Épisode 4, Le 4 mars 2023: La bonne volonté est un début
Description
Mon cher Brice,
Je t'écris du Gers, au coin du feu, dans un magnifique endroit entouré de forêt en face du village de Marsolan (il me semble que tu connais bien le coin). Les jonquilles sont en fleurs. Venant d'un milieu plus que modeste, je mesure ma chance à chaque seconde d'être accueillie ici. Richevolte est une magnifique bâtisse, qui a été traversée par beaucoup d'artistes. Mais surtout c'est un endroit où le foyer est doux et protecteur, avec de belles personnes qui en sont les propriétaires, des gens qui agissent pour la cause des migrants dans notre pays, et ça vois-tu, ça me touche bien plus que les œuvres qui m'entourent. Ces quelques derniers jours, lorsque tu m'envoyais ta dernière lettre des Canaries, destination pour "enseignants à la retraite et senior milieu de gamme" selon Houellebecq*, j'emmenais mon fils au ski au milieu des rendez-vous professionnels organisés dans les Hautes Alpes. Et je me suis fait la réflexion suivante : nous vivions touste les deux les "vacances" d'un monde en extinction. Je ne sais si c'est la beauté de tes clichés sur facebook, instants éphémères d'un calme envolé de puffins cendré, ou la neige artificielle répandue pour donner l'illusion d'un hiver perdu qui m'a rappelé cet étrange moment que nous vivons, en conscience de la fin inéluctable de quelque chose.
J'ai souri tendrement à la lecture de ta description de toi jeune homme, fin et poète, qui a su séduire les cœurs. Ça ne m'étonne pas, tu es toujours ce jeune homme, c'est bien lui que j'ai rencontré, avec quelques traces du temps en plus qui l'embellissent encore. Lorsque tu évoques tes relations d'amitiés fortes avec la gente féminine et leur ambiguïté, ça me rappelle ma déception profonde et mon sentiment de trahison lorsque mon meilleur ami m'a dit vouloir coucher avec moi au bout de vingt ans d'une amitié sans faille partagée. Je suis de cette espèce qui pense que l'amitié n'a pas de sexe. Je suis d'une espèce séductrice par nature, même face à un pigeon qui passe sous ma fenêtre, je fais les yeux doux au monde pour le traverser, sans aucune attente que le monde ne me pénètre en retour ! Même si je sais que l'amitié n'est qu'une des formes d'amour que nous éprouvons et que seule la peau nous sépare du reste, j'ai besoin de croire que le désir sexuel ne se fourre pas partout. Peut-être parce que la pulsion peu éduquée des garçons me met en alerte.
Une femme libre que je suis... Ça me flatte que tu me vois comme ça. Et je le suis certainement à beaucoup d'égards. Et pourtant je me bats tous les jours pour le rester et certains jours, je me sens bien coincée dans mes systèmes de servitudes bien intégrés crois moi. Je serai moins aimable, si j'étais vraiment libre. Et si j'avais su rester libre, je n'aurai pas mon merveilleux fils. Je serai certainement plus égoïste et plus égocentrique. J'ai des territoires de liberté que je cultive, d'autres que j'ai abandonné. 50 nuances de gris comme tu dis si bien.
--- WOKE IN PROGRESS ---
Je te propose de m'arrêter là, et de revenir sur ton dernier courrier qui m'inspire encore, un peu plus tard. Il me semble que toi aussi tu souhaites prendre le temps de revenir sur quelques points. Alors revenons avant d'aller plus avant, travaillons notre terre pour qu'elle soit féconde, nous sommes encore en hiver...
Juste te dire que Houellebecq devrait s'en tenir à écrire des romans de gare, c'est celui que j'ai préféré. Et que j'ai pris une grosse fessée d'une copine dyslexique sur facebook suite à un de mes posts en écriture inclusive.
Je t'embrasse, je vais maintenant me laisser hypnotiser par le feu, un verre d'Horgelus à la main. A la tienne cher ami, ta santé est bien plus précieuse que quoi que ce soit.
PS : J'envoie une proposition de podcast sur la base de nos échanges à Arte radio, je me dis que ce serait chouette sous forme audio et que chacune de nos voix lise la lettre de l'autre...