Épisode 13, le 7 avril 2023: Pourquoi je me suis fourrée là-dedans ?
Description
Cher Brice,
Je ne suis plus dans l'Yonne, mais à Toulouse pour quelques jours, juste le temps qu'il fallait pour être à la manif d'hier. Et c'était intéressant de sentir que le peuple a envie d'occuper l'espace public autrement avec ses faux départs et ses suspensions...
J'ai mis bien longtemps à te répondre cette fois-ci. Certes, je manque parfois de temps et d'énergie, mais là il y a eu tellement de malentendus sur ce que je t'avais écrit précédemment, que je ne savais plus par quel bout m'y prendre. Et pour être totalement honnête, j'ai dû aussi faire face à mon agacement profond de certaines de tes affirmations et positionnements, qui m'obligent à recommencer sans cesse cette "éducation féministe pour les nul.e.s" (nul.e.s dont je fais partie, mais qui s'éduque toute seule). Alors je me suis demandée pourquoi je m'étais fourrée là-dedans. Tu sais, je suis tout le temps la copine qui a l'étiquette féministe collée dans le dos et qui doit aux repas de famille ou dans les premières rencontres, expliquer gentiemment (le gentiemment est important, surtout ne pas montrer son ras le bol de la situation...) que oui not all men, mais very beaucoup quand même et que l'on s'attaque à des mécanismes et non tonton on ne parle pas de toi toi toi en particulier, mais que ta réaction même, vient souligner ce que le patriarcat a d'insidieux et violent, quand tu parles plus fort pour avoir raison ou que tu me coupes la parole à chacune de mes phrases en commençant d'abord par dire non... Tu vois ce truc d'avoir raison. Et bien moi je m'en fous d'avoir raison. Je doute tout le temps à vrai dire. Et mon cher Brice, j'ai hésité à te donner ce mot de la fin dans l'absence d'une réponse de ma part. Mais j'en ai d'abord écrit une, puis, deux, puis trois. Et je me suis dit en fait, pas de réponse c'est bien aussi. Tant que ce n'est pas une réponse sincère et que je ne te prends pas pour un con ( ce mot qu'on utilise en insulte, alors qu'il est d'abord mon sexe, on aurait pû dire te prendre pour une bite, mais non. On a même la combo pomponette "con comme une bite", passionnant tout ça).
--- WOKE IN PROGRESS ---
L'histoire de l'ostracisation des femmes par la modernité n'est plus à refaire, mais à défaire (un bouquin chouette parmi d'autres, celui de Pascal Picq). Le devoir conjugal, ce qu'il entraîne légalement, ce n'est pas du consentement mutuel. Êtes vous ok pour épouser truc "oui, et vous "oui", jusque là tout va bien. Mais après : iel ne veut pas coucher avec moi, ah bah ça c'est un devoir non rempli qui justifie au mieux le divorce au pire... Ce n'est pas mettre le consentement dans le lit conjugal et ça invisibilise, le viol conjugal ! Selon moi, c'est une mauvaise base de vivre ensemble, de partir sur des fondamentaux qui ne mettent pas le consentement au cœur de nos vies.
Mais a-t-on vraiment envie de questionner le patriarcat quand on est un homme ? Malgré ta sensibilité, tu restes du côté le plus confortable.
En fait, pardon, mais je m'arrête là. A chaque fois, je me retrouve coincée car il faudrait qu'en touchant la main de mon interlocuteurice je puisse lui transmettre trente ans de recherches et d'expérimentation de ces questions et ce n'est pas possible. Du coup ça crée un décalage énorme, avec souvent une merveilleuse et sincère envie de comprendre et d'apprendre de la part de mes interlocuteurices mais avec les bouleversements que ça entraîne en accéléré et avec l'envie d'arriver à la fin avant d'avoir commencé. Du coup je me retrouve en "prof de féminisme pour les nuls" et ça ne m'intéresse pas. Il y a des gens bien plus compétent.e.s que moi. Et
Et tu vois, je m'étais arrêté là.
Et je pense que c'est assez, pour cette fois de mon côté. La plume est dans ton camp et j'espère que tu auras plus de rebond que moi aujourd'hui. Oser être en conflit sur des sujets, c'est entrer dans l'intime pour de vrai et laisser tomber les apparences.
Bises