filigrane, dâaucuns peuvent apercevoir une tactique qui ressemble au lawfare, la guerre juridique. Se servir du droit comme une arme politique afin dâanĂ©antir ses adversaires. Un autre exemple serait la façon dont Xi Jinping a utilisĂ© la guerre contre la corruption en Chine pour sĂ©vir contre ses rivaux, ou Rodrigo Duterte aux Philippines qui a restreint les libertĂ©s de la presse en prĂ©textant une campagne contre la criminalitĂ©. Et des Ă©lĂ©ments de langage accompagnent bien la stratĂ©gie : âĂtat de droitâ, âJustice indĂ©pendanteâ... Mais le risque, surtout comme le prĂ©sident Tshisekedi est en train de former un gouvernement avec un grand nombre de figures qui travaillait avec Kabila dans le passĂ©, câest de se retrouver demain face Ă une justice Ă double vitesse. Une justice qui ne laisse rien Ă ceux qui ne sont pas avec nous, mais qui pardonne tout Ă ceux qui sont avec nous. Lâengouement des anciens fidĂšles de Kabila Ă lâUnion sacrĂ©e de la nation, nouvelle plateforme politique de Tshisekedi, est rĂ©vĂ©lateur.
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