Épisode 9, le 17 mars 2023: Commençons par mettre les choses au clair
Description
Commençons par mettre les choses au clair, ma chère Sandrine, même si j’ai bien noté les rires qui accompagnaient tes mots : je ne prétends pas du tout être ton docteur ou t’allonger sur un divan – ni ailleurs ! Je respecte trop qui tu es et ce que tu penses pour t’expliquer la vie du haut de ma grandeur (toute relative : je mesure 1m71). Je te donne simplement mon point de vue sur ce que tu me racontes. Aucun « mansplaining » là-dessous – tu vois, moi qui déteste les anglicismes, j’ai retenu ce terme qui stigmatise la condescendance avec laquelle certains hommes expliquent aux pauvres petites femmes ce qu’elles ont très bien compris sans eux.
Ce qui ne signifie heureusement pas que je suis toujours d’accord avec toi. Je le suis évidemment quand tu dénonces le viol et les violences sexuelles ou physiques que subissent les femmes. Je le suis aussi quand tu remets en question la manière dont certains lourdauds peuvent draguer (et dont j’ai dû parfois faire partie, hélas... Au fait, je ne connaissais pas la délicate expression « glisser une disquette »). Je le suis un peu moins quand tu écris que les garçons estiment qu’il est normal pour eux de ne penser qu’à « ça ».
La question, à mon avis, ne se pose pas en ces termes. Ce n’est pas normal ou anormal, c’est, tout simplement. Comme je te l’ai dit dans ma dernière lettre, la plupart des hommes ont très vite des idées qu’on peut juger mal placées si on ne les partage pas. Le leur reprocher, c’est aussi incongru que d’en vouloir à quelqu’un parce qu’il a faim ou soif. Mais s’ils ne peuvent empêcher l’éclosion de leurs désirs, ils ne doivent pas se laisser déborder ou guider par eux. Ils doivent résister à leurs pulsions, et, malgré les saloperies que tu as subies, malgré la drague pénible, le harcèlement, les violences, les viols dont trop de femmes sont l’objet, je veux croire que la plupart des hommes en sont capables.
--- WOKE IN PROGRESS ---
Une chose est sûre : je me serais montré plus protecteur à son égard. Pas forcément par peur qu’elle tombe enceinte, comme tu le dis, mais pour lui éviter autant que possible tous les dangers qui guettent les filles et les femmes, ceux que tu dénonces à juste titre dans tes lettres et dans ton quotidien. Par souci d’égalité, il faudrait que les adolescentes puissent vivre leur vie comme les garçons mais cela suppose que les prédateurs en tous genres aient disparu comme ont disparu les dinosaures. C’est notre objectif, ma chère Sandrine, mais pour l’instant le combat n’est pas gagné, si un jour on le gagne... Aussi triste, aussi tragique que ce soit, je comprends le père ou la mère qui s’inquiètent particulièrement quand leur fille de 15 ou 16 ans marche seule la nuit dans certaines rues. Le garçon aussi prend des risques, me diras-tu. Oui mais beaucoup moins.
Allez, assez parlé pour aujourd’hui. Je m’éclipse, mais pas avant de te dire que j’ai adoré ton jeu de mots : « woke in progress ». À tel point que je me demande si ce n’est pas le titre de notre œuvre commune – spectacle, podcast, livre, tout ça ou rien du tout, on verra.
Ah merde, ce sont des mots anglais (rires). Tant pis. Un moment de shame est vite passé !
Je te fais de gros kisses,
Your Brice
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