Épisode 16, le 18 avril 2023: Je ne suis pas très fier
Description
Chère Sandrine,
Si franche et si libre – libre, oui, j’y tiens, même si personne ne l’est, je ne suis pas dupe, mais enfin tu as la force d’être au plus près de toi, me semble-t-il, en tout cas d’essayer au maximum.
Je commence par la fin. En lisant que tu partais à un stage de clown, j’ai eu une pensée positive, ce qui est de plus en plus rare. Je me suis dit que la société dans laquelle on vit avait progressé de ce côté-là, et moi avec. Je m’explique : il y a un temps pas si lointain où, à quelques exceptions près, on déniait aux femmes le droit de faire rire. On pensait, et je ne suis pas très fier de l’avoir pensé aussi, que le rôle de clown contrevenait aux impératifs de la séduction féminine. Depuis, comme le prouve le nombre d’humoristes femmes, les gens ont compris qu’on pouvait faire rire et rester séduisante. Il y en a même qui se sont aperçus qu’être séduisante pour une femme n’était pas une obligation !
Bon stage de clown, donc. En ce qui me concerne, je t’écris encore une fois à ma table de travail, entre deux articles, un livre que j’ai commencé mais auquel je n’ai pas assez de temps à consacrer, la préparation de podcasts et de rencontres littéraires. Et à propos de rencontres, j’ai été sidéré par celles que tu as faites dans le domaine sexuel.
--- WOKE IN PROGRESS ---
Contrairement à certains de ces amants que tu évoques, à un ou deux épisodes près (dont j’ai sincèrement honte), le plus important pour moi, c’était de satisfaire les filles avec qui je couchais. Je t’ai dit que je serai honnête : il y avait là-dedans le désir de donner, de faire plaisir au vrai sens du terme, mais il y avait aussi un désir égoïste, vaniteux, celui d’être aux yeux de mes partenaires un mec qui baise bien. Un désir qui provoquait une certaine peur paradoxalement dictée par le virilisme : quelle plus grande humiliation pour un homme que d’être considéré comme un mauvais coup ?
J’ai assez vite compris que la plupart des femmes ne mesuraient pas leur plaisir en regardant un chronomètre ou un mètre-ruban. Il n’empêche, je suis sûr qu’elles ne perçoivent pas toujours la pression que leurs amants peuvent subir pour des bonnes ou des mauvaises raisons. Les types animés de « l’obsession de la pénétration répétée », comme tu dis, ont peut-être peur d’être mal jugés par leurs maîtresses s’ils procédaient autrement, ou peur de quitter la chambre avec une image d’eux-mêmes complètement dévalorisée, parce que la société leur a fait croire qu’un homme digne de ce nom tire plusieurs coups dont chacun dure longtemps.
Oui, je parie que bien des mecs sont agités de trouilles qui m’ont saisi parfois, aussi stupides peuvent-elles paraître. Est-ce que je vais bander assez fort ? Est-ce que je ne vais pas éjaculer trop vite ? Est-ce que ma bite n’est pas trop ceci ou pas assez cela ? On est loin du grand mystère poétique dont je t’ai parlé plus haut mais l’amour physique est aussi fait de ça, et j’aimerais vraiment t’entendre sur ce thème-là : la peur des hommes face aux femmes, au lit comme ailleurs. Parce que cette peur existe, tu le sais – tu as toi-même abordé le sujet dans nos premiers échanges.
Je t’embrasse fort,
Brice
PS : comme toi, j’ai pris soin de ne pas parler de ma vie sexuelle actuelle, qui engagerait la femme avec qui je vis.
PPS : si tu le recroises, n’oublie pas de dire de ma part au type qui t’a dit « C’est fini » juste après ton « Je t’aime » que c’est un sombre connard.
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