Épisode 18, le 19 avril 2023: Ah la la, si on ne peut plus rêver
Description
Chère Sandrine,
Ah la la, si on peut plus rêver... J’ai écrit « Je veux penser »... On est tous des cafetières mais il est parfois bon de l’oublier. Et qu’est-ce que tu me sors avec ces images de femmes irréelles qui m’auraient d’une certaine manière conditionné ? Ce que j’essayais de te raconter n’était en rien lié à l’apparence. Il s’agissait des émois, osons le mot, « poétiques » d’un ado face à la Différence avec un D majuscule. Du vertige qui le saisissait. Tu me parles de « mâle qui se pâme », de « femelle » qui se cogne tout le boulot de découverte... Je comprends que tu sois sur tes gardes, avec tout ce que vous subissez, mais enfin, même si tu ne l’as pas vécu comme ça, aucune inégalité là-dessous, je n’ai jamais interdit aux nanas de se faire leur cinéma sur les mecs. J’ai d’ailleurs connu une fille, n’ayant de son côté que des sœurs, qui m’avait confié toutes les questions, et donc tous les fantasmes, que le masculin lui inspirait. On était très loin de la mécanique, très loin des cafetières, très loin des rôles impartis à chaque sexe, et c’était magnifique.
L’état d’amnésie que procure l’amour aussi. Je ne sais pas si c’est bien ce dont tu parles mais la recherche et le partage du plaisir font oublier le monde tel qu’il est, et Mon Dieu, si j’ose dire, que ça fait du bien ! « Abandon », « grand mystère », « alchimie », « fascination »... J’opine à tout ce que tu dis !
Après, envoie-les bouler, tes clowns qui prennent trop de place, tu es assez forte pour ça. Et permets-moi de te contredire quand tu affirmes qu’on ne demande jamais aux garçons de se calmer et de partager – j’ai entendu tellement souvent ces injonctions adressées (à raison) à la gent masculine. Quant à ma pomme, après avoir été élevé dans un milieu de mecs, j’ai tout le temps travaillé dans un milieu quasi exclusivement féminin – la fac de lettres, l’Éducation nationale, les bibliothèques... Je serais moins sévère que ma femme qui n’a pas de mots assez durs contre ce genre de situation. Elle a été éduquée dans des établissements scolaires de filles et en garde un très mauvais souvenir – des mesquineries, des jeux de pouvoir, des ambiances délétères... Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des tas de copines et d’amies, ça va sans dire, mais elle trouve le mélange beaucoup plus sain.
Yo también. La non-mixité continue à me choquer profondément, même après avoir lu les arguments de ses adeptes. On va rester entre hommes, entre femmes, entre hétéros, entre homos, entre trans, entre blancs, entre noirs, entre jaunes, entre bleus pâles, entre bleu foncés, entre chevelus, entre chauves... Tu te souviens d’Audrey Pulvar qui, dans sa grande mansuétude, avait concédé que les personnes blanches pouvaient accéder aux réunions des racisées... à condition de se taire ?
Je ne comprends pas comment ces gens-là ne se rendent pas compte qu’ils agissent comme les pires de leurs adversaires. De la ségrégation sexuelle pour lutter contre le sexisme, raciale contre le racisme... Logique étourdissante ou, pour quitter le registre de l’ironie : c’est pas avec ça qu’on va mieux s’aimer, bordel de merde !
Bises à ma clownette adorée…
Ah tiens, pour terminer mon petit laïus sur la non-mixité. Au cours de ta lettre, tu m’as dit : « Je suis très mal placée pour savoir ce qui se passe dans la tête de l’autre. » Eh bien ça peut servir à ça, la mixité, à savoir un peu plus ce qu’il y a dans la caboche en face de la tienne.
Sinon, je sais bien que tu conclus en disant que tu n’as « pas spécialement envie » de cette non-mixité. Moi, elle me donne spécialement des haut-le-coeur…
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