Jouets: comment leur donner une seconde vie et réduire les déchets?
Description
Des dizaines de millions de jouets sont fabriqués chaque année à travers le monde. Beaucoup finissent assez vite au placard ou à la poubelle. Alors comment réduire ces déchets, réutiliser et recycler les jouets ? En France, depuis janvier 2022, les industriels du secteur doivent financer la collecte, le réemploi ou encore le recyclage. Une loi pionnière dans ce domaine en Europe.
À première vue, rien ne distingue l’école élémentaire Les Raguidelles d’autres établissements. Au milieu de bâtiments des années 1970, des dizaines d’enfants, jouent, courent et crient dans la cour de récréation de cet établissement de Suresnes, à deux pas de Paris. Mais à y regarder de plus près, on aperçoit ici un petit potager, là un bac à compost. À l’intérieur, les élèves et leurs professeurs ont réalisé une fresque du climat.
Et puis dans le couloir qui mène à la cour, une dizaine de bacs et de cartons accueillent les jouets dont les enfants ne veulent plus. Un éléphant gris assoupi aux côtés d’une peluche de poisson aux écailles vertes et brillantes surmonte des cartons de jeux de société. On vit aussi « des livres, des jeux créatifs qui ne servent plus, un camion rempli de voitures » en plastique, expliquent Sibylle, Andréa, Lise, Hugo, Maya et Apolline, des élèves désignés « éco-délégués » de leur école. Quand les bacs ont été installés en novembre, ils sont restés vides quelque temps, « mais depuis qu’il y a eu un mot dans toutes les classes, ça s’est rempli d’un coup », poursuit l’une des éco-déléguées, qui n’a pas encore déposé de jouets dedans.
Une filière unique en Europe de recyclage et réemploi
L’école Les Raguidelles dépend de l’académie de Versailles, première académie en France à participer à la collecte de jouets usagés et la seule à ce jour avec l’académie voisine de Créteil. L’initiative concerne un peu plus de 220 établissements scolaires pour l’instant. Depuis un an et demi, grâce à une nouvelle loi, les jouets déposés à l’école sont ensuite collectés par l’organisme Ecomaison, grâce à une contribution prélevée sur la vente de jeux et jouets neufs. « Cette loi a mis en place une filière de collecte, de réemploi et de recyclage des jouets. La France est l’unique pays en Europe à avoir mis en place une telle filière. Son financement s’élève à 30 millions d’euros par an, destiné en priorité au réemploi et ensuite au recyclage », s’enorgueillit Dominique Mignon, la présidente d’Ecomaison.
En France, 100 000 tonnes de jouets jetés chaque année
Près de 100 000 tonnes de jouets sont jetées chaque année en France. Un tiers seulement est déposé dans des bacs à jouets (dans les écoles ou dans des magasins de jouets et des supermarchés notamment) pour être recyclé – le plus souvent – ou réutilisé. Après la collecte, les puzzles, toupies, poupées, ou encore peluches qui semblent en bon état arrivent chez des associations comme Rejoué, pour avoir une deuxième vie.
L’association, qui emploie près de 45 salariés en insertion et une vingtaine de permanents, est installée dans un ancien centre de tri de La Poste à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne. Benjamin Delforge, responsable communication de cette structure pionnière du réemploi des jouets en France, nous accueille au sous-sol de l’atelier, rempli de centaines de cartons empilés les uns sur les autres. Ces caisses ont été apportées par Ecomaison, ou bien directement par des particuliers ou des établissements accueillant des enfants. « Quand on les ouvre, c’est un peu la surprise, c’est la caverne d’Ali Baba », sourit-il, écharpe nouée autour du cou.
Normes de sécurité
À l’ouverture des cartons, un premier tri est réalisé pour renvoyer vers le recyclage les jouets cassés ou ceux qui ne peuvent pas être vendus en raison de normes de sécurité. Benjamin Delforge attrape une peluche de lapin dans un bac : « par exemple, un doudou comme celui-ci n’a plus son étiquette CE donc nous ne pouvons pas le revendre », car la réglementation française et européenne impose cette norme pour garantir que les jouets ne sont ni toxiques ni dangereux pour les enfants.
Lingettes, coton-tige, cure-dents et vinaigre blanc
Après ce tri, les jouets en meilleur état quittent le sous-sol de l'association pour aller deux étages plus haut. Des salariés en insertion, comme Ingrid (qui a préféré donner uniquement son prénom), les réceptionnent. « On s’occupe aussi bien des poupées, des jeux en bois, des jeux d’extérieur… Si c’est incomplet, nous pouvons récupérer des pièces au rayon pièces détachées », expose-t-elle en montrant des étagères remplies de jeux de société ou encore de figurines. « Nous les complétons avant de les nettoyer avec des cotons tiges, des lingettes, des cure-dents… » et un mélange de vinaigre blanc et d’eau qui se trouve dans un spray posé sur la table devant elle. Un peu plus loin, une autre salariée s’affaire sur un grand robot de combat en plastique kaki et rouge.
Un espace est dédié aux Playmobil et Lego, dont les boîtes sont reconstituées par thème. Les Barbie et autres poupées sont traitées, elles, « un peu comme une personne : on les lave, on les habille, on leur met des boucles d’oreilles, des accessoires propres, on les coiffe… Puis, on les emballe et on les emmène au contrôle qualité » précise Yoko, une salariée ivoirienne.
Moins de 3 % de réemploi en France
« L’an dernier, nous avons collecté 32 tonnes de jouets », dont un peu plus de la moitié a pu être revendue dans trois boutiques situées en région parisienne « à moins 40 % par rapport au prix du neuf », au bénéfice de l’association, ou donnée à des familles modestes. Mais le chemin est long avant de parvenir au «zéro déchet » dans la filière : pour l'instant moins de 3 % des jouets jetés en France sont remis en état et revendus ou donnés pour être réutilisés. L'objectif est d'atteindre 10 % d'ici fin 2027.
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